le comité éditorial de l`acém souhaite la bienvenue

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le comité éditorial de l`acém souhaite la bienvenue
L’édition mars 2011
LE COMITÉ ÉDITORIAL DE L’ACÉM SOUHAITE LA
BIENVENUE AU NOUVEAU RÉDACTEUR EN CHEF
ADJOINT DU BULLETIN DE L’ACÉM
Nous avons le plaisir de souhaiter la
bienvenue au Dr Muhammad Iqbal,
spécialiste des troubles respiratoires au
Centre des sciences de la santé de
l’Université Memorial de Terre-Neuve.
Muhammad est actif depuis 1986 dans le
domaine de l’apprentissage et de
l’enseignement de la médecine. Après
avoir obtenu son diplôme du Allama Iqbal
Medical College de Lahore, au Pakistan, il a
déménagé aux É.-U. pour poursuivre sa
formation. C’est là qu’il a complété sa formation postdoctorale en
médecine et en pneumologie.
Muhammad a été professeur adjoint en médecine au Shifa College of
Medicine d’Islamabad, au Pakistan, et enseigne aux étudiants des
niveaux prédoctoral et postdoctoral à l’Université Memorial de TerreNeuve depuis 2005.
Il est actuellement inscrit à la maîtrise en éducation à l’Université
Memorial de Terre-Neuve. Dans le domaine médical, Muhammad
s’intéresse particulièrement à l’apprentissage et à l’évaluation assistés
par ordinateur et fondés sur la technologie. N’hésitez pas à
communiquer avec Muhammad directement : [email protected].
SOMMAIRE :
PAGE 2 – IMPLIQUEZ
VOTRE CENTRE
UNIVERSITAIRE!
APPEL D’ARTICLES
POUR LE NUMÉRO
DU BULLETIN
D’INFORMATION
SUR LA CCÉM 2011
PAGE 2 –
ASSOCIATION
CANADIENNE POUR
L’ÉDUCATION
MÉDICALE (ACEM) –
LES DÉBUTS
PAGE 6 – AU-DELÀ
DE L’ASPECT
APPARENT DE
L’INCONNU
IMPLIQUEZ VOTRE CENTRE UNIVERSITAIRE! APPEL D’ARTICLES POUR LE NUMÉRO
DU BULLETIN D’INFORMATION SUR LA CCÉM 2011
Tout au long de l’année, le Bulletin de l’ACÉM publie des articles d’intérêt pour les éducateurs et les enseignants en
médecine du Canada. Nous vous invitons à soumettre un article pour le numéro spécial sur la CCÉM de 2011 qui
sera distribué au stand de l’ACÉM, à Toronto.
Ce numéro spécial consacré au thème de la CCÉM de 2011, La mission professorale en éducation médicale,
mettra en lumière les bonnes idées et les excellents programmes portant sur la mission professorale en éducation
médicale que l’on trouve dans les diverses régions du pays. Nous voulons en particulier encourager les étudiants et
les résidents qui participent à des projets de ce type à nous fournir des articles. Dans les numéros antérieurs du
Bulletin traitant de la CCÉM, nous avons réussi à publier des articles provenant la plupart des écoles de médecine
et nous aimerons continuer à faire connaître leurs idées et programmes.
La date limite pour la soumission d’articles est le lundi 11 avril 2011. Les textes doivent être envoyés à l’attention
du Dr Muhammad Iqbal, rédacteur en chef adjoint, Bulletin de l’ACÉM ( [email protected]). Pour obtenir les
directives sur la soumission d’articles, consultez le site http://www.cameacem.ca/pubs_publish_fr.php#newsletter.
ASSOCIATION CANADIENNE POUR L’ÉDUCATION MÉDICALE (ACEM) – LES DÉBUTS
W. Wayne Weston MD
fondateurs, dont Ian Hart en particulier. Le Canada
avait besoin d’un organisme comme l’ACÉM et les
chefs de file de l’enseignement médical souhaitaient
la création d’un forum canadien qui leur permettrait
de partager leurs idées sur les bonnes pratiques
pédagogiques et aussi leurs inquiétudes à propos du
système de récompense et de promotion des
membres du corps professoral qui désavantageait les
enseignants en médecine. En effet, il était attendu que
les professeurs de médecine excellent sur trois fronts.
