Syllabus nageur
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Syllabus nageur
Licence STAPS « Entraînement Sportif » ‐ UFRSTAPS TOULOUSE UE 37.1 S : Approche socio‐historique de la performance – Serge VAUCELLE « Le nageur et l’entraîneur » Histoire de l’entraînement en Natation Serge VAUCELLE PLAN Introduction I – « L’Art de nager » (XVe – XIXe s.) II – Les trois naissances de la Natation française (fin XIXe – début XXe s.) III – Le temps des pionniers (19201940) Méthodes d’entraînement et Natation sportive IV – Mutation de la Natation en France (1950 – 1960) V – Les Activités de la Natation et l’entraînement en France (1970 – 2010) Conclusion INTRODUCTION Quelques rappels sur les jeux aquatiques : A ‐ Les thermes dans l’Antiquité : hygiène et débauche. B ‐ La piscine de Charlemagne au début du Moyen Âge : plaisir, pouvoir et sociabilité. C ‐ Nager à la fin du Moyen Âge : seigneurs et paysans. I – « L’Art de nager » (XVe – XIXe s.) 1°) L’homme et le milieu aquatique –A : Les réticences des médecins médiévaux : Permanence de la théorie des humeurs –B : Nouveau point de vue de la Renaissance : Mercurialis (De arte gymnastica, 1569), Castiglione (Livre du Courtisan, 1528/1585), F. La Noue (Disc. pol. & mil., 1587) 2°) Quel art de la natation au XVIe siècle ? –A : Nicolaus WYNMANN, Colymbetes sive De arte natandi, Augsburg, 1538 Premier traité de natation. –B : Technique naturelle ou méthode artificielle ? •Utilité de la natation pour le gentilhomme •Conception utilitaire, corps outil, instrument de navigation •Déplacements en surface. •Discours théorique et non empirique –C : Nager : activité du monde, activité plaisante ? « Il est convenable également de savoir nager, courir, sauter, jeter la pierre, parce qu’outre l’utilité qui peut en être tirée pour la guerre, il est nécessaire de faire ses preuves dans des exercices de ce genre, par lesquels on s’acquiert une bonne réputation ». B. Castiglione, Le Livre du Courtisan, 1528/1585, chap. XXII 1 Licence STAPS « Entraînement Sportif » ‐ UFRSTAPS TOULOUSE UE 37.1 S : Approche socio‐historique de la performance – Serge VAUCELLE •« Nageait en profonde eau, à l’endroit, à l’envers, de côté, de tout le corps, des seuls pieds, une main en l’air, en laquelle tenant un livre, transpassoit toute la rivière de Seine sans icelui mouiller, & tirant par les dents son manteau, comme faisait Jules César. Puis d’une main entrait par grande force en bateau; d’icelui se jetait derechef en l’eau, la tête la première, sondait le profond, creusait les rochers, plongeait ès abîmes & gouffres ». F. Rabelais, Gargantua, 1534, chap. XXIII 3°) Quel art de la natation aux XVIIe et XVIIIe siècles ? –A : Le traité d’Everard DIGBY : De arte natandi, Londres, 1587 •Autonomie du jeu •Prendre du plaisir, se déplacer sur l’eau •Expérimentation de mouvements d’agrément •Espace à trois dimensions, variation des positions –B : Le traité français de Melchisédech THEVENOT : L’Art de nager, Paris, 1696 •Somme des deux courants précédents •Utilitaire et plaisante –C : L’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert (1751) : contre toute attente, et malgré le projet ambitieux de l’œuvre, présence d’un discours archaïque et nullement novateur… 4°) Quelle natation au XIXe siècle ? –A : Mouvance du milieu et activité utilitaire •Bienfaits de l’exercice physique •Avantages de la mer •Mécanique des fluides dans l’organisme •L’utilisation des scaphandres et machines à plonger : « bateau de l’homme » (1775) et « patins‐nageoires » (1875) –B : Pratique utilitaire et formation physique Apports du Vicomte de Courtivron, Traité complet de natation, application à l’art de la guerre (1824). Nager en chien, en grenouille, sous l’eau ou plonger, la coupe, faire la planche et nager sur le dos Organisation traditionnelle selon le Colonel Amoros, Manuel de gymnastique, 1834, ch. XXXI : « –1 ‐ Mouvements élémentaires, –2 ‐ Natation en l’air, –3 ‐ Application dans