Annexe N° 1

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Annexe N° 1
Annexe N° 1
Fontfroide n'est pas une fondation cistercienne, mais le site
choisi par les premiers moines bénédictins correspond aux
exigences de la Règle
L'isolement que les moines trouvent dans le massif, à l'époque encore boisé, satisfait leur quête de « vastes solitudes »
si chères aux contemplatifs. Ils trouvent aussi dans le massif le bois, matériau de base des différents métiers et
indispensable pour la construction. Le site se trouve aussi à la confluence de deux ruisseaux qui approvisionnent l'abbaye
en eau. Cette eau est indispensable à toute vie communautaire : elle actionne les meules et les moulins, elle jaillit dans le
lavabo du cloître et permet les ablutions, elle alimente enfin les viviers.
Canalisation passant sous le dortoir des convers
Ancien moulin alimenté par la rivière
L'abbaye, enfin, volontairement coupée du monde en s'enfonçant de quelques centaines de mètres à l'intérieur du massif
s'est cependant implantée à proximité du réseau routier de l'époque. La voie domitienne passe au pied du massif et le
nom même de Saint-Julien de Septime rappelle que cette grange se trouvait à l'emplacement du septième miliaire depuis
Narbonne. Une voie des marchands traversait le massif en évitant la zone marécageuse des étangs et franchissait à gué
les ruisseaux à Fontfroide.Grande période de constructions
Il fallait en général au moins une vingtaine d'années pour que les abbayes sortent de la phase maîtrise foncière,
défrichage, assainissement, mise en exploitation et qu'elles accumulent suffisamment de capitaux, par donations
principalement, pour envisager de construire en dur une abbaye qui se veut définitive.
Cette règle semble être respectée à Fontfroide. Tout d'abord, la donation faite en 1157 par Ermengarde vicomtesse de
Narbonne, des " lieux et terres de Fontfroide " à la communauté, confirme douze ans après l'affiliation à Citeaux,
l'autorisation orale donnée aux moines à la fin du XIème siècle, de s'installer dans le massif. Ensuite, à la même période
les donations atteignent un maximum mais les achats de biens fonciers sont au plus bas et l'argent semblent utilisées à la
construction du monastère qui débute dans les années 1170 - 1180.
Fin XII - début XIII : nef, transept, chœur, salle capitulaire et premier cloître.
Milieu XIII - début XIV : élévation et voûtes du cloître, réfectoire des convers, cellier, dortoir des convers.
Début XIV : chapelles collatérales, tribune du transept nord, chapelle saint Bernard.
XVII - XVIII : percement des portes dans le réfectoire des convers, aménagement du dortoir des convers en hôtellerie,
construction de l'escalier d'honneur, travaux de la cour dite " Louis XIV " (fronton et logis du prieur), destruction du lavabo,
aménagement du scriptorium, chauffoir, cuisine, réfectoire des moines, construction du porche d'entrée.
Le massif de Fontfroide qui s'étend sur plus de 3000 hectares est un site exceptionnel qui contribue à la
renommée de l'abbaye. Profondément défiguré en 1986 par un incendie criminel, le massif a retrouvé toute
sa splendeur mais demeure en permanence menacé
Situé sur les premiers contreforts des Corbières, le massif offre, à partir de la ligne de crête, un point de vue superbe d'un
côté vers les étangs de Bages et de Leucate, le littoral méditerranéen jusqu'aux Pyrénées, de l'autre la plaine viticole de
Lézignan et la Montagne Noire.
Sa flore est, par sa diversité, d'un très grand intérêt et l'on trouve de nombreuses variétés de bruyères ou de cistes en
plus des traditionnelles plantes du maquis
Il porte encore les traces visibles d'un passé riche. Au pied du massif on trouve encore un chapelet de propriétés qui
correspondent aux anciennes granges de Fontfroide : Jonquières, Aussières, Auris, Saint-Julien de Septime, Taura.
L'imposante silhouette du château de Saint Martin de Toques rappelle que les cisterciens n'étaient pas les seuls installés
dans le massif. Enfin au hasard des détours des chemins on trouve encore les ruines des quelques anciennes bergeries :
La Quille, l'Escalier.
