a l`attention des conseillers d`orientation

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a l`attention des conseillers d`orientation
A L’ATTENTION DES CONSEILLERS D’ORIENTATION – PSYCHOLOGUES, DIRECTEURS DE CIO
ET DE LEURS PARTENAIRES INSTITUTIONNELS
POUR UNE EVOLUTION SYSTEMIQUE RADICALE :
Supprimer « L’ORIENTATION », pour mieux se consacrer à la Transmission des savoirs , à la
Connaissance des formations et des métiers, à l’Aide Psychologique et au Conseil ?
« Une utopie n’est qu’une vérité différée » (LAMARTINE )
RÉSUME : Circonstances, Polémiques et Hypothèses ….
Directeur de CIO, je suis interpellé par toute une série de rapports qui amalgament la question de
« l’Orientation » et celle des « Services d’Orientation » et des COPs ; mais aussi par des études
récentes du CEREQ : « génération 2004 » - « le système d’Orientation »- « Orientation : la Parole aux
élèves » - « Quels repères pour trouver son chemin ? »
En essayant de dépasser le sentiment de colère devant l’organisation de la destruction de nos services
entreprise par les pouvoirs publics, et m’appuyant sur une expérience professionnelle de prés de 40
années dans les CIO,
Je suis conduit à m’interroger :
-Pourquoi l’Orientation est elle si mal perçue ?
-Le pouvoir d’Orienter n’en est il pas responsable ?
-Ne s’oppose t’il pas à l’aspiration de la personne à diriger sa vie ?
- Ne doit-on pas envisager de supprimer l’Orientation et ses procédures ?
- Quels pourraient être les effets d’une telle évolution ?
Aujourd’hui, les services d’Orientation et leur personnel (les COP et DCIO) sont assimilés au
fonctionnement du « système de Formation et d’Orientation » et à la persistance de son caractère
gravement inégalitaire. Tous les arguments rationnels et les témoignages en leur faveur s’opposent à
autant d’arguments ou de témoignages négatifs et cette opposition ne fait pas avancer le débat. C’est
donc que le problème dépasse celui des compétences des uns ou des autres :
De manière latente, on sent bien que personne n’est à l’aise avec la question du devenir des jeunes
générations, et que l’Orientation cristallise des enjeux et des intérêts contradictoires entre une « égalité
des chances » revendiquée, et un « modèle dirigiste » appliqué.
L’Orientation et l’affectation, en formation initiale, s’apparentent toujours à un « tri sélectif » sur des
bases sociologiques (cf. études du CEREQ), et le pouvoir des enseignants et des chefs
d’établissements y reste très important.
HYPOTHESE : L’ORIENTATION vécue comme subie, symbolise l’accumulation pendant des
dizaines d’années ,de centaines de milliers de frustrations individuelles liées aux parcours
scolaires et à des situations existentielles qui y sont rattachées : Elle les alimente et les renforce
en même temps . La suppression des procédures d’Orientation contribuerait à réduire l’aspect
inégalitaire du système éducatif et ferait respirer toute la société .
Son remplacement, par un processus de : « AIDE AUX CHOIX DE PARCOURS DE FORMATIONS »,
ne laisserait-elle pas plus de marges de liberté à la personne pour prendre en main son devenir, et à
des conseillers psychologues pour l’y aider ?
Ce changement ne permettrait il pas d’insuffler du dynamisme et de l’énergie dans le champ éducatif et
social, en favorisant la diversité culturelle ?
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Il permettrait en tous cas de contrer les attaques réactionnaires contre le service public d’éducation, qui
est de fait remis en question sur ses points faibles (organisés et structurels tel l’ORIENTATION) pour
mieux préparer l’avènement d’un système à dominantes privées, ou les formations deviendront
accessibles après une sélection par l’argent et seront guidées par les variables de l’économie. ( L’UMP
considère que les enseignants ne devraient pas appartenir à la fonction publique )
Sans trahir leur histoire et leurs racines, les services d’Orientation ne peuvent-ils pas soutenir une autre
approche de l’avenir des jeunes générations, de leur formation et de leur insertion, dans la tradition
avant-gardiste qui a longtemps été la leur ?
Ce texte n’est qu’une base de questionnement et de réflexion, à débattre.
Il n’est pas une fin, mais un appel à créer un rapport de force favorable aux «modifications
institutionnelles» forcément consécutives à la disparition des contraintes liées à l’Orientation, et que je
vais essayer d’esquisser.
Aux organisations professionnelles et syndicales d’en mesurer les conséquences et l’intérêt.
A/ TENTATIVE DE DEMONSTRATION DE L’HYPOTHESE DE DEPART….PAR L’EXPERIENCE :
I. LE CONTEXTE : L’ORIENTATION ET LA DYNAMIQUE DU SYSTEME DE FORMATION
UNE LONGUE HISTOIRE :
En 1988, une circulaire du Ministère de L’EN indique : « Il faut substituer une Orientation Conseil à une
Orientation Verdict » ; c’était quelques mois avant la loi d’Orientation sur l’Education du 10 juillet 1989
précisant que «le droit au Conseil en Orientation et à l’Information sur les enseignements et les
professions, fait partie du droit à l’Education». A l’époque , j’exerçais depuis 18 ans en CIO , et ces
textes législatifs successifs venaient conforter mon expérience et celles de nombreux Conseillers
d’Orientation (pas encore Psychologues) : sur le terrain, il faut fréquemment : rappeler les droits des
élèves et des familles ; se battre pour faire entendre que l’élève est une personne et qu’il ne se résume
pas à ses seuls résultats scolaires ; promouvoir la valeur de l’enseignement professionnel ; restaurer les
« images de soi négatives » des élèves « Orientés » précocement et souvent contre leur gré. Les
choses ont-elles vraiment changé ?
