Le Quartier international de Montréal (QIM)

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Le Quartier international de Montréal (QIM)
Le Quartier international de Montréal (QIM)
Par Clément Demers, directeur général du QIM, Jean Claude Scraire, ancien président directeur général
de la Caisse de dépôt et placement du Québec, et Réal Lestage, urbaniste, associé de Daoust Lestage,
Conférence prononcée le 24 janvier 2005.
Le contexte
Le projet du Quartier international de Montréal, 25 fois primé (en date de juin 2006), incarne bien les
défis d’un grand projet urbain et les approches novatrices qu’il est nécessaire d’adopter pour en faire un
succès. Ce projet résulte du choix visionnaire d’un investisseur public et du travail de gestion d’une
équipe intégrée de professionnels créatifs. La planification exemplaire des bâtiments et infrastructures
urbaines, l’intégration des parcs et des œuvres d’art, privilégiant une approche durable, un financement
original assurant la contribution des riverains et la participation active des acteurs du quartier et des
parties prenantes, ont créé un quartier prestigieux, dont la qualité est largement reconnue.
Synthèse et historique
Le projet du QIM, aujourd’hui réalisé, suscite la fierté et le respect de tous. Par ses dimensions, il
constitue l’une des plus grandes interventions en milieu urbain au Canada. Depuis 1965, le secteur qui a
donné naissance au QIM a accueilli plusieurs projets et interventions, notamment le métro et la
construction de la Tour de la Bourse (1965), le Vieux Port, la construction du Palais des Congrès (1986).
Le Sommet économique de Montréal, puis le rapport Picard (1986), ayant recommandé le regroupement
des interventions internationales dans un même quartier, le secteur est l’objet du concours d’idée pour la
Cité internationale (1989). En 1991, il accueille le Centre de Commerce Mondial et l’hôtel
Intercontinental. La création, en 1991, de la Société du Centre des conférences internationales, la
construction de l’édifice de l’OACI en 1995 et la création de Montréal International en 1996, ancrent la
vocation internationale du secteur et pavent la voie au projet du QIM.
C’est en 1997 que l’idée de la Cité Internationale est relancée par les urbanistes et architectes Renée
Daoust et Réal Lestage. La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDP) décide de se faire le porteur de
ce dossier auprès des instances municipale et provinciale. En 1999, la décision d’agrandir sur place le
Palais des Congrès devient l’un des déclencheurs du projet. L’organisme Quartier international de
Montréal (QIM) est alors constitué, avec comme objectif de créer un nouveau secteur viable, dynamique
et prestigieux au centre-ville. La décision, en 2000, de réaliser le Centre CDP Capital au cœur du QIM,
joue un rôle moteur dans la cohérence du projet.
L’approche de concertation des multiples intervenants publics et privés, la recherche de la qualité, la
cohérence des interventions et la formule originale de financement sont sans contredit les ingrédients
principaux du succès du projet du Quartier international.
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Le projet du QIM
Le projet du QIM est localisé dans le quadrilatère bordé au nord par l’avenue Viger, à l’est par la rue
Saint-Urbain, au sud par les rues Saint-Antoine et Saint-Jacques et à l’ouest par l’axe de la rue University.
Ce secteur avait beaucoup souffert du passage en tranchée de l’autoroute Ville-Marie, conçue selon les
principes de l’urbanisme fonctionnaliste des années 1960-1970. Cette intervention avait créé une rupture
importante entre le Vieux-Montréal et le Centre des affaires et laissé de multiples lots vacants, la plupart
convertis en terrains de stationnement à ciel ouvert.
Par ailleurs, le réalignement de la rue McGill avec la côte du Beaver Hall, réalisé sans tenir compte de la
forme originale du Square Victoria, avait affecté cette place publique, l’une des plus anciennes de
Montréal.
Le QIM a visé un développement de l’espace public qui soit cohérent et demeure à l’échelle humaine. En
cela, il s’inspirait de Barcelone et de Lyon, qui ont misé sur la requalification du domaine public, c'est-àdire l’investissement dans les places publiques et les rues, pour favoriser la reconstruction de secteurs
entiers. Barcelone l’a fait dans une série d’interventions préolympiques, qui ont aujourd’hui valeur de
modèle; Lyon a emboîté le pas, en travaillant sur l’aspect contemporain des interventions, de façon à
infléchir l’image des secteurs touchés, ce qui lui a permis de devenir une destination plutôt qu’un simple
lieu de passage.