Ils devaient être d’excellents cliniciens, des
enseignants exemplaires et des chercheurs
exceptionnels. Cependant, leur promotion dépendait
surtout du nombre de publications qu’ils avaient
produites et de subventions qu’ils avaient obtenues.
Ian Hart, conscient qu’il fallait du temps, de
l’attention et une bonne formation pour devenir un
excellent enseignant clinicien, s’est rendu à l’évidence
qu’il ne pourrait pas exceller dans ces trois domaines
à la fois. Il a donc décidé d’entreprendre une aventure
risquée. Il a changé de carrière, laissant de côté la
« L’ACÉM – C’était inévitable, c’était une idée
arrivée à maturité. » Ian Hart1
C’est le 1er juillet 1987 que l’Association canadienne
pour l’éducation médicale voyait le jour et qu’elle a,
l’on pourrait dire, « surgi », sur la scène. Dès le mois
d’octobre, le nouvel organisme avait déjà plusieurs
réalisations impressionnantes à son actif. Exemples :
• Adhésion de 500 membres en règle.
• Création et première réunion d’un comité de
direction formé de représentants d’écoles de
médecine des diverses régions du Canada.
• Publication du premier numéro du Bulletin (le
deuxième étant en voie de parution).
• Mise en œuvre des préparatifs de la première
assemblée nationale (1988).
Ces succès résultaient de la convergence du moment
(qui était propice) et des efforts inlassables des
1
Hart, I. Communication personnelle, Ottawa, 3 août 2006.
–2–
recherche biomédicale, pour devenir professeur de
médecine.
accorder davantage d’attention à l’enseignement
médical. Plusieurs nouvelles initiatives allaient
exercer une profonde influence sur le domaine au
Canada et ailleurs dans le monde, dont les suivantes :
« J’ai constaté assez vite, dans mon
premier poste à temps plein comme
professeur de faculté, que tout en ayant
une bonne formation comme chercheur en
endocrinologie et une solide expertise dans
ce domaine, je consacrais une part
substantielle de mon temps à
l’enseignement, activité pour laquelle je
n’avais aucune formation. » J’ai donc suivi
quelques cours sur l’enseignement de la
médecine et, à la fin des années 1970, j’ai
pris une année sabbatique pour faire de la
recherche en aqualab sur les maladies
thyroïdiennes et enseigner la médecine. À
mon retour, j’ai abandonné mon
laboratoire et ma subvention de recherche
pour me consacrer plus à fond à
l’enseignement médical2 ».
●
●
●
Durant son année sabbatique dans son Écosse natale,
Hart a collaboré avec Ron Harden qui avait
développé le Objective Structured Clinical Exam
(OSCE) à la fin des années 19703. Hart a vite compris
le potentiel de ce nouvel outil d’évaluation et a
commencé à l’utiliser dès son retour à Ottawa. Par la
suite, il en a fait la promotion partout au Canada et à
l’étranger. Sa détermination à améliorer le processus
d'évaluation venait sans doute de sa propre
expérience comme étudiant de troisième cycle et,
plus tard, comme évaluateur. En effet, à sa première
tentative, il avait échoué à l’examen d’études
postdoctorales. « Ce fut un dur coup à encaisser pour
Ian4. » Plus tard, alors qu’il exerçait les fonctions
d’examinateur pour le Collège royal des médecins, il a
été très contrarié par le fait que l’examinateur
principal recale un étudiant à qui il avait donné la
note de passage. Cette expérience l’a convaincu qu’il
devait y avoir une meilleure façon d’évaluer les
compétences.
●
●
Les écoles de médecine ont commencé à
embaucher des experts en enseignement médical.
