Rupture brutale de relations commerciales établies

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Rupture brutale de relations commerciales établies
NEWSLETTER/JUILLET 2010
02/08/2010
NEWSLETTER JURIDIQUE
juillet 2010
1. PROTECTION DE L’IMAGE DE MARQUE EN LIGNE (TGI PARIS, 22/07/2010)
C’est un jugement très riche d’enseignements sur cette question que vient de rendre le Tribunal de
grande instance de Paris, notamment en raison de la multiplicité des atteintes à la marque Omnium
& Finance évoquées par la demanderesse, la société Omnium Finance :
-
atteinte à sa marque, à sa dénomination sociale et à ses noms de domaine, par reproduction
non autorisée sur des blogs ;
-
présence de propos et d’articles de presse la dénigrant sur ces mêmes blogs ;
-
association des termes « Omnium Finance » et « arnaque » ou « escroquerie » dans le cadre
de recherche Google Suggest1.
La société Omnium Finance reprochaient également aux hébergeurs des blogs en cause, les sociétés
Google et JFG Networks, de ne pas avoir agi promptement pour supprimer ces contenus litigieux2.
Sur le premier point, le Tribunal rappelle que, selon les dispositions de l’article L 713-3 du code de la
propriété intellectuelle sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque
de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque ou l’usage d’une marque imitée pour
des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.
Or, en l’espère, le Tribunal considère que l’usage qui est fait la marque Omnium & Finance sur lesdits
blogs ne vise manifestement pas à promouvoir des prestations de service concurrents de ceux de la
société Omnium Finance (et pour cause !), mais relève d’un usage purement polémique inhérent à la
vie des affaires. A défaut d’autres éléments de preuve, cette demande est donc rejetée.
De même, la demande de réparation fondée sur une utilisation illégale de la dénomination sociale et
des noms de domaine est écartée dès lors que fondée sur l’article 1382 du code civil, la réparation de
ces faits demande la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la
faute et le préjudice.
Or, le Tribunal considère, au vu des pièces versées aux débats, que la faute, qui résulterait d’un
risque de confusion dans l’esprit de l’internaute entre les blogs et l’activité exercée par la société
Omnium Finance, n’est pas rapportée, la société Omnium Finance ne fournissant aucun Kbis
1
Google Suggest est un outil internet associé à la barre de recherche du moteur de recherche de Google. Cet outil, une fois
activée par l’internaute, lui suggère automatiquement des termes de recherches en fonction des premières lettres saisies
dans la barre de recherche.
2
Selon les dispositions de l’article 6-I 2 de la loi numéro 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie
numérique, les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par
des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de
toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des
activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement
connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où
elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.
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permettant de vérifier quelle est exactement sa dénomination sociale, ni aucune preuve de
l’exploitation de sites internet sous les noms de domaine invoqués.
La demande de réparation au titre de l’atteinte à son image de marque par des propos constamment
répétés avec une virulence et une vulgarité permanentes est également rejetée à défaut
d’identification précise desdits « propos ».
Quant à la demande concernant la suppression de la mention « Omnium Finance escroquerie » du
système Google Suggest, elle ne trouve pas une issue plus favorable du Tribunal, qui relève que « la
seule association du nom d’une société à un terme à connotation délictuelle ne saurait être en ellemême prohibée sans qu’il soit porté atteinte à la liberté d’expression et ce d’autant plus que cette
suggestion permet l’accès à des résultats pertinents et des sites non contestés par la demanderesse ».
Enfin, sur la responsabilité des hébergeurs des blogs, le TGI retient d’une part la qualité d’hébergeur
à la société Google Inc. dans la mesure où celle-ci n’exerce pas de contrôle sur les informations
stockées sur les blogs qu’elle héberge, et d’autre part, rejette sa responsabilité au motif de l’absence
dans le courrier notifiant l’existence de contenus dénoncés comme illicites, d’une démonstration de
ce en quoi ceux-ci sont manifestement illicites.
Or, en l’espèce, les notifications aux hébergeurs contenaient des considérations générales « arguant
sans distinction d’une atteinte aux marques, dénomination sociale et noms de domaines, sans
caractériser ces atteintes et du caractère dénigrant de termes utilisés sans les préciser ».
Le TGI de Paris rejette donc l’ensemble des demandes de la société Omnium Finance et rappelle par
cette décision qu’un procès se gagne avec des preuves précises et non avec des faits, quelque soit
par ailleurs leur véracité.
