technique - Blogs Poker Academie

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TECHNIQUE
BLUFFER AVEC DU JEU !
PAR SHARP, PROFESSEUR SUR POKER-ACADEMIE.FR
Quand transformer
sa main en bluff ?
Il arrive souvent que la force de notre main varie en fonction du flop, et même du flop à la river, rendant
notre main caduque. C’est généralement dans ces cas-là que transformer sa main en bluff s’avère la
seule façon de gagner le coup. Ce bluff est d’autant plus crédible que la ligne de jeu adoptée durant
tout le coup ne peut le trahir. Et pour cause !
e transformez pas
systématiquement
votre main en
bluff ! ». Telle est
la maxime qui
revient fréquemment sur les forums de
poker, dans le but d’apprendre aux lecteurs
à ne pas miser à tort et à travers. En effet, de
nombreux joueurs, débutants ou pas, ne
distinguent pas toujours les moments où il
faut miser pour rentabiliser un jeu fort de
ceux où miser avec une grosse main préflop qui n’a plus vraiment de valeur postflop revient de facto à bluffer. Avec, comme
entre-deux de ces extrêmes, les situations
où le check/call est la ligne de jeu optimale
avec une main potentiellement battue,
mais qui conserve néanmoins une certaine
showdown value (valeur à l’abattage).
Or, le poker est un jeu situationnel, dont il
faut comprendre les règles en étant toutefois
capable de s’en affranchir pour ne pas les
appliquer au pied de la lettre. Et notamment
quand il s’agit de réussir un bluff intelligent,
le graal de tout joueur de poker. À travers
certains exemples simples, nous allons voir
dans quelles situations il faut éviter de transformer sa main en bluff et nous étudierons
d’autres exemples, un peu plus subtils, qui
montrent quand il est correct, pour ne pas
dire souhaitable, de le faire.
Mais illustrons d’abord le concept par un
exemple simple. Vous jouez dans un cercle ou
un casino à une table pleine, avec des blindes
à 5€/5€. Tous les joueurs sont cavés à 500 €.
Le premier de parole ouvre à 20 euros et
«N
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vous décidez d’être un peu roublard en
payant juste la relance avec… une paire d’As.
Trois autres joueurs suivent. Les blindes
passent.
Le flop est R♠R♥2♦, et il y a 110 € au pot.
Un bon flop : vous n’êtes battu que si l’un de
vos adversaires a un Roi ou une paire de
Deux en main.
Le premier relanceur fait une mise de continuation à 55 €.
Il y a maintenant 155 € dans le pot et
comme vous pensez avoir très souvent la
meilleure main, vous faites tapis pour 480 €.
Nul besoin d’être un expert pour s’apercevoir que quelque chose cloche dans cette
ligne de jeu ! Vous ne serez jamais payé par
une main plus faible, mais vous ne coucherez
pas non plus une main qui vous bat !
Voilà un cas typique où vous transformez
votre main en bluff. La valeur des deux
cartes que vous détenez importe finalement peu : que vous fassiez tapis avec une
paire d’As ou soyez en bluff complet avec 9-3
revient au même si vos adversaires jettent et
que le coup ne vas pas à l’abattage.Mais
votre main a assez de valeur pour payer la
mise de continuation et rester dans le coup.
TRANSFORMER SA MAIN
EN BLUFF : NON, PUIS OUI !
Il y a quelque temps, une main m’a été soumise par l’un des joueurs que je coache.
Sa question initiale était : comment jouer
avec deux paires sur un flop monocolore ?
La réponse faisait en l’occurrence appel au
concept qui nous occupe aujourd’hui.
Il s’agit d’un coup joué sur Internet, en NL50
à 6 joueurs. Les blindes sont de 0,25$/0,50$
et les tapis sont en moyenne de 50 $.
Le joueur en petite blinde ouvre les enchères
à 2 $. Mon élève est de grosse blinde avec
A♣V♥, une main très en avance sur le range
de la petite blinde. Beaucoup de joueurs
relanceraient donc automatiquement en 3-bet,
mais ce n’est pas forcément la ligne de jeu
optimale. Car un 3-bet va faire fuir beaucoup de mains qu’AV domine, comme des
As moins bien accompagnés, ou encore des
combinaisons telles 10-V ou VD. De plus, si
la petite blinde nous renvoie la balle avec
un 4-bet, on va devoir abandonner, car AV
n’est pas une main assez forte pour partir à
tapis dans des conditions standard avant le
flop.