Plus près de chez nous, à Québec, le projet de réaménagement du Boulevard René Lévesque, une
autoroute qui avait déshumanisé les abords de l’Assemblée nationale, a permis de réhabiliter cette voie
en en faisant un boulevard urbain, bordé d’une série de jardins linéaires qui revalorisent la notion de
colline parlementaire.
C’est dans cet esprit que le QIM a élaboré un projet réaliste, d’une échelle raisonnable, misant
essentiellement sur le réaménagement du domaine public à l’intérieur d’une enveloppe fermée de 90 M$
et d’un échéancier de réalisation de 4 à 5 ans, par opposition au projet de 1989, qui avait fait l’objet d’un
concours international, uniquement fondé sur de grandes orientations. Le QIM se caractérise aussi
comme un projet contemporain, qui témoigne de son époque, qui utilise des matériaux nobles, durables
et s’inscrit dans les valeurs actuelles, tout en respectant la dimension patrimoniale de l’arrondissement
historique.
En termes d’aménagement, le projet retisse la trame urbaine entre le Vieux-Montréal et le Centre des
affaires sur trois axes principaux. Le premier crée, rue University, un portail monumental d’entrée au
centre-ville de Montréal, en transformant ce qui était une autoroute en boulevard urbain, à l’aide de 22
structures utilisant des matériaux locaux, telle la pierre calcaire, qui supportent la mosaïque aux couleurs
des divers drapeaux nationaux, marquant la présence du Quartier international.
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Le deuxième axe est le résultat du
réaménagement du Square Victoria.
Les prémisses d’aménagement de
l’époque victorienne transparaissent
toujours sous le design actuel, qui
remet en valeur ce square à l’anglaise
dans
son
environnement
contemporain.
Un
rideau
de
végétation au pourtour préserve
calme et sentiment d’intimité au
centre de la place; les grands axes
redéfinis par des jets de fontaines
ramenant l’eau au centre du square
préservent l’espace central de la
place; les arbres matures ont été
conservés ou déplacés. On a su tirer
parti de la contrainte de l’autoroute Ville-Marie, en aménageant, en bordure de l’avenue Viger, l’Agora
du Square, destinée à accueillir, pour des périodes de six à douze mois, des œuvres d’art urbain de tous
pays. Le monument à la Reine Victoria a été relocalisé pour être plus visible et mieux mis en valeur. Le
granite, matériau local largement exporté mais peu utilisé au Québec, a été privilégié. Le projet a permis
de restaurer l’escalier Guimard, don du gouvernement français à la ville de Montréal, en collaboration et
selon les critères très stricts de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), ce qui en fait un
artefact de l’art nouveau parmi les plus authentiques hors de Paris. La mise en lumière est partie
intégrante du réaménagement, l’éclairage des végétaux et des fontaines créant une relation plus étroite
entre les portions nord et sud du square.
Le troisième axe est constitué par la
place Jean-Paul-Riopelle, nouvel
espace public aménagé sur un terrain
vague. Une forêt de 90 arbres
matures, plantés en plein centreville,
surplombe
un
sous-sol
particulièrement complexe, où se
côtoient et se superposent le couloir
de l’autoroute Ville-Marie, un
stationnement intérieur de 1 300
places et un tronçon du réseau
piétonnier intérieur. La plaque d’art
public supporte La Joute, œuvre
monumentale de Jean-Paul Riopelle,
entourée d’un cercle de feu dansant
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sur l’eau, selon la volonté de l’artiste. Des brumisateurs, créant un effet de brouillard, animent le centre
de la place, véritable mosaïque de végétation et de surfaces dures. Tous les jours, de 19 heures à 23
heures, l’œuvre se transforme en horloge urbaine.
L’aménagement du Quartier international n’afficherait pas le même degré de cohésion, n’eût été de la
décision d’y implanter le Centre CDP Capital, nouveau bureau d’affaires de la Caisse de dépôt et
placement du Québec. Cette pièce maîtresse, surplombant directement la tranchée de l’autoroute, ce qui
constitue une prouesse technique, vient structurer à la fois la place Jean-Paul-Riopelle, consolider
l’avenue Viger et faire le lien avec le Square Victoria. Geste civique exemplaire, le Centre CDP Capital
constitue aussi un projet novateur en termes d’écologie et de développement durable, avec sa double
paroi favorisant les économies d’énergie, une première pour un immeuble de cette taille avec fenêtres
ouvrantes. Ce nouveau concept a suscité l’intérêt de nombreux spécialistes.