2. GOOGLE ADWORDS, SUITE MAIS PAS FIN DE LA SAGA (C.CASS. 13/07/2010)
Par trois arrêts du 20 mai 2008, la Cour de cassation avait sursis à statuer et saisi la Cour de justice
des Communautés européennes (CJCE) de plusieurs questions préjudicielles relatives au régime
juridique applicable au service AdWords proposé par Google, afin que « cette question, qui se pose
en termes similaires dans tous les Etats membres, [ne reçoive pas] des réponses divergentes ».
Ce service permet à tout site internet, qui souhaite apparaitre dans les liens commerciaux situés à
droite des résultats d’une recherche sur Google, de réserver des mots clés ou des expressions,
lesquels vont par la suite générer l’affichage de la publicité dans les liens commerciaux dès lors qu’ils
sont entrés dans le moteur de recherche de Google. En outre, Google offre un service annexe de
générateur automatique de mots clés à partir d’un premier mot saisi par l’annonceur. Or, comme
Google l’indique sur son site, ce générateur est susceptible de proposer des mots qui « portent
atteinte aux droits de tiers, notamment au regard du droit des marques et de la concurrence
déloyale ».
La CJCE a rendu sa décision le 23 mars 20103.
Les trois litiges à l’origine des questions préjudicielles ont donc été examinées par la Cour de
cassation, à la lumière de cette décision. Par ses trois arrêts du 10 juillets 2010, la Haute juridiction
française applique donc scrupuleusement les règles posées par la CJCE.
3
Voir newsletter de mars 2010 pour un commentaire de cette décision : www.collin-avocats.fr.
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Cependant, concernant le point de savoir si un prestataire de service de référencement payant
pouvait être considéré comme un hébergeur, de sorte que sa responsabilité ne pourrait être
recherchée avant qu’il ait été informé par le titulaire de marque de l’usage illicite du signe par
l’annonceur, la CJCE renvoyait aux juridictions nationales le soin d’examiner le rôle effectivement
exercé par ledit prestataire.
La position de la Cour de cassation était donc attendue sur ce point.
Verdict : la Cour reprend les termes de la décision de la CJCE qui indiquent que la règle du régime
dérogatoire de droit commun « s'applique au prestataire d'un service de référencement sur Internet
lorsque ce prestataire n'a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un
contrôle des données stockées, que s'il n'a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu
responsable pour les données qu'il a stockées à la demande d'un annonceur à moins que, ayant pris
connaissance du caractère illicite de ces données ou d'activités de cet annonceur, il n'ait pas
promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données ».
Or, les Cours d’appel n'ayant pas caractérisé l'existence de ce rôle actif, elles n'ont pas donné de base
légale à leurs décisions. Les arrêts d’appel sont donc cassés sur ce point par la Cour de Cassation, qui
remet les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et, pour être fait droit, les renvoie
devant d’autres Cours d'appel.
La question du régime de responsabilité applicable dans le cadre du service Google Adwords fourni
par Google reste entier d’ici à que ces nouvelles décisions d’appel soient rendues…
3. EBAY, HEBERGEUR OU EDITEUR ? (CA REIMS 10/07/2010)
La société Hermès International poursuivait devant la Cour d’appel la condamnation des sociétés
eBay International AG et eBay France pour avoir rendu possible la vente des sacs contrefaits par une
internaute inscrite comme vendeur sur le site de vente aux enchères, au motif que la participation de
ces sociétés aurait été déterminante dans la réalisation des faits litigieux, en fournissant les outils
nécessaires à la mise en vente des contrefaçons, en incitant aux ventes et en s’attribuant une
commission sur celles-ci (offres d’outils marketing, promotions croisées, présentation des annonces).
La seule question principale posée dans le cadre de l’examen de cette affaire en appel était celle de
savoir si les sociétés Ebay pouvaient se prévaloir utilement du régime de spécial de responsabilité
des hébergeurs4.
En l’espèce, les juges de première instance avaient retenu que celles-ci cumulaient les qualités
d’hébergeurs et d’éditeurs du site "ebay.fr", dès lors qu’elles proposaient des services excédant les
simples fonctions de stockage.
Les sociétés eBay se prévalaient notamment de l’interprétation donnée par la Cour de justice de
l’Union européenne de la qualité d’hébergeur, dans son arrêt du 2 mars 20105, à savoir qu’il convient
d’examiner si le rôle exercé par le prestataire est neutre en ce sens que son comportement doit être
purement technique automatique et passif, ce qui implique absence de connaissance ou de contrôle
des données qu’il stocke.