l’eau » 5°) Quelle natation à la fin du XIXe siècle ? –A : Hygiène du corps et formation morale •Natation, ordre et amour de la patrie •Rigueur, autorité et mise en ordre des corps –B : Fonctionnement du corps et importance de l’air •Question de flottaison : Amoros (1834) –« La natation est la locomotion et la progression dans l’eau, c’est la faculté de se mouvoir dans ce fluide » –« La pesanteur spécifique du corps d’une personne quelconque est‐elle plus grande, plus petite, ou égale au volume d’eau qu’il déplace ? » •Question de respiration : Marcel Mauss (1898) –D’Archimède à Lavoisier –Rôle de la combustion –Modèle de la machine à vapeur •Poids de l’eau et du plein‐air –Vie oisive et temps libre –Santé et hygiène –Modernité et performance 2 Licence STAPS « Entraînement Sportif » ‐ UFRSTAPS TOULOUSE UE 37.1 S : Approche socio‐historique de la performance – Serge VAUCELLE Bilan (XVe – XIXe) •Net ancrage culturel et social, fort marquage des mentalités occidentales et de la pensée collective. •Diversité de pratiques : éclatement des références, confusion. •Regard largement contrasté : –Plaisir (jeu et débauche) ou ascèse (morale et performance) –Harmonie du corps (bien‐être) ou dyscrasie (rejet de l’eau) –Bienfaits (éducation, hygiène) ou danger (noyade) –Action collective ou action individuelle –Activité technique ou pratique naturelle •Ces positions vont marquer profondément les mentalités. Elles vont ressurgir au XXe siècle alors que la natation de compétition s’impose. Le concept de « l’entraînement » va alors subir l’influence de ces oppositions « passage du baigneur au nageur » •Stabilisation progressive de référents théoriques et scientifiques. •Entre ces diverses voies, la natation hésite quant à sa définition. Dans un premier temps, au début du XXe siècle, sa place dans la société française se construit dans l’éclatement. II – Les trois naissances de la Natation française (fin XIXe – début XXe s.) 1°) La natation amateur et l’USFSA –1873 : Société des Nageurs du Havre •Modèle de la Swimming Society (Londres, 1837) •Rappel (football et rugby au HAC, 1872) •1846 : premier championnat en Australie –Contexte : •regroupement des sociétés de sauvetage de la région normande (1897 : Union Fédérale des Nageurs de Normandie) –1890, USFSA : regroupement des premiers amateurs de la natation. –1899 : Commission « natation » au sein de l’USFSA jusqu’en 1919. –Application des codes de la FINA (créée en 1908, sur le modèle anglais) – Définition de l’Amateur 2°) La natation professionnelle et l’UFN –Spectacles nautiques •Traversée de la Seine (Le Vélo, sept. 1898), Traversée de Paris (L’Auto), traversées de villes de province •Marathons nautiques, Cross‐country nautiques •Concours de plongeons, d’apnée, parcours sous l’eau… •Traversée de la Manche (1875 : Capitaine Webb, 21h 45mn) ‐ (1926 : Géo Michel, 11h 5mn) –Clivage fédéral : •1902 : FSAF (rupture avec l’USFSA) •1908 : FSAPF •1911 : création de l’UFN (Union Française de Natation) 3°) La natation utilitaire et la FFSNS –Sociétés de Sauvetage •1897 : Union Fédérale des Nageurs de Normandie 3 Licence STAPS « Entraînement Sportif » ‐ UFRSTAPS TOULOUSE UE 37.1 S : Approche socio‐historique de la performance – Serge VAUCELLE •1899 : Union Fédérale des Sociétés de Natation et de Sauvetage (UFSNS), présidée par le havrais Raymond Pitet •1905 : FNSNS (Fédération Nationale) –Manifestations •« Fête du Devoir », démonstration, exhibition, compétitions •Courses individuelles et pratique collective du Water‐polo •Proximité avec l’USGF –Formation des instructeurs •1902 : Brevet de moniteur de natation •1908 : Brevets d’instructeur et de maître‐nageur‐marinier •Exercice du mannequin de sauvetage inventé par Pitet 4°) L’importance de l’entraînement –Quelle définition de l’activité ? –Diversité de la natation française, complexité du système des sports français (USFSA…) –Faiblesse des résultats sportifs français •JO 1912, JO 1920 –Constat d’échec : JO 1924 •Force de la délégation, fragilité du bilan •2 titres : relais et water polo •Poids de l’entraîneur Paul Beulque (Enfants de Neptune de Tourcoing) –Nécessaire regroupement autour du problème de la représentation nationale : quelle équipe de France dans les compétitions internationales ? –Vers une reconnaissance du rôle de l’entraînement. 