F06 Cogénération
Transcription
F06 Cogénération
AGRINOVA – Groupe AGÉCO F06 Cogénération DESCRIPTION SOMMAIRE La cogénération signifie la production de deux formes d’énergies, généralement de l’énergie thermique et de l’électricité, à partir d’un seul combustible. Au départ, la cogénération visait à valoriser la chaleur perdue dans le processus de production d’électricité. Aujourd’hui, la cogénération est aussi envisagée pour différentes raisons dont la production d’énergie plus verte, la valorisation de surplus de combustibles et la rentabilisation d’installations de production d’énergie thermique. Intrants La cogénération nécessite à la base une source de chaleur élevée, soit en provenance de la combustion ou de la gazéification de combustibles (mazout lourd, gaz naturel) ou de biocombustibles (résidus de bois), soit en provenance du sol (géothermie profonde) ou encore du soleil (concentration solaire). Même la production nucléaire d’électricité peut être une source de chaleur pour la cogénération. Au Québec, la biomasse forestière est actuellement la principale source d’énergie utilisée pour la cogénération. Processus La cogénération consiste à produire à l’intérieur d’un même processus et à partir d’une même source d’énergie de l’électricité et de la chaleur utile. La cogénération peut être réalisée à l’aide de divers procédés faisant appel à différents aspects des lois thermodynamiques. Typiquement, la source de chaleur élevée est convertie en énergie cinétique (par exemple, de la vapeur à haute pression qui actionne une turbine) pour faire tourner une génératrice et la chaleur résiduelle est récupérée pour d’autres usages, par exemple dans les procédés industriels ou dans un réseau de chauffage urbain. La chaleur récupérée peut être sous forme de vapeur ou de liquide caloporteur (comme le glycol ou l’eau) selon la technologie et l’usage éventuel. Produits et utilisations L’utilité primaire de la cogénération est l’augmentation du rendement énergétique de la source d’énergie par la valorisation de la chaleur qui serait autrement perdue. L’énergie source (la chaleur élevée) est convertie approximativement à 25 % en électricité (entre 20 et 38 %) et à environ 50 % en chaleur utile pour une efficacité globale entre 75 et 85 %. Ceci se compare avantageusement avec un système purement électrique qui ne récupère qu’environ 30 à 40 % de l’énergie source. La cogénération suppose donc qu’une voie de valorisation de l’énergie thermique soit disponible à proximité et de manière stable et continue, à l’interne ou à l’externe. En effet, plusieurs projets de cogénération n’ont pas abouti faute d’utilisateurs pour l’énergie thermique. Dans le cas des régions éloignées, hors réseau, la communauté et ses industries sont les clients de l’électricité et de la chaleur. Dans les zones où l’unité peut être branchée sur le réseau électrique, l’électricité est en partie autoconsommée et en partie vendue sur le réseau, la chaleur étant utilisée localement. C’est le modèle de plusieurs compagnies forestières installées au Québec. Souvent, la chaleur n’est toutefois valorisée que partiellement. F06 Cogénération – Avril 2009 1 AGRINOVA – Groupe AGÉCO MATURITÉ La technologie est mature et répandue. La production d’électricité à partir de biomasse par des entreprises privées ayant conclut des ententes avec Hydro-Québec est passée de 0 à 300 MW entre 1983 et 2005. La plupart des usines de cogénération au Québec sont liées à l’industrie forestière et fournissent, au-delà de l’électricité vendue à Hydro-Québec, l’électricité et la vapeur requise par l’industrie locale. Pour être rentable, la taille de ces usines est en moyenne 30 MW électrique. Des applications efficaces et rentables à des capacités inférieures à 5 MW électrique sont encore en démonstration. La compagnie canadienne Turbion est très avancée à ce niveau et offre commercialement sa technologie de cycle « entropique » en modèles allant jusqu’à 2 000 kW (2 MW). ENJEUX TECHNOLOGIQUES La production d’électricité à partir de biomasse (exclusivement par la