Jean Lacouture ou la position du biographe

Transcription

Jean Lacouture ou la position du biographe
“Jean Lacouture ou la position du biographe”
Un film de Hugues Le Paige
Une carrière équitablement partagée entre le journalisme et la biographie : Jean Lacouture a accompagné le demi-siècle écoulé d’un
regard singulier. Journaliste de la décolonisation, il a rencontré et portraituré tous les grands dirigeants du tiers monde (Hô Chi
Minh, Nasser, Sékou Touré, etc...). Biographe, il a choisi de raconter des hommes dont les vies mêlaient toujours intimement dessein
politique et préoccupation esthétique (Malraux, Blum, Mauriac, Mendès France, De Gaulle, Mitterrand). Témoin engagé, il a
tout à la fois cultivé le concept de “l’histoire immédiate” et développé une conception “héroïque” du monde.
Le film propose un portrait de Jean Lacouture qui s’attache aussi bien à ses certitudes qu’à ses doutes, à ses engagements qu’à ses
contradictions. Il s’agit de cerner “la position du biographe” et celle du journaliste. Comment Jean Lacouture se situe-t-il par
rapport aux personnages qu’il a élus ( identification, empathie, opposition, distance?..) D’où parle le journaliste ? Une réflexion et
un dialogue inséparables de ma propre expérience personnelle de journaliste et de documentariste. Voilà le fil conducteur de ce film.
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P
erplexe, légèrement décontenancé, Jean Lacouture répond aux questions de Jean-Luc Godard. Le journaliste-biographe
joue son propre rôle dans “Éloge de l’amour”, le dernier film de Godard où il est question, entre autres␣ , de la
mémoire et de la représentation de l’histoire.
Ainsi commence ce documentaire dans le parti-pris d’un regard en abîme. Je filme Godard filmant Lacouture. Je tourne
Lacouture interrogé par Godard posant des questions qui sont aussi les miennes sur mon propre travail.
Tout au long du film, à travers un dialogue personnel avec Jean Lacouture, quelques rares témoignages (Simonne Lacouture,
sa femme, son amie d’enfance Catherine Cazenave — la nièce de François Mauriac —, son complice le journaliste-écrivain
Jean-Claude Guillebaud, l’ancien joueur de rugby et organisateur de corrida Pierre Albaladejo et l’historien Pierre Nora) et
la confrontation avec ses propres passions — hors la littérature et la politique — ( le rugby, la tauromachie et la musique) se
dessine la “position du biographe”que je tente de cerner en m’impliquant à la première personne.
H.L.P.
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Jean Lacouture : une vision héroïque du monde
“Toute biographie est le fruit d’une élection” : comment ne pas prendre à mon compte cette phrase de Jean Lacouture à propos de son
oeuvre biographique, si je veux tenter d’expliquer ma propre démarche ?
Comme auteur de documentaires, je pratique depuis dix ans la démarche
biographique, même s’il s’agit plutôt de portraits (individuels ou de groupes). Je rencontre donc personnellement les préoccupations exprimées
par Jean Lacouture, les problèmes qu’il affronte, les hésitations et les sentiments ambigus qu’il peut éprouver vis-à-vis du personnage “élu”. Car
portraitiser le biographe est aussi, bien sûr, “le fruit d’une élection”.
Il s’agit, ici, d’un film et d’un portrait. La différence est de taille avec le
livre et la biographie pratiquée par le portraitisé. Mais le jeu de miroir,
l’ambiguïté des rapports entre l’auteur et le sujet ne sont pas d’une nature
fondamentalement différente. C’est précisément cette ambiguïté qui se
veut un des thèmes essentiels — sinon le “fil rouge” — de “la position du
biographe”, film documentaire de 52 minutes. Dans ce film, j’ai souhaité
faire passer cette problématique sur un ton personnel, tenter de faire ressortir d’une manière ou d’une autre qu’elle est aussi une préoccupation de l’auteur dans sa démarche propre.
