numéro spécial LE REENGINEERING REVISITE
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numéro spécial LE REENGINEERING REVISITE
numéro spécial LA LETTRE N°10 SEPTEMBRE 1994 LE REENGINEERING REVISITE Olivier du ROY Le Reengineering est incontournable : il bouscule, il dérange, il fascine. Qui s’occupe d’organisation aujourd’hui ne peut l’ignorer. Surtout si l’on est convaincu que les problèmes de l’entreprise demandent un traitement de fond et non plus de surface. On ne peut plus se contenter de ”déplacer les fauteuils sur le pont du Titanic” (Michael HAMMER). Tout ce numéro de la Lettre 10 d’AEGIST y est consacré. D’abord dans cet Editorial (O.du ROY) pour nous positionner et dire comment nous concevons et pratiquons une voie alternative de Reengineering. Ensuite dans l’article Pertinence du modèle PME ? Stany REGOUT décrit une des voies du reengineering par la responsabilisation, dans le secteur agro-alimentaire. L’article Reconstruire le processus de pilotage (Patrick BESSON) montre comment le Reengineering de l’instrumentation de gestion peut outiller à la fois la responsabilité des acteurs et leur vigilance sur l’environnement concurrentiel. Enfin sur La certification ISO 9000 (Michel BIZAC) qui occupe aujourd’hui tant d’entreprises! Comment en faire une occasion de penser en rupture et de se reconstruire en intégrant la qualité au fonctionnement même de l’organisation ? Mérites et apports du Reengineering Les mérites de cette méthode nous semblent au nombre de trois. Le premier, c’est la radicalité de l’approche. On ne procède pas à un simple réaménagement : on repense l’entreprise en totalité et sur une base zéro. On la réinvente à partir de ses choix stratégiques. Le second mérite, c’est la transversalité. Le Reengineering oblige à sortir résolument des cloisonnements traditionnels en métiers et fonctions. Il entend dépasser tous les bricolages par lesquels, depuis 30 ans, on essaie de sortir de la division taylorienne du travail. Cette fois il s’agit de recomposer le travail non plus dans l’atelier ou le bureau, mais dans tout le processus qui part du client et y revient. Et c’est en tirant sur le fil du processus que l’on détricote la structure de l’organisation. Le troisième atout de cette démarche, c’est son utilisation systématique des possibilités les plus avancées des technologies de l’information, non pas pour elles-mêmes mais pour leur capacité à révolutionner les données du problème . Tout devient possible : décentraliser la décision tout en centralisant l’information, fournir l’expertise à celui qui n’est pas expert, court-circuiter tous les méandres bureaucratiques sans perte de rigueur. Le Reengineering, c’est un autre usage de l’informatique : non plus pour moderniser les circuits des vieilles organisations (”ne plus goudronner les sentiers à vaches”) mais pour donner l’audace de les réinventer. L’imagination organisationnelle devrait y trouver sa liberté : tout est possible. Et voilà qui reboucle avec le parti-pris de radicalité. Le pari est puissant. Lancé aux USA dès les années 89-90, il nous arrive d’outre atlantique comme un véritable raz-de-marée. Il n’est guère de grand cabinet de consultant qui n’en propose aujourd’hui sa version spécifique. Et cependant il y a lieu, nous semble-t-il, de s’interroger sur les limites d’une telle approche. D’autant plus qu’elle fascine par son évidence et séduit par son énorme ambition. Ainsi en était-il hier de la Qualité Totale et du Zéro défaut. Ce qui s’écrit avec Majuscules doit alerter l’esprit critique. Mais non point décourager toutefois la volonté d’en prendre le meilleur. Limites du Reengineering A côté des 3 mérites incontestables, 3 limites qui doivent nous faire réfléchir.La première, c’est celle de la mise en oeuvre. Il n’est pas facile de ”reconfiguer” radicalement l’organisation. Il est encore plus difficile de mettre en oeuvre cette vision dans l’épaisseur du tissu social de l’entreprise. Même mené avec des équipes représentatives des fonctions que l’on veut rebrasser, même impulsé par les décideurs stratégiques, le travail de Reengineering