5°) Vers une unification fédérale : la FFN –1919 : Naissance de fédérations uni‐sports (fin USFSA) –1920 : FFNS : F F Natation et Sauvetage (2 dimensions autonomes de la natation) –1920 : FNNS : F Nale de Natation et Sauvetage (ancienne « Fédé Pitet ») –1926 : Ligue Européenne de Natation fondée par Emile‐Georges Drigny (secrétaire USFSA, puis FFNS) –1927 : FNNS devient FNS (Sauvetage seul) quand la FFNS s’oriente vers la seule Natation –1928 : Drigny élu Président FINA (1928‐1932) –1938 : FFNS devient la FFN Bilan (1890 – 1920) •Constat d’une Natation plurielle. –Diversité de pratiques (déjà repérée): éclatement des références, confusion dans les activités, mélange des acteurs. •A la fin des années 1930, la FFN présente enfin un cadre sportif unifié pour une meilleure efficacité compétitive et sportive : on s’oriente alors vers une natation de performance ouverte aux seuls amateurs. Mais fragilité des installations sportives… •Les voies « professionnelles » et « utilitaires » ne sont pas éteintes pour autant. Leurs conceptions de l’entraînement survivent (et traverseront le XXe siècle) : –nager vite pour être utile, nager en maîtrisant sa nage pour sa sécurité ou sa santé, nager à plusieurs plutôt que seul, nager longtemps pour le spectacle, nager par défi ou nager en un milieu naturel. •Ces orientations s’opposent au nager « sportif » : nager de plus en plus vite dans des conditions réglementaires de plus en plus précises. 4 Licence STAPS « Entraînement Sportif » ‐ UFRSTAPS TOULOUSE UE 37.1 S : Approche socio‐historique de la performance – Serge VAUCELLE III – Le temps des pionniers : méthodes d’entraînement et Natation sportive (années 1920 – 1940) 1°) L’héritage français : la question des nages –« En première ligne, il faut placer la brasse sur le ventre, (…) elle constitue l’alphabet de la natation ». G. Hébert, Leçontype de natation, 1913. –Hiérarchie des nages : •brasse, brasse sur le dos, plongeon, nages de côté •puis nages de vitesse, •enfin nage debout, plongée et nage sous l’eau. 2°) Codification technique –La brasse doit s’apprendre avant les nages sur le dos. –Elle doit s’apprendre avant les nages de course (crawl, trudgeon, over arm stroke ou « crawl renversé »). Brasse à 4 temps, Brasse à 3 temps … •Stabilisation technique de la « Brasse française » ou « brasse orthodoxe à 4 temps » (influence de P. Beulque à partir de 1911 ‐ P. Beulque & A. Descarpentrie, Méthode Natation, 1922) •Réforme de la méthode analytique dans une perspective plus sportive : structuration de la nage par des temps forts : « La brasse se nage à trois temps ». G. Rigal & L. Vénard, La Natation moderne, 1921. 3°) Problème de méthodes, problème de techniques •Conflits entre la rentabilité pédagogique du modèle scolaire et la faiblesse de résultats de la culture sportive. •Oppositions entre les méthodes : –Méthode analytique : P. Beulque (1911), FFN (1922‐1945) –Méthode naturelle : L. Grenet (1922), Joinville (1919‐1935) –Méthode globale ou intermédiaire : G. Hébert (1913) –Méthode sportive : P. Blache (1907), G. Rigal & L. Vénard (1921) •Codification des techniques de nage : –JO (18961904) : brasse, nage libre, n. l. avec obstacles, réservé aux marins, réservé aux clubs, par équipes, nage sous l’eau, distance sur élan du plongeon de départ (19.05m en 1904 !), en mer, en rivière, en eau stagnante, en bassin… –FINA (à partir de 1908): Brasse, nage sur le dos (dos brassé, dos crawlé), nage sur le côté (over arm stroke), nage libre (trudgeon, crawl américain, crawl australien) [puis brasse‐papillon (1952)]. –Les nations réagissent différemment devant ces règlements, la suprématie du crawl n’étant pas véritablement établie. 