Mais ce site merveilleux est en permanence menacé par les incendies et les nuisances de toute sorte. Déjà depuis 1958,
six incendies ont détruits des milliers d'hectares de garrigue car le maquis de broussailles, les arbustes ou les conifères
sont facilement inflammables et l'hydrographie est bien trop insuffisante.
Pour mieux découvrir la richesse naturelle du massif l'AME projette de réaliser autour de la Croix et de l'abbaye de
Fontfroide un sentier d'interprétation pour permettre aux promeneurs de s'imprégner, grâce à une quinzaine de panneaux
informatifs, de l'histoire de la région et de découvrir la flore spécifique du massif classé site naturel.
1093 : Le 12 des calendes de juin, le Vicomte de Narbonne, Aymeric II, autorise
une communauté de moines à se constituer sur ses terres de Fontfroide.
1145 : Fontfroide s'affilie à l'ordre de Citeaux lors de la venue de Saint Bernard de
Clairvaux en Languedoc, l'abbaye connaît alors une expansion considérable et
rapide.
1149 : Le comte de Barcelone offre " son jardin de Poblet " aux moines de
Fontfroide pour fonder une nouvelle abbaye devenue la plus fameuse abbaye de
Catalogne, nécropole des seigneurs devenus rois d'Aragon.
1157 : La vicomtesse de Narbonne, Ermengarde, fait don à Fontfroide
d'un vaste ensemble de terres entourant le monastère. L'abbaye
devient une puissance foncière et religieuse locale fortement
enracinée, le sanctuaire de la maison de Narbonne et le centre
spirituel du Languedoc.
1175-1185 : Les dons et acquisitions de biens fonciers atteignent leur
maximum. Les revenus permettent de commencer la construction des
bâtiments.
1203 : Le Pape, Innocent III, nomme légats Pierre de Castelnau et
frère Raoul, tous deux moines de Fontfroide.
1208 : Après une entrevue avec Raymond VI de Toulouse, à
Beaucaire, Pierre de Castelnau est assassiné.
1209 : Début de la Croisade contre les albigeois dirigée par Arnaud Amalric, abbé de Citeaux.
1242 : Fontfroide fonde l'Abbaye de Valbonne près d'Argelès-sur-Mer.
1297-1310 : Arnaud Nouvel est élu père abbé de Fontfroide. Nommé ensuite cardinal, il occupe
la charge de vice-chancelier de l'Eglise et est envoyé comme légat du Pape en Angleterre.
1311-1317 : Abbatiat de Jacques Fournier qui devient Pape en 1334 à Avignon sous le nom de
Benoit XII.
1348 : La peste noire réduit la communauté à 20 moines
1476 : Fontfroide tombe en commende, la communauté est dirigée sur place par un prieur
conventuel nommé par le père abbé de Clairvaux.
1594 : Par décision du chapitre général, division des biens de Fontfroide entre une mense
abbatiale dont les revenus vont aux abbés commendataires nommés, depuis le concordat de
Bologne (1516), par le roi de France et une mense conventuelle permettant la subsistance d'une
communauté réduite à 16 moines
1764 : Louis XV consent à l'extinction et à la suppression du titre abbatial de Fontfroide et
à l'incorporation des biens de la mense abbatiale au siège épiscopal d'Elne (aujourd'hui
diocèse de Perpignan).
1791 : Le 14 février, le dernier moine, Dom Campredon quitte l'abbaye qui est incluse
dans la vente des " biens nationaux ". Mais le prix d'acquisition étant trop inférieur à
l'estimation, la vente est cassée et les bâtiments ainsi que les terres réunies au domaine
de l'Etat, les revenus sont affectés aux hospices de Narbonne.
1833 : Les hospices de Narbonne vendent Fontfroide à Monsieur de Saint Aubin qui
entreprend la restauration de l'abbaye. L'église, le cloître et la salle capitulaire sont
classés en 1843 et les premiers travaux de restauration contrôlés ont lieu sous la dire
1858 : Les cisterciens de l'Immaculée Conception rachètent Fontfroide et installent, dans
le plus grand dénuement, une nouvelle communauté placée sous l'autorité du Père Jean
1875 : Saint Antoine-Marie Claret, ancien confesseur de Catherine II, chassé d'Espagne, venu se réfugier à Fontfroide,
meurt à l'abbaye et est enterré dans le cimetière.