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Des éléments d’aménagement distinctifs, communs à l’ensemble du secteur, étaient nécessaires pour
permettre au passant de reconnaître instantanément le Quartier international : une surface constituée de
pavés de béton de type Stanstead a été choisie pour couvrir de façon homogène l’ensemble des trottoirs;
quant au mobilier urbain de grande qualité, conçu par le designer Michel Dallaire, il est vraiment devenu
l’un des symboles identitaires du Quartier.
La réalisation du QIM a également permis de
consolider le réseau piétonnier intérieur de
Montréal en opérant, par la construction d’un
nouveau trajet est-ouest reliant le Palais des
Congrès à la Place Bonaventure, la jonction des
deux tronçons nord-sud existants, menant au
Centre des affaires. Enfin, le projet a fourni
l’occasion de procéder à une importante réfection
des infrastructures souterraines et des chaussées
du secteur.
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La mise en œuvre du projet
La réussite d’un projet repose sur une bonne planification, une bonne organisation et sur une promotion
efficace auprès des nombreux partenaires. Susciter l’adhésion des différentes parties prenantes aux
objectifs du projet s’avère également un élément incontournable.
Dans un projet urbain comme celui du QIM, le partenariat public/privé est indispensable car le domaine
public de la ville (les rues, les trottoirs et les places) côtoie le domaine privé. Le partenariat public/privé
du QIM comprend :
• Le partenaire promoteur : la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui a relancé le projet en
1997;
• Les bailleurs de fonds : la Ville de Montréal, à qui appartiennent tous les aménagements réalisés,
le Gouvernement du Québec et le Gouvernement du Canada;
• Les propriétaires riverains, regroupés en une association sans but lucratif et qui ont contribué
financièrement au projet.
Les cinq partenaires fondateurs étaient représentés au sein du conseil d’administration, présidé par le
vice-président de la Caisse, M. Jean-Claude Cyr. S’y sont ajoutés des partenaires commanditaires, pour un
montant de 8M$ consacré à la réalisation de projets thématiques. La contribution du secteur privé a
permis au projet d’atteindre les objectifs de qualité que les partenaires s’étaient fixés.
En résumé, l’organisme Quartier international de Montréal est constitué d’un conseil d’administration de
dix personnes et d’une petite équipe de gestion, qui travaille avec les services de la Ville, les
professionnels et les entrepreneurs.
Comment susciter l’adhésion de ces nombreuses personnes et de ces groupes? Dans chacune des
organisations parties prenantes, des «champions», croyant fermement aux objectifs du projet, ont été
identifiés pour créer la «constellation des champions» du QIM, concept développé par Henry Minzberg.
Cette notion d’équipe élargie, d’une douzaine de personnes, a été essentielle à la bonne marche et à la
réussite du projet. Cette équipe doit posséder les compétences techniques requises mais, plus encore,
l’intelligence émotionnelle. Cette notion complexe comprend de nombreux éléments, allant de la vision
globale des enjeux à l’éthique, en passant par l’esprit de coopération, l’autosuffisance décisionnelle, le
sens de l’opportunité et de l’anticipation, la capacité de rebondir et de s’adapter, la créativité, le sens
politique et, souvent fort utile, le sens de l’humour.
Ces aptitudes font partie, au même titre que la planification, les compétences de gestion, l’adhésion et
l’implication des partenaires, le choix des professionnels et des entrepreneurs les plus talentueux, des
facteurs indispensables pour réussir ce type de projet à l’intérieur des budgets et des échéanciers, en
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atteignant, voire en dépassant le niveau de qualité visé au départ, et cela sans conflit ni réclamation, ce
qui est exceptionnel dans le domaine du génie civil.
Les retombées du projet
La réalisation du QIM a produit des retombées de divers ordres. La première concerne le développement
durable. Partant du principe que la marche est le mode de déplacement qui permet le mieux d’apprécier
et de s’approprier la ville et que les quartiers centraux doivent offrir à ceux et celles qui les fréquentent
un milieu sain, sûr et agréable, le projet a d’emblée affiché un parti-pris pour le piéton. Celui-ci s’est
traduit par deux types d’intervention : La disparition des terrains de stationnement à ciel ouvert, et des
aménagements qui ont permis d’augmenter de 40 % les surfaces allouées aux piétons, facilitant leurs
déplacements et les incitant à utiliser les transports collectifs. De fait, le nombre des accès au réseau du
métro a triplé, ce qui a permis, entre 1999 et 2005, d’accroître l’achalandage de 13 % aux stations de
métro desservant le QIM, alors qu’il n’augmentait que de 1,7 % aux autres stations du Centre-ville.