cède à quelques illusions démiurgiques. Les premières grandes expériences qui nous viennent des Etats Unis témoignent de ces résistances de la réalité sociale. L’expérience tend à montrer que ce ”coup de force” du ”Tout nouveau” est rarement possible et renvoie à des circonstances exceptionnelles de crise, de menace de survie. La seconde est l’oubli de ce que nous a appris la sociologie des organisations : les logiques d’acteurs. Le Reengineering, c’est l’entreprise recréée par les managers ”créateurs tout puissants”, d’un point de vue de Syrius. Comment espérer que cette vision parvienne à mobiliser, comme elle prétend par ailleurs le faire, les énergies de tout le corps social. La troisième limite, plus sensible assurément en Europe qu’aux USA, c’est l’impensé ou le non-dit sur l’emploi. Car le Reengineering est ravageur, non plus sur le terrain qui a déjà donné, celui de la main d’oeuvre directe, mais sur celui des bureaux, des comptables, des administratifs. La recomposition du travail par les processus faits des gagnants et des perdants. De ceux-ci on ne parle pas. Peut-on aujourd’hui ne pas s’en préoccuper et ne pas l’intégrer dans un travail de réorganisation, si ambitieux et radical soit-il ? Pour une autre conception du changement Le Reengineering nous provoque à réaffirmer notre identité et nos différences, nous qui avons fait du changement et de l’innovation organisationnelle l’axe majeur de notre activité. Nous le ferons en cinq points . 1. TOP DOWN ET BOTTOM UP Les changements radicaux ne peuvent être générés seulement par en haut, dans une démarche top down. Et cela pour deux raisons : d’abord parce que les orientations prises par les équipes dirigeantes sont conditionnées par les représentations qu’elles ont du comportement de la base. Elles tendent donc à reproduire des schémas d’organisation qui présupposent une base sans initiative et qu’il convient d’encadrer étroitement. La 2ème raison, c’est qu’un changement radical de l’organisation suppose qu’on ait réussi à transformer profondément le ”contrat social” et suscité un niveau d’implication qui soit significativement plus élevé. Un changement profond - qui soit de l’ordre de la rupture, comme le veut à juste titre le reengineering, - suppose de travailler l’organisation en même temps d’en haut et d’en bas. Cela conduit à reconfigurer d’en haut, et à partir des stratégies de positionnement concurrentiel , les grands processus et, par eux, les macrostructures. Mais d’en bas à recomposer l’organisation du travail et les métiers. L’une et l’autre approches se fécondent et se conditionnent. Ce que nous plaidons ici, c’est qu’il n’y a pas de continuum entre le haut et le bas d’une organisation. Car les dynamiques de motivation qui les meuvent ne sont pas les mêmes. En partant d’en haut seulement, on n’arrive jamais en bas, sinon avec de pâles décoctions d’arguments managériaux qui ont perdu tout leur impact mobilisateur quand ils atteignent les couches atmosphériques les plus profondes. En partant d’en bas seulement, sans interpeler l’organisation à partir des défis des marchés et de la compétitivité, on parvient difficilement à justifier et à impulser les ruptures indispensables dans les modes d’organisation du travail. 2. LES DEUX FILS CONDUCTEURS : LE CLIENT ET LA RESPONSABILITÉ. L’option de base du Reengineering est de reconfigurer l’organisation et le travail à partir des processus orientés vers le client. L’enchaînement des activités, leur regroupement, leur affectation sont polarisés par ce vecteur : satisfaire le client. Les organisations centrées sur le processus engendrent aux dires mêmes de leurs promoteurs1 de l’autonomie, de la responsabilité et des emplois à plus fort potentiel de développement. Mais il ne suffit pas d’y voir une conséquence heureuse. Ce doit être une volonté explicite et un facteurclé de reconfiguration des organisations. Au lieu d’un reengineering à partir du seul fil conducteur des processus, nous proposons donc un reengineering qui combine 2 fils conducteurs : le client et la responsabilisation du personnel. Centration sur le