1895 : Mort du Père Jean, avant dernier père abbé de Fontfroide
1901 : Exil de la communauté de Fontfroide en Espagne le jour même de l'entrée en application de la loi sur les
congrégations religieuses.
1908 : A l'abandon depuis 1901, Gustave et Madeleine Fayet rachètent l'abbaye de Fontfroide alors qu'un collectionneur
américain c'est déjà porté acquéreur du cloître
Les origines.
Dans la deuxième moitié du XIème, l'Eglise sous l'impulsion du Pape Grégoire VII est en plein renouveau
Elle se sépare de la tutelle du pouvoir politique en revendiquant par exemple le droit de désigner les évêques, elle exerce
un pouvoir universel grâce à une administration de légats qui contrôlent une structure géographique d'archevêchés et
d'évêchés, elle propose enfin aux humbles des pratiques religieuses mobilisatrices : le culte des reliques, les pèlerinages,
les donations.
Dans le même temps, le monachisme se développe et partout des regroupements d'ermites donnent naissance à des
monastères. A cette époque les abbayes tirent un grand bénéfice de la cléricalisation générale de l'Occident. "Elles
fascinent les féodaux car elles représentent les seuls îlots de connaissances dans un territoire où nobles et serfs ont
souvent la même ignorance livresque. (...) Une abbaye de renom contribue au prestige du seigneur qui a aliéné pour elle
une partie de ses biens.
Il en est ainsi dans les Corbières où le 12 des calendes de juin 1093, le Vicomte Aymeric II de Narbonne autorise une
communauté de moines à se constituer sur ses terres de Fontfroide. Le lieu est propice, caché au creux du
moutonnement des collines calcaires, encerclé et donc défendu par un torrent, abreuvé par la " fons frigida ", protégé à
quelques distances par les pitons fortifiés de Saint Pierre des Clars et de Saint Martin de Toques. Mais la jeune
communauté mène une existence obscure et ne joue aucun rôle important, semblant oubliée, même par la dynastie qui l'a
fondée.
Il ne pouvait d'ailleurs en être autrement à une époque où, dans un périmètre de 20 kilomètres, l'Abbaye de Lagrasse
est en pleine maturité et où l'Abbaye de Montlaurés accapare les donations de la maison de Narbonne et de ses vassaux.
Ce n'est qu'à partir de 1134, sous le long abbatiat de Sanche que la communauté primitive commence à se
développer
L'abbaye de Fontfroide connaît sa transformation essentielle en 1144. En effet, à cette date, l'abbaye opère un
rapprochement fraternel avec l'Abbaye de Grandselve, près de Toulouse, lui demandant des réformateurs pour appliquer
la règle de saint Benoit, à la manière de Citeaux.
Puis, l'année suivante, Bernard de Clairvaux, en mission dans le Languedoc pour combattre les thèses propagées par le
moine apostat Henri de Lausanne, obtient de la communauté de Grandselve son affiliation à Citeaux, ce qui entraine celle
de Fontfroide. Désormais, elle connait une expansion rapide et considérable. Moins de quatre ans après l'affiliation, en
février 1149, le comte de Barcelone offre aux moines de Fontfroide son " jardin de Poblet " pour fonder la plus fameuse
abbaye de Catalogne.
La fondation d'une abbaye dynastique à Poblet incite à son tour la maison de Narbonne à redécouvrir Fontfroide, à une
époque où sa puissance et ses prétentions sont en pleine croissance. En 1157, la Vicomtesse Ermengarde de
Narbonne fait don à Fontfroide d'un vaste ensemble de terres entourant le monastère. Cette donation fait de Fontfroide
une puissance foncière et religieuse locale fortement enracinée qui va accaparer de nombreuses donations et devenir le
sanctuaire de la maison de Narbonne, qui à partir de cette date multiplie les attentions envers le nouveau centre spirituel
du Languedoc.
Durant cette période, les dons affluent, et la construction du monastère peut commencer. Simultanément les premières
acquisitions ont lieu, jetant les bases de l'établissement des futures granges. Par ailleurs Fontfroide fonde plusieurs
monastères : deux abbayes de moniales à Sainte Marie des Olieux et à Elne, un monastère d'hommes à Valbonne.
