en privé - Manipulation affective ou mentale, harcèlement moral
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en privé - Manipulation affective ou mentale, harcèlement moral
PETITS ABUS DE POUVOIR Reconnaître les situations toxiques et poser des limites en privé Une interview de Christine Calonne lors de la sortie de son livre en avril 2012 - Propos recueillis par Guy Declercq. Comment reconnaît-on les situations toxiques dont vous parlez dans votre ouvrage ? C’est l’analyse des comportements physiques et verbaux qui fournit l’essentiel des observations nécessaires pour établir qu’on se trouve en présence d’une situation toxique. Des comportements agressifs, des jugements dévalorisants sans écoute de l’autre, des comportements de culpabilisation sont aisément identifiables. Ils ont pour objectif d’amener l’autre dans un état de stress, de déstabilisation, de doute, d’indécision. La fiche technique du livre Titre : Petits abus de pouvoir en privé, Reconnaître les situations toxiques et poser des limites Auteur : Christine Calonne, psychologue, psychothérapeute, analyste - Ans, Namur (Belgique) Genre : ouvrage de réflexion et de sensibilisation Éditeur : Ixelles Éditions Collection : Documents HC Classification : Document, essai, psychologie ISBN : 978-2-87515-148-3 Date de parution : 25 avril 2012 Besoin de contrôle ? Instinct de domination ? Quoi qu’il en soit, l’équilibre du couple est rompu et celui-ci est en danger, car ces petits abus de pouvoir, quoique discrets, engendrent une grande souffrance. Soulignons bien qu’il s’agit ici de « petits abus », ce qui n’a rien à voir avec les « grands abus » dont parle par exemple Marie-France Hirigoyen dans son ouvrage « Abus de faiblesse et autres manipulations », auxquels j’ai moi-même consacré un premier livre : « Les violences du pouvoir ». Ces « grands abus » sont davantage l’œuvre de pervers narcissiques qui exercent leur tyrannie dans un contexte tout à fait pathologique. 304 pages Prix public hors taxes : 18,60 EUR Pour prendre contact avec l’auteur : Tél. : + 32 (0) 498 32 26 87 [email protected] Quels sont alors les champs de bataille de la guérilla conjugale ? Les petits abus privés sont tout d’abord décelables à différents niveaux de communication : à l’intérieur du couple, au sein de la famille, en société… Ils apparaissent à propos de tout et n’importe quoi : à la naissance d’un enfant, durant sa scolarité, lors d’un départ en vacances, à propos de l’argent, du partage des tâches, du temps libre… Bref, dans toutes les situations où une prise de décision conjointe s’impose. Le risque existe-t-il d’une dérive vers des comportements plus graves, comme la violence conjugale ? Ce risque n’est pas à exclure, bien qu’il ne soit pas très fréquent. Pourrait-on imaginer qu’il y ait des profils prédisposés aux antagonismes conjugaux ? En tout cas, la capacité à répondre au comportement agressif verbal ou non est liée à l’histoire de la personne qui l’amène à adopter une position de victime. On retrouve systématiquement dans l’analyse des comportements un phénomène de dépendance par rapport à un modèle parental, pathologique ou non. Comment sort-on de cette situation ? Comment poser des limites et retrouver une relation équilibrée ? Par rapport à l’agresseur, il y a lieu d’identifier au plus tôt l’émotion qui est derrière son comportement, derrière la rage. Et aussi d’identifier la blessure qu’il a subie. Il s’agit très souvent d’une profonde tristesse qu’il a connue dans l’enfance. Lorsque l’agresseur a repris contact avec sa souffrance, il est désormais en capacité d’écouter l’autre. En ce qui concerne l’agressé, il est important qu’il apprenne ou réapprenne à dire non. Pour trouver l’énergie nécessaire, il faudra qu’il reprenne également contact avec un sentiment initial de colère, très souvent enfoui au plus profond de lui-même. Dans ma démarche thérapeutique, j’ai essayé de combiner deux approches complémentaires : d’abord, comprendre le passé de chacun ; ensuite, proposer des pistes de solutions dans le présent. Quant à l’identification des émotions sous-jacentes, elle se fait par rapport au corps, qui exprime sa souffrance par la maladie, le mal-être. La démarche