client et responsabilisation des acteurs de l’organisation ne vont spontanément de pair que là où le client est relativement proche. La plupart des exemples cités par les promoteurs du reengineering se situent dans les domaines des services, où peut se jouer cette stratégie du branchement direct sur le client, qui courtcircuite les méandres de la bureaucratie procédurière. Il en va tout autrement dans les domaines de l’industrie et surtout des industries lourdes. Croire qu’on puisse reconfigurer le travail dans une aciérie ou une usine d’électrolyse d’aluminium à partir du seul client est une illusion. Le vrai client, externe, final, est trop loin. Les processus techniques sont trop lourds. Ici la responsabilisation d’équipes sur la maîtrise complète de leur situation et sur des résultats globaux est une approche indispensable. C’est pour cela que nous proposons un Reengineering des organisations qui interroge celle-ci systématiquement du point de vue de la responsabilité de tous les acteurs sur des résultats. Ce qui nous conduit à réorganiser par ”unités de responsabilités”, regroupant des personnes qui contribuent collectivement à une performance, qui maîtrisent les moyens de cette responsabilité et qui sont capables de se piloter de façon largement autonome en fonction de l’information sur leurs résultats. Notre méthode est de reconstruire l’organisation par la base à partir d’unités élémentaires de responsabilité qui soient les fondements ”auto-porteurs” et ”auto-moteurs” de tout l’édifice. Et c’est ici que l’on rejoint l’approche ”bottom up”. Rien à voir avec une formule d’organisation par unités élémentaires de travail, qui se déclinerait d’en haut par voie de généralisation. C’est ici une méthode de reengineering que nous proposons, c’est à dire de reconstruction. L’autonomie, l’auto-portage des cellules de base, c’est cela qui va induire un repositionnement complètement différent de la structure hiérarchique. Celle-ci sera conçue à minima et à l’économie, comme le tissus conjonctif qui relie des entités autonomes, qui pilote en traçant les orientations et stratégies d’action, qui regroupe les ressources rares en appui des structures opérationnelles. 3. VERS UN AUTRE JEU GAGNANT : RESPONSABILITÉ CONTRE QUALIFICATION La question centrale de l’organisation n’est plus celle du contrôle ou de l’ordre, mais celle de l’énergie et de la motricité. Nous évitons le mot de motivation qui a été galvaudé par 50 ans de management motivationnel à base de discours et d’exhortation. Nous préférons parler de motricité, et plus encore d’auto-motricité. Qu’est ce qui va faire courir les gens ? Ce qui nous paraît être aujourd’hui le nouveau moteur à 2 temps de cette septembre 1994 dynamique ce n’est plus l’échange temps-argent mais l’échange responsabilité - qualification. Contre les responsabilités que je suis prêt à engager (donc de l’intelligence, de l’implication, de l’engagement à des résultats), j’attend désormais une possibilité de qualification et de développement professionnel. Donc à terme un renforcement de mon employabilité. Cet échange nous paraît producteur de l’énergie dont a besoin l’organisation pour rester aujourd’hui dans la course. Ce jeu est la base d’un nouveau contrat social : en m’offrant des situations de travail intelligentes et impliquant des prise de responsabilités, l’entreprise propose des situations à fort taux d’apprentissage. Elle s’y retrouve et je m’y retrouve. Reconfigurer une organisation du travail, c’est donc la reconstruire sous l’angle non seulement de la responsabilité mais en prenant en compte aussi les conditions de l’implication : la création d’un enjeu pour les salariés et cette dynamique d’automotivation. L’initiative et la responsabilité n’est qu’une des conditions de l’engagement du personnel. L’autre est l’apprentissage ou le développement personnel. Sans cette possibilité de se qualifier, on n’est pas gagnant à s’investir (ou on ne l’est que par la rémunération, sanction positive, mais extrinsèque). Le véritable ”jeu gagnant” qui dépasse la motivation par le Client, c’est celui de l’accomplissement de soi, là où le travail est redevenu un processus d’apprentissage permanent. Les deux sont d’ailleurs profondémént liés. C’est parce qu’on est réellement responsable et qu’on dispose de l’autonomie nécessaire pour affronter des situations imprévues ou pour résoudre des problèmes que l’on est en situation d’apprentissage et d’enrichissement professionnel. 