La deuxième retombée concerne l’aménagement comme levier du développement. Le potentiel
immobilier était énorme dans le secteur, considérant le nombre de terrains de stationnement, d’espaces à
construire au-dessus de l’autoroute et d’espaces locatifs à l’intérieur des bâtiments à rénover. La
réalisation du projet a valorisé l’espace à construire, favorisé l’offre de nouveaux services, fait disparaître
des éléments hostiles ou dégradants dans le secteur, créé des espaces publics de qualité, permis
l’extension du réseau piétonnier, accru l’accessibilité tous modes et amélioré sensiblement la qualité de
vie, créant un site de marque et des adresses de prestige. Le quartier est même devenu un secteur propice
à la vocation résidentielle, ce qui eût été inimaginable quelques années auparavant.
La troisième retombée a trait au rendement des investissements initiaux. Le projet du QIM a coûté 90 M$
en termes d’aménagement, soit 30 M$ venant du Gouvernement du Québec, 30 M$ du Gouvernement du
Canada, 14 M$ de la Ville de Montréal, 8 M$ des commanditaires et 8 M$ des riverains (sous forme de
taxe d’amélioration locative). Ces sommes initiales ont généré d’autres investissements totalisant 70 M$,
par exemple le stationnement souterrain financé par une filiale de la Caisse.
Les projets accompagnant le QIM représentent quant à eux 700 M$ : 240 M$ pour l’agrandissement du
Palais de Congrès, 200 M$ pour la construction du Centre CDP Capital et 260 M$ pour les autres projets
réalisés par les riverains. Entre janvier 2000 et décembre 2003, 860 M$ ont donc été investis dans un
quartier de 27 hectares, ce qui représente un impact considérable de plus de 1 M$ par jour ouvrable.
Des projets immobilier additionnels d’une valeur de 600 à 800 M$ sont toujours en cours de réalisation.
Mais même si on ne considère que les projets terminés en 2004, les retombées sont fort intéressantes
pour tous les partenaires : le Gouvernement du Québec récolte, en fiscalité et en parafiscalité, 95 M$ plus
8,2 M$ par an, le Gouvernement du Canada 42 M$ plus 6,6 M$ par an, la Ville de Montréal 20 M$
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additionnels par année. Même les riverains ont vu leurs propriétés s’apprécier et leurs valeurs locatives
augmenter. Il est donc possible de réaliser un projet en partenariat public/privé qui soit profitable pour
toutes les parties prenantes.
Quatrième retombée : le projet du QIM est devenu une vitrine du savoir-faire québécois. L’utilisation des
matériaux locaux et le recours aux professionnels d’ici étaient un élément de base du projet, qui voulait
exposer à la clientèle internationale les ressources et les savoir-faire montréalais et québécois. Les
quelques 25 prix et mentions attribués au QIM et à ses artisans dans 13 domaines, allant de la gestion aux
infrastructures en passant par le design, contribuent eux aussi au rayonnement du projet et, à travers
celui-ci, de l’ensemble de ses concepteurs et collaborateurs. De plus, les aménagements du QIM sont
rapidement devenus l’un des repères de Montréal.
La cinquième retombée est d’ordre touristique et international. Le projet a permis d’attirer de nouvelles
organisations internationales à Montréal, il a contribué à l’augmentation du nombre de congrès
internationaux et à la croissance du tourisme. En métamorphosant l’environnement immédiat du Palais
des Congrès pour en faire un attrait touristique, le QIM rend cet équipement plus accessible, plus sûr et
attrayant. En rétablissant des liens agréables et sûrs entre le Palais et les principaux sites touristiques
montréalais (Vieux-Montréal, Vieux-Port, Centre des affaires), le QIM a un effet, non seulement sur la
fréquentation du Palais lui-même, mais aussi sur le tourisme, dans la mesure où les gens d’affaires qui
viennent à Montréal assister à un congrès dans un tel environnement sont plus susceptibles d’y revenir
comme touristes. Aujourd’hui, les investisseurs étrangers s’intéressent au secteur et y investissent.