cogénération) s’est accrue de près de 100 % au cours des 20 dernières années pour atteindre près de 10 % du bilan. Cependant, la progression future sera plus lente en raison de l’épuisement de la biomasse bon marché comme les écorces et autres résidus d’usine. La maturation de technologies de cogénération à plus petite échelle devrait permettre à plusieurs projets de tirer avantage d’approvisionnements plus limités en biomasses à bon marché. Pour la réalisation de nouveaux projets d’envergure, il faudra désormais compter sur les déchets de coupe laissés sur aires d’ébranchage et autres biomasses d’origine forestière, agricole, urbaine, etc. Toutes les centrales de cogénération utilisant de la biomasse incorporent également des chaudières d’appoint de capacité équivalente fonctionnant avec un carburant fossile (mazout lourd, gaz naturel) pour garantir l’approvisionnement électrique. Au niveau environnemental, la combustion de biomasse résiduelle (comme les écorces), nécessite des équipements de nettoyage des gaz de combustion afin de respecter le Règlement québécois sur la qualité de l’atmosphère (seuil de 340 mg de particules en suspension par m3 de gaz évacué). Les types d’équipements incluent (en ordre d’investissement croissant) les dépoussiéreurs multicyclones (insuffisants pour les unités à petite échelle), les laveurs de gaz et les précipitateurs électrostatiques. F06 Cogénération – Avril 2009 MARCHÉS POTENTIELS Les technologies utilisant des turbines à vapeur sont applicables pour des systèmes de 10 à plus de 100 MW. La plupart des centrales ont une capacité dans l’intervalle de 25 à 50 MW. Pour une capacité inférieure à 10 MW, le procédé devient assez inefficace et la rentabilité est normalement perdue. La nécessité d’un opérateur certifié pour le procédé de cycle de vapeur est un inconvénient additionnel de la technologie à cette échelle. À moins de 5 MW, le cycle entropique devient plus intéressant en grande partie à cause de la simplicité relative du système et des coûts d’opération réduits. Pour une utilisation efficace de la chaleur, les utilisateurs (procédés industriels, consommateurs liés à un réseau de chaleur urbain) doivent se situer dans un rayon de moins de 5 km de la centrale. Il peut être nécessaire d’incorporer des chaufferies d’appoint à des endroits stratégiques dans le système de distribution si la distance est trop grande ou si un consommateur d’envergure se situe au bout du réseau. 2 AGRINOVA – Groupe AGÉCO COÛTS à Le coût d’investissement typique des centrales de cogénération à la biomasse dans la gamme de puissance 5 à 30 MWe, utilisant une turbine à vapeur, varie entre 2,25 et 3,5 M$/MWe. Ce coût peut augmenter sensiblement selon la configuration particulière de la centrale, de la technologie et des équipements utilisés, des systèmes de traitement des émissions gazeuses et particulaires, des coûts de branchement au réseau (électrique et thermique), etc. Investissements requis pour différentes technologies de cogénération Technologie Combustion directe (vapeur) Cycle de vapeur Cycle entropique Gazéification-combustion Pyrolyse à turbine Coût en capital (million $/MWe) Efficacité électrique (%) Échelle 2,5 4 2,8 3 3-5,6 25 – 30 ou 20 - 25 20 - 25 14 20 - 25 12 Grande ou Petite Grande Petite Grande Grande Traduit et adapté de BIOCAP, 2008; BIOCAP Canada (2008, 25 févr.) An information guide on pursuing biomass energy opportunities and technologies in British Columbia. BC Ministry of Energy, Mines and Petroleum Resources / BC Ministry of Forests and Range. 