le comité éditorial de l`acém souhaite la bienvenue
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le comité éditorial de l`acém souhaite la bienvenue
L’édition mars 2011 LE COMITÉ ÉDITORIAL DE L’ACÉM SOUHAITE LA BIENVENUE AU NOUVEAU RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT DU BULLETIN DE L’ACÉM Nous avons le plaisir de souhaiter la bienvenue au Dr Muhammad Iqbal, spécialiste des troubles respiratoires au Centre des sciences de la santé de l’Université Memorial de Terre-Neuve. Muhammad est actif depuis 1986 dans le domaine de l’apprentissage et de l’enseignement de la médecine. Après avoir obtenu son diplôme du Allama Iqbal Medical College de Lahore, au Pakistan, il a déménagé aux É.-U. pour poursuivre sa formation. C’est là qu’il a complété sa formation postdoctorale en médecine et en pneumologie. Muhammad a été professeur adjoint en médecine au Shifa College of Medicine d’Islamabad, au Pakistan, et enseigne aux étudiants des niveaux prédoctoral et postdoctoral à l’Université Memorial de TerreNeuve depuis 2005. Il est actuellement inscrit à la maîtrise en éducation à l’Université Memorial de Terre-Neuve. Dans le domaine médical, Muhammad s’intéresse particulièrement à l’apprentissage et à l’évaluation assistés par ordinateur et fondés sur la technologie. N’hésitez pas à communiquer avec Muhammad directement : [email protected]. SOMMAIRE : PAGE 2 – IMPLIQUEZ VOTRE CENTRE UNIVERSITAIRE! APPEL D’ARTICLES POUR LE NUMÉRO DU BULLETIN D’INFORMATION SUR LA CCÉM 2011 PAGE 2 – ASSOCIATION CANADIENNE POUR L’ÉDUCATION MÉDICALE (ACEM) – LES DÉBUTS PAGE 6 – AU-DELÀ DE L’ASPECT APPARENT DE L’INCONNU IMPLIQUEZ VOTRE CENTRE UNIVERSITAIRE! APPEL D’ARTICLES POUR LE NUMÉRO DU BULLETIN D’INFORMATION SUR LA CCÉM 2011 Tout au long de l’année, le Bulletin de l’ACÉM publie des articles d’intérêt pour les éducateurs et les enseignants en médecine du Canada. Nous vous invitons à soumettre un article pour le numéro spécial sur la CCÉM de 2011 qui sera distribué au stand de l’ACÉM, à Toronto. Ce numéro spécial consacré au thème de la CCÉM de 2011, La mission professorale en éducation médicale, mettra en lumière les bonnes idées et les excellents programmes portant sur la mission professorale en éducation médicale que l’on trouve dans les diverses régions du pays. Nous voulons en particulier encourager les étudiants et les résidents qui participent à des projets de ce type à nous fournir des articles. Dans les numéros antérieurs du Bulletin traitant de la CCÉM, nous avons réussi à publier des articles provenant la plupart des écoles de médecine et nous aimerons continuer à faire connaître leurs idées et programmes. La date limite pour la soumission d’articles est le lundi 11 avril 2011. Les textes doivent être envoyés à l’attention du Dr Muhammad Iqbal, rédacteur en chef adjoint, Bulletin de l’ACÉM ( [email protected]). Pour obtenir les directives sur la soumission d’articles, consultez le site http://www.cameacem.ca/pubs_publish_fr.php#newsletter. ASSOCIATION CANADIENNE POUR L’ÉDUCATION MÉDICALE (ACEM) – LES DÉBUTS W. Wayne Weston MD fondateurs, dont Ian Hart en particulier. Le Canada avait besoin d’un organisme comme l’ACÉM et les chefs de file de l’enseignement médical souhaitaient la création d’un forum canadien qui leur permettrait de partager leurs idées sur les bonnes pratiques pédagogiques et aussi leurs inquiétudes à propos du système de récompense et de promotion des membres du corps professoral qui désavantageait les enseignants en médecine. En effet, il était attendu que les professeurs de médecine excellent sur trois fronts. Ils devaient être d’excellents cliniciens, des enseignants exemplaires et des chercheurs exceptionnels. Cependant, leur promotion dépendait surtout du nombre de publications qu’ils avaient produites et de subventions qu’ils avaient obtenues. Ian Hart, conscient qu’il fallait du temps, de l’attention et une bonne formation pour devenir un excellent enseignant clinicien, s’est rendu à l’évidence qu’il ne pourrait pas exceller dans ces trois domaines à la fois. Il a donc décidé d’entreprendre une aventure risquée. Il a changé de carrière, laissant de côté la « L’ACÉM – C’était inévitable, c’était une idée