Mesdames et Messieurs les Secrétaires,

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FAUT-IL CIRER LE PARQUET ?
Jennifer CAMBLA
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A Jean-Philippe…
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FAUT-IL CIRER LE PARQUET ?
Cette question pleine de profondeur philosophique s’est imposée à moi
comme une évidence.
La Condition du Ministère public dans notre pays est trop souvent
oubliée alors que pour ma part elle touche aux plus grandes épopées
oniriques.
La plupart n’en n’ont rien à cirer car ils sont aveuglés par la toute
puissance qui reste confinée à l’apparence.
En effet, seuls très peu parviennent à percevoir la détresse de nos très
chers membres du Parquet.
Alors pour vous mes chers amis, j’ai troqué la splendeur de ma robe
d’avocat pour me glisser dans les habits de corbeau de ces magistrats
de bon aloi.
Peut-être arriverai-je à vous ouvrir les yeux sur la nécessité de redonner
au parquet sa gloire tant méritée.
Telle une causette debout je cirerai le Parquet pour vous !
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Ne vous y trompez pas, sous ces toiles cirées il y a un cœur qui bat.
Je dis un cœur, puisque comme tout le monde le sait, le parquet ne
forme qu’un.
Ainsi ils sont interchangeables. Prenons un exemple très simple.
Imaginons un membre du parquet qui souhaite poursuivre un père ayant
perdu son fils noyé dans la piscine familiale pour homicide involontaire.
Si, Si je vous assure c’est possible…
Son double assurant ce jour-là l’audience devra se lever et requérir par
solidarité.
Tout au plus, il le fera dans de subtiles paroles honteuses et mesurées.
Il faut bien comprendre que le parquetier a oublié toute logique
intellectuelle.
Il ne se fie qu’à la logique judiciaire qui requiert de l’homme une lucidité
sur lui-même qui n’existe que dans l’idéal du Parquet.
Mais finalement, comme l’écrit si bien le grand Bret Easton Ellis : « Plus
t’es splendide, plus t’es lucide baby » (Glamorama, Bret Easton Ellis).
Véritable pourvoyeur de beauté mais surtout partisan de l’esthétisme de
l’abattoir, le parquetier rêve d’un glamorama de la délinquance.
Parce que oui le membre du Parquet rêve de gloire et de paillettes.
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A son grand dam, il n’est pas la vedette qu’il aimerait secrètement
devenir.
Alors il lorgne avec envie ses confrères outre-atlantique et aimerait
hurler : « Shiiiiiiiit » (The wire, David Simon) Pourquoi pas moi ?
Il rêve d’être le Kenneth Star de Bill Clinton, le Cyrus Van Junior de DSK,
la Marcia Clark d’OJ Simpson, le Tom Snedden de Mickaël Jackson.
Lui aussi il rêve de brûler Sherman Mckoy sur le bûcher des vanités. Il
est comme un loup aux abois !
Mais on ne va pas se mentir, ceux sur qui les regards sont tournés, ceux
sur qui les projecteurs sont braqués, ce n’est pas les procureurs, c’est
les juges d’instruction,
Tels que Jean-Louis Bruguières, Eric Halphen, Jean-Michel Lambert,
Renaud van Ruymbeke, Eva Joly, Fabrice Burgaud.
Demander à des passants de vous citer un procureur célèbre ou qui a
marqué l’histoire,
Certains vous répondrons, dans un langage certes fleuri : « Vas-y
Bâtard, pourquoi tu me parles de ces baltringues ».
D’autre vous diront : « Mais, si, si, …., Celui qui parle comme çà, qui a
un cheveux sur la langue… Christophe Lemaître.. Non plus »
Ou peut être vous dira-t-on encore : « Moi j’ai opté pour un procureur
Intel Pentium ».
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Alors quand la suppression du juge d’instruction a été annoncée, le rêve
commençait à devenir réalité.
Enfin, ils pouvaient apercevoir la lumière symbole de liberté au fond du
tunnel de l’esclavagisme sauvage dont est victime le Parquet.
C’est l’espoir de l’indépendance qui est entré dans leurs cœurs.
Hiérarchisé, le Parquet est stratifié. Ces membres voient l’évolution de
leur carrière dépendre des dominants.
Ils sont la cheville ouvrière du pouvoir exécutif en matière de politique
pénale.
Soumis à la politique du chiffre, la moindre relaxe est une faute
professionnelle, une trop faible condamnation est un échec.
Ils portent leur croix pour leur hiérarchie et non pour le peuple français.
Dans le cadre de la politique pénale, les procureurs doivent désormais
supporter le traitement en temps réel.
Magnifique invention des pouvoirs publics, elle s’est révélée être la
lessiveuse du Parquet.
Une semaine de permanence pendant laquelle le parquetier devient le
téléopérateur des libertés individuelles.
Ne faisant plus qu’un avec son casque, il dévore le téléphone comme un
« beignet électronique » (Tom Wolfe, Le Bûcher des vanités).
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Si vous vous aventurez au STD aux alentours de 12h vous entrerez
dans l’antre de la machine judiciaire.
Le parquetier est devenu l’androïde au service de l’ordre public et le soir
quand il se couche il rêve de moutons électroniques.
Un certain K. Dick l’avait prédit.
Ils sont programmés pour devenir l’accusateur public.
Ils oeuvrent pour le bien-être de la société pour le compte du pouvoir
exécutif.
Car ils ne sont pas indépendants et ce n’est pas moi qui le dis…
Les sages de Strasbourg l’ont décrété alimentant ainsi le moulin des
détracteurs du parquet et le Parquet lui-même.
Certains ont été outrés par cette décision en considérant qu’étant des
personnes d’une telle intelligence et d’une telle probité on ne pouvait les
considérer comme dépendants intellectuellement.
Mais pourtant ils le sont, ils ne rendent de compte qu’à leur hiérarchie et
ne forment qu’un.
L’indivisibilité du Parquet ils vous le diront que c’est une bizarrerie.
Elle supprime de manière la plus autoritaire aux magistrats tout droit à
l’autonomie et à la critique.
Mais sont-ils prêts à être individuellement indépendants et autonomes ?
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Sont-ils prêts à se confronter aux citoyens en qualité d’enquêteur ?
Rien n’est moins sûr !
Cela fait des siècles que le Parquet est raboté par des raboteurs
pourtant opposés à toute tendance impressionniste.
Caillebotte s’en retourne dans sa tombe.
Tout doit être sous contrôle, la stabilité de l’ensemble est maîtresse.
Alors il est vrai que certains d’entre eux ont montré leur zèle à l’égard du
pouvoir discréditant ainsi le groupe.
Je tairais le nom des brebis galleuses qui ont servi de courroie de
distribution au pouvoir présidentiel.
L’ère moderne française est marquée par l’existence d’un parquet
flottant, composé de planches collées entres elles mais pas au support.
Comme çà on évite les mouvements d’ensemble.
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En revanche, un mouvement qui leurs permettrait de voler de leurs
propres ailes serait de descendre ces quelques marches qui les
séparent du peuple.
Je rêve de voir l’accusation et la défense fouler de leurs souliers
parfaitement cirés le même parquet.
Alors chers membres du Ministère public, je vous invite à nous retrouver,
à retrouver ceux dont on ne cire jamais les pompes, à entrer par la
même porte de la salle d’audience pour finalement cirer ensemble le
même Parquet.