"Vadot Rétro satanas" Article de Valérie Colin Dans

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"Vadot Rétro satanas" Article de Valérie Colin Dans
CULTURE
CARTOONS
Vadot retro, Satanas !
« Le dessin de presse, c’est l’ironie suprême ! » affirme celui qui, chaque
semaine, pare nos pages de clins d’œil féroces. Nicolas Vadot aime fâcher :
son nouveau recueil le prouve.
jours ridiculisés, les héros (inter)nationaux des livraisons
périodiques de Vadot : Van
Rompuy en Yoda, Demotte en
Wallonman, Delpérée en luimême (« Impigeable, et telle-
« Certains ont été soumis dix
fois à mes rédactrices en
chef ! Et je n’ai pas toujours eu
gain de cause », admet Vadot.
Comme avec cette caricature
de Mgr Léonard, jambes poi-
FRÉDÉRIC PAUWELS/LUNA
B
onne nouvelle : après
six années passées en
Australie, d’où il n’a jamais cessé d’envoyer ses croquis aux rédactions qui l’emploient (Le Vif/L’Express et
L’Echo), Nicolas Vadot, 39 ans,
est revenu habiter Bruxelles.
Avec meubles, épouse et enfants, mais sans Falbala – paix
à son âme de chat. Son successeur, le coussin de poils qui
dort dans le salon de sa nouvelle demeure, a l’air d’avoir
supporté stoïquement les quarante-huit heures du voyage
Canberra-ShanghaiLondres-Zaventem. « Son
ticket d’avion a coûté plus cher
que les nôtres », soupire Vadot. Mais c’était bien obligé :
le matou est le modèle de Kiko.
Et Kiko, c’est le chat vert dont
les cabrioles discrètes accompagnent toutes les planches
de l’artiste – un seing, une
marque de fabrique. « Si j’oublie de l’insérer, des lecteurs
me rappellent à l’ordre. Ce chat
fait le lien et, en même temps,
il met de la distance. Il est là
pour signifier que toute cette
ironie, finalement, ce n’est rien
qu’un crayonné... »
Deuxième bonne nouvelle :
dans ses bagages, Vadot ramenait aussi le projet d’un
nouveau recueil de dessins de
presse. Après Dans Le Vif du
sujet (en 1998) et The George
W. Bush Years (en 2007), ces
200 dessins qui fâchent (1) se
devaient de couvrir l’actualité récente – BHV, burqa, parachutes dorés, toutes ces agaceries des années Leterme à
nos jours. Le livre porte évidemment bien son nom. Les
habitués y retrouveront, tou-
NICOLAS VADOT
Il vise et est visé.
Mais Kiko veille...
ment graphique avec son visage en forme de cuillère ! »),
et beaucoup, beaucoup d’autres, dans des planches si mordantes que, deux ou trois ans
plus tard, on en goûte toujours
la saveur sanguinaire. Mais
l’auteur a gardé le meilleur (du
pire) pour la fin : une quinzaine de dessins censurés, ou
dont la publication dut faire
l’objet de sérieuses tractations.
102 I 15 OCTOBRE 2010 I WWW.LEVIF.BE
lues, chaussettes mauves,
« prenant position » (celle de
l’autruche) et suscitant la
concupiscence d’un religieux
accourant robe relevée et caleçon aux chevilles... Un
constat, toutefois : l’aggravation du dossier relatif à la pédophilie des prêtres a permis
de briser un tabou : « Aujourd’hui, je peux me permettre des dessins sur le
thème de l’Eglise qui n’auraient jamais été acceptés il
y a six mois. »
Exhibant une extraordinaire
Fabiola ressuscitée en Christ
– Vadot éprouve du mal à caricaturer les femmes, « surtout lorsqu’elles ne sont ni
belles ni moches » –, cette section intitulée « les dessins qui
fâchent (vraiment) » munit
chacun d’eux d’une légende
expliquant les raisons de la
colère. La plus noire de toutes
éclata suite à la parution, en
mai 2008 (ici même), de deux
vignettes assez simples : la
première montre un homme
dont on ne voit que la veste
dotée de l’étoile juive. Sur l’autre, le même homme porte un
écusson jaune en forme de
maison, devant un village de
la périphérie bruxelloise. « Je
voulais illustrer le fascisme ordinaire s’emparant de certaines
autorités communales qui imposent aux gens de parler le
néerlandais pour avoir le droit
d’acheter un terrain. » Le tollé
n’est pas venu de ceux qui
étaient raillés (les fonctionnaires flamands) mais de lecteurs juifs nourrissant, selon
Vadot, « un complexe de persécution exaspérant ». « Il est
devenu impossible d’émettre
la moindre critique à l’égard
d’Israël », note le dessinateur.
Qui ne se prive pas de cibler
égal em ent l ’i sl am . Et...
surprise : dans ce cas, « ce ne
sont jamais les barbus visés
qui m’attaquent, mais... la
bourgeoisie de gauche bienpensante ! »● VALÉRIE COLIN
(1) 200 dessins qui fâchent,
par Vadot. Renaissance du livre,
144 p.

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