arrivée à maturité. » Ian Hart1 C’est le 1er juillet 1987 que l’Association canadienne pour l’éducation médicale voyait le jour et qu’elle a, l’on pourrait dire, « surgi », sur la scène. Dès le mois d’octobre, le nouvel organisme avait déjà plusieurs réalisations impressionnantes à son actif. Exemples : • Adhésion de 500 membres en règle. • Création et première réunion d’un comité de direction formé de représentants d’écoles de médecine des diverses régions du Canada. • Publication du premier numéro du Bulletin (le deuxième étant en voie de parution). • Mise en œuvre des préparatifs de la première assemblée nationale (1988). Ces succès résultaient de la convergence du moment (qui était propice) et des efforts inlassables des 1 Hart, I. Communication personnelle, Ottawa, 3 août 2006. –2– recherche biomédicale, pour devenir professeur de médecine. accorder davantage d’attention à l’enseignement médical. Plusieurs nouvelles initiatives allaient exercer une profonde influence sur le domaine au Canada et ailleurs dans le monde, dont les suivantes : « J’ai constaté assez vite, dans mon premier poste à temps plein comme professeur de faculté, que tout en ayant une bonne formation comme chercheur en endocrinologie et une solide expertise dans ce domaine, je consacrais une part substantielle de mon temps à l’enseignement, activité pour laquelle je n’avais aucune formation. » J’ai donc suivi quelques cours sur l’enseignement de la médecine et, à la fin des années 1970, j’ai pris une année sabbatique pour faire de la recherche en aqualab sur les maladies thyroïdiennes et enseigner la médecine. À mon retour, j’ai abandonné mon laboratoire et ma subvention de recherche pour me consacrer plus à fond à l’enseignement médical2 ». ● ● ● Durant son année sabbatique dans son Écosse natale, Hart a collaboré avec Ron Harden qui avait développé le Objective Structured Clinical Exam (OSCE) à la fin des années 19703. Hart a vite compris le potentiel de ce nouvel outil d’évaluation et a commencé à l’utiliser dès son retour à Ottawa. Par la suite, il en a fait la promotion partout au Canada et à l’étranger. Sa détermination à améliorer le processus d'évaluation venait sans doute de sa propre expérience comme étudiant de troisième cycle et, plus tard, comme évaluateur. En effet, à sa première tentative, il avait échoué à l’examen d’études postdoctorales. « Ce fut un dur coup à encaisser pour Ian4. » Plus tard, alors qu’il exerçait les fonctions d’examinateur pour le Collège royal des médecins, il a été très contrarié par le fait que l’examinateur principal recale un étudiant à qui il avait donné la note de passage. Cette expérience l’a convaincu qu’il devait y avoir une meilleure façon d’évaluer les compétences. ● ● Les écoles de médecine ont commencé à embaucher des experts en enseignement médical. « À la suite de la nomination d’Arthur Rothman à l’Université de Toronto en 1969, il est devenu une pratique courante pour les facultés d’avoir sur place un expert de l’enseignement médical5. » Les écoles de médecine ont commencé à établir des bureaux du perfectionnement du corps professoral. En 1975, le réseau POD (Professional and Organizational Development ) a été mis sur pied dans le but de promouvoir l’amélioration des méthodes pédagogiques et de l’enseignement supérieur. En 1978, l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU) a publié le premier rapport sur le dossier de l’enseignement. Celui-ci a eu une importance déterminante dans les efforts pour changer les règles de promotion des professeurs afin qu’elles tiennent compte de la contribution faite à l’enseignement. En 1984, l’Association of American Medical Colleges publiait le rapport GPEP (General Professional Education of the Physician). Il s’agissait de la première évaluation de grande envergure de l’enseignement universitaire de la médecine à être réalisée depuis la publication du fameux rapport de Flexner en 1919. Partout dans le monde, des éducateurs en médecine commençaient à prendre conscience du fait que la médecine était en soi un champ d’études, comme les autres. Au cours des années 1970 et 1980, on s’est mis à Durant cette même période, un petit cercle de professeurs de médecine du Canada se rendait régulièrement au Royaume-Uni pour les congrès de l’ASME (Association for the Study of Medical Education – un organisme créé en 1957), en Europe, pour ceux de l’AMEE (Association for Medical 2 5 Hart, I. « Face to Face – Ian Hart », Medical Education, volume 34, numéro 2, 2000, p.155-156. 