Mesdames et Messieurs les parents d`élèves du lycée Hoche, Nous

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Mesdames et Messieurs les parents d`élèves du lycée Hoche, Nous
Mesdames et Messieurs les parents d’élèves du lycée Hoche,
Nous, professeurs des classes préparatoires du lycée Hoche, qui sommes depuis toujours
profondément attachés à un enseignement exigeant, dont l’efficacité a depuis longtemps fait ses preuves et au
service duquel nous n’avons jamais ménagé notre dévouement, dans la pensée que la beauté de notre métier
consistait à ne pas tenir le registre comptable des heures passées à assurer la réussite de tous nos élèves, nous
sommes décidés à exprimer notre colère face au coup bas injustifiable qui nous est porté par le projet de
réforme des conditions de service des professeurs initié par Vincent Peillon, ministre de l’Education Nationale.
Si les professeurs de classes préparatoires, soucieux de ne pas pénaliser les étudiants qu’ils ont charge de
conduire aux très difficiles concours d’entrée aux Grandes Ecoles prennent aujourd’hui la décision, inhabituelle
pour eux, de se mettre en grève, c’est que seule la gravité exceptionnelle de la situation les y a conduits. Les
raisons de leur indignation sont simples.
Sous le couvert fallacieux d’une réforme visant à simplifier les règles de gestion du personnel, le ministre de
l’Education Nationale, prenant habilement appui sur l’extrême complexité de leurs modalités de rémunération
et colportant sans scrupules des chiffres erronés destinés à les présenter comme des privilégiés, se propose, en
modifiant leurs obligations règlementaires de service (qui ne prennent pas en compte l’ampleur du travail
d’entraînement aux oraux, de préparation des cours et de correction des copies), soit d’augmenter
considérablement leur charge de travail, déjà considérable, et ce sans la moindre contrepartie financière (donc
de « travailler plus pour gagner autant ») soit de la diminuer drastiquement en cessant de compter des heures
supplémentaires incluses dans leur service tout en baissant le taux horaire des heures d’interrogation orales,
cette double baisse atteignant des proportions oscillant entre 10 et 20 %, et ce pour la même charge de travail
( donc de « travailler autant pour gagner moins »). Or, même si aucun salarié n’accepterait en silence qu’on le
prive sans concertation préalable d’une part aussi considérable de ses revenus (aucune association de
professeurs de classes préparatoires n’ayant été conviée par M. Peillon à discuter d’un projet déjà ficelé les
concernant avant ce mercredi, la rencontre aussi fugitive que tardive avec son directeur de cabinet adjoint
n’ayant pas apporté le moindre changement), sans que rien dans la qualité de son travail n’appelle une
sanction aussi radicale, il ne s’agit pas que de nos salaires, mais bel et bien de la défense intransigeante de la
méritocratie républicaine contre les attaques d’un égalitarisme niveleur.
Nous souhaitons d’abord rappeler combien l’alourdissement de notre charge de travail qui en
résulterait, et qui témoigne d’une ignorance profonde des spécificités de notre enseignement, menacerait
d’affecter gravement la qualité de la formation dispensée, et dès lors de nuire aux étudiants ainsi que
d’affaiblir la compétitivité de notre pays puisque nos classes remplissent une mission d’intérêt général en
concourant à la formation d’ingénieurs et de cadres hautement qualifiés.
