Les origines de Princesse Mononoke
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Les origines de Princesse Mononoke
Quelques chiffres Durée de la réalisation : Durée du film : Budget du film : Nombre de cellulos utilisés : Nombre de couleurs utilisées : Résultats en salles (Japon): Box-Office (Japon): Résultats de ventes de vidéos (Japon): 3 ans, d'août 1994 à juin 1997 2 heures 13 minutes 30 secondes 2,3 milliards de Yens (~120 millions de francs) 144 403 550 13 540 000 154 millions de dollars (~1 milliard de francs) 4 millions de copies Les origines de Princesse Mononoke Ancien projet A la fin des années soixante-dix, Miyazaki avait écrit un scénario et réalisé des croquis pour un film mettant en scène une Princesse vivant dans la forêt avec une bête sauvage. L'histoire était ancrée dans l'histoire et le folklore japonais, mais faisait écho au conte de fée occidental la Belle et la Bête. L'histoire de la version de Miyazaki, quand même très différente, est la suivante: Un samouraï surpris par la tempête, trouve refuge dans une caverne. Mais celle-ci se révèle être l'antre d'un monstre légendaire féroce et bestial. Pour sauver sa vie, le samouraï est contraint d'accepter de lui livrer en mariage l'une de ses trois filles. De retour dans son foyer, il explique le pacte à sa femme qui, ne l'entendant pas de la même oreille, s'enfuit emmenant avec elle ses deux filles préférées. Décidément peu verni, le samouraï se voit à nouveau forcé de signer un second pacte avec un esprit maléfique. Il lui vend son âme en échange de quoi l'esprit lui confère le pouvoir de défendre les siens face à un ennemi imminent. Investi d'une force diabolique, le samouraï terrasse ses adversaires puis sous l'emprise de l'esprit, livre sa troisième fille au premier monstre, venu la lui réclamer. De retour sur ses terres de désolation, la créature se révèle pourtant d'une gentillesse extrême à l'égard de la jeune fille qui, attristée de ne pouvoir lui rendre la pareille, lui explique le pourquoi de sa mélancolie. Elle lui promet de l'épouser s'il l'aide à exorciser son père. C'est le début d'un périple peuplé d'embûches qui conduira la jeune fille à découvrir les qualités du monstre et à l'aimer. Mais contrairement au conte original, la bête ne se transforme pas en un beau prince à la fin! A l'origine, Mononoke Hime ou la Princesse du monstre s'est vu refuser l'adaptation pour les enfants à la télévision parce qu'il traitait d'une histoire trop sombre. l a néanmoins été publié une première fois en 1983, dans un recueil réunissant précisément divers projets de films non aboutis. Il ne s'agit pas vraiment d'un storyboard ni d'un livre d'images, mais plutôt d'une ébauche préparatoire, d'un ensemble d'illustrations résumant grossièrement l'intrigue. Gestation de l'oeuvre Dans la perspective de la réalisation d'un film, Tokuma shoten réédite ce conte illustré en 1993 afin de tester la réaction du public.Mais lorsque Miyazaki décide de reprendre en main le projet de Mononoke Hime, il ne peut plus réaliser le film qu'il avait en tête en 1980. Disney venait de sortir La Belle et la Bête et surtout il y a eu Mon voisin Totoro en 1988. En effet, le monstre du projet de 1980 (voir image ci-contre) s'y retrouvait déjà scindé en deux personnages: Totoro et le Chat-bus. Le "recyclage" étant trop évident, Miyazaki décide de modifier complètement la teneur, la trame et les personnages de son film. Le récit passe alors du conte à une oeuvre plus complexe et plus ambitieuse, se rapprochant plutôt de la légende ou du récit mythologique. Le personnage principal devient un jeune garçon étranger, Ashitaka, en quête d'un remède à une malédiction dont il est victime. Quant à la princesse, en épousant un Mononoke, elle en devient un Mononoke elle-même. Les titres proposés sont le voyage d'Ashitaka ou Princesse Mononoke. Croquis préliminaire Tout en revenant à des thèmes qu'il affectionne et qui ont inspiré ses précédentes oeuvres (nature, tolérance, importance de la vie, amour), Miyazaki cherche à réaliser quelque chose de complètement différent de tout ce qu'il a pu faire. Si comme dans Nausicaä, l'histoire est celle d'une princesse impliquée dans un conflit entre l'homme et la nature, le monde chaotique dans lequel évolue les personnages n'est plus futuriste. L'action se déroule dans le passé, durant la période Muromachi (1333-1573), au moment où le Japon connaît d'importants bouleversements économiques et sociaux. Mais, selon ses propes mots, Miyazaki tente d'échapper "aux conventions du genre, aux idées préconçues et aux préjugés habituels lorsqu'on traite un sujet qui se passe dans le cadre de cette période". Ainsi on ne peut pas vraiment parler d'un retour au registre japonais habituel du jidai-geki même si les scènes de batailles font immédiatement penser à Kurosawa. Il y a moins de samouraïs, seigneurs ou paysans et ceux qui figurent dans le film sont des personnages mineurs. Les principaux protagonistes sont les dieux de la forêt et des personnages marginaux ou gens provenant de minorités opprimées. Par ailleurs, les châteaux, les rizières, les villes et les villages ne constituent pas le cadre du récit. A la place, l'auteur a tenté de recréer "l'atmosphère du Japon au temps des forêts denses. En ce temps-là, il y avait peu d'habitants, la nature existait à l'état pur (...)". On ne peut pas parler de film historique car Miyazaki prend des libertés avec la chronologie (il mélange plusieurs époques), ajoute des éléments issus des croyances et de la mythologie japonaises ou simples fruits de son imagination. Le film est le récit symbolique d'un conflit entre les Dieux de la forêt et