Il n’y a pas eu par la suite, de textes aussi importants en matière d’enjeux sociétal et
paradoxalement, c’est à partir de cette époque , que les services d’Orientation ont progressivement été
abandonné par leur ministère de tutelle : alors qu’il aurait fallu leur donner des missions précises et des
moyens pour favoriser l’application de ces textes , c’est le contraire qui s’est produit : On peut faire
l’hypothèse qu’il a été plus facile de sacrifier les services d’Orientation plutôt que d’affronter les
syndicats enseignants les plus réactionnaires sur la question sensible du pouvoir lié à l’Orientation
des élèves .
Ou en sommes-nous aujourd’hui ? Les objectifs des circulaires de 88 – 89 sont ils atteints ?…... Notons,
que les Circulaires de 1996 sur l’EAO, puis celle de 2006 sur l’option DP3 et celle de 2008 sur le PDMF
ignorent l’action des services d’Orientation ; Quant à la loi de 2005 sur l’Avenir de l’Ecole, elle semble
considérer que « la nécessaire élévation du niveau des qualifications » passera par une meilleure
information des élèves sur les métiers et les formations ( ?)
C’est donc à travers toute une série de rapports ou d’études que la question de l’Orientation et de ses
dimensions toujours inégalitaires ressurgit, mettant en évidence la persistance de cette caractéristique
du modèle français .
Que pouvons-nous observer ?
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Si l’on peut se féliciter des progrès du système éducatif en matière de démocratisation et d’élévation du
niveau général de qualification, dans les années 80 et jusqu’au milieu des années 90, on ne peut que
constater leurs stagnation depuis 15 ans : 64% d’une classe d’âge diplômé à niveau 4 est un résultat
en « trompe l’œil » car ils regroupe Public et Privé . Dans le Bassin Arles- Tarascon ( plutôt défavorisé
au plan économique et social) un suivi de cohorte d’élèves de 6° en établissements publics , de 2000 à
2008 , pointe 32% de diplômés au niveau 4 (tous bacs confondus) . Considérant que les chiffres du
Privé (non publiés) ne sont pas meilleurs, on peut mesurer l’accumulation du plafonnement éducatif
cumulé années après années. On peut aussi regretter que les moyens accordés au Privé sous contrat,
ne viennent pas augmenter ceux de l’enseignement public.
1 / L’ascenseur social est bloqué : l’enquête du CEREQ sur la « génération 2004 » démontre que :
« On compte neuf enfants de cadres pour un enfant d’ouvriers parmi les titulaires d’un doctorat
et, à l’inverse, parmi les jeunes qui quittent le système éducatif sans diplôme, on compte sept
enfants d’ouvriers pour un enfant de cadres ».
Les performances du système de formation (public et privé) ne sont pas à la hauteur des
attentes : dans la même enquête du CEREQ : La génération 2004 compte :
17 %
17 %
24 %
19 %
7%
5%
9%
2%
sans aucun diplôme
avec un CAP ou BEP
avec un BAC (tous bacs confondus)
avec un BAC + 2
avec une LICENCE
avec un BAC + 4
avec un MASTER
avec un DOCTORAT
En 2007 : Les actifs de - de 24 ans sont 12,9% avec un diplôme du Supérieur court ; Les 25 -29 ans
sont 20% ; Les 30 – 39 ans sont 17,6%.
Les actifs (-24) sont 8,3% avec un diplôme supérieur long ; les 25- 29 ans sont 22,9% ; Les 30- 39 sont
20,9%.
En LP, les abandons en cours d’études sont très importants : entre 15% et 40 % selon les
spécialités
1/3 des contrats d’apprentissage sont rompus avant leur terme
50 % d’échec dans le 1er cycle universitaire
Echec sensible de « l’orientation active » en lycée et de l’Education à l’Orientation en collège :
Ce sont les élèves qui pourraient, à la limite, s’en passer, qui adhèrent à ces démarches, pas ceux à qui
elles étaient à priori destinées :
Ces observations ministérielles, les CIO et les COPs peuvent aussi en témoigner, depuis bien
longtemps. Pourquoi ne pas s’en être servi dans l’institution ? Pourquoi ne pas en avoir fait une de leurs
missions ?
2/On pourrait allonger la liste des constats « négatifs » où la question de l’Orientation est posée, mais
ou elle masque en fait des problèmes de formations : Quand la formation se déroule normalement, les
problèmes d’Orientation sont rares ! Et ces deux processus,en interaction, sont étroitement dépendant
des conditions de vie des familles. En cela, la précarisation et la souffrance sociale, en constante
augmentation depuis plusieurs années, créent les conditions de dysfonctionnements majeurs, jamais
atteints. Ainsi l’Orientation, en tant que révélatrice de ces phénomènes est une question
politique ; son existence s’appuie sur un système de valeurs dont il faut bien mesurer les
finalités et les conséquences, en posant la question centrale de la légitimité du pouvoir de
décision à priori sur l’avenir, exercé par certains citoyens sur d’autres.