Durant toute la seconde moitié du XIIème siècle, l'hérésie prospère sur le terrain et l'abbaye de Fontfroide
se retrouve aux avant-postes du combat contre les cathares.
Directement opposé à l'Eglise de Rome, le catharisme s'avère par ses implications sociales comme
une terrible menace pour toute la société médiévale. D'autant que l'église cathare s'est organisée
méthodiquement en plusieurs diocèses dont celui de Carcassonne qui englobe les principales terres
gagnées à l'hérésie, celles des seigneurs de Trencavel : Carcassès, Razès, Minervois, Biterrois.
Fontfroide et ses granges s'enfoncent dans ce territoire cathare et dès son élection en 1198, le Pape
Innocent III veut tenter un grand effort de résistance. Pour mobiliser le clergé, il entend s'appuyer sur
Citeaux, l'ordre le plus puissant de la chrétienté. Les moines de Fontfroide doivent quitter leur
solitude et revenir dans le monde pour combattre le catharisme. En 1203, le Pape choisit comme
légat deux moines de Fontfroide : frère Raoul et Pierre de Castelnau. Les deux légats organisent
sous la présidence de Pierre II d'Aragon un plaid où dialoguent treize supposés hérétiques et treize
fidèles catholiques au cours duquel Bernard de Simore et ses compagnons avouent leur doctrine .
Ainsi les cathares sont officiellement convaincus d'hérésie.
Pierre de Castelnau, désabusé et réaliste, est persuadé que seul le pouvoir politique et le " glaive
matériel " peuvent extirper l'hérésie. Il tente une ultime démarche en se rendant le 13 janvier 1208 à
Saint-Gilles où il rencontre Raymond VI de Toulouse. L'entrevue tourne mal. Le lendemain un
écuyer du comte rejoint Pierre de Castelnau s'apprêtant à passer le Rhône et le frappe mortellement.
Tandis que se déroulent les tragiques péripéties de la croisade dans laquelle Fontfroide joue son rôle
légitime de bastion de la foi catholique, l'abbaye s'est solidement implantée, construite et développée
Qui sont les cathares ?
Manichéens, les cathares expliquent la présence du Mal par la coexistence de deux principes celui du Bien
où Dieu n'a créé que l'esprit et celui du Mal qui a créé tout ce qui est matière jusqu'à l'enveloppe charnelle
de l'homme. Niant tous les sacrements, mais croyant à des réincarnations successives de l'esprit jusqu'à la
perfection les adeptes se répartissent en simples croyants et en "parfaits"
Les parfaits représentent une caste sacerdotale peu nombreuse dont les membres, après avoir reçu le
consolamentum, le baptême de l'esprit par l'imposition des mains, vont, tout de noir vêtus, par deux, sur les
routes pour prêcher par les seuls Evangiles et Epîtres en occitan. Ils mènent aux yeux de tous une vie
exemplaire de pauvreté et d'abstinence.
Ils sont entourés du respect des croyants et d'un grand nombre de sympathisants qui trouvent commode cette " religion "
qui permet les licences pendant la vie et n'oblige à aucune pratique contraignante. Pour avoir une bonne fin, comme ils
disent, il suffit qu'un parfait puisse à temps leur imposer les mains. Ces parfaits sont surtout protégés par des seigneurs,
anticléricaux par intérêt, qui trouvent là un prétexte moral à ne pas payer la dîme, voire à s'octroyer des biens de
l'église.
Pendant plus de cinquante ans, l'Eglise catholique tente, avec l'aide des cisterciens de s'opposer, en vain,
au développement de l'hérésie.
1135 : Concile de Pise où saint Bernard rencontre Henri de Lausanne, moine apostat
1143 : Procès contre les cathares à Cologne
1145 : Venue de saint Bernard en Languedoc pour prêcher à Toulouse, Albi et Verfeil contre l'hérésie propagée par Henri
de Lausanne.
1165 : Conférence contradictoire entre catholiques et cathares à Lombers en présence de l'abbé de Fontfroide
1167 : Concile cathare de Saint-Felix de Caraman qui organise " l "Eglise cathare "
1177 : Raimond V, comte de Toulouse, demande au Chapitre général de Citeaux l'aide de l'ordre et du Roi de France
contre les hérétiques
1178 : Première mission en Languedoc d'Henri de Marcy, abbé de Clairvaux, excommuniant Roger II Trencavel comme
hérétique.
