LABORATORIO DI SCRITTURA Analyse du

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LABORATORIO DI SCRITTURA Analyse du
(Draft) Intensive Program «I saperi delle donne» (Università del Salento, Lecce, 2014)
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LABORATORIO DI SCRITTURA
Analyse du personnage de Sabina dans L’insoutenable légèreté de l’être
Myra El Mir
Sabina est un personnage inventé. Kundera le précise bien dès le début de son ouvrage,
L’insoutenable légèreté de l’être. Il juge absurde de tenter de convaincre les lecteurs que
les personnages ont vraiment vécu, mais explique qu’ils trouvent leurs sources dans une
idée: «Es muss sein» pour Thomas, un grouillement dans le ventre pour Térésa. L’idée
centrale de Sabina, je trouve, est L’insoutenable légèreté de l’être. Bien qu’elle ne soit
pas le personnage principal (certains diront que c’est Thomas) elle est la seule a vraiment
vivre et explorer à fond la thématique centrale du livre. De plus, Kundera utilise le titre
trois fois dans le livre, toujours pour parler de Sabina.
Ainsi, Sabina est essentiellement une tentative de légèreté. Elle est artiste et cela fait partie
de son essence. Elle a plusieurs amants mais vit seule. Elle déteste le Kitsch et le combat
par la trahison. Elle habitait d’abord à Prague, mais s’exile à Genève avec l’invasion de
son pays. Elle partira ensuite à Paris et plus tard aux États unis. Elle est donc
perpétuellement en train de quitter, trahir, ne se laissant pas prendre par ce qui pese, ce
qui est lourd.
Ce qui m’avait attiré vers ce personnage la première fois que j’ai lu le livre c’est justement
sa liberté. En tant qu’étudiante aux beaux arts qui se préparait à, une fois encore, quitter
ce que je connaissait, j’ai trouvé dans Sabina une manière de penser ce que pourrait être
la vie, ma vie, avec un peu de recul et beaucoup de critiques.
Si la sexualité de Sabina est souvent considérée comme immorale ou libertine, elle est
pour moi l’élément le plus simple à comprendre de son identité. Elle est caractérisée par
une force sexuelle égale à celle de Thomas, le séducteur infidèle. Mais Sabina par contre
est honnête avec sa sexualité. Elle ne la cache pas, ne déçoit pas ses amants et croit qu’on
ne peut vivre honnêtement que dans la sphère privée. Elle prend plaisir de l’acte sexuel
physiquement et intellectuellement. La sexualité est aussi un terrain de pouvoir et Sabina
aime se faire subjuguer sexuellement, se faire humilier, mais c’est une volonté consciente,
ce qui n’enlève rien à son pouvoir réel. De plus elle n’hésite pas à prendre le pouvoir
quand ses amants refusent de le faire. Elle se retrouve à deux reprises maitresse d’hommes
mariés, mais elle voit dans leur trahison une beauté. Dans sa peinture d’un de ses amants
on pourrait comprendre une beauté triste, une réalisation que l’idéal de l’amour n’est pas
réalité : une rébellion contre le kitsch que peut être le mariage et les relations amoureuses.
Étant personnellement très engagée politiquement, j’ai d’abord eu du mal à comprendre
l’attitude désintéressée de Sabina par la politique, mais en fait, Sabina est dégoutée par la
politique pour des raisons profondément politiques. Elle a observé la présence du kitsch
dans tout système politique : un léger voile artificiel qui couvre la laideur et tente de nier
sa présence. Elle l’a observé dans la parade organisée à Prague et dans les posters des
différents systèmes. Elle en a déduit que touts les systèmes politiques se rejoignent dans
un même kitsch, un « mal envahissant » qui la dégoûte. Elle a peint les coulisses cachées
de la May Day Parade, la laideur qui existe bel et bien derrière l’artifice des apparences
de cet événement politique. Elle a des pensées sur la beauté, la « beauté par accident » et
(Draft) Intensive Program «I saperi delle donne» (Università del Salento, Lecce, 2014)
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surtout le Kitsch qui vont plus loin que l’esthétique. Dans son art et ses recherches
visuelles, Sabina fait face au Kitsch, et ainsi réagit à la politique à laquelle elle l’associe.
Sabina combat le Kitsch surtout par la trahison. Mais ce mot qui m’a surprise au départ
n’est pas forcément négatif. « Trahir, c’est sortir du rang et partir dans l’inconnu. Sabina
ne connaît rien de plus beau que de partir dans l’inconnu ». C’est dans cette définition
que je me retrouve et je comprend complètement l’attirance de Sabina vers cette idée.
Sortir des rangs et partir vers l’inconnu c’est également laisser derrière le système que
l’on connait, système totalitaire dans le cas de Sabina, profondément en conflit dans le
mien. Ce n’est pas s’échapper, mais ne pas le laisser vaincre, ne pas lasser le système
peser sur nous. Cette trahison est politique, pensée mais surtout sentie, instinctive, et
rebelle. Elle permet à Sabina sa légèreté, et à moi me permet pour le moment la distance
nécessaire pour réfléchir et comprendre le monde, ma place, et ce que pourrait être mon
rôle. Parce que, contrairement à Sabina, je ne suis pas attirée par l’individualisme. Cela
est logique dans son cas, ayant grandit dans un système totalitaire. Mais si son personnage
a de bonne raisons pour ne pas combattre un système politique avec un autre, elle ne se
pose pas les questions sur la solidarité auxquelles je n’arrive toujours pas à répondre.
Sabina représente ainsi plusieurs questions que je me pose personnellement. Elle
m’oblige à penser la relation de l’art et la politique de manière profonde. Récemment l’art
me parait trop déconnecté de la réalité politique, trop ancré dans son monde commercial
et culturellement fermé pour avoir un vrai potentiel politique qui irait plus loin que les
discours intellectuels impotents. En dehors de ce monde propre aux cercles des arts,
(représenté dans le livre par Marie-Anne, la femme d’un des amants de Sabina) l’art peutil réellement être politique ? Sabina utilise l’art pour se rebeller contre le Kitsch, mais son
ultime rébellion est sa vie, ses perpétuelles trahisons, son individualisme, et un art
individualiste peut-il avoir d’effet politique ? De même, une rébellion individuelle peutelle suffire à son autrice ? Finalement, si la vie n’étant vécue qu’une seule fois ne peut se
caractériser que par la légèreté, comme Sabina, va-t-on se retrouver face à une
insoutenable légèreté de l’être ?