3 Harden, RMcG, Stevenson, M., Downie, WW., Wilson, GM. « Assessment of clinical competence using objective structured examination », British Medical Journal, volume 1, 1975, p. 337-451. 4 Dauphinee, D. Communication personnelle, 8 mars, 2008. Dauphinee,WD. « Evaluation and the Royal College of Physicians and Surgeons of Canada – A 35-year history of initiatives and influence », dans Dinsdale, HB., Hurteau, G. (directeurs). The Royal College of Physicians and Surgeons of Canada The Evolution of Specialty Medicine – 1979-2004, Ottawa, Royal College of Physicians and Surgeons of Canada, 2004. –3– Education throughout Europe – un organisme créé 1972) et aux États-Unis, pour ceux du GME (Group on Medical Education – un organisme créé en 1969 qui est connu aujourd’hui sous le nom de Group on Educational Affairs) ou de la RIME (Research in Medical Education). Ces personnes se rencontraient souvent à ces réunions et se demandaient pourquoi, il n’existait pas au Canada d’organismes semblables. En 1976, les professeurs de médecine du Québec ont fondé le Club de pédagogie médicale du Québec et, en 1978, le Collège des médecins de famille du Canada a créé la section des Enseignants de médecine familiale. En 1985, Ian Hart et d’autres ont mis sur pied les Ottawa Conferences, des rencontres portant sur l’évaluation des compétences qui ont lieu à tour de rôle dans divers centres nationaux, partout dans le monde. Malgré cela, il n’y existait toujours pas à ce moment, au Canada, de réunion où les éducateurs de toutes les disciplines puissent se rassembler pour parler de l’ensemble des questions liées à l’enseignement médical. En juillet 1986, Hart a effectué un sondage postal auprès des membres du corps professoral médical de toutes les régions du Canada et 603 enseignants représentant 11 écoles de médecine lui ont répondu en exprimant de l’intérêt pour son projet6. Il a ensuite communiqué avec ses collègues pour former le premier comité de direction de l’Association et a reçu l’assurance de pouvoir compter sur leur appui à « 100 % »7. (Voir la liste des membres du premier comité de direction.) Le Comité s’est réuni pour la première fois en novembre 1987 et a commencé à planifier la tenue de la première réunion de l’ACÉM qui a eu lieu à l’hôtel Le Méridien de Montréal, le 1er et le 2 octobre 1988, dans le cadre du congrès de l’Association des collèges canadiens de médecine (connue aujourd’hui sous le nom d’Association des facultés de médecine du Canada). la vigoureuse croissance de l’ACÉM. Même si 60 % des répondants au premier sondage avaient indiqué qu’ils préféraient se rencontrer dans le cadre de la rencontre annuelle du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, les membres du Comité de direction ont décidé que l’assemblée générale de l’ACÉM devait plutôt se tenir dans le cadre du congrès de l’Association des collèges canadiens de médecine (ACCM). Si l’assemblée générale avait été associée à la rencontre du Collège royal, il est probable que peu de membres du Collège des médecins de famille du Canada y auraient participé. En outre, les réunions de l’ACCM à cette époque portaient surtout sur des questions administratives qui n’intéressaient que les doyens et les vice-doyens. On les considérait comme « guindées et pas très stimulantes9 ». Avec l’ajout des conférences, des séances de présentation par affiches et des ateliers de l’ACÉM, elles sont devenues plus dynamiques et intéressantes et ont attiré des éducateurs qui autrement n’y seraient pas venus. Pour sa part, l’ACCM a fourni à l’ACÉM le soutien administratif et financier dont elle avait un grand besoin pour la tenue de son assemblée générale annuelle, ainsi que l’aide requise pour la traduction du Bulletin et d’autres documents en français. « L’ACÉM avait pour mandat « d’encourager et de soutenir le développement de compétences pédagogiques et d’évaluation, et de la recherche en éducation médicale dans les facultés de médecine canadiennes grâce à l’échange de renseignements sur l'enseignement, sur l’apprentissage et sur les méthodes d’évaluation8. » Les décisions initiales du Comité de direction ont permis d’établir les bases de 6 Spooner, J. Communication personnelle. Bulletin de l’ACÉM, volume 1, numéro 2 (novembre 1987). 