4. C ONSTRUCTION CONJOINTE DE LA RESPONSABILISATION ET DE LA QUALIFICATION. Dans la construction de l’organisation sous l’angle de la responsabilité et de la qualification, nous voudrions insister sur la convergence, voir la coïncidence des deux boucles qui sont constitutives de la responsabilité et de la qualification.Ce qui crée la responsabilité, c’est le fait que l’action humaine soit bouclée par un retour d’information sur les résultats atteints. Cette cybernétique du pilotage de l’action est la base de toute construction d’une organisation à base de responsabilité : pouvoir s’engager sur des objectifs, connaître ses résultats, analyser les écarts, corriger sa trajectoire, et cela bien sûr dans une relation contractuelle où l’on peut négocier l’adéquation des moyens aux objectifs. Si une telle structure d’organisation est en même temps qualifiante, c’est pour une raison fondamentale : la ”boucle de pilotage” de l’action est aussi une ”boucle d’apprentissage”. C’est en se confrontant à des résultats visés, en évaluant sa propre action et en réajustant son approche des problèmes que l’on est réellement en situation d’apprentissage permanent. La formation n’est qualifiante que dans ce contexte. 5. LA GESTION DES RUPTURES EN ASSOCIANT LES ACTEURS Il y a des ruptures imposées par la situation des entreprises ou l’évolution des marchés. Si elles provoquent à une remise en cause radicale, elles doivent aussi offrir une voie praticable de changement. Nous nous employons à marier ces deux extrêmes. En faisant d’abord reconcevoir radicalement l’entreprise face aux défis du marché et de l’environnement mais”à la cible”, c’est-à-dire par une démarche résolument prospective et créatrice, à un horizon qui ne soit pas trop menaçant et qui donne un point de fuite pour un projet collectif. Puis on revient à la réalité présente pour mesurer les écarts et définir les mutations à conduire. Cette tension doit être pensée comme une mise en mouvement de tout le corps social et comme une démarche d’apprentissage. Les êtres humains et les systèmes sociaux ne sont pas des mécaniques. Ils ne changent qu’en progressant vers un avenir visé sur le mode du projet, conçu comme un chemin à parcourir devant soi et qui puisse avoir un sens. Quand le changement vous prend dans le dos, comme un coup de force, il conduit à la crispation ou à la résistance. Pas au changement véritable. Si le changement véritable est un apprentissage, il faut réussir à rendre acteurs ceux qui devront le vivre. La stratégie de gestion de ce changement consistera à associer l’ensemble des personnes concernées à conduire ces évolutions comme un projet réellement collectif. Le paradoxe à tenir, c’est de provoquer de vraies ruptures et innovations, de vraies mutations dans les organisations et les métiers, mais de le faire avec les gens. Et quand nous parlons d’associer, ce n’est pas des seuls managers ou encadrants qu’il est question, mais bien de l’ensemble du personnel, sur les enjeux qui concernent son avenir, son travail et son métier. Le Reengineering ignore l’épaisseur des systèmes sociaux, leurs enracinement culturels et identitaires dans les traditions des métiers. Une nouvelle culture professionnelle, axée sur le client, regroupant des activités autrefois attribuées à des professions distinctes, intégrant des fonctions jadis réservées à d’autres strates, cela se construit dans des situations nouvelles de responsabilité mais pas sans y associer les gens concernés, ni sans leur laisser le temps de se forger une autre identité, ni sans permettre les ajustements réciproques de rôles. Une démarche complète de Reengineering réintroduit l’acteur humain, individuel et collectif, qui ne change qu’en devenant acteur d’un