« À la suite de la nomination d’Arthur Rothman à
l’Université de Toronto en 1969, il est devenu une
pratique courante pour les facultés d’avoir sur
place un expert de l’enseignement médical5. »
Les écoles de médecine ont commencé à établir
des bureaux du perfectionnement du corps
professoral. En 1975, le réseau POD (Professional
and Organizational Development ) a été mis sur
pied dans le but de promouvoir l’amélioration des
méthodes pédagogiques et de l’enseignement
supérieur.
En 1978, l’Association canadienne des
professeures et professeurs d’université (ACPPU)
a publié le premier rapport sur le dossier de
l’enseignement. Celui-ci a eu une importance
déterminante dans les efforts pour changer les
règles de promotion des professeurs afin qu’elles
tiennent compte de la contribution faite à
l’enseignement.
En 1984, l’Association of American Medical
Colleges publiait le rapport GPEP (General
Professional Education of the Physician). Il
s’agissait de la première évaluation de grande
envergure de l’enseignement universitaire de la
médecine à être réalisée depuis la publication du
fameux rapport de Flexner en 1919.
Partout dans le monde, des éducateurs en
médecine commençaient à prendre conscience du
fait que la médecine était en soi un champ
d’études, comme les autres.
Au cours des années 1970 et 1980, on s’est mis à
Durant cette même période, un petit cercle de
professeurs de médecine du Canada se rendait
régulièrement au Royaume-Uni pour les congrès de
l’ASME (Association for the Study of Medical
Education – un organisme créé en 1957), en Europe,
pour ceux de l’AMEE (Association for Medical
2
5
Hart, I. « Face to Face – Ian Hart », Medical Education, volume 34,
numéro 2, 2000, p.155-156.
3
Harden, RMcG, Stevenson, M., Downie, WW., Wilson, GM.
« Assessment of clinical competence using objective structured
examination », British Medical Journal, volume 1, 1975, p. 337-451.
4
Dauphinee, D. Communication personnelle, 8 mars, 2008.
Dauphinee,WD. « Evaluation and the Royal College of Physicians
and Surgeons of Canada – A 35-year history of initiatives and
influence », dans Dinsdale, HB., Hurteau, G. (directeurs). The Royal
College of Physicians and Surgeons of Canada The Evolution of
Specialty Medicine – 1979-2004, Ottawa, Royal College of
Physicians and Surgeons of Canada, 2004.
–3–
Education throughout Europe – un organisme créé
1972) et aux États-Unis, pour ceux du GME (Group on
Medical Education – un organisme créé en 1969 qui
est connu aujourd’hui sous le nom de Group on
Educational Affairs) ou de la RIME (Research in
Medical Education). Ces personnes se rencontraient
souvent à ces réunions et se demandaient pourquoi, il
n’existait pas au Canada d’organismes semblables. En
1976, les professeurs de médecine du Québec ont
fondé le Club de pédagogie médicale du Québec et, en
1978, le Collège des médecins de famille du Canada a
créé la section des Enseignants de médecine familiale.
En 1985, Ian Hart et d’autres ont mis sur pied les
Ottawa Conferences, des rencontres portant sur
l’évaluation des compétences qui ont lieu à tour de
rôle dans divers centres nationaux, partout dans le
monde. Malgré cela, il n’y existait toujours pas à ce
moment, au Canada, de réunion où les éducateurs de
toutes les disciplines puissent se rassembler pour
parler de l’ensemble des questions liées à
l’enseignement médical. En juillet 1986, Hart a
effectué un sondage postal auprès des membres du
corps professoral médical de toutes les régions du
Canada et 603 enseignants représentant 11 écoles de
médecine lui ont répondu en exprimant de l’intérêt
pour son projet6. Il a ensuite communiqué avec ses
collègues pour former le premier comité de direction
de l’Association et a reçu l’assurance de pouvoir
compter sur leur appui à « 100 % »7. (Voir la liste des
membres du premier comité de direction.) Le Comité
s’est réuni pour la première fois en novembre 1987
et a commencé à planifier la tenue de la première
réunion de l’ACÉM qui a eu lieu à l’hôtel Le Méridien
de Montréal, le 1er et le 2 octobre 1988, dans le cadre
du congrès de l’Association des collèges canadiens de
médecine (connue aujourd’hui sous le nom
d’Association des facultés de médecine du Canada).
