VADOT, CHIEN FOU À LAISSE TRÈS LÂCHE

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VADOT, CHIEN FOU À LAISSE TRÈS LÂCHE
leportrait
VADOT, CHIEN FOU
À LAISSE TRÈS LÂCHE
Avec appétit et férocité, le dessinateur de presse bruxellois croque quotidiennement créatures politiques, grands et petits
événements d’ici et d’ailleurs. Il vient d’en tirer une BD avec 200 dessins récents, les plus vaches.
du cinéma : je visionnais tout, de Cassavetes aux
10 premières minutes d’un Jean-Claude Van
Damme. La façon de tourner un plan m’a beaucoup servi pour découper les séquences de mes
futures BD. J’ai commencé au Vif en 93; je ne me
suis imposé réellement qu’en 98. Une journaliste
m’avait en effet encouragé à y présenter mes dessins. Pendant 6 mois, rien. Puis un dessin, par ci
par là. Ensuite, j’ai décroché la Semaine de Vadot
(1999), la page trois (2007) et finalement une quotidienne à l’Echo (2008).”
PENSER EN IMAGES
© Bénédicte Maindiaux
CV EXPRESS
1971
Naît à Carshalton (G.-B.) de parents franco-britanniques.
1988
S’installe à Uccle ; inscrit au Lycée français.
1989
Etudie le dessin (ERG), rue du Page à Ixelles.
1995
Tente, en vain, d’éditer son premier album BD,
«brouillon de luxe» de Norbert l’imaginaire (6 albums chez Lombard).
2008
Entre en presse économique ; dessin quotidien dès
septembre.
MON BRUXELLES
“J’ai découvert Bruxelles à 17 ans. Pour le franchouillard
ethnocentrique que je fus, c’était Tombouctou. Depuis,
malgré Paris où j’ai vécu dix mois et l’Australie, c’est devenu
ma ville par défaut, sans racines, multiculturelle. J’y reviens
chaque fois. J’aime beaucoup son côté Tour de Babel. Elle
s’embellit. Ses petits restos à tous les coins de rue et sa
richesse urbanistique me manquaient à Canberra. Mon
univers va du Palais de Justice aux hauteurs d’Uccle. Ici vous
pouvez parler en anglais aux expats au parc de Wolvendael
ou trouver un marchand de vins qui a passé dix ans en
Australie. Si la Belgique disparaît, la boîte de Pandore s’ouvre
à toutes les imitations dans les Etats-confetti.”
Homme du monde,
le quasi quadragénaire revendique une triple nationalité franco-britannico-australienne. Cette dernière est la plus récente : Vadot a vécu six ans à Canberra et a épousé
une Australienne. De là, le caricaturiste envoyait
son regard sur l’actualité sous forme de dessins fil
du rasoir au Vif-L’Express – où il collabore depuis
17 ans – et à L’Echo, le quotidien économique installé à Tour&Taxis, ses deux principaux exutoires.
Mais la vieille Europe lui manquait et la petite tribu
refranchit donc l’Atlantique, pour s’installer dans
une maison Art Déco classée du quartier de l’Observatoire, à Uccle.
GALÈRES
Dans cette bonne vieille ville “cosmopolite à souhait”, l’ado est attiré par le dessin et va parfaire
ses envies à Saint-Luc, à l’ERG (arts appliqués), de
1989 à 1993. “Tu fais ce que tu veux, même des
études de charcuterie, pourvu que tu bosses, répétaient mes parents.” Bon sang ne saurait mentir : Vadot est workaholic. “L’actualité ne s’arrête
jamais, moi non plus.”
Motivé par Plantu – son aîné admiré du prestigieux journal hexagonal Le Monde –, ce globetrotter vivra du dessin narratif. Pour “ouvrir – à
l’inverse des politiques – les fenêtres mais aussi
les portes.” Pour rassurer ses parents “qui ont les
boules” en s’effrayant de cette trajectoire à allure
saltimbanque, l’artiste tâte un peu du journalisme. Vadot y côtoie Kroll, duBus et Alidor déjà
sur la fin. Car avant de devenir le forcené de dessins de presse d’aujourd’hui, Vadot a bien galéré.
“De 1993 à 1996, j’ai ainsi été agent d’accueil à
l’UGC de Bruxelles. Ca m’a offert une grammaire
Vadot puise son inspiration en courant très régulièrement autour de l’Observatoire. “Au bout de
quelques tours, j’ai les idées que je couche sur papier.” Comme Kroll, l’homme préfère travailler
chez lui, sur l’actualité et l’humour. “J’ai besoin de
mon univers, mes meubles, mon monde intérieur.
Le dessin de presse, c’est une école d’humilité car
chaque matin on repart de zéro.” L’homme navigue sur internet “en permanence. Parfois je jette
ce que j’en tire car l’actu a bougé. Mais en fait, les
meilleures idées nous tombent dessus. Je ne me
lasse jamais du dessin de presse, car sa grande
force par rapport aux BD – j’en lis peu – c’est de
parler de sujets adultes en utilisant des outils
d’enfant.”
Partout, “mes dessins sont la porte d’entrée sur
l’actualité et la réflexion pour le lectorat. On me
demande plutôt d’être drôle. Je suis un peu le
chien fou avec une laisse très lâche. L’humour
c’est comme une guitare, il y a plusieurs cordes.
On peut en mélanger plusieurs. J’aime bien panacher comme cela. Je suis payé pour penser en images.” Vadot est sans pitié avec le nationalisme
“type De Wever”, Sarko “élu sur les thèmes de
l’extrême droite et son exécuteur Hortefeux”, les
Pays-Bas de Geert Wilders et l’Italie de Berlusconi.
“Mon rôle n’est pas d’expliquer ça aux gens mais
de leur faire comprendre, avec parfois des dessins
qui fâchent, conçus exprès pour choquer. Comme
le port de l’étoile jaune en périphérie flamande par
les francophones : n’y a-t-il pas là un petit fascisme qui se promène ? On est en phase avec les
thèmes de société qui préoccupent les jeunes et
les gens.” Sans décalage horaire désormais, Vadot envoie toutes ses esquisses au quotidien.
“Les refusés, je les garde
pour mes albums et la séquence du 2 janvier : là,
L’Echo m’offre mon cadeau de Nouvel An en
publiant quelques-uns
des pires.”
PHILIPPE GOLARD
200 dessins qui fâchent,…..amusent, interpellent, font rire et même pleurer…..
Nicolas Vadot. Ed. Renaissance du Livre,
128 pages & 200 illustrations. 22 €.
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