La Cour suprême précise les devoirs des employés
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La Cour suprême précise les devoirs des employés
AVRIL 2009 Actualités – Emploi, travail et régimes de retraite La Cour suprême précise les devoirs des employés démissionnaires envers leur employeur À L’INTÉRIEUR La Cour suprême précise les devoirs des employés démissionnaires envers leur employeur Le point sur la doctrine de la « divulgation inévitable » de l’information au Canada Dans la décision récente de la Cour suprême du Canada (la « CSC ») dans l’affaire RBC Dominion Valeurs mobilières Inc. c. Merrill Lynch Canada Inc. (2008 CSC 54), la CSC a confirmé qu’il n’existait aucun devoir général imposé aux employés démissionnaires de s’abstenir de faire concurrence à leur ancien employeur; toutefois, les employés ont un devoir implicite de donner un préavis raisonnable de leur départ et d’agir de bonne foi. Contexte Présentation du projet de loi 84 et du projet de loi 95 modifiant la Loi sur la santé et la sécurité au travail RBC Dominion Valeurs mobilières Inc. (« RBC ») et Merrill Lynch Canada Inc. (« Merrill Lynch ») avaient toutes deux des bureaux à Cranbrook, en Colombie-Britannique, et chacune était le principal concurrent de l’autre dans le domaine du courtage en placements. En novembre 2000, sans préavis, la quasi-totalité des conseillers en placements de RBC ont quitté leur emploi et se sont joints à Merrill Lynch. Parmi les conseillers démissionnaires figurait le directeur de la succursale de RBC qui avait coordonné le départ massif. À la suite de ce départ, il ne restait plus que deux conseillers en placements débutants et deux membres du personnel administratif à la succursale. En outre, dans les semaines ayant précédé le départ des conseillers de RBC, plusieurs dossiers de clients de RBC ont été subrepticement copiés et transférés à Merrill Lynch. Décision des instances inférieures Au procès, le juge a accordé des dommages-intérêts à RBC, concluant que les conseillers avaient individuellement enfreint leur obligation de donner un préavis raisonnable de cessation d’emploi et s’étaient approprié frauduleusement des renseignements confidentiels. Le juge de première instance a également condamné les conseillers à verser 225 000 $ à RBC pour concurrence déloyale après la fin de leur emploi, et le directeur de succursale à verser 1 483 239 $ pour avoir enfreint l’obligation implicite d’agir de bonne foi. Bulletin préparé par les membres du groupe de l’emploi, du travail et des régimes de retraite de Stikeman Elliott. STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l. ¦ La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé l’attribution des dommages-intérêts pour le défaut de donner un préavis de cessation d’emploi et pour le transfert de renseignements confidentiels à Merrill Lynch. Toutefois, la Cour d’appel a renversé l’attribution de dommages-intérêts de 225 000 $ MONTRÉAL TORONTO OTTAWA CALGARY VANCOUVER NEW YORK LONDRES SYDNEY www.stikeman.com notant que les conseillers n’avaient aucune obligation de livrer une concurrence loyale après la fin de leur emploi. La Cour d’appel a également renversé l’attribution de dommages-intérêts de 1 483 239 $ à l’encontre du directeur de la succursale. Décision de la Cour suprême du Canada RBC a fait appel de la décision de la Cour d’appel, faisant valoir que les deux attributions de dommages-intérêts devraient être rétablies. En première instance, le juge avait conclu que même si les employés n’étaient pas assujettis à des restrictions écrites expresses, ils continuaient d’être assujettis à une obligation générale de ne pas faire concurrence à leur ancien employeur à la suite de la fin de leur emploi. La CSC s’est montrée en désaccord avec le juge de première instance, déclarant ce qui suit : Le contrat d’emploi prend fin lorsque l’employeur ou l’employé met fin au lien d’emploi, bien que les obligations résiduelles puissent subsister. Un employé qui met fin à son emploi peut être tenu à des dommages-intérêts s’il n’a pas donné un préavis raisonnable et s’il n’a pas respecté certaines obligations résiduelles. Sous réserve de ces obligations, l’employé est libre de faire concurrence à son ancien employeur. Ultimement, la CSC s’est montrée d’accord avec la Cour d’appel sur ce point et a conclu qu’il était erroné d’accorder des dommages-intérêts fondés sur le maintien d’une obligation générale des employés de ne pas faire concurrence à leur ancien employeur. La CSC a cependant rétabli l’attribution, par le juge de première instance, de dommages-intérêts au montant de 1 483 239 $ contre le directeur de la succursale pour avoir enfreint son obligation d’agir de bonne foi en organisant le départ massif vers Merrill Lynch. Le tribunal a conclu que son contrat lui demandait implicitement de retenir les employés de RBC qu’il supervisait et qu’en organisant