la vigoureuse croissance de l’ACÉM. Même si 60 %
des répondants au premier sondage avaient indiqué
qu’ils préféraient se rencontrer dans le cadre de la
rencontre annuelle du Collège royal des médecins et
chirurgiens du Canada, les membres du Comité de
direction ont décidé que l’assemblée générale de
l’ACÉM devait plutôt se tenir dans le cadre du congrès
de l’Association des collèges canadiens de médecine
(ACCM). Si l’assemblée générale avait été associée à
la rencontre du Collège royal, il est probable que peu
de membres du Collège des médecins de famille du
Canada y auraient participé. En outre, les réunions de
l’ACCM à cette époque portaient surtout sur des
questions administratives qui n’intéressaient que les
doyens et les vice-doyens. On les considérait comme
« guindées et pas très stimulantes9 ». Avec l’ajout des
conférences, des séances de présentation par affiches
et des ateliers de l’ACÉM, elles sont devenues plus
dynamiques et intéressantes et ont attiré des
éducateurs qui autrement n’y seraient pas venus.
Pour sa part, l’ACCM a fourni à l’ACÉM le soutien
administratif et financier dont elle avait un grand
besoin pour la tenue de son assemblée générale
annuelle, ainsi que l’aide requise pour la traduction
du Bulletin et d’autres documents en français.
« L’ACÉM avait pour mandat « d’encourager et de
soutenir le développement de compétences
pédagogiques et d’évaluation, et de la recherche en
éducation médicale dans les facultés de médecine
canadiennes grâce à l’échange de renseignements sur
l'enseignement, sur l’apprentissage et sur les
méthodes d’évaluation8. » Les décisions initiales du
Comité de direction ont permis d’établir les bases de
6
Spooner, J. Communication personnelle.
Bulletin de l’ACÉM, volume 1, numéro 2 (novembre 1987).
8
Rapport de la situation actuelle de l’ACÉM à l’ACCM (octobre
1987).
7
9
–4–
Liste des membres du premier comité de
direction de l’ACÉM
• Ian Bowmer – Université Memorial
• Lee Kirby – Université Dalhousie
• Paul Grand’Maison – Université de
Sherbrooke
• Louis Dufresne – Université de Montréal
• Dale Dauphinee – Université McGill
• Ian Hart – Université d’Ottawa
• David Ginsburg – Université Queens
• Arthur Rothman - Université de Toronto
• Geoff Norman – Université McMaster
• David Hollomby – Université Western
• Daniel Klass – Université du Manitoba
• James Spooner – Université de la
Saskatchewan
• John Baumber – Université de Calgary
• Douglas Wilson – Université de l’Alberta
• Gordon Page – Université de la
Colombie-Britannique (UBC)
• Valerie Paida – Fédération d'étudiants en
médecine du Canada
Hart, I. Communication personnelle, Ottawa, 3 août 2006.
10. HART, I. « Face to Face – Ian Hart. Medical
L’ACÉM a contribué à changer le milieu de
l’enseignement médical au Canada en fournissant aux
éducateurs en médecine un forum où ils peuvent
établir des liens et échanger des idées, « un lieu où ils
peuvent exceller10 ». Depuis sa création, elle a mis
l’accent sur le service à ses membres en leur
fournissant des occasions pour apprendre les uns des
autres, et en organisant des rencontres où ils peuvent
présenter leurs travaux d’érudition.
Education », volume 34, numéro 2, 2000, p. 155156.
11. HENNEN, B. Proceeding of the First Banff
Workshop for Teachers of Family Medicine,
Society of Teachers of Family Medicine, 1970.
12. HENNEN, B.K. « Academic family medicine in
Canada », CMAJ, volume 148, numéro 9, 1993, p.