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Pour améliorer les choses, le ministère de l’EN actuel confirme des milliers de suppression de postes
d’enseignants ou d’adultes pour encadrer les élèves( ?) ;
Par ailleurs, il souhaite confier l’Orientation aux Enseignants « qui connaissent le mieux les élèves »
(selon X. Darcos) et joue la carte de L’information ( plate forme multimédia) ; Si cette approche, confiée
à l’ONISEP , est à considérer avec intérêt , car elle tient compte de la manière des jeunes actuels de
rechercher l’information , elle ne saurait être une réponse au malaise qui touche au processus
d’orientation , ni aux difficultés rencontrées par beaucoup de jeunes dans leurs formations et dans la
construction de leurs projets d’avenir .
Parallèlement, le ministère remet directement en question les CIO et leur personnel (sans pouvoirs
réels dans les «décisions d’orientation »), en réduisant considérablement les postes (1 remplacement
pour 6 départs à la retraite) et les budgets des CIO : Les seuls acteurs institutionnellement « neutres »
dans l’Orientation voient leur travail dénié et cela est révélateur d’une dérive dirigiste : en laissant
entendre que l’information va régler les problèmes d’Orientation, on va, de fait, laisser les
processus d’exclusion de l’Ecole se continuer .
Au-delà des raisons économiques, le phénomène bien connu du « bouc émissaire » est à
l’œuvre, et permet de ne pas aborder les questions essentielles de la qualité de la formation des jeunes
et des moyens qui y sont nécessaires, ni celle du principe même « d’Orientation » dans notre système
éducatif.
On peut bien sur considérer cette question comme un « détail »du système ; D’autres problèmes
récurrents semblent bien plus importants : La notation des élèves , l’évaluation des compétences ,
« l’ennui » des élèves , leur tendance au décrochage ,l’offre de formations et les difficultés d’affectation ,
etc. …….autant de questions que j’ai choisi de ne pas aborder dans ce texte , persuadé qu’elles sont
fortement dépendantes de celle des procédures d’Orientation et que la suppression de cet obstacle
obligerait tous les acteurs à reconsidérer leurs pratiques .
II. LE PRINCIPE DE L’ORIENTATION EN QUESTION :
Dans le système éducatif, le principe « d’Orientation » est entendu avant tout comme une suite de
« procédures » : Faut- il s’étonner de la « faible participation » des parents « qui en auraient le plus
besoin » aux temps d’information et de dialogue des 1° et 2° trimestres ? Est il acceptable que l’avenir
d’un adolescent se joue trop souvent , dans la précipitation , au mois de JUIN ? Demande de la famille ,
proposition du conseil de classe et arbitrage éventuel du Chef d’établissement , sont des procédures
biaisées puisque la décision finale échappe au demandeur . On peut faire l’hypothèse que, dans le cas
contraire , la participation des familles tout au long de l’année , serait beaucoup plus importante .
L’Orientation en tant que processus éducatif n’a jamais pu s’imposer ni à l’école, ni dans la société
civile ; Pourquoi ?
L’Orientation est un « GROS MOT » : Il est en surcharge de signifiants contradictoires qui créent
le trouble et la confusion.
Si, pour les spécialistes, il recouvre l’idée de « choisir des études ou un métier » , pour le commun des
mortels il est équivoque ; plutôt entendu comme une action qu’on subit ( être dirigé vers…) que dans sa
dimension active ( Se diriger vers….) Il existe bien une confusion de sens , alimentée par les pratiques(
et par les médias) et qui occulte le but essentiel, « choisir son avenir », et la difficulté de ce travail pour
des adolescents en construction .
Si cette confusion sémantique existe, c’est qu’elle représente et alimente à la fois un
fonctionnement systémique dirigiste et pyramidal, resté le même depuis 50 ans .
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Ainsi, « L’Orientation » peut être :
Porteuse d’ambiguïté majeure, car trop souvent, elle relève d’un processus d’exclusion, reposant plus
sur les limites et échecs (peut-être temporaires) des élèves, que sur leurs ressources et compétences.
Destructrice de l’estime de soi, car basée essentiellement sur la notation de performances par
rapport à une norme socialement très marquée.
Elle participe au brouillage de l’image de certains métiers ( qui se sabordent déjà seuls ! ), abordés
avec beaucoup de négativité, par les jeunes et les familles ayant subi une orientation trop rapide, et
mal préparée.
Par ailleurs, le pouvoir d’Orienter contribue à renforcer de manière exagérée l’influence des
enseignants sur le devenir des jeunes, et alimente une reproduction des élites essentiellement culturelle
et économique (CPGE, ESC, EI ……), dont on voit aujourd’hui qu’elles peuvent conduire le monde
financier à la faillite : « Les modèles mathématiques et économiques ne fonctionnent plus » (C.Lagarde)
Ce pouvoir, dénature la relation entre enseignants, parents et élèves, et piège tous ces acteurs, qui
devaient faire alliance pour favoriser un devenir ouvert, dans des postures d’adversaires aux positions
souvent inconciliables.
Si l’Orientation concertée évite ces extrémités, elle reste tout comme les entretiens systématiques en
une forme de contrainte douce, qui se manifeste par le « chercher à convaincre ».
Il détourne les enseignants de leur fonction première , « transmettre des connaissance » et des
« savoir faire », en leur conférant une charge que rien ne justifie dans une société évoluée
comme la notre :
Décider de l’avenir d’un jeune, même si c’est le Chef d’établissement qui assume cette fonction,
place les enseignants dans un double rôle de juge et parti qui n’est pas sain.