Surtout nous tenons à protester avec la plus inflexible détermination contre les méthodes brutales et
méprisantes par lesquelles le Ministre de l’Education Nationale traite une part de ses administrés sans que rien
dans le travail qu’ils conduisent discrètement et sans exiger de récompense ne les voue à tant d’iniquité et
d’arbitraire. Dans la mesure où les professeurs de CPGE représentent la seule catégorie d’enseignants à devoir
subir une diminution de leur rémunération aussi considérable, il s’agit donc d’une pure et simple mesure
vexatoire, à ce titre inacceptable. Contrairement à la communication démagogique et mensongère du Ministre,
ce décret ne forme ni une mesure économiquement sensée dans un contexte difficile (elle représente 0,05% du
budget de l’Education Nationale) ni une mesure de « justice sociale » puisque l’argent prélevé, s’élevant à
moins de 30 millions d’euros, permettrait d’octroyer aux professeurs exerçant en ZEP une prime de moins de
cent euros, de sorte qu’elle ne résoudrait en rien les difficultés qui sont les leurs et que, malgré les sousentendus d’une stratégie de division odieuse, nous n’ignorons pas, bon nombre d’entre nous y ayant commencé
leur carrière. Nous récusons à ce titre comme indigne d’un représentant d’un gouvernement démocratique la
méthode consistant à diviser le corps professoral en vouant une et une seule de ses catégories à la
stigmatisation des autres, grâce à l’occultation de la particularité de ses conditions de travail et au recours à des
mensonges répétés relatifs à leurs revenus comme à l’effet sur ceux-ci de l’adoption d’un tel décret. Il faut
qu’un ministre, pourtant autrefois professeur de philosophie, n’ait aucun respect pour le sens des mots lorsqu’il
ose invoquer la justice sociale quand il s’agit de faire une exception pour une catégorie, de la montrer du doigt
et de la soumettre à l’opprobre, tout en distribuant des miettes à une autre qu’il méprise ce faisant tout autant.
Légitimer rhétoriquement par ce concept une punition arbitraire, c’est ajouter à l’inélégance du procédé un
manque d’honnêteté intellectuelle qui nous heurte profondément.
Mettons donc à nu le ressort tacite de ce décret : ne rapportant rien, ne résolvant les problèmes de
personne, il s’agit purement et simplement d’une mesure idéologique, motivée par la détestation aveugle d’un
système dont le Ministre n’a jamais fait mystère de sa volonté de le supprimer, ne le voyant qu’à travers le
prisme de préjugés archaïques et simplistes, qui n’empêchent d’ailleurs pas les responsables politiques qui s’en
font les porte-voix d’y envoyer hypocritement leur progéniture.
NON, les professeurs de classes préparatoires ne sont pas des privilégiés. Le travail que nous
effectuons est certes passionnant mais aussi intensif et sanctionné chaque année par des concours exigeants,
de sorte que nous ne volons pas un salaire qui, pour nombre d’entre nous, est à peine supérieur à celui de nos
collègues du secondaire et inférieur à celui d’un professeur de lycée allemand. Si nous étions ces êtres cupides
pour lesquels le Ministre veut nous faire passer et avions voulu mettre à profit nos diplômes, nous aurions
embrassé une autre carrière plus lucrative.
NON, nous ne perpétuons pas « les élites dans une étrange conjuration des parents, des héritiers, des
professeurs et de leur syndicats » (Libération, 05/12), puisque nos classes recrutent de 25 à 30% de boursiers et
ont toujours joué un rôle d’ascenseur social. La nation n’a rien à gagner, mais tout à perdre dans
l’affaiblissement d’une des voies de l’enseignement supérieur qui fonctionne bien et dans le découragement
de ses professeurs : la Chine, qui devance de loin la France dans le classement PISA, s’intéresse de près à cette
partie ouverte et exigeante du système scolaire français.
C’est pourquoi, face à l’attaque aussi sournoise que violente dont les classes préparatoires font
l’objet, face au déni méprisant de la qualité de notre travail et de notre dévouement, nous sommes résolus à
envisager dans les jours qui viennent toutes les actions nécessaires pour que notre voix soit entendue et que
le projet de décret soit purement et simplement retiré : grève indéfiniment reconductible assortie de la
suspension de la correction des copies, arrêt du remplissage des bulletins et absence de toute intervention
en conseil de classe, retrait des journées portes ouvertes, non-participation au recrutement APB. Notre
détermination sera infaillible et ne reculera devant aucun moyen pour obtenir justice.
Nous exprimerons dans un premier temps notre indignation lors d’une manifestation qui partira du
jardin du Luxembourg lundi 9 décembre à 14 heures. Tout élève, tout parent désirant nous soutenir et
défendre une filière qui marche, qui ne vit que de vouloir porter ses étudiants au meilleur d’eux-mêmes et de
contribuer à donner à la nation certaines de ses forces vives est le bienvenu pour se joindre à nous.
En vous remerciant de l’intérêt que vous aurez prêté à cette lettre,
Les professeurs de classes préparatoires du lycée Hoche.

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