1559-563.
13. HODGES, B. « The many and conflicting histories
of medical education in Canada and the USA: an
introduction to the paradigm wars », Medical
Education, volume 39, 2005, p. 613-621.
14. JONAS, S. Medical Mystery – the Training of
Doctors in the United States, New York, W. W.
Norton, 1978.
15. LUDMERER, K.M. Time to Heal – American
medical Education from the Turn of the Century to
the Era of Managed Care, Oxford, Oxford
University Press, 1999.
16. Mcphedran, N.T. Canadian Medical Schools – Two
Centuries of Medical History – 1822-1992,
Montreal, Harvest House, 1993.
17. MCPHEDRAN, N.T. « Canadian medical schools
before ACMC », CMAJ, volume 148, numéro 9,
1993, p. 1533-1537.
18. PANEL ON THE GENERAL PROFESSIONAL
EDUCATION OF THE PHYSICIAN AND COLLEGE
PREPARATION FOR MEDICINE. Physicians for the
Twenty-First Century – The GPEP Report,
Association of American Medical Colleges, 1984.
19. SORCINELLI, M.D., A.E. Austin, P.L. Eddy et A.L.
Beach. Creating the Future of Faculty
Development – Learning from the Past,
Understanding the Present. Bolton,
Massachusetts, Anker Publishing, 2006.
20. SPAULDING, W.B. « Aspects of Canadian Medical
Education », Canadian Bulletin of Medical History,
volume 6, 1989, p. 179-183.
WAUGH, D. « Histoire de la formation médicale au
Canada », L’Encyclopédie canadienne,
http://www.thecanadianencyclopedia.com/index
.cfm?PgNm=TCE&Params=F1ARTF0005196
(document consulté le 3 février 2011).
Bibliographie
1. BOYER, E.L. Scholarship Reconsidered Priorities of
the Professoriate. Princeton, New Jersey, The
Carnegie Foundation for the Advancement of
Teaching, 1990.
2. CALMAN, K.C. Medical Education – Past, Present
and Future: Handing on Learning. Edinburgh,
Churchill Livingstone Elsevier, 2007.
3. BULLETINS DE l’ACÉM (collection complète
1987).
4. CORBET, E.A. Frontiers of Medicine – A History of
Medical Education and Research at the University
of Alberta, University of Alberta Press, 1990.
5. DAUPHINEE, W.D. « Canadian medical education:
50 years of innovation and leadership », CMAJ,
volume 148, numéro 9, 1993, p. 1582-1588.
6. DUFFIN, J. History of Medicine – A Scandalously
Short Introduction (2e édition), Toronto,
University of Toronto Press, 2010. Nota : Le
chapitre 16, Sleuthing and Science: How to
Research a Question in Medical History, est
particulièrement utile.
7. HARDEN, R.M., J. GRANT, G. BUCKLEY et I.R.
HART. « Best Evidence Medical Education »,
Advances in Health Sciences Education, volume
5, 2000, p. 71-90.
8. HART, I.R. et R.M. HARDEN. « Best Evidence
Medical Education (BEME): a plan for action »,
Medical Education, volume 22, numéro 2, 2000,
p. 131-135.
9. HART, I. et R. HARDEN. « The Ottawa
Conferences: the good, the new, the
controversial and the uncomfortable » (Mot de la
rédaction), Medical Teacher, volume 22,
numéro 4, 2000, p. 331-333.
10
Mann, K. Communication personnelle, 18 juillet 2006.