psychanalytique permet dans un premier temps d’approcher ses émotions, en restant à distance, sans être affecté par cette approche. Dans un deuxième temps, la thérapie comportementale permettra de lever ces émotions. Quant à l’approche purement psycho-corporelle, elle semble totalement insuffisante : ce n’est pas parce que l’on revit ses émotions qu’on les comprend. Finalement, ces petits abus qui sévissent dans la sphère privée ne sont-ils pas révélateurs de comportements d’agression qu’on peut observer à tous les niveaux dans la société ? En effet, nous vivons dans une société de plus en plus narcissique qui a instauré le rapport de pouvoir tantôt comme un outil de management des personnes au sein des entreprises, tantôt comme un outil d’éducation. La violence est omniprésente dans les relations humaines. Et elle est de plus totalement banalisée. L’individu au centre de ces différents systèmes est perçu comme un objet de consommation. Il est purement et simplement instrumentalisé. N’oublions pas que la société est non seulement narcissique mais aussi à domination masculine (cf. Pierre Bourdieu), imposant les caractéristiques masculines aux hommes et aux femmes : valoriser l’action, la force, la compétition, la performance, la consommation ; privilégier la raison et réprimer les émotions, la souffrance, l’écoute, l’empathie, la coopération, l’altruisme… Les individus aux caractéristiques féminines sont donc plus sujets à l’agression que les individus aux caractéristiques à dominante masculine. Par ailleurs, il faut mettre l’accent sur le fait que, dans la sphère publique comme dans la sphère privée, aucun moment n’est prévu pour l’écoute, et l’intimité n’est dans ce cas plus possible. Que faire alors pour agir en profondeur ? Tout commence évidemment avec l’éducation de l’enfant. La règle est simple : il s’agit de renforcer l’enfant dans ses comportements positifs plutôt que de souligner en permanence ses erreurs. Dès le plus jeune âge, pour éviter le narcissisme de l’enfant, il faut être à l’écoute de ses émotions et se positionner dans un rapport de dialogue, à tout instant. Il faut lui apprendre aussi à accepter les différences, à aller à la rencontre de l’autre… Dans tous les cas, le champ éducatif devrait être l’objet d’une négociation évolutive avec le parent partenaire. Il existe un autre facteur, omniprésent : le temps. Dans de très nombreuses situations conflictuelles de cet ordre, on observe une difficulté des personnes dans la gestion du temps. Je cite dans mon livre l’exemple d’un père qui, pour satisfaire son narcissisme, consacre tout son temps à la pratique d’un sport, à l’amélioration de ses performances. Cette passion dévorante, qui le rend totalement indisponible pour sa famille, est vraiment la cause du conflit conjugal. Les exemples que vous citez dans votre livre sont issus de votre consultation. Dans votre pratique, qui s’adresse à vous ? Des personnes, isolément ? Des couples ? La demande émane généralement du couple. Cette situation est désormais plus fréquente car, auparavant, c’était davantage les femmes qui consultaient. De toute évidence, le travail avec le couple est à la fois plus intéressant, plus efficace en profondeur et plus rapide. Particulièrement dans la recherche des clés pour renouer le dialogue et retrouver l’intimité. Pour conclure, peut-on dire que le rapport de force au sein du couple n’est vraiment pas une fatalité ? En effet. Je voudrais vraiment que mes lecteurs soient convaincus que le rapport de force dans la relation de couple n’est pas une fatalité, pas plus que la violence qui y est associée. Je crois qu’il est possible de construire une relation égalitaire, affirmée dans le dialogue, si l’on s’ouvre à ses émotions refoulées dans son histoire : colère et capacité à refuser l’inacceptable pour l’agressé, tristesse derrière la violence pour l’agresseur, en les reliant à l’histoire de son enfance. Ceci permet alors un dialogue authentique, à l’écoute des besoins de chacun, dans la négociation et le respect. Cette démarche peut également s’appliquer aux relations sociales. Bien sûr, tout ceci ne sera possible qu’en rétablissant en nous l’équilibre entre le féminin et le masculin.