Ici, mon élève décide de simplement payer.
C’est la ligne de jeu que je recommande
dans cette situation, à moins d’avoir affaire
à un joueur ultra-agressif adepte des 4-bet
en bluff ou d’être opposé à un joueur large
et passif qui va payer toutes les relances.
Il y a 4 $ dans le pot.
Le flop : A♠R♠V♠.
La petite blinde mise 3 $. Emporté par la
joie d’avoir deux paires et la peur de voir un
quatrième pique pointer son nez, mon
étudiant relance à 9 $, avec pour plan de
jeter sur un 4-bet adverse.
Erreur ! Transformer sa main en bluff est une
bonne option si notre adversaire jette des
mains qui nous battent. Mais va-t-il jeter une
quinte, un brelan ou deux paires supérieures
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sur cette relance ? Probablement pas.
« Deux paires en bataille de blindes, c’est
fort ! », m’a dit mon étudiant. C’est vrai.
D’ailleurs, la petite blinde va miser toutes
ses mains en continuation, que ce soit en
bluff ou pour valeur. Et deux paires AA-VV
est un jeu très en avance face à son range.
Mais que vaut notre main si notre adversaire
poursuit l’action ?
S’il décide de relancer, notre main n’a plus
aucune valeur. Dommage, car nos deux paires
perdent la possibilité de faire full, faute de
cote. Si l’adversaire lance un 4-bet avec A♥D♥
ou avec 9♦9♠, on va jeter la meilleure main.
Avec quelles mains la petite blinde va-t-elle
payer ? Des mains qui nous battent, ou des
mains ayant une grosse équité contre la
nôtre. Par exemple, AD avec la D♠, main
favorite à 59% contre la nôtre, paire de
Dames avec la D♠, paire de Dix avec le 10♠
ou Ax10♠ : autant de mains qui sont à 48%
d’équité contre la nôtre. AV est ici une main
à la fois trop forte, et pas assez forte pour
faire un 3-bet. La ligne de jeu optimale
aurait été de payer la relance. Mon élève est
donc ici tombé dans le piège de transformer
sa main en bluff.
Vous avez bien compris ? Tant mieux, car
cela se complique ! En effet, le pendant
inverse est aussi vrai : si beaucoup de
joueurs débutants font l’erreur de transformer
leur main en bluff – comme l’a fait ainsi
mon élève en relançant au flop –, beaucoup
de joueurs intermédiaires font l’erreur
inverse : celle de ne jamais transformer leur
main en bluff. Voyons cela, toujours avec le
même exemple.
Mon étudiant relance donc au flop à 9 $, et il
est payé par son adversaire en petite blinde.
Il y a maintenant 21 $ au pot.
Turn : 8♠.
La petite blinde mise cette fois 4 $ dans un
pot de 21 $.
C’est maintenant qu’il faut savoir transformer sa main en bluff, et ce pour plusieurs
raisons :
Un bluff est plus profitable car il y a beaucoup plus d’argent au pot – 25 $ contre 7
avant notre relance au flop.
Notre main ne vaut plus grand-chose. On a
vu que notre adversaire n’a pu payer qu’avec
1ère erreur : transformer sa main en bluff au flop
Vilain (50$)
Small Blind
Hero (50$)
Big Blind
Blindes 0,25€/0,50€
Pré-flop
Flop
Vilain raise 2$ / Hero call 2$
Vilain bet 3$ / Hero raise 9$
À FAIRE : call 3$
D
Flop
Turn
River
2e erreur : ne pas transformer sa main en bluff au turn ou à la river
Vilain (50$)
Small Blind
Hero (50$)
Big Blind
Blindes 0,25€/0,50€
Pré-flop
Vilain raise 2$ / Hero call 2$
Flop
Vilain bet 3$ / Hero raise 9$ / Vilain call 9$
Turn
Vilain raise 4$ / Hero call 4$
À FAIRE : raise 22$ et miser ou relancer encore à la river
D
Flop
une meilleure main, un brelan, une quinte
ou AR ; ou alors à tirage avec un gros pique.
Dans tous les cas, nos deux paires AA-VV
sont maintenant battues. S’il a fait couleur,
nos chances de faire full sont minimes, de
l’ordre de 9%.