–5–
complexe qu’on ne le pense. Dans son discours de fin
d’année à l’Université Stanford, le docteur Atule
Gawande a souligné le fait que, depuis un demi-siècle,
la médecine est focalisée sur l’idéal de la péniciline1,
c’est-à-dire sur la notion que toutes les maladies ont
pour cause une défaillance physiologique unique et
réductible qui peut être étudiée, prédite et
éventuellement guérie. En d’autres mots, pour
chaque trouble, il y aurait un remède miracle. Or, où
sont-ils aujourd’hui ces remèdes miracles? Combien
faudra-t-il de maladies complexes et multifactorielles,
telles que le diabète ou les cas alarmants d’infections
chimiorésistantes comme le XTB, pour qu’on se
souvienne que l’idéal de la médecine ne peut
consister uniquement en la recherche de remèdes
miracles? Malgré le fait que notre démarche soit
rigoureuse et que chaque petite victoire nous rende à
juste titre optimistes, cette quête d’un remède pour
chaque maladie nous a fait oublier certains des
enseignements ancestraux de la médecine. Dans son
cours intitulé « Qu’appelle-t-on penser? », Martin
Heidegger explique habilement que « le religieux
n’est jamais détruit par la logique, mais toujours
uniquement par le fait que dieu se retire2. » C’est
paradoxalement le contraire qui se produit en
médecine, car c’est précisément la logique qui a
détruit notre foi en l’humanisme et qui a causé sa
disparition ou son départ. C’est notre foi suprême
dans la logique de la science qui a éliminé la nécessité
d’avoir une philosophie de la médecine.
AU-DELÀ DE L’ASPECT APPARENT DE
L’INCONNU
Tyler Peikes, 2e année de médecine, Université du
Manitoba
« La médecine ne s’enseigne pas, elle s’apprend. »
Voilà la phrase qui ressort dans mon esprit parmi la
profusion de déclarations, de définitions et de faits
qui constituent l’introduction offerte en première
année au monde parfois mystérieux, mais toujours
fascinant de la médecine. Elle faisait partie des
conseils prodigués durant la première semaine de
cours par un professeur (maintenant anonyme) aux
nouveaux étudiants (également anonymes) qui
s’apprêtaient à commencer l’ascension d’une
montagne de connaissances qui leur semblaient
insurmontable.
Au cours de ma première année de médecine, j’ai
beaucoup réfléchi à cette introduction. J’estime que
j’ai encore beaucoup à apprendre et je suis ouvert à
tout conseil qui aidera mon développement comme
médecin. En même temps, en tant qu’étudiant ouvert
d’esprit et observateur ayant fait des études en
philosophie, j’ai une perspective particulière qui me
permet de formuler des observations sur la
philosophie de l’enseignement de la médecine.
Je note d’abord qu’il existe un urgent besoin d’évaluer
ce qui est enseigné et la façon de l’enseigner. En effet,
malgré les nombreuses et exceptionnelles
expériences d’apprentissage que vivent les étudiants,
ni les objectifs, ni les principes sous-jacents de
l’enseignement qu’ils reçoivent ne sont clairs. Or,
sans m’être penché sur les considérations pratiques
liées à l’élaboration et à la prestation d’un
programme d’études, je pars de l’hypothèse que le
problème est fondamentalement dû à l’absence d’une
philosophie claire de l’enseignement médical et qu’il
faut en trouver une de toute urgence. Mais, où doit-on
chercher cette philosophie?
À défaut donc d’avoir une philosophie, nous nous
sommes mis au service de la technologie. Or, il est
grand temps de réexaminer ce que cela signifie de
mettre la technologie au service de l’humanité. Au
lieu de poser des questions comme « Quelle est la
meilleure façon d’administrer le médicament X? » –
où le médecin n’a qu’un rôle accessoire –, nous
devrions demander : « Pour soulager l’être humain
devant moi, devrais-je prescrire le médicament X? »
Bien entendu, ces deux types de questions,
nécessaires et contradictoires, coexistent dans un
système de santé efficace et compatissant. Mais, il ne
faut surtout pas oublier de poser le deuxième type de
question si l’on ne veut pas créer un vide caractérisé
par une insensibilité à la condition humaine et des
soins de santé médiocres.
