dossier juridique du csfp - Conseil scolaire francophone provincial
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dossier juridique du csfp - Conseil scolaire francophone provincial
TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR, NOVEMBRE 2014 COMMUNIQUÉ LE CSFP DEMANDE DES CONSEILS JURIDIQUES Le Conseil scolaire francophone provincial de Terre-Neuve-et-Labrador (CSFP) discute depuis quelques années avec le ministère de l’Éducation dans le but de régler certains dossiers. Ces nombreuses rencontres n’ont toutefois pas mené à des gestes concrets et constructifs de la part du ministère de l’Éducation. Année après année et de façon régulière, le CSFP exprime ses besoins en matière de budget et d’immobilisations, notamment. Plusieurs de ces besoins restent non comblés. Déterminé à faire aboutir les démarches avec le ministère de l’Éducation, le CSFP a choisi de retenir les services d’une firme d’avocats pour se faire conseiller. Le 25 octobre 2014, des membres du conseil d’administration du CSFP ont assisté à une réunion avec l’avocat Mark Power, de la firme Juristes Power. Mark Power est expert en droits linguistiques, en droit constitutionnel et en droit de l’éducation. Il a été avocat au dossier dans plus de 25 instances devant la Cour suprême du Canada, notamment quand des minorités linguistiques ont dû emprunter la voie des tribunaux pour obtenir ce dont elles avaient besoin en matière d’éducation. SOUTENIR FERMEMENT LA MINORITÉ : UNE OBLIGATION CONSTITUTIONNELLE Une minorité linguistique peut disparaître si elle ne prend pas les moyens appropriés pour assurer son épanouissement. L’éducation des enfants de la minorité linguistique dans leur langue est l’un de ces moyens et il est crucial pour sauvegarder la langue et la culture. Depuis la Confédération, en raison du manque d’accès à l’éducation dans la langue de la minorité au sein de chaque province, y compris à TerreNeuve-et-Labrador, on a assisté à un phénomène d’assimilation. Les enfants doivent aller à l’école. S’il n’y a rien ou trop peu pour satisfaire leurs besoins en matière d’éducation dans leur langue, ils sont absorbés par le système éducatif de la majorité. Mais l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, entré en vigueur en 1982, veut renverser la vapeur. Cet article cherche à freiner l’assimilation et à garantir l’accès à l’école dans la langue de la minorité. L’article 23 se veut aussi réparateur, dans le sens que tout doit être mis en œuvre non seulement pour stopper l’érosion, mais aussi pour réparer les torts passés causés aux minorités. L’égalité réelle exige que les minorités de langue officielle soient traitées différemment, si nécessaire, suivant leur situation et leurs besoins particuliers, afin de leur assurer un niveau d’éducation équivalent à celui de la majorité. Tel est l’esprit de l’article 23, ont en substance rappelé les juges de la Cour Suprême en l’an 2000 dans l’affaire Arsenault-Cameron contre l’Île-du-Prince-Édouard. L’ARTICLE 23 CONFÈRE DES DROITS L’article 23 garantit le droit à une instruction de niveau primaire et secondaire de qualité réellement équivalente à celle de la langue de la majorité linguistique de la province, financée sur des fonds publics. Il donne également droit à des écoles de langue française gérées de façon autonome par un conseil scolaire francophone. Ce droit de gestion fournit des pouvoirs au conseil scolaire : entre autres celui de déterminer quelles écoles doivent être construites en priorité et celui de décider comment doivent être dépensés les fonds octroyés par le ministère de l’Éducation. Les bâtiments, les classes et les équipements afférents doivent être de qualité véritablement équivalente à ceux des écoles anglophones situées dans la même région. À partir du principe que les représentants de la minorité linguistique sont le mieux à même de déterminer ce qui assurera l’épanouissement de leur communauté, l’article 23 confère également au conseil scolaire la gestion et le contrôle des programmes d’éducation de langue française et des écoles de la minorité. Le conseil scolaire doit donc décider des dépenses, des nominations, des programmes, du recrutement, des services offerts, de l’emplacement et du nombre des écoles de la minorité, par exemple. Et cela dans l’unique but de bien servir la communauté minoritaire, d’assurer son épanouissement linguistique et sa survie à long terme. COMMENT FAUT-IL INTERPRÉTER L’ARTICLE 23 ? Les principes qui doivent guider la prise de décision en matière d’éducation pour les minorités linguistiques ne peuvent en aucun cas être les mêmes que ceux qui servent de