La mise de 4 $ dans 21 $ ne représente pas
beaucoup de force. C’est une mise pour geler
le coup avec soit une couleur très basse, soit
une main qui a peur de la couleur. Si l’adversaire avait trouvé sa couleur, il miserait certainement plus cher afin de tirer profit de sa
main et de la protéger contre un tirage full.
Une relance du montant du pot est, je
pense, la ligne optimale, celle qui a logique-
Turn
River
ment toutes les chances de succès.
Mais mon étudiant s’est contenté de payer
les 4 $ et sur la rivière, le 6♠, la petite blinde
a misé de nouveau 4 $ dans un pot de 29 $.
Mon étudiant s’est encore contenté de
payer sec pour partager contre A♦R♦.
Décidément, le poker n’est pas un jeu simple !
Voilà un coup où notre héros commet une
première erreur en transformant sa main en
bluff, puis une seconde en ne transformant
pas sa main en bluff ! Sans vouloir manquer
de respect à cet élève par ailleurs très doué,
on retrouve ce premier travers chez les
débutants et le second est fréquent chez les
joueurs intermédiaires.
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RELANCER À LA RIVER… AVEC
UNE MAIN A PRIORI BATTUE
Voici un autre exemple où sauver son coup
en transformant sa main en bluff est envisageable, et même souvent profitable.
Je joue en NL1000 short handed, les blindes
sont à 5$/10$ et le tapis effectif de 1200 $.
Le joueur UTG, un régulier avec lequel j’ai
beaucoup joué, ouvre les enchères à 35 $.
Je suis deuxième de parole avec une paire
de Rois et me contente de suivre, car je ne
veux pas dévoiler la force de ma main en
sur-relançant le premier de parole alors que
quatre joueurs derrière moi ont encore leur
mot à dire. En effet, ce sont eux aussi des
réguliers au style agressif et j’espère que
l’un deux tente un squeeze et ouvre ainsi à
nouveau les enchères, ce qui me permettrait
alors de piéger le premier relanceur.
Mais mon plan tombe à l’eau car personne
ne suit la relance.
Il y a 85 $ au pot.
Le flop : A♥2♣2♦.
Mon adversaire fait une mise de continuation à 70 $. Sa mise ne me donne aucune
information car il va c-bet dans 100% des
cas : s’il a un As, il va miser pour value ; s’il a
une paire en main, par exemple paire de
Huit, il va aussi miser car checker rendrait sa
main trop difficile à jouer hors position ;
et s’il n’a rien, il va bluffer ce flop qui avantage
le joueur ayant pris l’initiative de la relance.
Je suis encore en avance par rapport au
range adverse. Je paie donc les 70 $.
Aucune raison de transformer ma main en
bluff à ce stade. Si je relance face à ce bon
joueur, quel As puis-je bien représenter ?
En effet, avec AD aucune raison de relancer
alors que je peux me trouver face à AR.
Avec AR, pourquoi relancer alors qu’en callant,
je peux le laisser bluffer ou miser des As
moins bien accompagnés ? De plus, AR est
une main avec laquelle je paye rarement
sec une relance pré-flop. En énumérant les
différents scénarios, on s’aperçoit bien qu’une
relance n’a aucune chance de faire passer
une main qui me bat. En revanche, en
payant juste, je peux obtenir de l’action de
mains plus faibles et récolter quelques
bluffs en 4-bet pour contrer ma ligne de jeu.
Mais comment savoir si mon adversaire est
en bluff ou s’il a bel et bien un As ?
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FAIRE PASSER LES AS MAL ACCOMPAGNÉS
Vilain (1200$)
UTG
Sharp (1200$)
UTG+1
Blindes 5$/10$
Pré-flop
Flop
Turn
River
Vilain raise 35$ / Sharp call 35$
Vilain bet 70$ / Sharp call 70$
Vilain check / Sharp check
Vilain bet 125$ / Sharp raise 400$ / Vilain fold
D
Flop
Il y a maintenant 225 $ au pot.
Turn : 8♦.
Mon adversaire checke. J’ai suffisamment eu
le loisir d’observer ce joueur pour savoir qu’il
misera une seconde salve sur ce turn avec
tous ses bluffs. À raison d’ailleurs !
Car si j’avais eu ici une paire de Cinq en
main, par exemple, j’aurais joué le coup à
l’identique et jeté sur un deuxième barrel au
turn. Mais, il va également miser, pour valeur
cette fois, avec AR, AD et un tirage couleur à
carreaux. Étant donné que j’ai un style assez
accrocheur post-flop, je pense qu’il va également miser ses fulls dans cette situation.
