Muhamad Yunus ou le « banquier des pauvres ».

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Muhamad Yunus ou le « banquier des pauvres ».
Muhamad Yunus ou le « banquier des pauvres ».
Né au Bangladesh le 28 juin 1940, Muhammad Yunus étudie l’économie
à l'université de Dhaka au Bangladesh et obtient, en 1961, son Master
of Arts (Maitrise d’économie). Il devient enseignant en économie au
Chittagong College.
À 21 ans, il se fait entrepreneur, en mettant sur pied la première usine
high-tech d'emballage et d'impression du Pakistan oriental. L'affaire est
une réussite mais il abandonne la gestion à ses deux frères et part
préparer un doctorat aux Etats-Unis, grâce à une bourse Fulbright.
Après une maîtrise à l’université du Colorado, Yunus s’inscrit en thèse à l’université Vanderbilt,
sous la direction de Nicholas Georgescu-Roegen, économiste roumain controversé, connu aujourd’hui
notamment pour ses recherches sur le thème de la « décroissance soutenable ». Une fois docteur en
économie, Yunus obtient un poste à la Middle Tennessee State University.
Lorsque la guerre de libération du Bangladesh éclate, Muhammad Yunus décide de soutenir les
indépendantistes.
En 1971, avec l'indépendance du Bangladesh, Yunus retourne dans son pays. Après avoir occupé le
poste de sous-directeur à la Planning Commission du Gouvernement, il devient responsable du
département d’économie de l’Université de Chittagong, construite en milieu rural. Devant la famine
qui frappe le pays, il décide de s'intéresser à la situation précaire des populations rurales vivant à
proximité de l'université.
Avec des étudiants, il crée un groupe de recherche dont les premiers travaux porteront surtout sur
des questions d’agronomie (implantation de nouvelles espèces de riz, notamment). Par la suite,
Yunus se rend compte qu'une grande partie des problèmes rencontrés par les paysans défavorisés du
secteur sont étroitement liés à leurs difficultés d'accès aux capitaux. Leurs terres étant trop petites
pour constituer une garantie suffisante pour les banques, ils n’ont d’autre choix que de se précipiter
dans le piège des usuriers locaux qui prêtent à des taux d'intérêt exorbitants et les précipitent dans la
misère.
Yunus vient à proposer un premier « micro-prêt » (quelques dollars) à quelques dizaines
d'habitants du village, en utilisant son propre argent. L'effet de ces prêts au montant dérisoire s'avère
rapidement très positif sur la situation matérielle des bénéficiaires. En outre, ces derniers
remboursent sans difficulté leur bailleur de fonds.
Après avoir tenté d'impliquer une banque commerciale dans le lancement d'un premier
programme de micro-crédit, Yunus décide de créer son propre programme. Celui-ci est officiellement
mis en place en 1977, sous le nom de « Grameen » (grameen signifie village). C’est un succès
immédiat, tout d’abord au Bangladesh, où la « Grameen » obtiendra le statut d’établissement
bancaire en 1983, puis dans d’autres pays où le « modèle » s’exporte à partir de 1989. Aujourd’hui,
près de 300 millions de personnes dans le monde bénéficient directement ou non de micro-crédits.
Aujourd’hui, la banque Grameen appartient aux populations défavorisées et rurales qu’elle sert et
ses emprunteurs possèdent 90% de ses parts alors que l’Etat du Bangladesh n’en possède que 10%.
Les objectifs de la banque Grameen sont les suivants :
-Facilités bancaires étendues pour les personnes démunies)
-Mettre fin à l’exploitation des pauvres par les usuriers
-Générer un potentiel d’auto-entrepreneurs auprès des populations rurales défavorisées du
Bangladesh
-Amener les défavorisés, notamment les femmes, à s’organiser et ainsi acquérir de l’autonomie.
-Rompre avec le cycle infernal : revenu faible=>épargne faible=>investissement faible
-Créer un cercle vertueux : revenu faible + possibilité de crédit=investissement=> plus de revenu et
plus d’épargne.
La philosophie du soutien à l'économie informelle à travers le succès de la Grameen Bank pourrait
se réduire à cette conviction évoquée dans un entretien au journal Le Monde du 25 avril 2008 :
(http://www.lemonde.fr/le-monde-2/article/2008/04/25/muhammad-yunus-le-systeme-est-aveuglea-toute-autre-consideration-que-le-profit_1038321_1004868.html)
« Tout le monde espère gagner de l'argent en faisant des affaires. Mais l'homme peut réaliser
tellement d'autres choses en faisant des affaires. Pourquoi ne pourrait-on pas se donner des objectifs
sociaux, écologiques, humanistes ? C'est ce que nous avons fait. Le problème central du capitalisme
“unidimensionnel” est qu'il ne laisse place qu'à une seule manière de faire : rentrer des profits
immédiats. Pourquoi n'intègre-t-on pas la dimension sociale dans la théorie économique ? Pourquoi
ne pas construire des entreprises ayant pour objectif de payer décemment leurs salariés et d'améliorer
la situation sociale plutôt que chercher à ce que dirigeants et actionnaires réalisent des bénéfices ? »
Yunus a reçu de nombreuses récompenses, dont la plus importante distinction du Bangladesh,
« Independence Day Award » et conjointement avec la Banque Grameen, le prix Nobel de la paix, le
13 octobre 2006 pour « leurs efforts pour promouvoir le développement économique et social à
partir de la base ». Avec cette reconnaissance internationale, il est devenu l’homme le plus
incontournable du Bangladesh.
Limogé en 2011 de la Banque Grameen par la Banque centrale du Bangladesh qui l’accuse
notamment de transferts de fonds illégaux, Muhamad Yunus dénonce un règlement de comptes
politique.
Par ailleurs, certains investisseurs ont compris qu’ils pouvaient s’enrichir en utilisant la légitimité
de ce dispositif éthique et n’ont pas hésité à octroyer des prêts à des taux exorbitants, dénaturant
ainsi le sens originel du micro-crédit. Ces pratiques sont hélas devenues mondiales.
Bibliographie (Livres en français)
-Muhammad Yunus et la Grameen Bank : la découverte et l'expansion du micro-crédit, Mehedi
Hasan, Emmanuel Raufflet, Yves-Marie Abraham, Centre de cas, HEC Montréal, 2006, 15 pages.
-Portraits de microentrepreneurs, avec Jacques Attali, Ed. Le Cherche midi - 2006, (ISBN 978-27491-0669-4).
-Vers un monde sans pauvreté, avec Alan Jolis, Ed. J.-C. Lattès - 1997, (ISBN 978-2-253-12206-7).
-Vers un nouveau capitalisme, Ed. J.-C. Lattès, 2008, (ISBN 978-2-7096-2914-0).
-Manifeste pour une économie plus humaine, Ed. J.-C. Lattès, 2011, (ISBN 978-2-7096-3550-9).