4°) Le style et l’aisance naturelle •La Natation française croit en sa suprématie en Brasse. D’autres nations investissent les « nages de course » ou « nages hybrides ». •Les entraîneurs français privilégient la maîtrise technique sur l’intensité de l’effort. •En natation, « les progrès sont déterminés, non uniquement par la force et les moyens physiques, mais surtout par la parfaite connaissance d’un style ; or le style, suivant la 5 Licence STAPS « Entraînement Sportif » ‐ UFRSTAPS TOULOUSE UE 37.1 S : Approche socio‐historique de la performance – Serge VAUCELLE belle définition de Buffon, c’est, en matière éducative, l’homme lui‐même ». E.G. Drigny, 1946. (discours présent dès 1920) •« Le nageur, en cours d’entraînement, doit s’astreindre à une discipline sévère; s’apprendre à respirer, ne jamais forcer son cœur (ce qui est fréquent chez le coureur à pied), éviter toute cause de surmenage, les excès de table ou autres, ne pas fumer, se coucher tôt et dormir huit heures au moins. Plus longtemps s’il s’agit d’un jeune homme de moins de 18 ans». G. Rigal & L. Vénard, La Natation moderne, 1921. 5°) Le modèle d’entraînement français –Préparer une course par trois mois d’entraînement (Exemples A, B, C). –Adapter les entraînements aux individus, aux spécialités (vitesse, intermédiaire, fond). –Commencer par de la « condition physique, par une semaine de vie calme et par un nettoyage intérieur du corps (purgation) », 1921. –Vitesse A : nager 3 x par semaine, des 150 à 200m (sup. à compétition) « en style, en tirant long et souple », respiration toutes les 5 ou 6 brasses. Parfois pousser à fond un 50m apnée. « Faire un essai de vitesse sur la distance réelle ». –Vitesse B : journalier, soigner son style sans forcer. Suspendre l’entraînement si nageur nerveux. –Vitesse C : 2 x par semaine, faire un essai à toute allure sur la distance de course sans la dépasser (chrono). Na pas se décourager. « Se souvenir que le nageur fera mieux en course réelle, quand il aura à lutter contre ses concurrents. Cesser tout travail avant la course ». –Fond (1500m) A : journalier, entre 300 et 400m. Chercher à parcourir le plus de chemin sans fatigue musculaire et respiratoire. Travail de la coulée. Respirer à chaque brasse. Chrono par tranche de 100m. –Fond B : journalier, jusqu’à 500m. 1 x par semaine, nager 1500m. –Fond C : 2 x par semaine, faire un essai sur 1500m en variant les allures (départ vite sur 300m, train soutenu, démarrages sur 20/30m), (course durement menée au départ), (train soutenu tout au long). Terminer par un « enlevage » de 50m. –Course intermédiaire (400m) : Entraînement identique au 1500m. Travailler le départ rapide, les nombreux démarrages pour «décramponner » l’adversaire. •Effets de la natation (1922) : tonifie la musculature, accroît l’amplitude respiratoire, accélères les échanges respiratoires, sollicite les mécanismes physiologiques de la thermorégulation, permet la plus grande consommation d’O2 et la plus grande émission de CO2, entretient le mieux la souplesse de la colonne vertébrale, assure une capacité et une élasticité thoraciques élevées, accroît le débit systolique et les dimensions du cœur. •« Les méthodes modernes de nage de championnat sacrifient tout à la vitesse. Le nageur tient sa tête sous l’eau et, par intermittence la retire pour respirer et faire provision d’air. Pendant la course, il doit demeurer maître de sa respiration; il lui est impossible de s’abandonner à l’automatisme bulbaire. Il y a là une cause de trouble considérable apporté au libre jeu des poumons. Les professionnels de la natation ont souvent de l’emphysème pulmonaire, de la dilatation du cœur droit et présentent des troubles circulatoires consécutifs à la gêne respiratoire inhérente aux méthodes de nage que nous incriminons (Over‐arm‐side‐strok. – Crawl – Strudgen). Par contre, la nage à la brasse