Un check représente donc ici soit un As mal
accompagné, soit une paire en dessous de
l’As qui joue pour le contrôle du pot.
Par conséquent, toujours aucune raison
pour moi de miser et je checke derrière.
Il y a toujours 225 $ au pot.
River : D♠.
Mon adversaire mise 125 $. À moins qu’il ait
trouvé full avec une paire de Dames, je sais
que le joueur mise ici avec un As et espère
que je paye avec une paire moyenne ou un
As mal accompagné. Il a très certainement
un kicker décent, entre le Neuf et le Valet.
Ma main est battue, mais il me reste une
option : transformer ma main en bluff ! Si ma
paire de Rois ne vaut plus rien, il n’en reste
pas moins que je sais, au vu de son action et
de la taille de sa dernière mise, que mon
adversaire n’est pas prêt à engager trop
Turn
River
d’argent dans ce pot. Je relance donc à
400 $, et mon adversaire jette sa main.
Je vois beaucoup de joueurs tenter ce
genre de bluff lorsqu’ils n’ont rien en main.
Ainsi, ils vont payer la relance pré-flop du
joueur UTG avec 6♥7♥, floater le c-bet afin
de représenter un As, et bluffer sur la mise
de blocage à la rivière lorsqu’ils sentent de
la faiblesse au turn. Mais étrangement, ces
mêmes joueurs auront beaucoup de mal à
transformer une grosse paire en bluff dans
des conditions identiques. Pourtant, dès lors
que l’on sait notre main battue, RR et 6-7
ont clairement la même valeur !
POLARISER SON RANGE
À L’EXTRÊME
Terminons avec un dernier exemple, un tantinet plus complexe. Le coup se déroule
encore sur le Net, sur une NL600 (blindes
3$/6$), en duel de blindes : je suis de SB
avec un tapis de 1700 $ environ et mon
adversaire en BB a 923 $ devant lui, soit un
tapis de plus de 150 blindes.
J’ouvre les enchères depuis la petite blinde
à 24 $ avec une paire de Neuf. N’étant pas
un fan du jeu hors position, je relance un
peu plus cher que si j’avais été au bouton.
Ma fréquence de relance à ce poste va
dépendre essentiellement du joueur à ma
gauche. Ici, Doggystyle : c’est un bon régulier, mais il a un style serré et joue sur une
dizaine de tables en même temps. Du coup,
il ne défend pas suffisamment sa blinde,
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que je relance inlassablement. Mais cette
fois, Doggystyle me surprend, car il décide
de ne pas se laisser faire et raise à 66 $.
Certains joueurs deviennent fous en bataille
de blindes et peuvent partir en guerre à
tapis avec pas grand chose. Mais ce n’est pas
le cas de Doggystyle, qui ne relance pratiquement jamais en 3-bet, si ce n’est avec ses
mains les plus fortes. Je pense par conséquent que ma paire est probablement
dominée, et j’envisage de passer.
Néanmoins, deux facteurs me poussent à
suivre la relance : d’une part, Doggystyle
peut être agacé de me voir le relancer constamment et il peut avoir élargi son range de
relance pour me 3-bet light ; d’autre part, j’ai
une très bonne cote pour setmining, puisque
je dois payer 48 $ pour un pot de 90 sachant
que mon adversaire a maintenant un tapis
de 857 $, que je couvre.
Il y a 122 $ au pot.
Le flop : 2♥V♠10♣.
Pas vraiment ce que j’espérais, en particulier
contre un tel joueur. Je décide d’abandonner
le coup, je checke, prêt à mucker, mais mon
adversaire me réserve de nouveau une surprise et checke après moi.
Si Doggystyle ne joue pas beaucoup de
mains avant le flop, il se commit généralement dans celles qu’il joue en misant toujours en continuation. Or il nous reste, en
tapis effectif, près de 8 fois la taille du pot.
Donc, s’il avait une forte main, il miserait à
coup sûr pour construire un gros pot et me
soutirer le maximum. Je peux donc d’ores
et déjà écarter de son range un brelan et
une paire au-dessus du flop. De même, s’il
avait une main sans aucun espoir d’amélioration, comme 6♥5♥, il miserait en bluff.