1181 : Siège de Lavaur par Henri de Marcy devenu cardinal d'Albano, légat du Pape
1194 : Mort de Raimond V auquel succède Raimond VI comme comte de Toulouse. Mort de Roger II Trencavel.
1198 : Innocent III est élu pape
1203 : Innocent III nomme légats Pierre de Castelnau et frère Raoul, tous deux moines de Fontfroide
1204 : Innocent III adjoint aux deux légats Arnaud Amalric, abbé de Citeaux
1206 : Les légats rencontrent à Montpellier Diègue, évêque d'Osma assisté de Dominique de Guzman, le futur saint
Dominique. Ils décident d'entreprendre une prédication itinérante.
1207 : Après le chapitre général de Citeaux, Arnaud Amalric revient en Languedoc accompagné de douze pères abbés
cisterciens chargés de prêcher contre l'hérésie
1208 : Pierre de Castelnau est assassiné par un chevalier de l'entourage de Raymond VI après avoir excommunié ce
dernier à Saint-Gilles. Innocent III prépare une croisade contre les hérétiques.
A la charnière du XIIIème et du XIVème siècles, Fontfroide apparaît en pleine expansion
Elle le doit au rayonnement de ses moines, à leur travail de mise en valeur de leurs terres. Elle le doit aussi à la
générosité de bienfaiteurs, ecclésiastiques et laïcs qui, par leurs donations, ventes à prix réduits ou leurs legs
agrandissent considérablement le domaine.
Avec ses 25 granges, Fontfroide est l'une des abbayes les plus riches de l'ordre. Sa vocation est, encore plus que le vin,
l'élevage et son troupeau compte au milieu du XIVème siècle 20 000 têtes. Cette richesse tient au fait que les rois
d'Aragon et les comtes de Foix, protecteurs fidèles de l'abbaye, lui avaient concédé le droit de libre pâture sur leurs terres.
Ce privilège avait conduit l'abbaye à implanter des granges, souvent conquises de haute lutte, sur la route de la
transhumance vers l'Aragon ou vers Foix et à développer un mode d'élevage moderne. Cette richesse permet aussi de
poursuivre les aménagements comme la construction des voûtes des galeries du cloître
Jacques Fournier et Arnaud Nouvel
A sa plus brillante époque, l'abbaye de Fontfroide accueillit dans sa communauté deux hommes d'église au destin
exceptionnel que rapprochaient d'ailleurs les liens du sang. Le premier, Arnaud Nouvel, est né au milieu du XIIIème
siècle à Saverdun, un bourg ariégeois dans le comté de Foix. Il fait profession monastique à l'abbaye de Boulbonne. Elu
trente-huitième abbé de Fontfroide, il est chargé par la papauté de missions où s'exercent ses compétences juridiques et
théologiques. En 1306 il est nommé vice-chancelier de l'Eglise par Clément V mais reste abbé de Fontfroide. Il quitte
l'abbaye en 1310 quand il est nommé cardinal et légat en Angleterre et au procès des dignitaires du Temple. Il meurt en
Avignon le 14 août 1317 et selon sa demande est enterré au pied du maître autel de Fontfroide.
Le second est le neveu d'Arnaud Nouvel, Jacques Fournier. Après avoir été moine à Boulbonne, il succède à son oncle
sur le siège abbatial de Fontfroide en 1311. Nommé évêque de Pamiers en 1317, il dirige lui-même le tribunal d'inquisition
contre les derniers cathares. Transféré en 1326 à l'évêché de Mirepoix, il est promu cardinal en 1327. Il est élu pape en
décembre 1334, succédant à Jean XXII sous le nom de Benoît XII. A peine élu, il révoque toute les commendes et
entreprend la réforme des ordres monastiques, à commencer, dès 1335, par sa propre famille cistercienne par la bulle "
Sicut fulgens ". Il fait construire le Palais des Papes à Avignon où il meurt le 25 avril 1342 et est enterré dans la cathédrale
d'Avignon. Avec cette disparition, l'abbaye perd son dernier grand protecteur.
Fontfroide perd son dernier grand protecteur avec la mort de Benoit XII. Commencent alors des années
difficiles. L'abbaye est atteinte par le mouvement général de reflux du monachisme et les difficultés de
recruter des convers.