4
Voir note n°2 supra sur le régime de responsabilité de l’hébergeur.
5
Voir article ci-dessus : « Google Adwords, suite mais pas fin de la saga ».
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Or, la Cour relève que :
-
le site Ebay propose aux vendeurs, en plus des prestations d’hébergements, d’autres services
qui excèdent ceux prévus par les dispositions de la Loi pour la Confiance en l’Economie
Numérique relatives à l’hébergeur et lui confèrent une connaissance et un contrôle des
données stockées ;
-
lorsque l’hébergeur crée un service pour tirer profit non du stockage de données, mais de la
valeur attractive de celles-ci, il n’est plus neutre par rapport à ces données qu’il exploite et il
ne se contente pas d’héberger ;
-
la société eBay propose à ses membres une rubrique intitulée « suggestion d’achat » ayant
pour objet de les inciter à acheter des produits similaires à ceux achetés précédemment,
donne la possibilité aux vendeurs de mettre en place des promotions croisées, stimule les
ventes en mettant à la disposition des vendeurs des outils marketing et de gestion de leurs
activités commerciales auxquelles elle participe activement ; met au service des utilisateurs
du site www.ebay.fr un service de règlement des litiges en cas de défaut de livraison ou de
livraison d’un objet non conforme à sa description ou de défaut de paiement par l’acheteur,
garantit, par le biais de la société PayPal Inc, les produits vendus sur le site, a profité de la
vente des contrefaçons sur son site par la perception de sommes proportionnelles au
montant des ventes, etc.
et en conclut que l’activité de la société eBay International AG ne revêtait pas un « caractère
purement technique, automatique et passif » au sens de la directive e-commerce transposée par la
LCEN, impliquant que le prestataire n’ait pas la connaissance ni le contrôle des informations
transmises ou stockées, mais exerce une action déterminante sur le contenu des annonces dès lors
qu’elle reprend, de sa seule initiative, des informations pour attirer les acheteurs.
Dès lors, le Cour juge que « n’ayant pas seulement la qualité d’hébergeur, au sens de l’article 6-I-2 de
la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, la société eBay International AG ne peut pas utilement se prévaloir
des dispositions de l’article 6-I-5 » et que la responsabilité « qu’elle encourt au titre des annonces qui
paraissent sur le site ebay.fr est celle de droit commun », et condamne solidairement Ebay et la
vendeuse à payer à la société Hermès la somme de 20.000 euros.
4. PEUT-ON ACCEDER A L’ORDINATEUR D’UN SALARIE EN VACANCE ? (CNIL 19/07/2010)
Tel est le titre d’une des dernières chroniques que la CNIL a publié sur son site internet. Rien de
nouveau mais un simple rappel des principes.
Tout fichier créé, envoyé ou reçu depuis le poste de travail mis à disposition par l’employeur a, par
principe, un caractère professionnel, et l’employeur peut y accéder librement, sauf si le fichier est
identifié comme étant personnel.
Si le fichier est identifié comme personnel, l’employeur peut néanmoins à condition de le faire en
présence du salarié ou après l’avoir invité à être présent, ou en cas de risque particulier pour
l’entreprise.
Enfin, l’employeur peut accéder aux ordinateurs de ses salariés en vacances, mais à certaines
conditions : que le salarié détienne sur son poste informatique des informations nécessaires à la
poursuite de l’activité de l’entreprise et que l’employeur ne puisse accéder à ces informations par
d’autres moyens.
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5. ÉTHIQUE DU NUMERIQUE
Enfin, nous vous signalons la parution du rapport du groupe de travail « Éthique du Numérique - Vive
internet ! Liberté et règles dans le monde numérique » qui s’est interrogé sur les questions
suivantes :
- Quel est le rôle du législateur à l’heure du numérique, dans un monde globalisé, où chaque
acteur a sa responsabilité ?
- Comment concilier le respect de nos données personnelles, la liberté d’expression et un
modèle économique viable pour le web ?
Ce rapport est consultable en ligne à l’adresse suivante :
www.ethique-du-numerique.fr/tl_files/rappor_ethique_du_numerique.pdf
*****
Alice COLLIN
[email protected]
Françoise COLLIN
[email protected]
Avocats à la cour
www.collin-avocats.fr
Tel : 01 44 29 26 60
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