80 pages. Durée de vie Plus ou moins 20 ans Main-d’œuvre L’opération d’une centrale de cogénération peut nécessiter jusqu’à 7 employés à temps plein par tranche de 100 GWh de production annuelle, ce qui inclut un opérateur de bouilloire certifié pour chaque quart d’opération. Cette approximation ne s’applique pas aux technologies de cycle entropique puisqu’elles n’incluent pas de bouilloire. COMPÉTITIVITÉ (Très variable) La rentabilité dépend essentiellement de la capacité à obtenir une source d’approvisionnement en biomasse à très bon marché et de la capacité à valoriser la chaleur produite. Historiquement, les sources d’approvisionnement étaient les résidus des usines de bois d’œuvre et les écorces, dont le coût ne dépassait pas 10 à 15 $/tonne humide pour une unité « moyenne » de 30 MWe. Ceci équivaut à un coût approximatif de 0,01 à 0,06 $/kWhe (approvisionnement seulement) alors que le coût d’achat de l’électricité est de 0,08 $/kWhe. Or, le prix des biomasses est en augmentation, ce qui compromet la rentabilité des projets. Toutefois, les revenus (ou coûts évités) associés à la chaleur produite lorsqu’elle peut être valorisée vient contrebalancer ce coût plus élevé et peut permettre de rentabiliser les projets. F06 Cogénération – Avril 2009 ADAPTABILITÉ AUX PETITES COMMUNAUTÉS Dans les petites communautés, l’implantation d’une unité de cogénération pourrait être envisagée, par exemple, dans le cadre de projets de développement industriels (client électrique et thermique) et facilité si les résidents sont suffisamment rapprochés et utilisent un système d’eau chaude pour le chauffage (client thermique). Plusieurs application sont possibles pour des activités industrielles se rapprochant des activités traditionnellement rurales : production serricole ou aquacole, transformation agroalimentaire, etc. La cogénération sera particulièrement intéressante dans les communautés où la capacité de transport du réseau de distribution électrique limite les possibilités de développement industriel. Par ailleurs, les milieux ruraux sont à proximité de biomasses abondantes (forêts et terres agricoles), ce qui est un avantage important en autant que les biomasses puissent être récoltées et transportées à l’unité de cogénération à peu de frais. 3 AGRINOVA – Groupe AGÉCO SOUTIEN DISPONIBLE Programme provincial Hydro-Québec Distribution lancera avant le 15 avril 2009 un appel d’offres pour l’achat de 125 MW de cogénération à base de biomasse en 2009. Ce programme va contribuer à créer des débouchés pour la valorisation de la biomasse forestière ou d’autres matières résiduelles. La société d’état doit également annoncer les modalités de son programme de micro-production d’électricité prévu dans la Stratégie Énergétique du Québec 2006-2015 : Vise l’achat d’électricité générée par des petits producteurs (de 50 kW à entre 500 kWe et 2 MWe) Les énergies renouvelables comme la biomasse et les éoliennes seront admissibles au programme Programme fédéral Le programme fédéral écoÉNERGIE pour l'électricité renouvelable prévoit une aide de 1¢/kWh produit pour la production d’électricité propre pour des projets de 1MWe et plus. Disponibilité d’expertise québécoise L’industrie forestière du Québec possède toute l’expertise nécessaire pour diriger des projets de cogénération (approvisionnement, contrats, permis) ainsi que pour construire et opérer les unités de production. Cependant, leur expérience se limite au lien étroit entre les scieries, papetières et cie. et l’unité de cogénération. La restructuration actuelle de l’industrie forestière nécessitera des solutions et modèles d’affaires plus créatifs pour toute nouvelle usine puisque les sources d’approvisionnement traditionnelles ne sont plus garanties. LACUNES OU BARRIÈRES Le faible prix d’achat de l’énergie électrique au Québec et le monopole de la distribution Le processus de planification et de consultation peut être complexe pour des centrales de cogénération La conjoncture actuelle de l’industrie forestière menace les sources d’approvisionnement traditionnelles et peu coûteuses AVANTAGES Augmentation de l’activité économique locale en milieu rural (emplois et achats locaux). Pour chaque dollar investi dans une installation valorisant la biomasse, 0,70 $ demeure dans l’économie locale contrairement à 0,10 $ seulement dans le cas des combustibles fossiles. Une étude américaine a évalué que pour chaque tranche de 120 000 gallons de mazout remplacé par de la biomasse, on génère deux emplois et des revenus de 100 000 $ dans l’économie locale. La création d’emplois