La peste noire qui atteint Marseille en janvier 1348, arrive à Narbonne dès février mars. La communauté qui en 1342
comptait encore 41 moines n'en compte plus qu'une vingtaine à la fin du XVème siècle. Comme la plupart des abbayes
cisterciennes en France, Fontfroide tombe en commende en 1476.
Pendant trois siècles, trois familles accaparent le titre abbatial :
les Narbonne -Talairan de 1476 à 1519 ;
puis les Frégose, originaires de Gènes, de 1579 à 1646 ;
enfin les La Rochefoucauld de 1667 à 1717.
Les abbés commendataires tirent le bénéfice d'une partie des revenus de l'abbaye mais sans y
séjourner, la communauté est dirigée par un prieur conventuel nommé par le père immédiat de
Clairvaux. En 1594 le chapitre général de Citeaux ordonne la division des biens de Fontfroide
entre une mense abbatiale dont les revenus vont aux abbés commendataires et une mense
conventuelle permettant la subsistance de seize moines
Par lettres patentes de 1764, Louis XV consent à l'extinction du titre
abbatial de Fontfroide et à l'incorporation des biens de la mense abbatiale
au siège épiscopal d'Elne. Refusant de se rallier à la réforme préconisée à
La Trappe, la dizaine de moines vit plutôt en seigneurs de Fontfroide
qu'en cisterciens. Ils occupent une vingtaine de personnes à leur service
et les dépenses de bouche ainsi que celles de confection de vêtements
dépassent de beaucoup les aumônes
Les moines profitent des revenus dont ils disposent pour introduire aussi
beaucoup de nouveaux éléments décoratifs de qualité. Certains ont
disparu comme le maître-autel et les statues dans l'abbatiale ou les
peintures de Gamelin qui décoraient le réfectoire. En revanche les
aménagements des anciens bâtiments des moines ou les nouvelles
constructions comme celles du porche d'entrée sont toujours visibles
aujourd'hui.
Le premier abandon
Le 14 février 1791, le dernier moine quitte l'abbaye de Fontfroide. Celle-ci est incluse dans
la vente des biens nationaux, mais le prix d'acquisition s'avérant trop inférieur aux
estimations, la vente est cassée, les biens sont réunis au domaine de l'Etat et les
revenus affectés aux hospices de Narbonne. Cela permet à Fontfroide de traverser cette
période sans que les bâtiments souffrent des destructions ou démolitions même si
nombre d'éléments décoratifs sont enlevés du monastère. Finalement les hospices
vendent l'ensemble de la propriété en 1833 à Monsieur de Saint-Aubin qui entreprend la
restauration de l'abbaye alors dans un triste état faute d'entretien. Après la visite de
Viollet-le-Duc en 1843, l'église, le cloître et la salle capitulaire sont inscrit dans la
première liste inventaire et les premiers travaux de restauration contrôlés sont lancés
La deuxième communauté et le Père Jean
De 1858 à 1901, Fontfroide connaît un renouveau de vie monastique avec l'installation d'une
communauté de cisterciens de l'Immaculée conception venant de Sénanque, conduite par le Père
Jean-Marie Léonard. Vivant dans l'inconfort et l'austérité, ils obtiennent vite un exceptionnel
rayonnement spirituel. A la mort de Dom Marie-Bernard Barnouin en 1887, le Père Jean est élu vicaire
général des Cisterciens de l'Immaculée Conception mais conserve sa résidence à Fontfroide où il
meurt le 12 novembre 1895 en odeur de sainteté. Aujourd'hui encore le souvenir du Père Jean
demeure et son procès de béatification est en excellente voie à Rome à la Congrégation pour la cause
des Saints. Les moines de Fontfroide, plutôt que de solliciter une autorisation, préfèrent s'exiler en
Espagne dès le 1er octobre 1901, laissant Fontfroide une nouvelle fois à l'abandon
Abandonnée de 1901 à 1908, l'abbaye de Fontfroide est achetée par surenchère de Madeleine Fayet
d'Andoque par crainte de voir un sculpteur et amateur d'art américain, Georges Grey Barnard, qui
s'attachait depuis quelques années à constituer une collection de sculptures romanes en devenir
propriétaire
L'état des bâtiments, comme en témoignent les photographies de l'époque, est alarmant et Gustave et Madeleine Fayet
entreprennent immédiatement la restauration qui durera plus de dix ans. Fils et neveu de peintres, peintre lui-même,
potier habile dès son jeune âge, amateur et collectionneur exceptionnel, le nouveau propriétaire devient le maître
d'ouvrage et souvent le maître d'œuvre de cet immense chantier, tandis que son épouse agence et décore les intérieurs.