Les commissions d’appels sont des moments surréalistes : Les enseignants se sentent déjugés et
beaucoup de parents choisissent d’exposer des situations dramatiques ou douloureuses, qui ne
devraient pas l’être devant 12 personnes . Arriver à de telles extrémités uniquement pour se faire
entendre et obtenir un passage en seconde est une aberration ! Ne parlons pas des recours en Tribunal
Administratif, en constante augmentation, et qui mesurent bien le pourrissement des relations entre
l’école et ses usagers.
Et je parle ici des parents qui réagissent ! Ils ne sont pas les plus nombreux ….
La perception négative de l’Orientation par de nombreux élèves plombe l’action des COPs et devient
un obstacle à une véritable approche éducative de la question de leur devenir. Elle les ferme à
l’information, alors perçue comme une tentative d’influence, et empêche toute attention à leur propre
ressenti.
La perspective de l’Orientation empêche trop d’ élèves de se concentrer sur leur tâche essentielle :
« assimiler des connaissances », en les polarisant sur l’objectif de ne « surtout pas être orienté » et en
créant un obstacle à la découverte des formations qui leur conviendrait le mieux.
C’est une hypocrisie sociale :
« L’Orientation, c’est indispensable et nécessaires » …surtout pour les enfants des autres…
Elle est alors présentée comme positive, devant s’appuyer sur les intérêts et les aptitudes des élèves, et
sur les besoins de l’économie.
Hypocrisie, car chaque chargé de formation sait parfaitement qu’il est très difficile de transmettre (pour
l’enseignant) ou d’assimiler (pour l’élève) un apprentissage quel qu’il soit, à partir d’une « Orientation »
vécue comme subie ; Celle-ci renforçant alors le sentiment d’exclusion.
L’acquisition d’un savoir intellectuel ou professionnel n’est possible que s’il s’inscrit dans une
dynamique de plaisir partagé entre le maître et l’élève.
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La rigueur et les contraintes liés à tout apprentissage ne sont acceptées et recherchées par
l’élève que lorsqu’elles s’inscrivent dans un processus ou la liberté de choix initiale a été
respecté :
Si ce n’est pas le cas, il réagit par l’apathie, la violence ou la fuite.
Actuellement, la notion d’Orientation est le terreau d’une conception dirigiste du devenir de la jeunesse
et les tentatives pour orienter les jeunes vers des formations aux métiers « en tension » ou vers
d’hypothétiques débouchés, sont sur le point de se concrétiser (voir les déclarations de Xavier Darcos
sur la mise en place des Nouveaux services de l’Orientation : la plateforme multimédia de l’ONISEP)
Les procédures d’Orientation créent dans la formation initiale un état d’esprit défensif et un manque de
confiance réciproque qui se transmet à l’ensemble du corps social :
L’Etat est obligé de payer les entreprises pour embaucher des jeunes ! Une tradition française ou les
jeunes semblent toujours déranger quand la conjoncture est mauvaise.
Le non respect des aspirations individuelles et des différences, et l’absence d’une reconnaissance du
droit à l’expérimentation et à l’erreur, se poursuit après la formation, dans le champ de l’emploi :
De manière en partie inconsciente, les branches professionnelles ont mis très longtemps pour
commencer à modifier positivement les conditions de travail (salaires…, sécurité etc.…) pour
transformer leur image : Dans leurs réticences, on pouvait entendre de manière latente :
« Pourquoi faire des efforts pour des personnes souvent non qualifiées, mal orientées et donnant une
image d’elles-mêmes dévalorisée ? »
L’absence de dialogue social dans certaines entreprises, spectaculairement mise en lumière dans la
période actuelle, relève de ce mécanisme, basé sur le mépris et le non respect des plus fragiles.
Enfin, de nombreux pays, à l’image du Danemark, du Canada, ou, plus prés de nous, de l’Italie,
proposent un système comportant une « liberté de choix » et une « responsabilité de décision des
familles » , et présentent des résultats souvent meilleurs que les nôtres .
Les observations de ce chapitre ne sont pas des opinions : Elles se basent sur les quelques (c’est une
estimation) 25000 entretiens individuels avec des élèves et des familles en demande, les 6000 travaux
en groupes, les 3000 participations à des équipes éducatives et les 1500 conseils de classe ,
commissions d’appels et réunions avec des partenaires, réalisés en 39 ans de pratique du conseil en
orientation. Bien évidemment, ces situations ont contenu autant d’éléments positifs que négatifs, mais
aujourd’hui, il m’est apparu indispensable de porter témoignage, et d’identifier les problèmes pour
envisager du changement.
B/ DES PISTES POUR UN CHANGEMENT DE FONCTIONNEMENT :
I/
ANALYSES et PROPOSITIONS :
1/ Si les procédures d’Orientation ont évoluées depuis les années 70, accordant peu à peu plus de
pouvoir aux familles, il subsiste encore de nombreux verrous : fin de 6° , 4° , 3° et 2° ! Excusez du
peu ! Au cœur même des procédures d’Orientation, un élément reste permanent à travers les réformes,
qui explique peut être en partie l’échec d’une démocratisation plus importante : Le pouvoir de décision
des enseignants même atténué en « propositions » et celui renforcé, du chef d’établissement,
fige l’ensemble du système et pénalise considérablement les familles culturellement éloignées
de l’école. A cet égard, Il est choquant de constater comment les demandes initiales des jeunes ou des
familles sont souvent tournées en dérision et combien cette attitude crée des blessures narcissiques
plus profondes que l’on ne croie.