projet et qui ne s’investit qu’en se réalisant et en se développant. Faute de quoi, on risque d’oublier que les organisations, même repensées par les processus , sont portées par des acteurs libres et autonomes, qui poursuivent leurs propres finalités. Conclusion : un Reengineering pour l’Europe. Le Japon nous avait appris, dans les 2O dernières années, ce qu’étaient les démarche de progrès continu. Les Etats Unis, pris de vitesse, se sont lancés dans un formidable défi de changement pour retrouver leur suprématie passée. Ils le conçoivent sur le mode de la rupture. Nos pays de vieille tradition industrielle, structurés par des relations sociales autrement contraignantes, ont peut-être à trouver leur propre voie. Ce sont probablement d’autre démarches de changement qui sont à inventer, tout aussi radicales, mais conçues comme une pédagogie du changement et un apprentissage collectif : par la participation de tous les acteurs au projet de ces mutations, par la confrontation plus directe de tous aux clients, par de nouvelles situations de responsabilité. Nous n’éviterons pas, chez nous, de prendre en compte et de retravailler les aspects les plus structurants des identités professionnelles. Cela passe par la recomposition des métiers. Enfin il nous faudra créer un nouveau pacte social, celui d’une implication gagnante où s’échangerait l’engagement des salariés contre un développement de l’employabilité et de la qualification professionnelle. 1 Voir M.HAMMER et J.CHAMPY, Le Reengineering, p.80-93. LA CERTIFICATION : UNE OCCASION DE REINTEGRER LA QUALITE DANS L’ORGANISATION Les lignes qui vont suivre, sont les fruits d’une réflexion liée à une intervention actuellement en cours dans une P.M.I. Le mouvement de la qualité a peu remis en cause l’organisation. Ces dix dernières années ont été marquées par l’émergence de discours et de pratiques sur le thème de la qualité. Cercles de qualité, assurance qualité, pratiques d’auto-contrôle, qualité totale etc.. sont autant de mots, d’idées, des expériences qui ont produit des résultats très divers : - une repositionnement certain d’une philosophie qualité dans un univers industriel encore fortement coloré d’approches de productivité directe ; - l’apparition de nouvelles demandes (ex. juste à temps, maintenance globale, démarche participatives) de l’entreprise pour répondre aux fragilisation des économies industrielles et aux exigences des clients (ex. raccourcissement des délais, modification des volumes, modification des rythmes d’approvisionnement, modification des exigences de qualité, etc...) - l’éclosion de méthodologies d’implantation de l’esprit qualité très élaborées (voire les démarches cercles qualité, p. ex.) qui ont développé au sein des entreprises sollicitées de réels savoir-faire dans les techniques du travail en groupe et de la résolution des problèmes ; - la médiatisation des «acteurs de l’exécution» avec tous les effets pervers de ce genre de pratique quand elle n’était qu’un moyen de communiquer l’avènement au sein de l’entreprise de multiples projets (d’entreprise, de qualité, de chartes de fonctionnement, etc...) qui se sont souvent développés en parallèle de la vie organisationnelle quotidienne des entreprises concernées avant de se dissoudre et de disparaître ; - la nécessité pour ces démarches de devenir progressivement «globales» puis «totales», pour bien montrer aux décideurs qu’il ne s’agit pas uniquement d’un «jouet périphérique» mais qu’avec elles c’est bien toute l’entreprise qui est mise en question : sa stratégie, ses objectifs, ses résultats, ses pratiques organisationnelles etc... comme autant de «coûts de non-qualité». Malgré les aspects positifs qu’il faut reconnaître aujourd’hui, nous devons aussi constater un échec important de ces différentes approches : elles ont rarement débouché sur des remises en causes profondes de l’organisation de l’entreprise. En effet, là où les démarches participatives type «cercle de qualité» auraient pu ouvrir le champ sur une autre manière de distribuer la compétence et la responsabilité, elles se sont limitées très souvent