J’estime que c’est une vérité allant de soi que le point
de départ d’une telle exploration ne se trouve pas
dans le domaine de la science, car il ne s’agit pas
d’une hypothèse à vérifier, même si l’on aimerait
penser que les résultats d’une telle approche se
prêteraient à l’élaboration d’une philosophie. De plus,
cette question d’un point de départ est plus vaste et
D’aucuns peuvent arguer que cette analyse ne fait
que réduire cette supposée tension qui existe dans le
–6–
cette exploration en offrant quelques observations et
suggestions circonspectes, que l’on jugera fondées
dans la mesure où l’on est en accord avec cette
analyse.
milieu de la santé à des contradictions superficielles
qui existent par nécessité, mais auxquelles personne
ne s’oppose. À un premier niveau, c’est vrai. Mais, la
source de cette tension est plus profonde. Les
contradictions n’en sont que des symptômes et ce
n’est que la force de l’habitude et de la nécessité qui
les font apparaître anodines. La tension vient du fait
que les contradictions sont nécessaires et doivent
coexister dans le système (vu dans son ensemble)
alors qu’elles ne peuvent coexister librement et
facilement dans l’esprit humain. Cela s’explique par le
fait que le médecin a pour tâche de dissiper
l’incertitude de la maladie et de fournir du réconfort
au malade en l’aidant à comprendre son mal. Comme
je l’ai mentionné ailleurs, la première intervention
doit toujours être de comprendre3. Or, si nous
acceptons la notion que le médecin a essentiellement
pour rôle de déterminer, de jauger et de fournir un
sens et un contexte à la maladie, nous devons aussi
accepter que ces contradictions créent une réelle
tension dans notre quête de certitude. Par exemple,
en tant que scientifique, le médecin doit maintenir
une distance vis-à-vis du malade et le traiter comme
un spécimen, cela afin d’être ouvert, impartial et
pouvoir le comparer à d’autres spécimens et à ce qui
est normal. En même temps, pour bien soigner le
malade, le médecin doit se montrer sensible à sa
douleur et à sa souffrance. Il doit être réceptif,
compatissant et exercer sa profession en utilisant les
qualités qui précisément éliminent la distance entre
lui et le malade. Le médecin doit donc adopter à la
fois une attitude de distance scientifique et de
proximité humaine. Cet exemple et bien d’autres
démontrent que les contradictions sont nécessaires
et doivent coexister pour que nous puissions offrir les
meilleurs soins de santé possible. Il ne serait pas
naturel de les éliminer pour créer une espèce de
médecin idéal. Il manquerait alors quelque chose et
c’est là précisément la situation dans laquelle nous
nous trouvons. Nous avons sacrifié la vocation
humaniste de la médecine dans notre quête d’une
certitude scientifique plus parfaite.
Premièrement, il est important de reconnaître le fait
que de nombreux efforts positifs sont déjà en cours.
Au cours des dernières années, nous avons été
témoins d’une variété d’expériences mémorables qui
sont l’expression d’une reconnaissance explicite qu’il
faut les efforts de toute une communauté pour
former un étudiant en médecine. Parmi ces
initiatives, mentionnons les entrevues avec des
malades normalisés de tout âge, y compris des élèves
d’un cours de théâtre à l’école secondaire, les séances
de bénévolat dans une banque alimentaire locale, les
visites de personnes âgées à domicile et dans des
centres d’hébergement, les rencontres avec des
utilisateurs des services de centres de toxicomanie, et
bien d’autres encore. De plus, on ne se contente plus
d’offrir des cours sur les facteurs socioéconomiques
et psychologiques associés à la prestation de soins.
Ces questions sont désormais intégrées dans tous les
aspects du programme d’études, y compris les
séances de résolution de problèmes et les examens4.
À d'autres égards cependant, on peut faire plus. Ainsi,
on n’encourage pas assez les étudiants à assumer
individuellement la responsabilité de leur éducation
et de leur développement. Or, il s’agit de la première
chose à faire pour susciter chez eux un esprit
d’apprentissage autonome. De plus, que ce soit en
salle de classe ou en clinique, les occasions ne
manquent pas d’offrir un enseignement plus complet.