La démarche biographique de Jean Lacouture est doublement caractéristique : elle est empreinte d’empathie et d’identification avec le
personnage élu et elle comporte une part d’autobiographie. Le praticien de la biographie privilégie forcément le rôle fondamental joué
par quelques hommes dans le sort du monde. Il croit plus aux destinées individuelles qu’aux aventures collectives.
Jean Lacouture se qualifie lui même de “vieux praticien du culte du héros”.
“Il aime coucher avec ses héros, s’allonger auprès d’eux, les suivre, les épouser” va jusqu’à ajouter son ami l’historien Pierre Nora. De son
côté, Paul Flamand, le fondateur des éditions du Seuil, et autre ami — aujourd’hui disparu — notait : “les biographies qu’il a écrites font
partie de sa biographie à lui (...). Les limitations qu’on trouve dans ses biographies, ce sont ses propres limitations à lui”. Et Jean Lacouture
de renchérir lui-même : “mes livres sont mes mémoires”.
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La littérature d’abord
(Auto-)biographie et identification : le couple formé par l’auteur et le sujet est inséparable de la littérature qui constitue sans doute le
fondement de la démarche “lacouturienne”. La littérature d’abord, a-t-on envie de dire.
De quoi parle le jeune Lacouture — il a 23 ans — dans son premier véritable article publié le 29 décembre 1944 dans “Libre jeunesse”,
journal de l’organisation civile et militaire des jeunes gaullistes (!) ?
De Dostoïevsky, Proust, Freud et Joyce… La guerre n’est pas terminée, Lacouture lui-même est engagé
dans la campagne d’Allemagne avec la 2e DB de Leclerc et il titre son premier article “Romanesques” !
Plus tard, en 1956, journaliste au Caire, il assiste fiévreusement au discours enflammé de Nasser annonçant la nationalisation du canal de Suez mais il est aussi le guide d’Henri Michaux dans le milieu des fins
lettrés cairotes qu’il fréquente assidûment. À la même époque dans un journal britannique, c’est
l’auteur du “Quatuor d’Alexandrie” qui rend compte du premier livre de Jean Lacouture, “L’Égypte en
mouvement” écrit avec sa femme Simonne. Lawrence Durrell salue un “ouvrage définitif d’imagination
historique”… On peut commencer une carrière d’auteur sous de plus mauvais auspices.
La “position du biographe” est inséparable d’une certaine idée de l’homme, de la politique, de l’histoire
et de la littérature : c’est elle qui occupe la place centrale du film.
Une certaine idée du journalisme
Ce ne sera évidemment pas le seul thème car il y a de nombreuses facettes chez Jean Lacouture, et donc
plusieurs “entrées” possibles dans le film (“L’éclectisme m’a toujours été naturel” écrit-il). Le journaliste
précède évidemment le biographe mais il s’y décèle déjà. Au “Monde”, “J’étais le photographe du bataillon”, dit Jean Lacouture qui s’adonne presque naturellement au portrait. Il commence sa carrière
journalistique en Indochine dans le service de presse du corps expéditionnaire de Leclerc (1946).
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L
e Vietnam est une expérience fondatrice, une “matrice”, ajoute-t-il. L’Indochine va révéler Lacouture au journalisme mais aussi
l’imprégner d’une conception du monde, l’anticolonialisme. Quelle que soit son évolution ultérieure et même son auto-critique
à propos de son travail journalistique sur le Cambodge, il reste profondément marqué par la première expérience vietnamienne.
La manière d’entamer l’exercice journalistique à Saigon (une ville que Lacouture dit “avoir aimée d’amour” ) laissera aussi des traces : le
matin, il rédige le journal officiel de l’armée française “Caravelle”, censé renforcer le moral des troupes métropolitaines; l’après-midi,
il anime, avec quelques amis, le journal “Paris-Saigon” qui défend l’idée d’une paix négociée avec Hô Chi Minh (et donc la reconnaissance des droits des Vietnamiens).
Ambiguïtés, schizophrénie, contradictions ? “Peut-être n’ai-je existé que par ce type de déséquilibre qui crée mouvement et parades”, écritil, à ce sujet.