8 Rapport de la situation actuelle de l’ACÉM à l’ACCM (octobre 1987). 7 9 –4– Liste des membres du premier comité de direction de l’ACÉM • Ian Bowmer – Université Memorial • Lee Kirby – Université Dalhousie • Paul Grand’Maison – Université de Sherbrooke • Louis Dufresne – Université de Montréal • Dale Dauphinee – Université McGill • Ian Hart – Université d’Ottawa • David Ginsburg – Université Queens • Arthur Rothman - Université de Toronto • Geoff Norman – Université McMaster • David Hollomby – Université Western • Daniel Klass – Université du Manitoba • James Spooner – Université de la Saskatchewan • John Baumber – Université de Calgary • Douglas Wilson – Université de l’Alberta • Gordon Page – Université de la Colombie-Britannique (UBC) • Valerie Paida – Fédération d'étudiants en médecine du Canada Hart, I. Communication personnelle, Ottawa, 3 août 2006. 10. HART, I. « Face to Face – Ian Hart. Medical L’ACÉM a contribué à changer le milieu de l’enseignement médical au Canada en fournissant aux éducateurs en médecine un forum où ils peuvent établir des liens et échanger des idées, « un lieu où ils peuvent exceller10 ». Depuis sa création, elle a mis l’accent sur le service à ses membres en leur fournissant des occasions pour apprendre les uns des autres, et en organisant des rencontres où ils peuvent présenter leurs travaux d’érudition. Education », volume 34, numéro 2, 2000, p. 155156. 11. HENNEN, B. Proceeding of the First Banff Workshop for Teachers of Family Medicine, Society of Teachers of Family Medicine, 1970. 12. HENNEN, B.K. « Academic family medicine in Canada », CMAJ, volume 148, numéro 9, 1993, p. 1559-563. 13. HODGES, B. « The many and conflicting histories of medical education in Canada and the USA: an introduction to the paradigm wars », Medical Education, volume 39, 2005, p. 613-621. 14. JONAS, S. Medical Mystery – the Training of Doctors in the United States, New York, W. W. Norton, 1978. 15. LUDMERER, K.M. Time to Heal – American medical Education from the Turn of the Century to the Era of Managed Care, Oxford, Oxford University Press, 1999. 16. Mcphedran, N.T. Canadian Medical Schools – Two Centuries of Medical History – 1822-1992, Montreal, Harvest House, 1993. 17. MCPHEDRAN, N.T. « Canadian medical schools before ACMC », CMAJ, volume 148, numéro 9, 1993, p. 1533-1537. 18. PANEL ON THE GENERAL PROFESSIONAL EDUCATION OF THE PHYSICIAN AND COLLEGE PREPARATION FOR MEDICINE. Physicians for the Twenty-First Century – The GPEP Report, Association of American Medical Colleges, 1984. 19. SORCINELLI, M.D., A.E. Austin, P.L. Eddy et A.L. Beach. Creating the Future of Faculty Development – Learning from the Past, Understanding the Present. Bolton, Massachusetts, Anker Publishing, 2006. 20. SPAULDING, W.B. « Aspects of Canadian Medical Education », Canadian Bulletin of Medical History, volume 6, 1989, p. 179-183. WAUGH, D. « Histoire de la formation médicale au Canada », L’Encyclopédie canadienne, http://www.thecanadianencyclopedia.com/index .cfm?PgNm=TCE&Params=F1ARTF0005196 (document consulté le 3 février 2011). Bibliographie 1. BOYER, E.L. Scholarship Reconsidered Priorities of the Professoriate. Princeton, New Jersey, The Carnegie Foundation for the Advancement of Teaching, 1990. 2. CALMAN, K.C. Medical Education – Past, Present and Future: Handing on Learning. Edinburgh, Churchill Livingstone Elsevier, 2007. 3. BULLETINS DE l’ACÉM (collection complète 1987). 4. CORBET, E.A. Frontiers of Medicine – A History of Medical Education and Research at the University of Alberta, University of Alberta Press, 1990. 5. DAUPHINEE, W.D. « Canadian medical education: 50 years of innovation and leadership », CMAJ, volume 148, numéro 9, 1993, p. 1582-1588. 