Même quand la salle est bondée, le professeur peut et
doit communiquer avec chaque étudiant. La phrase
titre des Upanishads, cette œuvre séminale de la
philosophie hindoue antique, signifie sommairement
« Assis toi par terre aux pieds du Maître5 ». Il ne faut
pas ignorer cette sage consigne, car la proximité
professeur-étudiant permet de transmettre plus que
de simples renseignements. Enfin, en vertu de ce qui
est sans doute le principe fondamental de la
philosophie occidentale, si l’on veut atteindre une
rigoureuse certitude, il faut d’abord accepter
l’incertitude. On confond souvent incertitude et
doute. Pourtant, quand on ne craint pas l’incertitude,
elle agit comme une force positive avant le fait,
contrairement au doute qui, en raison de sa nature
négative et critique, est une force après le fait.
« Que faut-il faire alors pour retrouver et restaurer
ces valeurs perdues? » Cette question est d'une
importance capitale, mais elle est si vaste et
théorique que toute réponse qu’on pourrait y
apporter risque de paraître insuffisante. Néanmoins,
nous devons non seulement essayer d’y répondre,
mais y répondre d’une variété de façons. Je termine
–7–
L’incertitude est une source d’émerveillement, ce qui
est tout le contraire du doute. Comme l’explique A. J.
Heschel, « Le connu n’est que l’aspect apparent de
l’inconnu6 ». Or, l’étudiant souhaite toujours qu’on lui
enseigne ce qui n’est pas apparent. Il n’est donc
jamais trop tard pour reconnaître l’importance de
l’incertitude et s’en servir pour offrir un
enseignement plus approfondi et mature. Comme le
déclarait Heidegger dans le cours susmentionné,
« L’enseignant est beaucoup moins sûr de sa matière,
que l’apprenant l’est de la sienne. » L’enseignant ne
doit pas voir dans l’incertitude une faiblesse à cacher,
mais plutôt une occasion de confronter l’inconnu et
d’apprendre plus que l’étudiant, cela afin de
communiquer à ce dernier ce qui n’est pas apparent.
En dernier lieu, il ne faut pas chercher à éviter la
controverse – qui est abondante, comme on le sait,
sur diverses questions reliées aux soins de la santé –,
mais la soulever dans un environnement contrôlé et
propice à la discussion. Des essais sont d’ailleurs en
cours pour incorporer cette dimension au
programme d’études7. Mais là encore, on peut faire
beaucoup plus. La controverse fait ressortir
l’incertitude et oblige les étudiants à réfléchir et à
discuter, cela en vue d’en arriver à une mesure
personnelle et honnête de la certitude.
Œuvres citées
1. GAWANDE, A. « The Velluvial Matrix », The New
Yorker, 2010. Consulté le 12 juillet 2010 à
l’adresse :
http://www.newyorker.com/online/blogs/news
desk/2010/06/gawande-stanford-speech.html.
2. HEIDEGGER, M. What Calls for Thinking? Dans :
KRELL, D. (directeur), Basic Writings, San
Francisco, Harper Collins, 1977, p. 369-391.
3. PEIKES, T. Symptoms and Sign, allocution
prononcée à la Calgary History of Medicine Days
Conference, 2009.
4. FACULTÉ DE MÉDECINE DE L’UNIVERSITÉ DU
MANITOBA, Programme d’études universitaires
en médecine, 2009-2010.
5. CENTRE D’INFORMATION D’UTTARAKHAND.
Upanishads. Consulté le 12 juillet 2010 à
l’adresse : http://www.4dham.com/upanishads/.
6. HESCHEL, A. Between G-d and Man: An
Interpretation of Judaism. Rothschild, F.
(directeur), New York, Free Press, 1959.
7. FACULTÉ DE MÉDECINE DE L’UNIVERSITÉ DU
MANITOBA, Programme d’études universitaires
en médecine, 2009-2010.
Je conclus donc ce texte, qui soulève plus de
questions qu’il n’offre de réponses, avec ce conseil
particulier : « Face à une tâche aussi importante, nous
devons toujours nous efforcer de réaffirmer ce que
nous tenons sur le champ pour vrai ».
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