à de la résolution de problèmes ponctuels (ex. octroyer d’autres moyens de contrôle là ou il aurait fallu redessiner les responsabilités entre ceux qui contrôlent la qualité des produits et ceux qui assurent la qualité des procédés, etc..). C’est vraisemblablement une des raisons du désinvestissement progressif que nous pouvons observer aujourd’hui dans l’une ou l’autre entreprise. La certification ISO 9000 en offre une occasion. Avec l’apparition de la certification ISO9000 s’ouvre une nouvelle opportunité d’intégrer la qualité au coeur de la vie organisationnelle. Elle est- quoi qu’en pensent certains - réelle pour autant que les entreprises désireuses de s’y lancer soient attentives aux aspects suivants : - la certification c’est à la fois une contrainte et une opportunité. C’est une contrainte car pour bien des entreprises il n’y a pas de choix et il y va de leur pérennité à moyen ou long terme (allez expliquer à une multinationale dont vous êtes le sous-traitant que vous refusez la certification !). C’est une opportunité car elle permet à l’entreprise d’évaluer son organisation, ses modes de fonctionnement, ses dysfonctionnements et ses résultats en s’appuyant sur le levier qu’elle représente. Dès lors entre les contraintes de l’environnement externe et les constats quotidiens et récurrents des dysfonctionnements internes, il y a la possibilité pour l’entreprise qui le veut d’élaborer une réponse qui lui soit propre. - la certification c’est aussi une occasion de créer de l’enjeu autour d’un projet collectif. Il s’agit de profiter du prétexte de la mise en conformité pour s’interroger aussi sur ses stratégies, ses objectifs, ses résultats d’aujourd’hui, mais aussi du futur. En effet, plutôt que de se contenter d’un travail de procédurisation du fonctionnement actuel ajusté aux exigences de la norme, pourquoi ne pas s’interroger plus complètement sur la pertinence de ces fonctionnements au regard des défis de demain et d’après demain et dont la certification n’est qu’un des éléments parmi d’autres. Ainsi p. ex. une entreprise découvre que son métier de «sous traitant et de revendeur» évolue vers un nouveau métier dans lequel le pôle fabrication deviendra progressivement aussi important que le pôle négoce. - la lecture de la certification comme étant simultanément une contrainte, une opportunité et une création d’enjeu constitue la base d’une approche enrichie et intégrée de la qualité à la vie organisationnelle de l’entreprise. En effet, d’un «machin» imposé de l’extérieur, qui va septembre 1994 alourdir le fonctionnement quotidien, qui va générer du papier, qui va diminuer la réactivité etc... la certification devient une occasion collective pour l’entreprise de penser en rupture pour se reconstruire. Conditions pour réintégrer la qualité dans l’organisation Toutefois cette reconstruction requiert - pour qu’elle soit retenue - la mise en place d’un dispositif qui associe l’ensemble des acteurs de l’entreprise à la recherche de solutions autour de quelques questions clés telles que par ex. : - quel bilan faisons-nous du fonctionnement organisationnel au regard des défis / contraintes (ex. l’exigence de certification, la croissance du CA., la modification des volumes, l’internationalisation, etc...) ? - quelles sont les cibles organisationnelles possibles qui garantissent la bonne contribution des différentes valeurs ajoutées aux defis et résultats attendus? - comment reconstruire différemment le noyau dur compétence / responsabilité de manière à permettre une certification par la compétence plus que par la procédure ? - quel système de pilotage (objectifs, indicateurs de résultats) faut-il mettre en place pour donner à chaque niveau les moyens de piloter ses objectifs, ses résultats, ses progrès ? Par ailleurs, dans la gestion de ce dispositif il s’agit aussi d’être attentif à de multiples risques. Il y a d’abord ceux qui sont liés à la nature même de la démarche qui essaye d’intégrer la certification à une prospective organisationnelle. En effet, il n’est pas toujours aisé de marier au niveau d’un travail quotidien le