6. DUFFIN, J. History of Medicine – A Scandalously Short Introduction (2e édition), Toronto, University of Toronto Press, 2010. Nota : Le chapitre 16, Sleuthing and Science: How to Research a Question in Medical History, est particulièrement utile. 7. HARDEN, R.M., J. GRANT, G. BUCKLEY et I.R. HART. « Best Evidence Medical Education », Advances in Health Sciences Education, volume 5, 2000, p. 71-90. 8. HART, I.R. et R.M. HARDEN. « Best Evidence Medical Education (BEME): a plan for action », Medical Education, volume 22, numéro 2, 2000, p. 131-135. 9. HART, I. et R. HARDEN. « The Ottawa Conferences: the good, the new, the controversial and the uncomfortable » (Mot de la rédaction), Medical Teacher, volume 22, numéro 4, 2000, p. 331-333. 10 Mann, K. Communication personnelle, 18 juillet 2006. –5– complexe qu’on ne le pense. Dans son discours de fin d’année à l’Université Stanford, le docteur Atule Gawande a souligné le fait que, depuis un demi-siècle, la médecine est focalisée sur l’idéal de la péniciline1, c’est-à-dire sur la notion que toutes les maladies ont pour cause une défaillance physiologique unique et réductible qui peut être étudiée, prédite et éventuellement guérie. En d’autres mots, pour chaque trouble, il y aurait un remède miracle. Or, où sont-ils aujourd’hui ces remèdes miracles? Combien faudra-t-il de maladies complexes et multifactorielles, telles que le diabète ou les cas alarmants d’infections chimiorésistantes comme le XTB, pour qu’on se souvienne que l’idéal de la médecine ne peut consister uniquement en la recherche de remèdes miracles? Malgré le fait que notre démarche soit rigoureuse et que chaque petite victoire nous rende à juste titre optimistes, cette quête d’un remède pour chaque maladie nous a fait oublier certains des enseignements ancestraux de la médecine. Dans son cours intitulé « Qu’appelle-t-on penser? », Martin Heidegger explique habilement que « le religieux n’est jamais détruit par la logique, mais toujours uniquement par le fait que dieu se retire2. » C’est paradoxalement le contraire qui se produit en médecine, car c’est précisément la logique qui a détruit notre foi en l’humanisme et qui a causé sa disparition ou son départ. C’est notre foi suprême dans la logique de la science qui a éliminé la nécessité d’avoir une philosophie de la médecine. AU-DELÀ DE L’ASPECT APPARENT DE L’INCONNU Tyler Peikes, 2e année de médecine, Université du Manitoba « La médecine ne s’enseigne pas, elle s’apprend. » Voilà la phrase qui ressort dans mon esprit parmi la profusion de déclarations, de définitions et de faits qui constituent l’introduction offerte en première année au monde parfois mystérieux, mais toujours fascinant de la médecine. Elle faisait partie des conseils prodigués durant la première semaine de cours par un professeur (maintenant anonyme) aux nouveaux étudiants (également anonymes) qui s’apprêtaient à commencer l’ascension d’une montagne de connaissances qui leur semblaient insurmontable. Au cours de ma première année de médecine, j’ai beaucoup réfléchi à cette introduction. J’estime que j’ai encore beaucoup à apprendre et je suis ouvert à tout conseil qui aidera mon développement comme médecin. En même temps, en tant qu’étudiant ouvert d’esprit et observateur ayant fait des études en philosophie, j’ai une perspective particulière qui me permet de formuler des observations sur la philosophie de l’enseignement de la médecine. Je note d’abord qu’il existe un urgent besoin d’évaluer ce qui est enseigné et la façon de l’enseigner. En effet, malgré les nombreuses et exceptionnelles expériences d’apprentissage que vivent les étudiants, ni les objectifs, ni les principes sous-jacents de l’enseignement qu’ils reçoivent ne sont clairs. Or, sans m’être penché sur les considérations pratiques liées à l’élaboration et à la prestation d’un programme d’études, je pars de l’hypothèse que le problème est fondamentalement dû à l’absence d’une philosophie claire de l’enseignement médical et qu’il faut en trouver une de toute urgence. Mais, où doit-on chercher cette philosophie? À défaut donc d’avoir une philosophie, nous nous sommes mis au service de la technologie. Or, il est grand temps de réexaminer ce que cela signifie de mettre la technologie au service de l’humanité. Au lieu de poser des questions comme « Quelle est