l'humanité qui ose désormais les défier. En effet, les Japonais à l'époque Muromachi ont le sentiment qu'ils peuvent contrôler la nature et un nouveau rapport entre l'homme et son environnement s'établit, qui conduira à l'ère moderne. Comme le dit l'auteur, il n'y a pas de "Happy end" à cette guerre. "Au milieu de la haine et du massacre, il reste des raisons de vivre. Des rencontres exceptionnelles et des choses merveilleuses à découvrir". Graphisme : entre traditions et modernité Est-il besoin de parler de'incroyable qualité de l'animation et de la stupéfiante beauté des décors? Plus que jamais, un film du Studio Ghibli a fait preuve d'une richesse et d'une inventivité visuelles extraordinaires. Les paysages et les représentations de la forêt, notamment, sont de toute beauté tant au niveau de la composition, de la finesse du dessin, qu'au niveau des couleurs. Miyazaki et son équipe ont visité de l'ile de Yakushima pour s'inspirer de ses forêts denses et de ses montagnes escarpées. Le travail sur l'eau, élément ô combien difficile à représenter en animation, est remarquable. On peut noter par exemple que l'eau change en fonction de l'angle de prise de vue. Par ailleurs Miyazaki prend le parti de s'éloigner de la représentation habituelle bleue et opaque de l'eau dans les films d'animation. Ainsi l'eau du lac du Shishigami est en même temps transparente et sombre, presque noire. De même, l'eau des torrents, chargés de boue, est représentée marron plutôt que bleue. Bien que Princesse Mononoke soit le premier film du studio Ghibli à utiliser de manière importante l'outil informatique, les images digitales se fondent parfaitement à l'animation cellulo. Par ailleurs, la richesse des effets visuels provient encore principalement des techniques traditionnelles: dessins à la main et peintures sur cellulos. Cent des 1600 plans du film ont été réalisés à l'aide de l'ordinateur. Voici une rapide énumération des procédés d'infographie utilisés: • Les images de synthèse : dans Princesse Mononoke, le but était de créer des images de synthèse s'intégrant parfaitement à l'animation sur cellulos, c'est-à-dire préservant le côté artisanal de l'image. Exemple d'IS: une séquence 3D pour la scène où le Tatari Gami voit une masse de tentacules ressemblant à des vers sortir de son corps... • Le mapping : C'est un procédé créant l'illusion d'un changement de décors lors d'un déplacement rapide. Cette illusion provient des mouvements de la "caméra". Les seules images nécessaires sont les éléments du décor et les personnages. L'ordinateur crée le mouvement, donnant espace et profondeur à la scène. Exemples de mapping: scènes où Ashitaka chevauche Yakkuru. • Le morfing : Cette technique est utilisée pour montrer le changement et le passage du temps, avec modification d'une image ou des images enchaînées. Exemples de morfing: la décomposition du Tatari Gami ou encore la pousse de la jeune végétation à la fin du film. • Le particle : Ce procédé permet de produire des particules lumineuses qui semblent se mouvoir comme des choses vivantes. Elles sont animées selon des lois physiques classiques (gravitation, direction du vent, tourbillon...). Exemple de particle: les globules qui s'échappent du corps du Faiseur de montagne ont un comportement très réaliste. • Mixage de plusieurs niveaux de dessins : Le mixage par ordinateur permet le mélange de plusieurs niveaux de dessins. Ce n'est pas très différent du mixage traditionnel optique mais la qualité est meilleure, le rendu plus convaincant et la marge de manoeuvre plus grande. • Mise en couleur digitale : C'est simplement scanner l'image, la digitaliser et lui appliquer des couleurs. Ce procédé a été d'un grand secours pour alléger le travail de l'équipe et accélérer la production. La bande sonore et la musique Une fois de plus la bande-son est merveilleuse. Rarement les silences et les bruits naturels en contrepoint de la musique et des dialogues n'ont servi à ce point le récit et mis en valeur les moments de tensions, comme le silence total dans la scène du Dieu-cerf guérissant Ashitaka donnant l'impression que le temps s'est arrêté. La sublime bande originale de Mononoke Hime a été une nouvelle fois composée par Joe Hisaichi. Cette sixième BO pour un film du studio Ghibli est encore une réussite éclatante. Comme à son habitude, Hisaishi a composé plusieurs thèmes principaux qui sont interprétés de diverses manières selon les scènes. Ce sont des compositions magnifiques qui imprègnent le spectateur et lui reviennent par la suite constamment en mémoire. La musique contribue beaucoup au souffle épique qui nous transporte tout au long du film. Hisaishi y alterne des thèmes symphoniques somptueux avec des morceaux plus calmes, d'une grande pureté. En particulier, la chanson-titre, interprétée par un jeune homme de 28 ans, Yoshikazu Mera, est bouleversante. Elle surgit de nulle part, au milieu du film, lorsque Ashitaka se réveille au côté de San dans la caverne. La tristesse de cette mélodie cristalline est celle d'une profonde blessure intérieure. Paroles de la chanson: Haritsumeta Yumi no Furueru Tsuru yo Tsuki no Hikari ni Zawameku Omae no Kokoro Togisumasareta Yaiba no Utsukushi Sono Kissaki ni Yoku Nita Sonata no Yokogao Kanashimi to Ikari ni Hisomu Makoto no Kokoro wo Shiru wa Mori no Sei Mononoke Tachi dake Mononoke Tachi dake (La corde frémissante d'un arc tendu) (Ton cœur est troublé par le clair de lune) (La beauté d'une lame acérée) (Ton esprit semblable à son tranchant) (Ton cœur sincère se cache derrière la tristesse et la colère) (Les esprits de la forêt le savent) (Seulement le Mononoke) (Seulement le Mononoke)