et la nage sur le côté, qui comportent en permanence l’émergence de la tête hors de l’eau, sont parmi les meilleurs des exercices et les plus toniques. Ils ont l’inconvénient 6 Licence STAPS « Entraînement Sportif » ‐ UFRSTAPS TOULOUSE UE 37.1 S : Approche socio‐historique de la performance – Serge VAUCELLE de ne pouvoir être pratiqués dans la plupart des championnats ». M. Boigey, Manuel scientifique d’EP, 1922, p. 317 6°) Le modèle d’entraînement américain « A chacune de mes séances, je nage comme si c’était la véritable course où j’ai décidé de battre le record. En cela je pense que je suis différent de la plupart des nageurs ». « La première fois que vous essayerez de nager à une allure record, vous vous sentirez naturellement fatigué. La fois suivante vous le serez moins et après vous ne vous en apercevrez même plus. Vous aurez donc augmenté votre réserve de puissance pendant ces essais de record ». « Je veux revenir sur les avantages de l’entraînement qui consiste à étudier séparément les mouvements des bras et ceux des jambes. Cette méthode développe la capacité physique de chaque membre. Vous donnez à vos jambes un double travail et vous obtiendrez une puissance double de celles‐ci». J. Weissmuller, L’Art de nager le crawl, 1931, p. 80 Bilan (1920 – 1940) •Lente évolution de la natation –Codification des nages, des règlements, unification des institutions –Naissance de spécialités nouvelles, simplifications techniques –Diffusion des compétitions, augmentation du nombre de bassins –Faiblesse de l’encadrement, inexistence de méthode unifiée d’entraînement. •Permanence des mentalités passées : –Croyance en la suprématie des nages utilitaires (brasse) –Craintes médicales par rapport aux contacts prolongés avec l’eau –Certitude de la suprématie du style naturel au détriment de la puissance –Elitisme de la natation d’amateurs (supériorité / professionnels) •Rejet de certaines évolutions –Suprématie du crawl, modèle de l’entraînement américain –Travail technique analytique, augmentation des charges de travail •La Natation française progresse par un travail sur le volume proposé au nageur, par une amélioration de son adaptation respiratoire, mais porte toujours un avis très favorable sur le « nager mou » (Taris, 1937). IV – Mutation de la Natation en France (1950 – 1960) 1°) « Comment conduire l’entraînement du nageur » –Actions de Georges Hermant (entraîneur national), d’André Igounet et Jean Weils (INS) : •« L’entraînement est indispensable », il s’organise selon « des principes directeurs » et « un plan annuel ». •« Définition : ensemble méthodique d’exercices et de règles d’hygiène destiné à amener le nageur à son maximum de rendement. L’entraînement peut être généralisé ou spécialisé. Dans les deux cas, on ne l’aborde qu’une fois en condition ». •La « condition » est l’état de santé (équilibre physiologique) dont les principaux critères sont l’aisance du geste, le besoin d’agir, la facilité de récupération. •Adaptation de l’entraînement à l’âge et à l’individu. 7 Licence STAPS « Entraînement Sportif » ‐ UFRSTAPS TOULOUSE UE 37.1 S : Approche socio‐historique de la performance – Serge VAUCELLE –Georges Hermant, « Plan annuel d’entraînement pour nageurs sportifs », Revue INS n°2, 1949 •Périodisation. Découpage en but, moyens, condition physique au stade, travail à la piscine (technique, résistance, vitesse, souplesse…), promenades et footing pour « l’oxygénation » 2°) L’apport de l’athlétisme –« La natation est un sport, de ceux qui n’admettent pas l’improvisation. C’est le cousin germain de cet autre ennemi de la fantaisie qu’est le demi‐fond en athlétisme » –« Des hommes comme Zatopek (…) doivent leurs succès à leur parfaite connaissance de la science du train et des allures. Or, en natation, un garçon comme Montserret (record Europe 1500m NL) est un super‐Zatopek ». INS n° 53, 1957 –La culture physique est « souhaitable à tous moments », «absolument nécessaire » à l’entraînement du nageur, •Modèle imposé par l’entraîneur hollandais Jan Stender après les JO de Melbourne 1956 •Cross‐country (NL), gymnastique (US), levers de poids(AUS) •Footing (F). (Rappel : « L’EP au service de la natation sportive », E. Schoebel, Héraclès n°10, 1946 : EPG, suédoise, sports co) –« Comment doser une séance d’entraînement ? » •Distance en souplesse, distance tirée, attaque de bras, battement de jambes, synchronisation, sprints, arrivées, départs, virages. M. Berlioux, La Natation, 1961, p. 122. 