la meilleure façon d’administrer le médicament X? » – où le médecin n’a qu’un rôle accessoire –, nous devrions demander : « Pour soulager l’être humain devant moi, devrais-je prescrire le médicament X? » Bien entendu, ces deux types de questions, nécessaires et contradictoires, coexistent dans un système de santé efficace et compatissant. Mais, il ne faut surtout pas oublier de poser le deuxième type de question si l’on ne veut pas créer un vide caractérisé par une insensibilité à la condition humaine et des soins de santé médiocres. J’estime que c’est une vérité allant de soi que le point de départ d’une telle exploration ne se trouve pas dans le domaine de la science, car il ne s’agit pas d’une hypothèse à vérifier, même si l’on aimerait penser que les résultats d’une telle approche se prêteraient à l’élaboration d’une philosophie. De plus, cette question d’un point de départ est plus vaste et D’aucuns peuvent arguer que cette analyse ne fait que réduire cette supposée tension qui existe dans le –6– cette exploration en offrant quelques observations et suggestions circonspectes, que l’on jugera fondées dans la mesure où l’on est en accord avec cette analyse. milieu de la santé à des contradictions superficielles qui existent par nécessité, mais auxquelles personne ne s’oppose. À un premier niveau, c’est vrai. Mais, la source de cette tension est plus profonde. Les contradictions n’en sont que des symptômes et ce n’est que la force de l’habitude et de la nécessité qui les font apparaître anodines. La tension vient du fait que les contradictions sont nécessaires et doivent coexister dans le système (vu dans son ensemble) alors qu’elles ne peuvent coexister librement et facilement dans l’esprit humain. Cela s’explique par le fait que le médecin a pour tâche de dissiper l’incertitude de la maladie et de fournir du réconfort au malade en l’aidant à comprendre son mal. Comme je l’ai mentionné ailleurs, la première intervention doit toujours être de comprendre3. Or, si nous acceptons la notion que le médecin a essentiellement pour rôle de déterminer, de jauger et de fournir un sens et un contexte à la maladie, nous devons aussi accepter que ces contradictions créent une réelle tension dans notre quête de certitude. Par exemple, en tant que scientifique, le médecin doit maintenir une distance vis-à-vis du malade et le traiter comme un spécimen, cela afin d’être ouvert, impartial et pouvoir le comparer à d’autres spécimens et à ce qui est normal. En même temps, pour bien soigner le malade, le médecin doit se montrer sensible à sa douleur et à sa souffrance. Il doit être réceptif, compatissant et exercer sa profession en utilisant les qualités qui précisément éliminent la distance entre lui et le malade. Le médecin doit donc adopter à la fois une attitude de distance scientifique et de proximité humaine. Cet exemple et bien d’autres démontrent que les contradictions sont nécessaires et doivent coexister pour que nous puissions offrir les meilleurs soins de santé possible. Il ne serait pas naturel de les éliminer pour créer une espèce de médecin idéal. Il manquerait alors quelque chose et c’est là précisément la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous avons sacrifié la vocation humaniste de la médecine dans notre quête d’une certitude scientifique plus parfaite. Premièrement, il est important de reconnaître le fait que de nombreux efforts positifs sont déjà en cours. Au cours des dernières années, nous avons été témoins d’une variété d’expériences mémorables qui sont l’expression d’une reconnaissance explicite qu’il faut les efforts de toute une communauté pour former un étudiant en médecine. Parmi ces initiatives, mentionnons les entrevues avec des malades normalisés de tout âge, y compris des élèves d’un cours de théâtre à l’école secondaire, les séances de bénévolat dans une banque alimentaire locale, les visites de personnes âgées à domicile et dans des centres d’hébergement, les rencontres avec des utilisateurs des services de centres de toxicomanie, et bien d’autres encore. De plus, on ne se contente plus d’offrir des cours sur les facteurs socioéconomiques et psychologiques associés à la prestation de soins. Ces