leur départ massif, il a manqué à son obligation d’agir de bonne foi. La CSC a confirmé les décisions des deux instances inférieures et a conclu que les employés ont l’obligation implicite de donner un préavis raisonnable de cessation d’emploi, notant qu’un préavis de 2,5 semaines était raisonnable. L’attribution de dommages-intérêts punitifs pour la divulgation de renseignements confidentiels, a également été maintenue. Cette décision favorable à l’employeur consacre la responsabilité de l’employé en cas de défaut de donner un préavis raisonnable de la cessation de son emploi compte tenu des circonstances. En outre, les employeurs peuvent maintenant soutenir que les employés dont les responsabilités sont analogues à celles du directeur d’une succursale ont un devoir d’agir de bonne foi qui, en l’espèce, a été enfreint par l’organisation du départ massif. Le point sur la doctrine de la « divulgation inévitable » de l’information au Canada La doctrine de la divulgation inévitable de l’information est fondée sur la prémisse que l’employé qui effectue le même travail ou un travail semblable pour un concurrent direct de son ancien employeur utilisera ou divulguera inévitablement des renseignements confidentiels et des secrets commerciaux dans l’exercice de ses fonctions pour le nouvel employeur. Bien que cette doctrine ait été acceptée dans plusieurs décisions aux États-Unis, notamment PepsiCo, Inc. c. Redmond, 54 F. 3d 1262 (7th Cir. 1995) (« PepsiCo »), elle n’a pas eu le même traitement devant les tribunaux de common law au Canada. Dans PepsiCo, le tribunal a accordé une injonction empêchant le directeur général des ventes de PepsiCo d’occuper des fonctions semblables auprès du principal concurrent de PepsiCo. Le directeur des ventes connaissait les moindres détails des plans de marketing de PepsiCo pour l’année à venir et il devait participer aux décisions en STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l.: ACTUALITES - EMPLOI, TRAVAIL ET REGIMES DE RETRAITE 2 matière de marketing de son nouvel employeur. PepsiCo n’a pas prétendu que des secrets commerciaux avaient été volés, mais plutôt que dans son nouveau rôle, le détournement de renseignements confidentiels de PepsiCo serait inévitable puisque l’employé pourrait anticiper les stratégies de PepsiCo et qu’il serait incapable de ne pas tenir compte de ces renseignements dans la prise de décisions pour son nouvel employeur. La doctrine de la divulgation inévitable de l’information a toutefois été rejetée par les tribunaux canadiens dans ATI Technologies Inc. v. Henry [2000] O.J. No. 4596 et Future Shop v. Northwest-Atlantic (B.-C.) Broker Inc. [2000] B.C.J. No. 2659 (« Future Shop »). Dans l’affaire Future Shop, le tribunal a déclaré que l’application de cette doctrine nécessiterait un changement important des critères applicables au Canada. Récemment, dans Longyear Canada ULC v. 897173 Ontario Inc., 2007 CarswellOnt 7958 (« Longyear »), la Cour supérieure de justice de l’Ontario a encore une fois refusé d’appliquer la doctrine de la divulgation inévitable de l’information. Dans cette affaire, le demandeur, Boart Longyear Inc. (« Boart ») était un fournisseur de produits et services dans le domaine de l’exploration minière. J.N Precise (« JNP ») avait conclu un contrat de vente visant la quasi-totalité de ses actifs à un des concurrents de Boart, Sandvik Mining and Construction Canada Inc. (« Sandvik »). Aux termes de l’opération, la plupart des employés de JNP devaient être transférés à Sandvik, notamment trois employés qui avaient déjà travaillé pour Boart (collectivement, les « anciens employés »). Boart souhaitait obtenir une injonction pour empêcher la vente, ainsi qu’une injonction pour empêcher la divulgation à Sandvik par les anciens employés de ses secrets commerciaux et ses renseignements confidentiels acquis alors qu’ils travaillaient pour Boart. Boart alléguait que si les anciens employés pouvaient travailler pour Sandvik, il en découlerait la divulgation inévitable de renseignements exclusifs de Boart. Le tribunal a rejeté cet argument, citant l’affaire Future Shop, et a déclaré qu’il n’avait pas été convaincu que la doctrine de la divulgation inévitable de l’information présentée par Boart et appuyée sur des précédents américains constituait le droit applicable au Canada. Le rejet récent par les tribunaux de la doctrine de la divulgation inévitable de l’information dans Longyear souligne l’importance de l’analyse du caractère exécutoire des ententes de non-concurrence. Compte tenu des approches opposées adoptées par les tribunaux canadiens et américains, ces rejets sont particulièrement importants pour les employeurs américains ayant des employés au Canada. De manière générale, au Canada, une entente de non-concurrence ne sera exécutoire que si (i) sa durée et sa portée géographique sont raisonnables; (ii) elle protège un