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Le pouvoir d’Orientation, « point de fixation » et « nœud de tensions » qui empêche une libre circulation
des énergies individuelles et collectives, pourrait être supprimé et remplacé par celui de « AIDE AUX
CHOIX DE PARCOURS DE FORMATION ». Dans ce système, le pouvoir de décision ultime serait
reconnu aux familles ou aux jeunes majeurs. Cela obligerait à un véritable questionnement
familial, à une attitude active et non pas réactive ou attentiste , avec pour seul objectif d’éviter
certaines « orientations » .
Le pouvoir du Maître avec l’élève, totalement légitime et indispensable pendant une formation
( pour autant qu’il s’exerce avec respect) ne se justifie plus quand il s’applique à priori, sur un
avenir dont on ne peut pas prévoir ce qu’il sera. Ce qui pouvait se comprendre jusqu’au milieu du
20°siècle, n’est plus légitime aujourd’hui , avec l’élévation du niveau culturel des familles et quand le
champ des possibles, pour un(e) adolescent(e) est immense.
La permanence de son application s’apparente désormais à un « interdit de devenir », à un refus
latent du pouvoir de se confronter aux exigences liées au désir de progresser vers une possibilité de
changement de condition sociale et d’en assumer les risques . Quand un adolescent ne peut pas
expérimenter son désir d’avenir, celui-ci il s’étiole puis disparaît ou se transforme ; mais l’envie
n’est plus là. Combien de pressions, de chantages, d’intimidations, de disputes familiales, de fugues et
autres passages à l’acte violents pourraient être évités par la disparition de procédures trop souvent
opaques et brutales et des pratiques qui en découlent ? Heureusement, de nombreuses personnes
présentent des parcours de vie remarquables, à l’inverse de ce qui leur avait été prédis ou imposé.
Malheureusement, elles sont encore trop nombreuses dans la méfiance vis-à-vis de l’école et de
l’orientation et dans la transmission de ce sentiment à leurs enfants : c’est un cercle vicieux
pathologique à l’échelle du pays .
2/ Dans une étude récente, le CEREQ, propose une analyse intéressante du fonctionnement du
système d’Orientation, mais ne fait aucune proposition concrète pour simplifier et améliorer un
« système complexe » :
Au-delà de l’évidente complexité d’un système ou interagissent de multiples variables il est pourtant
relativement simple d’identifier un fonctionnement qui pose question :
Les Enseignants et les Chefs d’établissements peuvent-ils continuer à détenir de fait, un pouvoir aussi
déterminant sur le devenir des jeunes ?
Le principe du « pouvoir » exercé, à priori, par certains sur l’avenir d’autres n’est pas un
problème complexe ; C’est une réalité vécue !………… :
Dire qu’il s’agit d’une question d’état d’esprit, appeler au « changement de mentalité » n’a jamais
permis d’avancer : le cadre législatif seul peut créer les conditions d’un changement pour rendre
possible une autre organisation de la formation, entraînant d’autres rapports éducatifs et peut être
sociaux .
II/
LES CONDITIONS ET CONSEQUENCES DE CE CHANGEMENT :
ATTENTION : Ces propositions ne sont que des pistes à travailler ; Il n’est pas question de se
substituer aux enseignants dans ce qui reste leur domaine .
AU COLLEGE et au LYCEE
PRINCIPES GENERAUX Donner du temps pour l’émergence des choix de parcours de formations.
* Renforcer le soutien pédagogique et psychologique .
* Développer transparence et dialogue.
* Redonner du sens au contrôle continu et aux examens .
* Multiplier les liens Ecole/Société .
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* Favoriser le travail d’observation et d’expérimentation en petits groupes .
QUEQUES ASPECTS A ENVISAGER :
 Les passages de la 6ème à la 3ème sont automatiques, les redoublements sont exceptionnels (à
la demande de la famille)
 En début de chaque niveau (6ème – 5ème – 4ème – 3èm_ 2° et 1°) les élèves n’ayant pas les
connaissances (et compétences) nécessaires pour s’adapter, sont regroupés pendant le
premier semestre en (français, math et sciences, LV1, méthodologie et motivation)
 Dans les autres matières, ils sont intégrés au groupe classe .
 Pour certains élèves âgés d’au moins 15 ans, des périodes d’alternances peuvent être
organisées à la demande de la famille ou avec son accord. Leur durée… (si supérieure à la
moitié du temps scolaire)…………….. en classe de 3ème peut être un élément déterminant (le
seul) qui puisse empêcher de s’engager dans un parcours de formation à temps plein.
REMARQUES : Actuellement on assiste au paradoxe d’élèves de 3° en PPPRS, en stage hors du
collège pendant les ¾ de l’année, et obtenant une proposition d’Orientation favorable pour un LP ! Si
l’on veut démontrer que suivre une formation ne sert à rien, il faut continuer ainsi. Quel est le sens des
décisions d’Orientation quand, dans le même collège, on refusera l’accès en LP à un élève ayant
assumé péniblement la totalité de son année de 3° ? Cet exemple montre bien le caractère délétère,
aléatoire et arbitraire de trop de propositions et de décisions d’Orientation.
