ARRET N16 2011 Air Burkina Contre OUEDRAOGO

Transcription

ARRET N16 2011 Air Burkina Contre OUEDRAOGO
BURKINA FASO
Unité – Progrès – Justice
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COUR DE CASSATION
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt n°16 du 17/11/2011
Dossier n° 118/2007
Requalification des faits – Décision ayant statué ultra petita - Violation
du principe du préliminaire de conciliation – Violation des droits de la
défense –Pouvoir souverain des juges du fond.
AFFAIRE: AIR BURKINA
C/
OUEDRAOGO A. Bertin
ZEBA née TRAORE Lucie
Décision attaquée n°126 du 19 juin 2007, Cour d’appel
de Ouagadougou
Cour de Cassation, Chambre sociale, siégeant en audience
publique ordinaire dans la salle d’audience de ladite Cour à
Ouagadougou composée de :
Monsieur PODA Train Raymond, Président ;
PRESIDENT
Mme SAMPINBOGO Mariama et Mr OUI Fidèle, Conseillers ;
Membres
En présence de Monsieur PODA N. Simplice, Avocat général, au
banc du Ministère Public ;
Assistés de Maître OUEDRAOGO Haoua Francine, Greffier
tenant la plume ;
ENTRE:
AIR BURKINA, assistée du Cabinet SAGNON-ZAGRE
Demanderesse
D’une part
ET :
OUEDRAOGO A. Bertin et ZEBA/TRAORE Lucie, assistés de
Maître TARNAGDA Hamadou
Défendeurs
D’autre part
LA COUR
Statuant sur la requête de pourvoi en cassation introduite le 17
août 2007 par le cabinet d’avocats SAGNON-ZAGRE, au nom et pour
le compte de la Compagnie Air Burkina, contre l’arrêt n°126 rendu le
19 juin 2007 par la Cour d’Appel de Ouagadougou dans une instance
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qui oppose sa cliente à OUEDRAOGO A. Bertin et ZEBA née TRAORE
Lucie ;
Vu la loi organique n°013-2000/AN du 09 mai 2000, portant
organisation, attribution et fonctionnement de la Cour de Cassation et
procédure applicable devant elle ;
Vu les articles 332 du code du travail (ancien), 592 et suivants
du code de procédure civile ;
Vu la requête de pourvoi et le mémoire en défense ;
Vu les conclusions écrites du Ministère public ;
Ouï le Conseiller en son rapport ;
Ouï Monsieur l’Avocat général en ses observations orales ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Attendu que la requête de pourvoi a été introduite dans les
forme et délai prescrits par la loi ; qu’il y a lieu de la déclarer
recevable ;
Au fond
Attendu selon l’arrêt attaqué que OUEDRAOGO A. Bertin,
SALEMBERE Marie Raphaël et ZEBA née TRAORE Lucie tous
fonctionnaires, avaient été détachés auprès de la Compagnie Air
Burkina ; que dans le cadre de la privatisation de la Compagnie, leur
détachement a régulièrement pris fin et qu’ils ont ainsi réintégré leur
administration d’origine conformément aux dispositions de l’article
18.1 de la Convention de privatisation de Air Burkina du 08 février
2001 ;
Que cependant, ils n’ont pas bénéficié à l’instar de certains de
leurs ex-collègues des mesures d’accompagnement appliquées dans les
sociétés privatisées au Burkina Faso ;
Que c’est sur leur requête et en vertu de la lettre confidentielle
n°2001-0116/MTT/CAB/CTG/TS du 09 août 2001 du Ministère des
Transports que la Compagnie Air Burkina leur a payé leurs droits
légaux plusieurs mois après leur départ ;
Que les droits négociés devaient être payés ultérieurement en
considération des scénarios d’indemnisation qui ont fait l’objet de
provision par l’Etat Burkinabè, lors de la privatisation ; que cependant
Air Burkina a refusé de leur payer lesdits droits ;
Qu’ils ont saisi l’Inspection du travail pour régler le litige,
estimant que leur traitement est discriminatoire ;
Faute de conciliation, le Tribunal du travail de Ouagadougou
saisi a, par jugement contradictoire en date du 31 janvier 2006,
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condamné Air Burkina à payer aux requérants le reliquat des droits
définitifs de fin de service ainsi qu’il suit :
 OUEDRAOGO A. Bertin
:
15.596.780 Frs
 ZEBA née TRAORE Lucie
:
13.678.120 Frs
Sur appels des conseils d’Air Burkina et de OUEDRAOGO A.