3°) Structure de l’entraînement (ex. : Sprint) Selon M. Berlioux, La Natation, 1961 : –Augmentation du volume des exercices préparatoires (de 400m à 1200m – sprinter, 2 à 3 x plus pour un nageur de ½ fond) –Travail technique (battements : 1000m à allures variées) –Séries de distances courtes (allure soutenue infra‐maximale, « 8, 12, puis 20 fois 50m » ‐ intervalle de 2mn) –Contrôle des récupérations pour augmenter la puissance cardiaque et la résistance –Varier les styles de nage par rapport au style principal –Tests sur 75, 100 ou 125m, 1 ou 2 fois par semaine. –Travail hivernal préparatoire à la saison de grande forme (1 mois). –Contrôle des capacités d’entraînement, de la fatigue (chrono). –Entraînement bi‐quotidien en période de mise en forme. –Travail technique l’hiver, travail de vitesse et de train l’été. –Repos complet (ou relatif) 24h avant la course, entraînement le matin du jour J. 4°) Premiers succès olympiques français (19521964) –Victoire de Jean Boiteux (JO Helsinki ‐ 400m NL), découvert par Alfred Nakache, entraîné par Alban Minville (Dauphins Toulouse Olympique EC) –Médaille d’argent de Christine Caron (JO Tokyo – 100m Dos), entraînée par Suzanne Berlioux (RCF) –Rôle prépondérant de leurs entraîneurs respectifs. Cadrage de la FFN. •5°) Fin de la puissance, nouvelles qualités aquatiques Nouveau contexte : 8 Licence STAPS « Entraînement Sportif » ‐ UFRSTAPS TOULOUSE UE 37.1 S : Approche socio‐historique de la performance – Serge VAUCELLE –Amélioration technique du contrôle de l’hygiène de l’eau des piscines permettant immersion de la tête (vision subaquatique et respiration) des nageurs. J.‐B. Grosborne, « Plus limpide que l’eau potable stérilisée et stérilisante, telle est l’eau de nos piscines », INS n° 50, 1957 –Évolution des règlements de la FINA : protection de la brasse par séparation avec la brasse‐papillon (1952), puis le papillon‐dauphin (1956). La plus lente des techniques de nage va poursuivre son évolution (interdiction de la brasse sous‐marine, 1957 – ciseau de brasse moderne, 1961) « brasse sur l’eau » ou « brasse à travers l’eau » –Les courses de 3 nages deviennent des courses de 4 nages… –Modèles étrangers: entraînement dès le plus jeune âge (URSS, bloc de l’Est), compétitions par catégorie d’âge (USA, «édition de la liste des meilleurs ou « ranking »). –Après une tentative de création de compétitions interclubs (« critériums nationaux » 1945/1947), la FFN crée les Championnats de France d’hiver (en petit bassin) comme un moyen de détecter les talents. •Études mécaniques des nages : « Essai d’analyse méthodique du crawl », André Igounet, INS n° 16 & 17, 1951 (mécanique des fluides, études issues de la Marine). J.‐M. Olive, Problèmes hydrodynamiques de la natation, 1950. •Maurice Lusien, « Le rendement a primé jusqu’ici en natation, Helsinki rappelle que le Style exige certains perfectionnements », INS n°23, 1952 « Je ne pense pas que de nouveaux progrès naîtront désormais d’une quantité d’entraînement supérieure; ils seront plutôt fonction d’une recherche du style que les entraîneurs ont un peu abandonnée depuis quatre ans ». •Évolution des techniques de nage libre : –Jambes : crawl australien (pédalage, 1900), américain (battement, 1920), japonais (battement descendant plus actif, 1932) –Bras : « rotating action » (2, 3, 4), nage en « rattrapé », « glissée » (> 5) •Évolution du rythme brasjambes en crawl : –crawl à 2 temps (1903), à 