balises pour l’éducation de la majorité. On ne peut prétendre, par exemple, que si on dépense 1 000 $ pour la scolarisation d’un élève de la majorité, la dépense sera forcément la même pour un élève de la minorité linguistique. Les besoins ne sont pas identiques. Le nombre d’enfants de la minorité à scolariser étant plus petit, la dépense par individu sera forcément plus élevée. Les économies d’échelle ne s’appliquent pas. Il est relativement simple, par exemple, de trouver un professeur pour enseigner dans la langue de la majorité. En trouver un dans la langue de la minorité implique parfois un recrutement à l’extérieur de la province ou de la zone où se trouve l’école. Les primes et avantages divers qu’on devra lui assurer pour l’embaucher et le retenir font augmenter le coût par rapport à un professeur issu de la langue de la majorité. En clair, il faut plus d’argent par élève pour la scolarisation de la minorité dans sa langue. IL FAUT CONNAÎTRE LE BUDGET CONSACRÉ À L’ÉDUCATION DE LA MINORITÉ LINGUISTIQUE Il est difficile pour le moment de savoir avec précision comment le ministère de l’Éducation effectue ses calculs et quels paramètres il utilise pour déterminer les sommes qu’il consacre à la scolarisation de la minorité linguistique à Terre-Neuve-et-Labrador. Le CSFP ne peut déterminer, par conséquent, s’il bénéficie de tous les fonds auxquels il a droit et continue à s’estimer sous financé vu ses difficultés financières récurrentes. Le CSFP éprouve de la difficulté à embaucher des professeurs, à les retenir, à payer les déménagements et même à financer le développement professionnel. Faire venir les enseignants une fois par année à Saint-Jean pour une formation de deux jours épuise le budget de perfectionnement professionnel. En raison du roulement de personnel et de l’évolution constante des technologies, pour ne prendre que ces deux exemples, ces formations devraient être offertes plus souvent, mais le budget ne le permet pas. Dans d’autres provinces, un facteur de 15 % (voire même plus !) est reconnu pour la scolarisation de la minorité. Par exemple, sur un budget de base de 10 M $, certains ministères de l’Éducation ajoutent automatiquement 1,5 M $ pour le conseil scolaire francophone. Il s’agit d’un budget « d’obligation constitutionnelle », pour ce qu’on appelle le « facteur francophone ». Plusieurs juridictions appliquent cette formule chacune à sa façon. TerreNeuve-et-Labrador fait bande à part et ne souscrit pour le moment à aucune formule particulière de financement, pour peu que l’on puisse en juger en raison du manque de transparence et de communication. Le CSFP souhaite obtenir les fonds que la Constitution lui reconnaît et auxquels la communauté francophone a droit. Il faut d’abord et avant tout qu’il puisse avoir accès aux barèmes du ministère de l’Éducation pour déterminer si ses calculs tiennent compte des besoins réels de la minorité et s’il obtient sa juste part. IL FAUT UNE AUTRE ÉCOLE À SAINT-JEAN Le secteur Conception Bay South, à 20 km au sud-ouest de Saint-Jean, se développe grandement. Selon l’analyse de la situation que fait le CSFP, il est plus que temps d’y ériger une école francophone. Des enfants habitant ce secteur et dans les environs parcourent jusqu’à 30 km, ou plus de 50 minutes, aller simple, pour venir à l’école des Grands-Vents le matin, à Saint-Jean. Les tribunaux reconnaissent qu’un long trajet en autobus décourage les parents d’inscrire et de maintenir leurs enfants dans une école si éloignée de la maison. Les bâtiments, les classes et les équipements disponibles ont tous une incidence réelle sur la fréquentation scolaire. Si les élèves de la minorité doivent s’entasser dans des locaux exigus, se trouvent privés d’un gymnase de dimension appropriée ou n’ont pas de cour d’école, il devient très tentant pour les parents d’envoyer leur enfant dans une école de la majorité, mieux pourvue. Les écoles ont une réelle capacité d’attrait. Une fois construites, elles se remplissent. Au moment de sa construction, l’école des Grands-Vents, à Saint-Jean, accueillait une trentaine d’élèves francophones. Le bâtiment pouvait en contenir 100. Aujourd’hui, grâce à l’ajout de quatre classes mobiles, 168 élèves fréquentent cette école. Mais pour tout dire, elle est maintenant surpeuplée et déborde. Le CSFP soutient qu’il est plus que temps de construire une seconde école à l’ouest de Saint-Jean pour quatre raisons principales : mettre fin au surpeuplement à l’école des Grands-Vents, éviter de longs trajets aux élèves qui viennent de ce secteur et des alentours, retenir la clientèle au secondaire en lui offrant des