directement à l’usine (d’entretien et d’opération) est cependant limitée à environ 7 postes par tranche de 100 GWh de production annuelle. Une unité de 30 MWe créerait ainsi environ 20 emplois à l’usine. F06 Cogénération – Avril 2009 INCONVÉNIENTS Coût élevé d’acquisition des équipements, notamment pour des capacités inférieures à 10 MW Grande capacité de réserve nécessaire à cause de la faible densité énergétique du produit Les systèmes à la biomasse forestière résiduelle sont plus complexes et coûteux que ceux fonctionnant aux combustibles fossiles Préoccupations environnementales (émissions atmosphériques, production soutenue des ressources forestières) Opinion publique (la méconnaissance des impacts à long terme, émissions des centrales, craintes par rapport à la circulation des camions de livraison) Risque éventuel de concurrence avec l’industrie des pâtes et papier et des panneaux Difficulté de signer des ententes de long terme pour l’achat de chaleur 4 AGRINOVA – Groupe AGÉCO INCONVÉNIENTS AVANTAGES Réduction des gaz à effet de serre par le remplacement de l’énergie fossile Contribution négligeable aux pluies acides (faible teneur en soufre) Augmentation de l’efficacité globale de la transformation de la biomasse en énergie utile par rapport à un système de valorisation uniquement électrique Éloignement des centres d’approvisionnement en matières premières agricoles et forestières par rapport aux grandes zones de consommation d’électricité et de chaleur Éloignement et dispersion des consommateurs finaux d’électricité et de chaleur. Le coût de transport de la chaleur, notamment, devient prohibitif au-delà de quelques kilomètres Le faible rendement électrique (20 % environ) des petites installations décentralisées. Ce rendement est plus faible que ceux des centrales qui produisent uniquement de l’électricité REMARQUES/COMMENTAIRES SUR LE POTENTIEL DE LA FILIÈRE EN RELATION AVEC LES OBJECTIFS RECHERCHÉS PAR LE GROUPE DE TRAVAIL Initiatives/projets existants ou en développement au Québec En mars 2006, dix centrales à la biomasse (écorces et autres sous-produits de scieries, liqueur noire…), d’une puissance installée totalisant 289 MW, étaient en exploitation au Québec et raccordées au réseau d’Hydro-Québec. De ces dix installations, trois sont des centrales de génération simple, la vapeur qui s’échappe de leur turbine étant simplement condensée, faute de clients consommateurs de vapeur. Nouveaux projets : St-Félicien (Parc agrothermique) et Senneterre (Cité de l’énergie). Centrales existantes à la biomasse n’exploitant pas la chaleur. Défi : conclure des ententes avec les utilisateurs visés, notamment des serriculteurs et pisciculteurs. Production issue de la biomasse forestière au Québec Région Abitibi-Témiscaminque Côte-Nord Estrie Nord-du-Québec Saguenay–Lac-Saint-Jean Estrie Outaouais Total Centrale Boralex Senneterre Tembec Témiscaminque Arbec Port-Cartier Domtar Windsor Domtar Lebel-sur-Quévillon Chapais Énergie Boralex Dolbeau (Bowater) SFK Pâtes Saint-Félicien Cogénération Saint-Félicien Kruger Brompton-Sherbrooke Bowater Gatineau Puissance installée (MW) 31 10 34 26 49 31 29 29 23 19 20 299 Hydro-Québec TransÉnergie (14 juin 2006) Initiatives/projets dignes de mention existants ou en développement ailleurs Systèmes de cogénération avec utilisation communautaire (réseau de chaleur) de l’énergie thermique en Finlande (900 MWth de puissance installée dont 400 dans des chaufferies collectives). Centrale de Lienz en Autriche. Capacité électrique de 1,1 MW utilisant le procédé Organic Rankine Cycle (ORC) pour alimenter un réseau de chauffage urbain dans la ville de Lienz. Recours aux panneaux solaires et à deux chaudières de mazout pour les périodes de pointe. Cette centrale consomme annuellement 100 000 m3 de biomasse forestière et industrielle (écorces, sciures et copeaux d’arbres entiers), dont la teneur en humidité varie entre 40 et 55 % (base humide). La réserve de biocombustible est constituée d’une aire couverte d’une capacité de 15 000 m3. F06 Cogénération – Avril 2009 5