Après la 3ème, les « voies d’Orientation » et les procédures qui s’y rattachent sont supprimées :
Après un temps de dialogue conséquent ( prévu au service des enseignants) et une information précise
(mini stages et échanges entre établissements généralisés) sur les caractéristiques et exigences des
différents parcours de formations possibles, et sur les compétences acquises ou non par un élève :
un conseil est donné à la famille, mais LA DESCISION DEFINITIVE LUI EST LAISSEE
(suppression des commission d’appel et des recours aux T.A.)
Les parcours de formation possibles sont :
o La préparation à un bac général
o La préparation à un bac technologique
o La préparation à un bac professionnel
o La préparation à un CAP
les 2 derniers peuvent s’effectuer à temps plein ou par apprentissage à la demande de la famille.
LE BREVET DES COLLEGES est maintenu :
On lui redonne du « sens », car son obtention (comme le bac) permet à un élève de s’engager
directement dans n’importe quel parcours de formation, à temps plein ou en apprentissage. Un contrôle
continue en 4° et 3° compte pour 60% et complète un examen final (40%) corrigé par des enseignants
d’autres collèges .
En cas d’échec au brevet, l’élève peut accéder à tous les parcours de formation par apprentissage, s’il
en exprime le souhait .
* Il peut entreprendre un parcours de formation à temps plein, non conseillé par ses enseignants, mais
devra suivre alors une période de remise à niveau et de révision pendant le premier semestre (en
complément de ses cours de français, math sciences, LV1 et méthodologie).
Une autre formule peut être d’effectuer la classe de 2°(GT ou PRO) en 2 ans ( programme adapté )
Une autre encore, d’intégrer une « année transitoire » ayant pour objectifs de :
Renforcer les acquisitions du socle commun.
Acquérir des méthodes de travail .
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Travailler le projet d’avenir .
* Les passerelles sont multipliées (dans un sens comme dans l’autre) entre chaque parcours de
formation :
Elles peuvent se faire à la fin de chaque année, à la demande de l’élève, en fonction des places
disponibles et/ou sur proposition des enseignants avec l’accord de la famille.
* De manière générale, aucune formation à caractère professionnel ne devrait pouvoir être entreprise
sans une motivation affirmée du jeune ; il faut donc créer les conditions pour qu’il puisse
« Expérimenter » diverses formations .
Les examens sont évidement maintenus, avec une part plus importante faite à un contrôle
continu revisité et supervisé ( correction par des enseignants qui ne connaissent pas l’élève ) et
à l’évaluation par compétences : En démocratie, c’est « l’heure de vérité » et le moment ou
chacun(es) doit assumer ses choix.
* Pour les formations où le nombre de demandes excédent le nombre de places, la procédure
AFFELNET est maintenue : des « quotas » respectant les proportions des classes d’origines sont
instaurés.
* Le PDMF est appliqué à tous les élèves dés la 5°. L’Orientation n’étant plus une échéance, ce
programme devrait prendre tout son sens éducatif, de formation citoyenne.
Ces principes ne remettent pas en question les procédures sélectives pour entrée dans
l’Enseignement supérieur. Cependant, les CPGE sont supprimées et intègrent l’université ou elles
peuvent être abordées après une première année . Dans toutes les formations supérieures (
Université comprise) des dispositifs d’aide méthodologique et de soutien pédagogique sont mis en
place : ils concernent le1/3 des élèves ayant obtenu le bac avec les résultats les plus faibles .
Le Bac se prépare dés la 1° selon le même modèle que le Brevet : Contrôle continue ( système de
partiels corrigés par des enseignants « neutres ») comptant pour 60% de l’évaluation et complété
par un examen final ( 40%) Il est le premier grade universitaire .
III/
DEVENIR DES CIO ET DES COPs DANS CES NOUVELLES DISPOSITIONS :
Il est fort probable, que les critiques dont ils font l’objet , visent à préparer la mise en place d’un système
d’Orientation beaucoup plus dirigiste, maquillé sous le couvert d’une information parée de toutes les
vertus émancipatrices, mais piloté par l’Economie .
Cependant, abandonnés depuis 20 ans par leur Ministère de tutelle, ils n’ont pas réussi à transmettre
une image positive du processus éducatif de l’Orientation, dans le champ social, même s’ ils étaient
probablement les seuls à y croire et à ne pas déformer sa finalité et son application : Dans ce
domaine l’objectif latent de pouvoir « Orienter » plus facilement les élèves ne pouvait que faire
échouer l’approche .
Les COPs sont devenus trop dépendants des établissements, apparaissant souvent comme de simples
« relais » des enseignants, sans analyses spécifiques perceptibles. Alors que leur « plus value » est
dans leur indépendance et dans leur position d’observation critique et constructive, leur affectation dans
les EPLE signerait leur disparition.
La dimension Psychologique de leur travail , quand elle existe ( un nombre significatif de
Conseillers ne la revendique pas) se voit parasité par leur proximité vis-à-vis des enseignants
détenteurs d’un pouvoir sur l’avenir des élèves : Quand ils interviennent dans des établissements
ou l’Orientation n’est pas un enjeux essentiels , l’accompagnement psychologique « de confort » qu’ils
proposent est plutôt bien perçu ; Par contre , dans des zones plus difficiles , leur action est souvent
vécue comme « inutile » ou « complice » dans la mesure ou elle n’a que peu d’influence sur les
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décisions d’Orientations qui pèsent énormément sur cette perception : Voir les positions divergentes
des parents de la PEEP et de ceux de la FCPE sur cette question.