4 temps (1910), à 6 temps (1917), à 8 temps (1926), à 10 temps (1932) –crawl à « temps cassé » (JAP, 1949) ou à « cadence libre » (AUS, 1950) avec un « temps traînant » pour profiter de la glisse obtenue –puis crawl à « battement 2 temps cross over » (avec ciseau horizontal et vertical pour éviter le temps traînant des jambes ‐ J. Counsilman, 1960) •Colloque International « Sport et Médecine », Vichy 1964 : « L’entraînement par intervalles de nageurs australiens », Harry Gallagher « La Musculation de nageurs australiens », James Counsilman –Contractions isométriques, contractions isotoniques… –Conditionnement et geste parfait Bilan (1950 – 1960) •Fin d’une époque où le discours médical s’alarme devant les risques d’hydrocution et les noyades (Pr. L. Merklen, Héraclès n° 9, 1946, Dr Maronneaud, Héraclès n° 11, 1947), où l’on considère encore la natation comme « la meilleure gymnastique corrective » (L.‐ A. Grenet, Héraclès n° 20, 1947), •L’entraînement se structure selon un modèle extérieur athlétique qui valorise les efforts prolongés (physiologie de l’effort, interval‐training, contrôle des répétitions, des récupérations, musculation) au détriment de la technique de nage : « nager en puissance contre l’eau ». 9 Licence STAPS « Entraînement Sportif » ‐ UFRSTAPS TOULOUSE UE 37.1 S : Approche socio‐historique de la performance – Serge VAUCELLE •Émergence d’études techniques innovantes mais peu répandues (biomécaniques, hydrodynamiques, scientifiques) qui orientent peu à peu la natation vers un « glisser dans l’eau ». •Lent développement des infrastructures sportives (loi‐programmes Herzog 1961‐65, 1966‐71). 1960 : 110/406 piscines 616/1338 : 1973 •Retard de la France en matière de politique du haut niveau et de reconnaissance sportive internationale. IV – Activités de la Natation et entraînement en France (1970 – 2010) 1°) Rapprochement de l’EPS et de la natation sportive –La sportivisation de l’EPS (IO 1967) dynamise la production technique et didactique en matière d’entraînement. Nouvelle relation entre apprentissage scolaire et natation sportive (passage de tests : canard, têtard, triton, dauphin). –Les encouragements des pouvoirs publics participent à cet essor (« Opération 1000 piscines » en 1970, création de piscines inter‐communales de type « Tournesol », « Iris », Caneton ») : rôle de J. Comiti (MJ&S) et M. Grosborne. –R. Catteau & J. Garoff, L’enseignement de la natation, 1968. Rôle du paradigme « équilibre‐respiration‐propulsion ». –N. Gal, Savoir nager, 1993. Le « PéChoMaRo » : P. Pélayo, D. Chollet, D. Maillard, D. Rozier, Natation au collège et au lycée, 1999. 2°) R = KSV2 : la fin de la tutelle athlétique –Renversement des représentations initiales. Abandon de la recherche de puissance, d’appui sur l’eau. –Volonté de réduire les résistances à l’avancement, de diminuer l’amplitude freinatrice du maîtrecouple. –Mutations techniques des spécialités de nage : •verticalisation de la brasse pour exploiter la portance, immersion prolongée des départs et virages en dos, réduction des oscillations latérales (crawl, dos), diminution de l’amplitude des battements (crawl, pap), allongement général du corps, placement de la tête dans le prolongement du buste (dos)… –Évolutions des règlements FINA : •1986 : immersion possible en brasse, brasse ondulante avec retour aérien des main (1991, 1995) •1998 : limitation de l’immersion en pap et dos (15m) –Modifications techniques annexes : •Port du bonnet de bain, des lunettes, utilisation de 2 maillots pour « plaquer » la peau, création de combinaisons, rasage intégral des corps, évolutions des textiles pour un meilleur écoulement du fluide. 