Les facteurs et conditions de succès du QIM
Un contexte favorable
Le besoin avait été exprimé depuis de nombreuses années par différents intervenants de concentrer dans
un même secteur de la ville l’ensemble des activités internationales mais, malgré la présence
d’équipements majeurs sur le site (Palais des Congrès, Tour de la Bourse, Centre de Commerce mondial,
siège de l’OACI), il n’existait pas de projet d’ensemble. La question du déménagement ou de
l’agrandissement sur place du Palais des Congrès a servi de déclencheur, dans un contexte économique et
urbain favorable : Lendemains d’une stagnation immobilière et économique forte après la débâcle des
années 90, absence de grand projet et zone stratégique propice au développement.
Le leadership
Un projet urbain de cette envergure doit être piloté par un leadership fort et engagé. Dans le cas du QIM,
la Caisse de dépôt et placement du Québec a joué ce rôle, du début à la fin du projet. L’engagement de la
Caisse s’est traduit par la constance dans la promotion et dans la poursuite des objectifs du projet. Au-
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delà de son strict rôle économique, le rôle de la Caisse comme propriétaire immobilier est essentiel dans
le développement urbain de la Ville.
La mise de fonds initiale
Souvent, les projets éprouvent des difficultés à démarrer en raison d’un manque de mise de fonds initiale,
qui permettrait d’établir la préfaisabilité du projet. Les premiers 50 000 $ investis dans le projet du QIM,
à fonds perdus, ont permis à la petite équipe qui en avait reçu le mandat d’esquisser le projet pour le
rendre compréhensible aux gouvernements, à la Ville de Montréal, aux commanditaires, aux riverains,
aux institutions financières, et pour en faire une promotion adéquate.
La deuxième mise de fonds
Une fois l’accord de principe obtenu, une deuxième mise de fonds est requise. Elle permet de se donner
une vision claire d’un projet bien défini, présentant des standards élevés de qualité, pour aller chercher
l’adhésion des parties prenantes. Les retombées du projet du QIM étaient déjà envisagées à cette étape et
apparaissaient réalisables.
Le talent des concepteurs et des professionnels
Ce sont l’âme, la créativité, une compétence hors normes, l’art de penser, la capacité de communiquer et
de faire partager sa vision, qui créent le talent et la qualité particulière d’un projet. Ces critères ont été
privilégiés dans le choix de tous les concepteurs et des professionnels de l’équipe. L’expérience et le
talent, joint à la pérennité de l’équipe, ont assuré que le projet dessiné se réalise, sans changement majeur
en cours de route, ce qui est déterminant dans le succès du projet.
Des équipes vouées au projet et disposant de l’autonomie suffisante
Même dans le secteur public ou parapublic, où le suivi de l’usage des fonds publics justifie une
surveillance constante, l’équipe de réalisation d’un projet a besoin d’une grande autonomie de
fonctionnement et d’un pouvoir de décision réel. L’équipe de gestion, formée de moins de dix personnes
impliquées dans le projet, jouissant d’un pouvoir de décision clair même s’il est partagé, représente un
élément central et incontournable de la réussite du projet du QIM.
L’importance de la contribution privée
L’implication du secteur privé dans le QIM, depuis la mise de fonds initiale jusqu’aux commandites et à la
contribution des riverains, a fait toute la différence entre un simple projet d’infrastructures souterraines
et un projet d’aménagement urbain, de qualité supérieure aux normes généralement en vigueur. Les 16
M$ de contribution privée correspondent à la plus-value du projet, c'est-à-dire à l’effort supplémentaire
de qualité, qui est à l’origine des retombées les plus importantes.
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L’adhésion
L’adhésion de personnes-clés, dans chacune des organisations parties prenantes au projet, constitue enfin
l’un des facteurs originaux du succès du QIM, dans la mesure où elle a permis d’éviter que des
orientations divergentes nuisent à la bonne marche du projet.
Questions et commentaires des participants
La recette du QIM peut-elle s’appliquer à d’autres projets urbains?