Des approches de qualité, tel le travail sur les « représentations » ou sur « la clinique de
l’activité » exemplaires par leur caractère à la fois déstabilisant et structurant, prendraient tout
leur sens, dans un contexte débarrassé des échéances de l’Orientation .
PROPOSITIONS :
Les CIO pourraient devenir des « Centres d’Information et de Conseil sur
les formations et les métiers » : CICFM -, et les COPs, des « Psychologues-Conseillers en
Parcours de Formation » : - PSYCPF En effet le dispositif proposé, nécessite de développer de manière très importante un
service public (National ou Territorial ?) d’accompagnement des jeunes et des familles, spécialiste du
conseil en formation, que sont justement les COPs actuels.
Le CICFM,( toujours piloté par un Directeur dont le statut doit être revu )est le lieux
d’exercice principal des PSYCPF, intervenant aussi en fonction des demandes des établissements, ou
des individus, et proposant des actions diversifiées suivant les besoins d’information, de conseil et/ou
de bilan et d’accompagnement psychologiques. Le CICFM est aussi un centre de ressource et de
questionnement pour les personnels chargés, dans les établissements , de l’information sur les métiers
( Documentaliste et Enseignants ) et pour l’ensemble des acteurs de la société civile concernés par
cette questions ( parents d’élèves , branches professionnelles , syndicats de salariés …..) Son Directeur
pilote la coordination collégiale des actions d’informations à l’échelle du district ou du bassin .
Les Psychologues Conseillers en Parcours de Formation, recrutés après un master de Psychologie ,
reçoivent une formation en 2 ans autour de la Philosophie , de la Sociologie, de l’Economie et du
monde du travail ( dont 6 mois de stage en CICFM) . Ils n’assurent pas directement l’information sur
les métiers. Ils aident les personnels dont c’est la mission en établissement, à créer les conditions d’une
information objective et fiable.
Les PSYCPF interviennent pour favoriser un questionnement chez les élèves, et pour un
accompagnement personnalisé, ou en petits groupes, visant à faciliter l’intégration des informations, et
le recul indispensable vis-à-vis de celles-ci.
Le « Conseil en Parcours de Formations » est le cœur de leur métier.
Par ailleurs : Ils assurent une aide psychologique, individuelle ou en groupe aux élèves en difficultés
scolaires ou personnelles, à la demande des familles ou des jeunes eux-mêmes.
Ils sont membres permanents des Cellules de veille Educative ou des équipes de Suivi .
Leur présence en Conseil de classe est laissée à leur initiative.
Ils peuvent être invité au « Conseil pédagogique » des établissements en fonction de leur expertise en
matière de Psychologie de l’adolescent , de transmission de l’information , de connaissance du contexte
Sociologique et économique , d’évaluation des compétences , de conduite de l’entretien individuel ,
d’animation de petits groupes , etc ………
Ils sont chargés d’animer des groupes de paroles auprès des enseignants ou des parents, sur des
questions éducatives.
Ils peuvent être sollicité dans le cadre de l’insertion des jeunes non scolarisés et dans celui de la
formation tout au long de la vie, en fonction de leur expertise de Psychologues Conseiller.
La répartition des missions s’effectue au sein des CICFM, suivant les compétences et les qualifications
des PSYCPF ( spécialisation de Masters ou de DESS)
La pratique d’une Supervision dans le cadre professionnel est obligatoire.
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Les années à venir seront de plus en plus difficiles pour un nombre croissant de personnes. Si nos
dirigeants veulent véritablement remédier au caractère inégalitaire du système éducatif, il faut les
prendre au mot : La présence de Psychologues au sein de la formation s’avérera indispensable. La
suppression de l’Orientation et de ses procédures permettrait un exercice authentique de cette
fonction dans l’institution, en libérant et responsabilisant tous ses acteurs et en les situant à
leur place réelle.
Il faut mettre le gouvernement au pied du mur concernant l’existence d’un véritable corps de
Psychologues dans l’enseignement secondaire et au niveau de l’insertion des Jeunes : c’est
effectivement un choix de société. Cependant, la réussite de ces Psychologues – Conseillers, ne pourra
se réaliser que si le lien est définitivement rompu avec l’Orientation et ses procédures, remplacée par
une véritable « aide aux choix des parcours de formation »
En cas de refus ministériel sur la question de la Psychologie, une solution alternative doit être
proposée : Les COPs deviennent des CPF ( Conseillers en Parcours de Formation ) recrutés après
n’importe quel Master de Sciences Humaines et formés en 2 ans de manière modulée en fonction de
leur formation de base ( dont 6 mois de stage en CICFM) . Les titulaires d’un diplôme de Psychologie à
bac + 5 , peuvent seuls se prévaloir du titre de Psychologue et des prérogatives qui en découlent en
matière d’expertise ( examen individuel ) On comprend bien les graves inconvénients de cette solution
bâtarde qui obligerait, dans certains districts, à faire appel à des Psychologues libéraux pour répondre
aux demandes des établissements ; Sauf à accorder aux CPF une dérogation pour pouvoir utiliser
certaines techniques de Psychologues dans l’exercice de leur profession , ce qui pose de réels
problèmes éthiques, même si c’est déjà le cas .