droit exclusif légitime; (iii) elle n’empêche pas la concurrence en général; (iv) elle n’est pas contraire à l’intérêt public. Cette décision consolide les décisions récentes soutenant que les tribunaux préfèrent une entente de non-sollicitation valable à une entente de non-concurrence. Présentation du projet de loi 84 et du projet de loi 95 modifiant la Loi sur la santé et la sécurité au travail L’Ontario a récemment présenté deux projets de modifications à la Loi sur la santé et la sécurité au travail (la « Loi ») : le projet de loi 84 et le projet de loi 95. Projet de loi 84 : registre des décès, des blessures graves et des maladies professionnelles survenues dans un lieu de travail En vertu du projet de loi 84, Loi modifiant la Loi sur la santé et la sécurité au travail afin de créer un registre des décès, des blessures graves et des maladies professionnelles survenues dans le lieu de travail, 2008, le ministre du Travail doit créer un registre où figurent des renseignements sur tous les cas de décès, de blessures et de maladies professionnelles qui doivent être signalés par les employeurs en vertu de certains articles de la Loi. Le registre doit contenir les renseignements suivants : 1. le nom de l’employeur; STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l.: ACTUALITÉS - EMPLOI, TRAVAIL ET RÉGIMES DE RETRAITE 3 2. la nature de l’entreprise de l’employeur; 3. le titre du poste qu’occupait le travailleur qui a été tué ou blessé ou qui a souffert d’une maladie professionnelle; 4. une description du décès, de la blessure ou de la maladie professionnelle du travailleur; 5. les autres renseignements prescrits par règlement. Le projet de loi prescrit également que la protection des « renseignements personnels » au sens de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée ou des « renseignements personnels sur la santé » au sens de la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé s’appliqueront à la communication des « renseignements personnels ». Compte tenu de cette disposition, il sera intéressant de voir quels détails devront fournir les employeurs, notamment à l’égard de la description de la nature du décès, de la blessure ou de la maladie professionnelle. Le projet de loi 84 a passé l’étape de la première lecture le 2 juin 2008. Le moment où le projet de loi doit recevoir la sanction royale n’est pas encore connu ni, par conséquent, le moment de son entrée en vigueur. Projet de loi 95 : emploi de produits parfumés dans le lieu de travail Une question « topique » reçoit maintenant l’attention du législateur. Le projet de loi 95 de l’Ontario, la Loi modifiant la Loi sur la santé et la sécurité au travail à l’égard des produits parfumés dans le lieu de travail, 2008, exige des employeurs qu’ils préparent des politiques et maintiennent des programmes à l’égard de l’utilisation de produits parfumés dans le lieu de travail. Le projet de loi 95 modifierait le paragraphe 25(2)1 de la Loi en imposant les devoirs suivants aux employeurs : 1. formuler par écrit et examiner au moins une fois par année, en consultation avec les travailleurs, une politique sur l’utilisation de produits parfumés dans le lieu de travail; 2. élaborer et maintenir un programme visant la mise en œuvre de la politique visée ci-dessus. Il est important de noter que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne force pas les employeurs à adopter une politique précise à l’égard des produits parfumés, comme par exemple une politique interdisant les produits parfumés ou exigeant la réduction des produits parfumés. Il ne vise qu’à garantir que tous les employeurs consultent les travailleurs pour établir ce qui est raisonnable pour leur lieu de travail et pour mettre en œuvre une stratégie et un programme adéquat à l’égard des produits parfumés qui répond à leur environnement de travail. Le projet de loi 95 a passé l’étape de la première lecture le 12 juin 2008 et aucune autre mesure n’a été prise. Le projet de loi aura force de loi en Ontario six mois après avoir reçu la sanction royale. Des renseignements utiles au sujet des produits parfumés et des politiques liées aux produits parfumés figurent sur le site Web du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail à l’adresse www.ccohs.ca. Pour plus de renseignements, veuillez communiquer avec votre représentant de Stikeman Elliott, le rédacteur en chef, Nancy Ramalho ([email protected]) ou avec l’un des auteurs susmentionnés à l’adresse www.stikeman.com 1 Le paragraphe 25(2) contient une liste de devoirs auxquels sont soumis les employeurs en vertu de la Loi. Pour vous abonner au présent bulletin ou vous désabonner de celui-ci, veuillez communiquer avec nous à [email protected]. Cette publication ne vise qu’à fournir des renseignements généraux et ne doit pas être considérée comme un avis juridique. © Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l.