locaux et équipements adaptés à ce niveau de scolarité et attirer une nouvelle clientèle (qui habite trop loin de l’école des Grands-Vents). Il faut des bâtiments, des locaux et des équipements appropriés pour favoriser la diplômation. Sinon l’attrait qu’exercent les écoles mieux adaptées et mieux pourvues finit par attirer des élèves de la minorité. L’absence de finissants aujourd’hui au niveau secondaire à Saint-Jean résulte, entre autres, du manque d’installations pour les recevoir. En refusant la construction d’une école de niveau secondaire francophone sous prétexte qu’il n’y a pas d’élèves pour la remplir, le ministère de l’Éducation fait fausse route. C’est manifestement parce qu’il n’y a pas d’installations qu’il n’y a pratiquement pas d’élèves au niveau secondaire, ont affirmé plusieurs juges dans divers jugements au Canada. Le cas de Terre-Neuve-et-Labrador ne diffère pas des autres. La juge Charbonneau, par exemple, soutient que « quand il est question de décider des espaces et infrastructures qui seront attribués à une école minoritaire, les Défendeurs ne peuvent pas se contenter d’appliquer les standards généraux, mais doivent plutôt aborder la question en tenant compte des besoins spéciaux de la minorité, et faire les ajustements nécessaires pour respecter leurs obligations en vertu de l’article 23. » L’analyse doit tenir compte non seulement des besoins actuels de l’école, mais de son potentiel d’expansion par rapport à la demande connue au moment où l’analyse est faite. La recherche au Canada montre qu’en construisant une école, les effectifs augmentent. Elle montre également qu’il suffit d’annoncer la construction d’une école pour que les parents décident d’y envoyer leurs enfants. Les parents pensent à long terme ; ils se demandent si leur enfant pourra non seulement terminer son primaire en français, mais s’il se rendra aussi jusqu’à la fin du secondaire dans le même réseau et y recevra son diplôme. À l’heure actuelle, à cette deuxième question, les parents de Terre-Neuve-et-Labrador ne peuvent majoritairement répondre que non. Est-il faux de prétendre que, dans ces conditions, certains parents se découragent dès le début de ce manque de perspective d’avenir et décident par conséquent de scolariser leur enfant dans la langue de la majorité ou en immersion, ce qui est loin d’une scolarisation en français langue d’enseignement ? Avec une cohorte actuelle de 29 enfants à la maternelle francophone à Saint-Jean, il devrait y avoir 377 élèves dans 12 ans aux niveaux primaire et secondaire, selon les calculs du CSFP. Il n’y a manifestement pas de place. Avec 168 élèves, l’école actuelle déborde. Les quatre salles de classe mobiles à l’école des Grands-Vents, la seule solution offerte jusqu’à maintenant par le ministère de l’Éducation à l’accroissement de la population étudiante, ne doivent être envisagées que comme des installations temporaires. En réalité, il faut mieux. Le CSFP a droit à plus, c’est-à-dire à de vraies écoles. Une école primaire et une école offrant des installations secondaires dignes de ce nom, à Saint-Jean, auraient l’avantage d’accroître le nombre d’inscrits, les retiendrait jusqu’à l’obtention de leur diplôme d’études secondaires et aurait à coup sûr un impact significatif sur la communauté francophone. Si le statu quo est maintenu, les 29 enfants actuellement inscrits à la maternelle auront disparu bien avant d’atteindre la douzième année. Ils auront été absorbés par les écoles de la majorité, jugées de qualité supérieure par leurs parents. Or, le CSFP a une mission sur les plans linguistique, culturel et communautaire : garder ces élèves. Des élèves, il y en a. Mais l’analyse du tableau des effectifs de l’école des Grands-Vents depuis 2004 – 2005, à tous les niveaux, illustre un problème de rétention. Le nombre d’inscrits en maternelle et dans le premier cycle du primaire ne cesse de croître. C’est la bonne nouvelle. La mauvaise : il ne reste presque plus de ces élèves vers la fin du secondaire. Peut-on raisonnablement penser qu’une école secondaire digne de ce nom aurait pu les retenir ? Les demandes faites au ministère de l’Éducation depuis 2009 au sujet de la pertinence d’une nouvelle école sont restées lettre morte. Il n’y a à ce jour ni projet d’école francophone, ni même son ombre. Le CSFP doit pleinement réaliser son mandat auprès de la communauté francophone. Les conseils juridiques qui le guident actuellement vers la voie des solutions à ses difficultés font partie des moyens qu’il doit prendre pour remplir sa mission. Vous serez tenus informés des futurs développements à mesure qu’ils surviendront.