questions sont désormais intégrées dans tous les aspects du programme d’études, y compris les séances de résolution de problèmes et les examens4. À d'autres égards cependant, on peut faire plus. Ainsi, on n’encourage pas assez les étudiants à assumer individuellement la responsabilité de leur éducation et de leur développement. Or, il s’agit de la première chose à faire pour susciter chez eux un esprit d’apprentissage autonome. De plus, que ce soit en salle de classe ou en clinique, les occasions ne manquent pas d’offrir un enseignement plus complet. Même quand la salle est bondée, le professeur peut et doit communiquer avec chaque étudiant. La phrase titre des Upanishads, cette œuvre séminale de la philosophie hindoue antique, signifie sommairement « Assis toi par terre aux pieds du Maître5 ». Il ne faut pas ignorer cette sage consigne, car la proximité professeur-étudiant permet de transmettre plus que de simples renseignements. Enfin, en vertu de ce qui est sans doute le principe fondamental de la philosophie occidentale, si l’on veut atteindre une rigoureuse certitude, il faut d’abord accepter l’incertitude. On confond souvent incertitude et doute. Pourtant, quand on ne craint pas l’incertitude, elle agit comme une force positive avant le fait, contrairement au doute qui, en raison de sa nature négative et critique, est une force après le fait. « Que faut-il faire alors pour retrouver et restaurer ces valeurs perdues? » Cette question est d'une importance capitale, mais elle est si vaste et théorique que toute réponse qu’on pourrait y apporter risque de paraître insuffisante. Néanmoins, nous devons non seulement essayer d’y répondre, mais y répondre d’une variété de façons. Je termine –7– L’incertitude est une source d’émerveillement, ce qui est tout le contraire du doute. Comme l’explique A. J. Heschel, « Le connu n’est que l’aspect apparent de l’inconnu6 ». Or, l’étudiant souhaite toujours qu’on lui enseigne ce qui n’est pas apparent. Il n’est donc jamais trop tard pour reconnaître l’importance de l’incertitude et s’en servir pour offrir un enseignement plus approfondi et mature. Comme le déclarait Heidegger dans le cours susmentionné, « L’enseignant est beaucoup moins sûr de sa matière, que l’apprenant l’est de la sienne. » L’enseignant ne doit pas voir dans l’incertitude une faiblesse à cacher, mais plutôt une occasion de confronter l’inconnu et d’apprendre plus que l’étudiant, cela afin de communiquer à ce dernier ce qui n’est pas apparent. En dernier lieu, il ne faut pas chercher à éviter la controverse – qui est abondante, comme on le sait, sur diverses questions reliées aux soins de la santé –, mais la soulever dans un environnement contrôlé et propice à la discussion. Des essais sont d’ailleurs en cours pour incorporer cette dimension au programme d’études7. Mais là encore, on peut faire beaucoup plus. La controverse fait ressortir l’incertitude et oblige les étudiants à réfléchir et à discuter, cela en vue d’en arriver à une mesure personnelle et honnête de la certitude. Œuvres citées 1. GAWANDE, A. « The Velluvial Matrix », The New Yorker, 2010. Consulté le 12 juillet 2010 à l’adresse : http://www.newyorker.com/online/blogs/news desk/2010/06/gawande-stanford-speech.html. 2. HEIDEGGER, M. What Calls for Thinking? Dans : KRELL, D. (directeur), Basic Writings, San Francisco, Harper Collins, 1977, p. 369-391. 3. PEIKES, T. Symptoms and Sign, allocution prononcée à la Calgary History of Medicine Days Conference, 2009. 4. FACULTÉ DE MÉDECINE DE L’UNIVERSITÉ DU MANITOBA, Programme d’études universitaires en médecine, 2009-2010. 5. CENTRE D’INFORMATION D’UTTARAKHAND. Upanishads. Consulté le 12 juillet 2010 à l’adresse : http://www.4dham.com/upanishads/. 6. HESCHEL, A. Between G-d and Man: An Interpretation of Judaism. Rothschild, F. (directeur), New York, Free Press, 1959. 7. FACULTÉ DE MÉDECINE DE L’UNIVERSITÉ DU MANITOBA, Programme d’études universitaires en médecine, 2009-2010. Je conclus donc ce texte, qui soulève plus de questions qu’il n’offre de réponses, avec ce conseil particulier : « Face à une tâche aussi importante, nous devons toujours nous efforcer de réaffirmer ce que nous tenons sur le champ pour vrai ». –8–