Les ingrédients de la recette sont : Une vision, des projets de qualité, des leaders pour les initier et les
promouvoir, et une équipe bien mandatée pour les réaliser. À Québec, le maire Jean-Paul L’Allier a
littéralement reconstruit le quartier Saint-Roch avec une approche similaire. Les projets publics urbains
sont très structurants; ils représentent des investissements rentables. Il faut changer les mentalités des
décideurs à ce sujet car on a trop tendance à se priver de l’effort additionnel qui crée de la valeur, en
coupant précisément dans ce qui génère cette valeur, c’est-à-dire la qualité. Il s’agit donc d’amener les
décideurs à souscrire à cette approche d’investissement durable. À titre d’exemple, le lobby d’édifice
montréalais des années 60 qui coûte le moins cher, en valeur actuelle, est celui de la Place Ville-Marie,
dont le concept est simple, élégant et la construction de qualité, avec du marbre travertin, qui dure
encore alors que tous les lobbies des immeubles aux alentours ont dû être refaits. À l’inverse, l’Institut de
Tourisme et d’Hôtellerie, localisé dans un «prime space», au-dessus du métro, en face du plus beau square
de Montréal, n’a généré aucune retombée pendant trente ans en raison de sa laideur et de son
insignifiance. Et on réinvestit aujourd’hui pour améliorer le projet, pour essayer de créer de la valeur.
Le QIM a fait un post-mortem en matière de gestion de projet pour laisser une trace de son expérience et
pour que d’autres projets puissent s’en inspirer.
Le succès du QIM repose en partie sur la clientèle fortunée, institutionnelle, privée et résidentielle qui a
pu y être attirée. Est-ce que cet aspect avait été mesuré au départ et comment, car si cet objectif n’avait
pas été atteint, le projet se serait soldé par un «flop» monumental?
Oui, cela a été mesuré, par le caractère opportun du projet. Au pied du pont Jacques-Cartier, l’effet
n’aurait pas été le même. Les chiffres atteints correspondent aux prévisions initiales. Pour d’autres projets
—on peut penser au Quartier des spectacles, à des secteurs résidentiels— l’approche de qualité produirait
certainement des dividendes appréciables.
Le projet comporte-t-il un programme financier d’entretien?
Parmi les 70 ententes signées, les riverains en ont conclu une avec la Ville de Montréal, par laquelle
celle-ci s’est engagée à consacrer des hommes/heures additionnels à l’entretien du secteur. De plus, dans
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les ententes de construction de certains équipements, comme les fontaines, l’entretien est prévu pour les
deux premières années. Mais même s’il en coûte à la Ville quelques dizaine de milliers de dollars de plus
en entretien, il faut rappeler que le QIM lui rapporte 20 M$ additionnels par an.
Le QIM est il le simple résultat d’un déplacement géographique d’investissements qui ne se sont pas faits
ailleurs dans la ville?
Il ne s’agit pas d’un «jeu de chaise musicale», car le projet du QIM a majoritairement suscité des
investissements étrangers qui ne se seraient pas concrétisés n’eût été de ce projet. L’achat de pied-à-terre,
la localisation de nouvelles entreprises étrangères en sont des indices.
Comment avez-vous obtenu l’adhésion populaire à ce projet alors que tous les projets provoquent des
oppositions?
Le QIM utilise l’approche de médiation en aménagement, qui ne doit pas être confondue avec une
recherche de compromis. Des rencontres ont été organisées avec tous les riverains pour leur expliquer les
objectifs du projet, et en quoi ceux-ci répondaient à leurs préoccupations, par exemple la sécurité ou la
salubrité du secteur. En janvier 2000, dans le cadre du programme particulier d’urbanisme, la population
a été consultée sur le projet à l’intérieur d’un plan d’ensemble du secteur, ce qui a permis aux gens de se
prononcer. Les critiques ont porté sur le stationnement de 1 300 places, apparemment contraire au
développement du transport en commun, alors que le projet du QIM avait aussi cet objectif. Aucun grand
projet ne peut se réaliser s’il n’y a pas de leadership qui s’exerce pour décider.
Quels sont les facteurs de localisation que privilégient les grandes entreprises?
C’est la notion d’adresse, de la même manière que l’acheteur d’une maison choisit en premier un
quartier, une qualité de vie, des services. La démarche est similaire pour une entreprise.
N’y a-t-il pas eu des critiques face aux dépassements des coûts du projet?