Mais sans attendre la fin des travaux, les Fayet invitent leurs amis peintres musiciens ou écrivains. Fontfroide devient dès
1909 un foyer artistique rayonnant où la création artistique porte la signature de peintres comme Odilon Redon,
Burgsthal, Bauzil, Henri de Montfreid et Aristide Maillol, de compositeurs comme Maurice Ravel ou Déodat de Séverac.
Depuis, Fontfroide est toujours une propriété privée.
Découvrez "Gustave Fayet, artiste d'abord", Jean-Pierre Barou, Oculus juin 2006
Le plan type d'une abbaye comprend deux bâtiments bien distincts, un pour chaque communauté : les
bâtiments des moines à l'est attenant au transept pour permettre de se rendre directement aux offices, à
l'ouest le bâtiment des convers ouvert vers le monde séculier où ils œuvrent.
A Fontfroide, le bâtiment des convers a subi très peu de modifications au cours des siècles et l'agencement général des
pièces n'a pas changé. Le réfectoire et le cellier sont construits de part et d'autre de la porte d'entrée primitive du
monastère. A l'étage le dortoir a été en partie transformé au XVIIIème siècle en cellules pour les hôtes de l'abbaye.
Réfectoire des convers
Le réfectoire dont la longueur avoisine les cinquante mètres permettait d'accueillir les
180 ou 200 convers qui à l'époque étaient dispersés dans les 25 granges que Fontfroide
possédait entre Béziers et Perpignan. Construit vers 1210, le réfectoire se divise en cinq
travées couvertes de voûtes d'ogives étalées. Les arcs doubleaux de profil carré, les ogives
et les nervures se fondent dans les murs. La lumière pénètre par de larges fenêtres et des
portes qui ont été ouvertes au XVIIIème siècles et sont fermées par de somptueuses grilles
en fer forgé avec des décors de pampres.
Le dortoir des convers est une superbe salle très vaste avec une voûte de grès rose en
berceau brisé, sans aucun doubleau. Dans sa partie méridionale cet espace contenait un
grenier où les sacs étaient hissés par des ouvertures latérales. La partie opposée, de l'autre
côté de l'escalier, autrefois dortoir, a été transformée en hôtellerie avec de vastes cellules
éclairées par de larges fenêtres à meneaux.
Les quatre fenêtres du dortoir accueillent des vitraux qui sont des puzzles réalisés par
René Billa avec des débris récupérés de grandes verrières de cathédrales ou d'églises du
Nord et de l'Est de la France détruites pendant les combats de la première guerre mondiale
Le cellier est une salle basse, voûtée, de vaste proportions, dans ses murs épais qui prennent appui directement sur le
rocher. Il communique directement par un escalier avec le dortoir des convers situé juste au-dessus. C'est dans cette
belle pièce que les moines stockaient les récoltes.
La porte d'entrée principale du monastère est une admirable construction d'architecture
romane. Un arc, vide de tout ornement, dessine un plein cintre parfait s'appuyant directement
sur les pieds droits. Les claveaux finement taillés épanouissent leur éventail en longues lignes
trapézoïdales. Un imposant linteau, constitué d'un unique et énorme bloc soutien le tympan
sont tous deux placés en retrait libérant un espace qui laisse supposer la présence d'une
herse de protection. L'hypothèse d'un système défensif fortifié se trouve confirmé par d'autres
éléments encore visibles dans cette partie du bâtiment comme les ouvertures primitives du
cellier.
La ruelle des convers marque la frontière entre les bâtiments conventuels et les bâtiments
des convers. Elle permet aux frères convers d'accéder au cellier et de se rendre à l'église,
sans déranger l'office psalmodié par les moines, installés dans la partie opposée de la nef. A
Fontfroide la ruelle est un long corridor voûté en demi berceau
Ruelle des convers

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