besoin de visibilité en temps réel de la certification avec la nécessité de la vision moyen/long terme (donc plus imprécise) que requiert la prospective organisationnelle. Il y a ensuite ceux qui sont liés au travail à partir et autour des normes (voire p. ex. les normes de sécurité ou de conditions de travail). Deux écueils sont à éviter. Celui d’une approche restrictive et d’expert qui consiste à imposer aux utilisateurs un mode de fonctionnement sans qu’il n’y ait eu au préalable un nécessaire travail de compréhension, d’appropriation et d’adaptation. L’expérience a souvent montré qu’il y avait de multiples organisations possibles à partir d’une même règle. Il s’agit ici de pouvoir mettre autour de la table toutes les personnes concernées par le sujet (les experts comme les utilisateurs) en s’inspirant par exemple de l’esprit des équipes pluridisciplinaires dans le domaine des conditions de travail. L’autre écueil serait celui d’une approche minimaliste qui consisterait à réaliser une normalisation de façade sans nécessairement faire le travail en profondeur que la norme requiert. C’est une démarche de court terme et qui au vu des résultats produits (risque de perdre la certification, mise à la périphérie de la qualité, risque de statu-quo organisationnel) est à proscrire. Il y a enfin ceux qui sont liés à la gestion des énergies au sein d’un processus de travail qui est à la fois intensif (beaucoup de personnes sont mobilisées), et long (± 18 mois). En cette matière, il faut arbitrer en permanence entre la nécessité de progresser à un rythme soutenu et le besoin de prendre le recul nécessaire à l’appropriation et au besoin de visibilité sur le travail déjà accompli. Voilà, nous semble-t-il les quelques aspects auxquels il faut que nous soyons attentifs si nous voulons faire de la certification une occasion de réintégrer la qualité dans l’organisation. Michel BIZAC Quelques interventions des équipes de CISTE et d'AEGIST SNCF - Etablissement Industriel de Maintenance du Matériel (EIMM) ASFODEL (Lyon 69) de Lille -Hellemmes (59) Animation de la réflexion de tout l’encadrement du site et élaboration du projet d’établissement en vue d’accueillir la maintenance des TGV Nord Europe (AEGIST) Dans le cadre d’une évolution stratégique, développement de pratiques de travail en projet, par une action visant à créer un référentiel de méthodes et une diffusion par accompagnement de projets réels (CISTE) FRANCE TELECOM THOMSON LCC (Seurre 21) Analyse sociologique des différents groupes d’acteurs sur leurs réactions face aux changements (techniques, sociaux, organisationnels) (AEGIST). A partir d’un développement de méthodes de conduite des projets de nouveaux produits, mise en place d’une organisation par projet HOWMET S.A. OPAC 38 (Grenoble 38) Travail en équipe de direction sur la construction d’une ”cible” d’organisation et définition avec les cadres de leur rôle futur en cohérence avec la cible (CISTE) Le prochain numéro de la Lettre d’AEGIST sera consacré à ALUMINIUM DUNKERQUE. Il devrait coïncider avec la sortie de presses (en décembre 94 ou janvier 95) d’un ouvrage que nous préparons sur l’histoire de ce projet d’organisation et l’analyse critique des 2 à 3 premières années de fonctionnement. Ce livre est l’aboutissement et le récit de 5 années de travail d’Aegist au service de ce projet et de 2 ans et demi d’une recherche menée avec le CNRS (CH.MAHIEU - IFRESI) et avec l’entreprise. 11, Boulevard St Michel - B-1040 BRUXELLES Tél. 32-2-736.54.87 - Fax 32-2-734.59.16 8, rue du Mar. de Lattre - F-59800 LILLE Tél. 33.20.30.95.05 - Fax 33.20.30.92.62 septembre 1994 35, avenue du Granier F-38240 MEYLAN Tél. 33.76.41.11.94 Fax 33.76.41.27.80 Socio-Technical Consulting network BRUXELLES, LILLE, GRENOBLE MILAN, FRANCFORT Editeur responsable: O. du Roy - Boulevard St Michel, 11 - B-1040 Bruxelles Sur les 3 sites de production (Le Creusot, Gennevilliers, Dives-surMer), réorganisation des ateliers en îlots de production et définition des nouveaux métiers (CISTE et AEGIST) dans différents domaines (investissements, organisation,...) (CISTE)