3°) « De Newton à Bernouilli » –Apport des recherches universitaires –J. Counsilman, « The application of Bernouilli’s principle to human propulsion in water », 1971 10 Licence STAPS « Entraînement Sportif » ‐ UFRSTAPS TOULOUSE UE 37.1 S : Approche socio‐historique de la performance – Serge VAUCELLE Importance des données biomécaniques et hydrodynamiques : travail de la réorientation permanente des appuis pour rechercher un ancrage dans l’eau (modèle de l’hélice ou de la godille). –Découvertes des données théoriques sur la VO2, la lactatémie. Importance persistante des transpositions athlétiques en natation –Recherches universitaires sur la planification et l’entraînement : –D. Chollet, Approche scientifique de la natation sportive, 1990. 4°) Semiprofessionnalisation des nageurs –Augmentation importante du temps passé à l’entraînement –Résultats encourageants de la Natation française, effets d’une réorganisation positive de l’entraînement –Nouvelles générations de nageurs de talent : •C. Plewinski (+ 40 CF, RE 50 & 100m Pap) – 1984/1992 •S. Caron (+ 30 CF, RE 100m NL) – 1983/1992 •F. Esposito (+ 30 CF, RE 200m Pap) – 1990/2002 –Titre mondial de R. Maracineanu (1998, 200m dos) – 1991/2002 –Nouvelle génération d’entraîneurs (Marc Begotti – C. Plewinski) et de cadres de la fédération (souvent profs EPS ‐ Catteau, Fauquet, Bigrel ‐ ou chercheurs en STAPS ‐ Pelayo, Chollet, Tourny, Sidney) –1997 : fin des Championnats hivernaux de la FFN (absence de l’élite). On se recentre sur l’essentiel ! –2002 : L. Manaudou (Ph. Lucas), une française aux Europe Juniors ! –2007 : Elle remporte 5 médailles au Mondiaux (2 or, 2 argent, 1 bronze) –2008 : Elle s’effondre aux JO de Pékin… M. Bernard confirme sa montée en puissance. 5°) Réorganisation fédérale –1995 : La DTN : Paul Clémençon et Claude Fauquet –2001 : Claude Fauquet (DTN) –Président FFN : Francis Luyce –1996 – 2008 : Mise en place d’un projet collectif d’entraînement, basé sur une culture humaniste, prenant en compte le concept de la performance, et réorganisant tout le système de l’entraînement de haut niveau en France. –Méthodologie nouvelle, refus des erreurs passées, rejet des théories incertaines (« La théorie de la portance n’est pas fondée », R. Catteau). –Analyse systématique des charges d’entraînement (depuis 1989, époque de C. Plewinski) au niveau physiologique et technique. –Analyse systématique des compétitions (depuis 1987) en terme de cadence, de distance par cycle, de lactatémie, d’aptitude à la récupération. –Utilisation systématique des nouvelles technologies informatiques et d’analyse du geste 6°) Reconnaissance internationale –La FFN est retenue par la FINA pour sa maîtrise des outils modernes d’analyse des épreuves de compétition (Protocole de l’équipe d’évaluation de la FFN) •Comparaison du chronométrage officiel avec des données complémentaires •Temps de passage (7.5m, 15m, 25m, 42.5m du départ), temps d’envol, temps de 1er mouvement, temps de virage, temps de coulée •Fréquences gestuelles mesurées, nombre de cycles, temps entre chaque coup de bras… 11 Licence STAPS « Entraînement Sportif » ‐ UFRSTAPS TOULOUSE UE 37.1 S : Approche socio‐historique de la performance – Serge VAUCELLE •Conclusion – Quel entraînement en Natation d’aujourd’hui ? •Reconnaissance internationale de la natation française ? Le retard est‐il rattrapé en matière d’entraînement, de résultats sportifs ? •L. Manaudou ne masque t’elle pas une part de la réalité française ? Combien de nageurs réellement derrière M. Bernard et les récents médaillés ? •Quelle évolution envisager quand 15% des nageurs s’intéressent à la compétition en bassin olympique tandis que 85 % des baigneurs recherchent une pratique hygiénique, de loisirs dans des centres nautiques rénovés ? Où nageront les compétiteurs de demain si on ne construit que des bassins polyvalents ? •La Natation face à sa propre Histoire ? •Comment la FFN résistera t'elle à l’éclatement de son contenu ? Natation, Water‐polo, Natation Synchronisée, Eau Libre… (Coupe de France Eau Libre 2007, Politique fédérale de natation estivale en milieu naturel : « Nagez grandeur nature » 1998) •Mais, Nage avec palmes récupérée par la FFCK – « Bébés‐Nageurs » refusant d’intégrer la FFN… 12