C/ CONCLUSIONS et PERSPECTIVES :
La crise actuelle, met en évidence le manque de conscience et d’attention aux autres : Venant de
responsables financiers ou économiques, qui, à priori, n’ont pas connu « l’échec scolaire » et les
« Orientations précoces », ces attitudes peuvent interroger. Elles laissent supposer cependant, qu’ils
ont parfaitement intériorisé, dans leur formation, les sentiments d’appartenance au camp des
« gagnants » et d’indifférence ou de mépris vis-à-vis de celui des « perdants ».
Sans ignorer l’importance de nombreux autres facteurs psychosociologiques, on peut estimer
que le maintien d’un système d’Orientation obsolète, participe à la reproduction d’un processus
de « clivage » au niveau de la Personne et des groupes sociaux.
Pour se construire des repères internes, le sujet doit pouvoir exercer sa liberté de choix et en assumer
les conséquences, et cela dés l’enfance et l’adolescence : L’organisation rétrograde du système
d’Education et d’Orientation ne crée pas des conditions favorables à cette évolution.
Aujourd’hui le système d’Orientation est un obstacle au droit à « l’égalité des chances » : Il a
une dimension éminemment conservatrice.
Pierre Bringuier (COPs) dans son remarquable article « Les élèves mascottes » ( dans « Question
d’Orientation » de Juin 2009) écrit : « …..d’un coté les professeurs fixent un niveau d’exigence
déraisonnable, mais d’un autre coté ils interdisent au jeune et à sa famille toute prise de risque et de
responsabilité …….. Les professeurs seraient-ils, en France, dévots du Savoir et mécréants de
l’Expérience ? »
Si ce modèle perdure, c’est peut être qu’il permet de ne pas réaliser une aspiration jugée utopique par
beaucoup, et qui est, de fait, un jeu de dupe : Le pouvoir d’Orienter sa vie et, si on le désire , de se
réaliser au-delà des limites fixées par ses origines .
En effet, si les individus ne sont pas fondamentalement différents en tant « qu’Etres humains », ils le
sont sensiblement par leurs origines culturelles, ainsi que par la subtile alchimie biologique,
émotionnelle et symbolique qui fonde leur « être » au monde :
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Les chances ne sont donc pas les mêmes au départ et l’Orientation « acte » cette réalité, en déniant un
des principes fondateurs de la constitution : « Les hommes naissent libres et égaux en droit »
Mais surtout, en empêchant l’exploration et le partage d’expériences diverses, d’individus
différents dans des milieux nouveaux, elle dénie l’idée de progrès et fige l’organisation sociale :
Richard Descoings, Directeur de Sciences Po, lors de son tour de France des Lycées ,a pu constater
que : « Ceux qui réussissent ( élèves et professeurs) dans les « bons » lycées voudraient qu’on ne
touche à rien , quand les autres attendent une réforme »
L’Orientation trop précoce ou trop contrainte est un obstacle à l’apprentissage de la responsabilité.
Dans la formation tout au long de la vie, elle doit s’entendre de la même façon, comme un pouvoir
reconnu à l’adulte de choisir une nouvelle direction, en fonction de son désir ou de contraintes qui
s’imposent à lui.
HYPOTHESE : La suppression de l’Orientation et de ses procédures n’aura pas d’effets négatifs
sur la répartition des élèves dans les différents parcours de formation . Elle aura des effets
positifs au niveau éducatif global .
Il serait intéressant de tester cette hypothèse à l’échelle d’un ou plusieurs établissements dans un
bassin en contrôlant la variable CSP.
Le défi est triple : Tout en conservant le modèle laïque et républicain, comment :
1) Créer les conditions d’un « savoir faire institutionnel » valorisant les différences et cela dès l’école ?
2) Mettre en œuvre des principes qui permettent une réelle « égalité de droit » à l’accès aux formations
et aux qualifications en renonçant à celui d’Orientation ?
3) Promouvoir le principe de « Aide aux choix de parcours de formations » qui peut se décliner en
formation initiale et continue, et intégrer besoins de la société et besoins individuels ?
En dernière analyse, l’être humain est libre : C’est le travail essentiel de tout éducateur de créer les
conditions pour que le sujet en devenir puisse contacter cette liberté intérieure. A partir de là , beaucoup
de réalisations sont possibles , car cette liberté est source d’énergie et de désir…..C’est ma conviction
après toute une vie professionnelle dans le Service Public d’Orientation, étayée par une recherche
développement en : Pédagogie institutionnelle , Thérapies Analytique et Corporelles , Psychanalyse ,
Supervision de l’entretien de Conseil ….
En démocratie, toute la question est de savoir comment une nation s’organise pour permettre à chacun
et à chacune d’exercer cette liberté avec le maximum de responsabilité, de lucidité et de conscience
dont il est capable. C’est le contraire de l’approche libérale qui encourage la liberté individuelle pour
pouvoir installer un marché privé à partir du désespoir, de la peur, du stress de ceux des citoyens qui
n’arrivent pas à suivre. La conception libérale de la liberté s’accompagne d’un déni du sujet et de sa
complexité et considère comme inutiles toutes les médiations publiques susceptibles de lui venir en
aide dans ses confrontations aux réalités de l’existence : Elle porte ainsi en elle le risque
d’affrontements majeurs.
Pour promouvoir les valeurs humanistes, on n’a rien inventé de mieux que l’Education Nationale : Pour
autant qu’on lui en donne et qu’elle s’en donne les moyens, dans une société où la citoyenneté puisse
être vécue dignement.
Arles, août 2009 Jean Marie QUAIREL, Directeur de CIO
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