Bertin et ZEBA/TRAORE Lucie, respectivement le 02 février 2006 et le
08 février 2006, la Cour d’appel de Ouagadougou a, par arrêt n°126
du 19 juin 2007 dont pourvoi, confirmé le jugement attaqué et
condamné Air Burkina à payer à OUEDRAOGO A. Bertin et
ZEBA/TRAORE Lucie la somme de 250.000 Frs au titre des frais
exposés non compris dans les dépens ;
Attendu que le conseil de la Compagnie Air Burkina soulève
quatre moyens de cassation ;
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation
de l’article 21 du code de procédure civile
Attendu que le conseil de la demanderesse au pourvoi fait grief
à l’arrêt attaqué de s’être prononcé sur des choses non demandées
violant ainsi l’article 21 CPC, aux termes duquel « le juge est tenu de
se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est
demandé » ; qu’il relève que l’unique réclamation des défendeurs
portait sur le paiement des droits négociés ; qu’en ordonnant le
paiement de reliquats de droit définitifs de fin de service sans que
pareille demande ait été formulée par les défendeurs eux-mêmes, les
juges du fond ont statué ultra petita et que l’arrêt encourt cassation ;
Mais attendu que si la demande des défendeurs concerne les
indemnités négociées plutôt que les « indemnités de départ définitif de
la société ou indemnités de fins de service » selon la dénomination
retenue par la compagnie Air Burkina, l’arrêt attaqué en utilisant la
terminologie « reliquat des droits définitifs de fin de service » n’a
nullement statué ultra petita ou sur des choses non demandées en ce
que l’objet de litige est le même en dépit du changement de la
dénomination retenue par les défendeurs ;
Que de même, les montants des réclamations des défendeurs
sont restées invariables ;
Attendu qu’aux termes de l’article 29 al2 CPC, le juge « doit
donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes
litigieux, nonobstant la dénomination que les parties en auraient
proposée ;
Qu’en ayant ordonné le paiement des reliquats de droits
définitifs de fin de service, en lieu et place de droits négociés sollicités
par les défendeurs, les juges d’appel n’ont nullement violé l’article 21
suscité, en ce qu’ils ont restitué à la demande son exacte
qualification ;
Que dès lors le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
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Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la violation
de l’article 302 du code du travail
Attendu que le conseil de la demanderesse reproche à l’arrêt
attaqué d’avoir méconnu les prescriptions de l’article 302 du code du
travail relatives au préliminaire de conciliation ;
Qu’il relève que les défendeurs n’ayant jamais sollicité le
paiement de « reliquats de droits définitifs de fin de service » pareille
réclamation n’a jamais donc été soumise au préliminaire obligatoire de
tentative de conciliation ;
Qu’en ayant condamné la demanderesse au paiement de
reliquats de droits définitif de fin de service, l’arrêt a violé l’article
précité ;
Mais attendu que devant l’Inspecteur du travail, les défendeurs
ont sollicité le paiement des droits négociés, requalifiés comme sus
démontré en droits définitifs de fin de service par les premiers juges ;
Qu’il s’en suit que le moyen ne peut prospérer en ce que lesdites
réclamations des défendeurs ont fait l’objet de la tentative de
conciliation ; que le moyen doit être rejeté ;
Sur le troisième moyen de cassation tiré de la violation
des articles 365 et 7 du code de procédure civile
Attendu que le conseil de la demanderesse invoque la violation
des articles 365 et 7 du Code de Procédure Civile en ce que les juge
d’appel ont méconnu le principe du contradictoire et le respect des
droits de la défense ;
Qu’il fait valoir que si le juge du fond lui-même pensait disposer
de moyens qui paraissent pouvoir être relevés d’office et permettant
une condamnation de Air Burkina au paiement de « ces reliquats de
droits définitifs de fin de service », il avait l’obligation d’inviter les
parties à présenter leurs observations, soit immédiatement, soit dans
un délai qu’il fixe ; Et mention devait en être faite au procès verbal
d’audience ;
Mais attendu que si le juge a l’obligation d’inviter les parties à
présenter leurs observations à chaque fois qu’il relève d’office un
moyen tel qu’édicte à l’article 365 suscité, il se doit également de
restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux,
nonobstant la dénomination que les parties auraient proposées
obligation découlant des prescriptions de l’article 29 CPC ;
Qu’en ayant satisfait auxdites prescriptions l’arrêt n’a
nullement violé les articles 365 et 7 précités en ce que les juges du
fond n’ont relevé aucun moyen prévu à l’article 365 précité nécessitant
des observations des parties ;
Qu’il s’en suit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Sur le quatrième moyen de cassation tiré
du défaut de base légale
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Attendu que le conseil de la demanderesse fait grief à l’arrêt
attaqué de l’avoir condamné au paiement de reliquats de droits
définitifs de fin de service à des fonctionnaires dont le détachement a
régulièrement pris fin, alors même qu’il est de doctrine et de
jurisprudence constantes que lorsque la fin du détachement est le fait
de l’administration, le fonctionnaire ne peut réclamer que les reliquats
de salaires ou de congés payés ;
Qu’en tout état de cause, il n’existe nulle part dans
l’ordonnancement juridique Burkinabè « des droits négociés » ou des
« droits définitifs de fin de service » dont le juge peut en ordonner le
paiement. Qu’en statuant ainsi, les juges d’appel n’ont pas donné de
base légale à leur décision qui mérite cassation ;
Mais attendu que l’arrêt a relevé que « des fonctionnaires et
militaires précédemment détachés à la Compagnie Air Burkina ont
bénéficié de sommes d’argent » qualifiées par elle-même tantôt
d’ « indemnités de départ définitif de la Société », tantôt de « fins de
service à Air Burkina » ;
Qu’en qualifiant de discriminatoires les agissements de la
demanderesse et en octroyant aux défendeurs des indemnités intitulés
de « reliquat de droits définitifs de fin de service » à l’instar de leurs excollègues qui en ont bénéficié, la Cour d’appel a légalement justifié sa
décision conformément à l’article 48 du code du travail (2004) qui
interdit à l’employeur toute discrimination de quelque nature que ce
soit ; que dès lors le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Par ces motifs
En la forme, reçoit le pourvoi ;
Au fond, le déclare mal fondé et le rejette ;
Met les dépens à la charge du trésor public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre
Sociale de la Cour de Cassation du Burkina Faso les jour, mois et an
que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier