black odyssey Film noir

Transcription

black odyssey Film noir
turning point moment clé
by // Par Ismaël Houdassine
Philippe Fehmiu
Black
Odyssey
Canadians from a variety of
backgrounds reflect on their
place in society.
Film noir
© jennifer alleyn
Des personnalités
canadiennes issues des
communautés culturelles
racontent leurs expériences
de vie.
“I’m proud to be black,” Philippe Fehmiu
blurts out. There, it’s been said. It’s neither a secret nor a mystery, but a throwaway line that says a lot about the man. A
host on Radio-Canada’s main radio network, Fehmiu, whose
roots are in the West African country of Benin, is a man who
has a particular story inside. It’s the kind of tale that carries
those who hear it beyond all prejudice and into the depths of
the human heart and its scars.
He has had a number of spiritual guides on his life’s journey. People who made black skin into a symbol of freedom;
his intellectual inspirations, like the Senegalese poet Léopold
Sédar Senghor or the anti-colonialist activist from Martinique, Aimé Césaire. “What can I say? My African blood connects me to them,” he says.
Fehmiu was born in Montreal and grew up in the town of
Saint-Thècle. “Just down the road from Hérouxville,” he says
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« Je suis fier de ma négritude », annonce rapidement
Philippe Fehmiu. Voilà, c’est dit. Il ne s’agit ni d’un secret ni d’un
mystère, mais plutôt d’une phrase lancée qui en dit beaucoup sur
le personnage. Car l’animateur à la Première Chaîne de RadioCanada, d’origine béninoise, est un personnage qui porte une
histoire en lui. Ce genre de récit qui vous transporte au-delà des
préjugés, au creux de l’âme humaine et de ses cicatrices.
Au fil de son parcours, plusieurs guides spirituels interviennent.
Ce sont ceux qui sans complexe ont fait vibrer la peau noire
comme un étendard de liberté. On pense bien sûr à l’écrivain et
poète sénégalais Léopold Sédar Senghor ou à l’anticolonialiste
martiniquais Aimé Césaire, ses grands maîtres à penser. « Que
voulez-vous, mon sang africain me lie à eux », explique-t-il.
Né à Montréal, c’est à Sainte-Thècle qu’il grandit. « À deux
pas du village d’Hérouxville », dit-il à la blague. Il y a un an,
cette petite localité avait fait parler d’elle dans tout le Canada et
I was raised in an environment where each
person’s heritage is important.
Mon père est un historien spécialisé dans l’histoire
des Noirs dans le Bas-Canada.
with a chuckle. A year ago, the village made headlines across
Canada and around the world with its “code of conduct” for
immigrants. Some of its provisions smacked of intolerance
and were widely decried. Still, Fehmiu insists that “no, this
country is not racist.”
But when young people tell him they can’t find work because of the colour of their skin, the broadcaster explains to
them that what’s important is to persevere. “It’s useless to
wallow in victimhood. Many times, I’ve sent out my résumé
only to be rejected,” he notes.
In addition to his work on the radio, Fehmiu also hosts
a television program on Canal Évasion and Vox. His high
media profile has made it possible for him to work on side
projects that are near and dear to him. “My father is a historian who researches black history in Lower Canada. I was
raised in an environment where each person’s heritage is important. That’s what inspired me, later on, to want to revive
our memories of certain things.”
That’s why, two years ago, he took his camera on a crossCanada search for the descendants of slaves. The result was a
documentary that was shown on public television. The film
is an odyssey full of encounters and testimonials gathered
from Vancouver to Halifax, Calgary to Moncton. “By taking
the trip, I wanted to tell the all-too-often forgotten stories of
these people, who contributed their fair share to building our
country,” he says.
Fehmiu is disappointed that people know as little as they
do about the contributions of African-Canadians. It’s as
though it’s not worth talking about 200 years of slavery or
the sad fate of those who were pushed to the margins after
slavery was abolished.
And yet, the long-held hope that North America’s “black
communities” would find their place in the collective consciousness received an enormous boost on November 4, 2008.
“The election of Barack Obama as President of the United
States was the most beautiful day of my life,” Fehmiu says
with a big smile. Isn’t it just a symbolic event? “It’s more than
that. The fact that this man was elected president of the world’s
most powerful country shows that it is possible, as long as you
don’t give up, to earn your rightful place.” It was a victory that
amounted to a ray of hope for an entire people.
jusqu’à l’étranger en raison de son « code de vie » destiné aux
immigrants. Certaines règles contenaient des relents d’intolérance
qui avaient été dénoncés par plusieurs. Mais Philippe Fehmiu
insiste : « Non, le pays n’est pas raciste. »
Mais lorsque les jeunes lui disent qu’ils ne trouvent pas de
travail en raison de la couleur de leur peau, l’animateur leur explique que l’important est de persévérer. « Il ne faut pas tomber
dans la victimisation. Combien de fois, ai-je dû envoyer mon
curriculum vitae à des employeurs et faire face moi aussi aux
refus », se rappelle-t-il.
Aujourd’hui, en plus de la Première Chaîne de Radio-Canada,
Philippe Fehmiu anime également une émission à Canal Évasion
et à Vox. Une notoriété médiatique qui lui permet d’entreprendre
des projets auxquels il tient particulièrement. « Mon père est un
historien spécialisé dans l’histoire des Noirs dans le Bas-Canada.
J’ai été élevé dans un environnement où l’héritage de chacun
est important. C’est la raison qui m’a poussé plus tard à vouloir
rétablir certains faits. »
C’est pourquoi, il y a deux ans, il est parti en quête dans tout
le Canada, à la recherche des descendants d’esclaves, muni
d’une caméra. Un documentaire est né et a été présenté à la télévision publique. Le résultat est une odyssée emplie de rencontres
et de témoignages. Il entraîne le téléspectateur de Vancouver à
Halifax, en passant par Calgary et Moncton. « Par ce voyage,
je voulais raconter les aventures trop souvent oubliées de ces individus qui ont contribué au même titre que les autres à construire
notre pays », dit-il.
Philippe Fehmiu regrette que l’apport des Noirs canadiens soit
aussi méconnu des citoyens. Comme si les 200 ans d’asservissement ou le triste sort de ceux qui ont été abandonnés après
l’abolition de l’esclavage ne méritaient pas que l’on s’y attarde.
Pourtant, l’espoir qu’un jour les « communautés noires » du
continent retrouvent leur place dans la conscience humaine a
repris un nouveau souffle depuis un certain 4 novembre 2008...
« L’élection de Barack Obama à la présidence américaine a été
le plus beau jour de ma vie », dit Fehmiu avec un sourire de satisfaction. Un grand symbole ? « Plus que cela. Le fait que cet
homme soit devenu le président du plus puissant pays du monde
signifie qu’il est possible, si l’on n’abandonne pas, de trouver sa
place. » Une victoire comme un appel à l’espérance pour tout un
peuple.
February is Black History month.
Février est le mois de l’histoire des Noirs.
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