Conclusion : il a une main moyenne avec
laquelle il joue le contrôle du pot. J’essaie
de réduire encore son range. Soit il a un
tirage quinte RD ou 98, hauteur As et tirage
quinte ventrale avec AR ou AD et il ne veut
pas être chassé du pot par un check-raise,
raison pour laquelle il a choisi de checker
ces mains à fort potentiel. Soit il a une main
marginale avec laquelle il ne veut pas partir
à tapis, un Valet dans une main telle que VD
ou un Dix avec un kicker à l’As, au Roi, à la
Dame, au Neuf ou au Huit. Enfin, il peut
avoir une paire inférieure à la mienne.
POLARISER SON RANGE À L’EXTRÊME GRÂCE À UNE MAIN FAITE
Sharp (1700$)
Small Blind
Doggystyle (923$)
Big Blind
Blindes 3$/6$
Pré-flop
Flop
Turn
River
Sharp raise 24$ / Doggystyle reraise 66$ / Sharp call 66$
Sharp check / Doggystyle check
Sharp check / Doggystyle bet 90$ / Sharp call 90$
Sharp check / Doggystyle bet 211$ / Sharp reraise All in
Doggystyle fold
D
Flop
Il y a toujours 122 $ au pot.
Turn : 2♣.
Je n’ai aucune raison de miser et d’ainsi
transformer ma main en bluff. Doggystyle
ne va jamais jeter les mains qui me battent
et il pourrait même lui prendre l’idée de me
relancer en bluff. Cela me convient parfaitement d’aller à l’abattage, car j’ai de la showdown value. Mais cette fois, Doggystyle me
propose de rajouter 90 $ au pot. Il a en effet
maintenant de bonnes raisons de miser au
turn. J’ai checké par deux fois et il a désormais peu à craindre d’un check-raise. S’il a
un Dix ou un Valet, il peut légitimement
penser être devant, et s’il a une petite paire
ou deux grosses cartes, il peut espérer me
bluffer. Cependant, je pense être assez
souvent devant pour payer les 90 $.
Il y a maintenant 302 $ au pot.
River : 6♣.
Je checke, et Doggystyle mise 211 $, portant
la valeur totale du pot à 513 $.
Je peux maintenant diviser le range de
Doggystyle en trois catégories :
A/ Les mains qui me battent, en trouvant
couleur en backdoor ou full : A♣R♣, A♣D♣,
R♣D♣, D♣V♣ et 9♣8♣ pour la couleur.
6♦6♥, 6♠6♥, 6♠6♦ pour les fulls. Soit quelque
chose comme 5% des mains de son range.
Et 10% si on intègre les paires de Dix ou de
Valets,si par hasard il avait checké brelan sur ce flop.
B/ Des bluffs, qu’il va jeter si je relance.
C/ Les mains marginales avec lesquelles il ne
Turn
River
voulait pas jouer son tapis sur ce flop.
Avec un Dix ou un Valet, il veut extraire de la
valeur contre des mains comme la mienne.
Mais s’il ne voulait pas partir à tapis au flop,
le turn et la river n’ont rien changé. Pire, elles
peuvent lui faire croire que j’ai amélioré ma
main en un full ou en couleur. C’est ce groupe
de mains, qui constitue une grosse partie de
son range, que j’espère lui faire jeter en transformant ma main en bluff.Mais Doggystyle
va peut être se convaincre de payer avec
certaines de ces mains. Rajoutons donc 10%
de cas où je suis payé et battu. Résulat : il va
abandonner dans 80% des cas. Or, il lui reste
505 $ de tapis. En faisant all in, je risque 761 $
pour gagner les 513 $ du pot. Si N est le pourcentage de fois que je gagne le coup, on a :
N x 513 – (1-N) x 761 > 0.
Donc N > 761/1274, soit N>59,7%.
Mon move est profitable s’il jette au minimum dans 59,7% des cas. Mon plan a réussi
et Doggystyle a couché sa main.
Une ligne plus standard avec une pocket pair
est de transformer ma main en « bluff catcher »
et de payer pour démasquer un bluff avec AR
ou 45. Mais en transformant ma main en
bluff, je polarise mon range à l’extrême. Avoir
une main faite m’aide, car ma ligne de jeu ne
représente pas beaucoup d’« air » : je ne
peux pas payer au turn en planifiant un
move à la river en étant hors de position, car
je ne peux pas être sûr qu’il va miser la river.
Mon adversaire ne peut donc que déduire
que j’ai, depuis le départ, un jeu très solide. ■
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