On ne parle pas du même projet. Le projet de construction de la Caisse, au cœur du QIM, a été critiqué
parce que, annoncé à 100 M$ pour la construction seulement d’un des immeubles, il a fini à 400 M$, mais
pour un projet complet (coûts directs et indirects incluant les acquisitions de terrain) qui avait évolué : au
départ, il s’agissait du coût d’un édifice, alors qu’à la toute fin, quatre édifices ont été construits, dont un
hôtel et un stationnement. Le niveau de qualité des édifices du CDP rejoint le niveau des exigences
imposées aux autres investissements.
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Pourquoi le Quartier des spectacles ne se réaliserait-il pas selon une approche similaire au QIM?
Cela prendrait la volonté politique et le choix de faire des études en vue de réaliser un projet et non pas
pour retarder les décisions. Quand les pouvoirs publics décideront de l’enclencher et qu’il deviendra
opportun, le projet décollera.
Peut-on appliquer l’approche d’implication financière des riverains dans d’autres secteurs où il n’y a pas
de terrains à développer, par exemple sur la rue Sainte-Catherine?
Il est très difficile de convaincre des propriétaires de payer une taxe. Le nombre de riverains est un
critère important : Dans le QIM, il y avait quarante propriétaires pour 27 hectares, dont des
gouvernements peu habitués à payer des taxes d’amélioration locative… La démarche d’implication
financière des riverains est ardue mais, quand le projet commence, il devient le projet de tous car tous se
sentent concernés, ce qui est un avantage fondamental pour la réussite du projet car les riverains
impliqués acceptent les inconvénients associés à la réalisation.
Les conférenciers
Clément Demers, architecte et urbaniste, est reconnu comme gestionnaire de projet. Après avoir occupé
des postes à la direction du service de l’urbanisme de la Ville de Montréal, il fut nommé directeur général
de la Société immobilière du patrimoine architectural de Montréal (SIMPA). À ce titre, il a contribué à
donner au Vieux-Montréal, alors un secteur abandonné, le visage que nous lui connaissons, en
contribuant au développement de projets tels que le Musée d’archéologie de la Pointe à Callière, le
complexe Chaussegros de Léry, le Centre de commerce mondial de Montréal et l’hôtel Inter-Continental.
Devenu premier vice président de CADEV, une société de la Caisse de dépôt et placement du Québec, il
s’est vu confier le montage du projet du Quartier international, en collaboration avec Renée Daoust
(associée, Daoust Lestage), puis a hérité du développement du projet du QIM, qu’il a entièrement piloté.
Professeur agrégé à l’Université de Montréal et invité dans plusieurs universités, Monsieur Demers a reçu
de nombreux prix. Vision, ténacité, capacité d’entreprendre des projets avec de nombreux intervenants
et de les mener à bien sans conflit, voilà qui résume le parcours professionnel de Clément Demers.
Jean Claude Scraire, avocat, a travaillé en pratique privée, puis au Ministère de la justice du Québec
jusqu’en 1981, avant de se joindre à la Caisse de dépôt et placement du Québec, comme conseiller
juridique responsable du développement immobilier. Devenu président directeur général de la Caisse,
poste prestigieux qui lui permet de contribuer de façon majeure au développement économique du
Québec, il a l’idée d’installer cette puissante institution dans le Vieux-Montréal, et de lui faire jouer un
rôle moteur dans la transformation du secteur, en association avec le QIM. À cette occasion, il affirme sa
ferme volonté de doter Montréal d’un bâtiment d’une qualité exceptionnelle, le Centre CDP Capital. Au
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cœur de toutes les grandes décisions économiques qui ont eu une influence sur Montréal au cours des
dernières années, Jean-Claude Scraire a reçu de nombreux prix.
Réal Lestage, urbaniste, est le fondateur de Daoust Lestage architecture et design urbain, réputé pour la
formulation de projets solidement ancrés dans leur milieu d’insertion. Récipiendaire de nombreux prix,
on lui doit plusieurs des principales expériences de requalification urbaine des dernières années, telles
que le réaménagement de la colline parlementaire à Québec, le QIM, le Centre CDP Capital et le Jardin
de Montréal à Lyon. Il a agi comme concepteur principal du projet du QIM et a dirigé le consortium
Daoust Lestage - Provencher Roy durant les travaux. Il a également participé, comme associé, à la
réalisation du bureau d’affaires de la Caisse. Pour Réal Lestage, la réussite d’un grand projet urbain repose
sur la cohérence des assises du projet, un parti-pris clair et une détermination à conserver la facture du
projet construit à travers les pressions de tous les intervenants, avant, pendant et après le projet.
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