Lacouture est double : c’est un modéré — selon sa propre expression — qui a dressé des portraits élogieux de quelques-uns des plus
importants dirigeants révolutionnaires des années 60. “Je suis un tiède, écrit-il… les gens que j’estime le plus au monde sont ceux qui le
déplorent”. Ce double aspect éclaire la personnalité du journaliste et du biographe.
Après le Vietnam, il y aura le Maroc — où il rencontre son épouse Simonne (sa “colonne vertébrale” dit son ami du “Monde”, Jacques
Nobécourt)— et surtout l’Égypte — “l’envoûtement arabe” — , autre point d’ancrage essentiel pour Lacouture.
“Combat”, “Le Monde”, “Le Nouvel Observateur” : Jean Lacouture pratique en 25 ans toutes les facettes du journalisme. Il s’en fait
aussi une certaine conception. Engagé mais sans a priori (“le reportage, c’est “dangereux” pour les idées que l’on s’est faites auparavant” ),
inscrit dans la durée, s’approchant de plus en plus avec le temps d’une démarche apparentée avec l’histoire («Plus il vieillit, plus il
(le journaliste) s’assimile à ce frère supérieur (l’historien) ”), Lacouture défend la liberté ET la responsabilité du journaliste qui, dit-il, a évidemment des “comptes à rendre”. Au nom du respect des hommes “on ne peut pas tout dire”, estime
aujourd’hui Jean Lacouture qui devant les dérives actuelles du journalisme dit d’investigation, rêve d’écrire un jour un “Éloge du
secret”. Entre-temps le journaliste a glissé presque naturellement vers «l’histoire immédiate» dont il cultive le concept et en fait une
collection — désormais classique — aux éditions du Seuil.
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Finalement, le journaliste comme le biographe se caractérise par un refus de l’idéologie mais par des fidélités (à certaines causes, à
certaines idées, à certains hommes).
“Vous ne confondez pas être fidèle et avoir raison” lui écrit André Malraux après avoir lu son récit auto-biographique, “Un sang d’encre”.
Cette “fidélité” a-idéologique qui induit un certain nombre de questionnements (faut-il dire TOUTE la vérité à propos de ses amis ou
de la cause que l’on défend quitte à leur nuire ?) est un autre thème qui traverse le film.
L’art de l’esquive
L’ancien journaliste du “Monde”, Jacques Nobécourt, utilise l’expression “roman familial” pour évoquer l’œuvre biographique de Jean
Lacouture.
L’enfance bordelaise et les origines familiales sont une autre clef de compréhension du personnage Lacouture. Une enfance dans une
famille catholique conservatrice de province qui ressemble étrangement à celle de certains de ses “biographés” et non des moindres.
Comment ne pas rapprocher l’atmosphère familiale des Mitterrand à Jarnac et celle des Lacouture à Bordeaux, comment ne pas faire le
parallèle avec celle des Mauriac, une famille à laquelle Jean Lacouture sera personnellement attaché.
Mauriac dont le biographe se sent le plus proche jusqu’à l’identification absolue : “Voilà l’homme que j’aurais voulu être, s’écrie-t-il, je me
vois projeté sur le mur, en très grand ”. Si Lacouture communie intensément avec Mauriac, il s’en sépare profondément sur les plans de
la polémique et de l’agressivité.
Lacouture déteste le conflit. À l’affrontement, il préfère l’esquive. La journaliste Sylvie Crossman qui lui a consacré une biographie écrit
qu’ “enfant sage (entouré de quatre soeurs), il biaise pour obtenir ce qu’il veut : la séduction, l’astuce, jamais le conflit : déjà, conclut-elle, l’art
de l’esquive”. Jean Lacouture lui-même confirme quand il dit “je suis gascon et plutôt porté sur les procédures fondamentalement obliques”.
L’identification, l’esquive, une certaine consensualité nuancée : les richesses et les ambiguïtés du regard lacouturien plongent dans des
racines diverses mais très françaises qui le rattachent en permanence à ceux qu’il a élus comme modèles.
Hugues Le Paige.
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REPÈRES BIOGRAPHIQUES ET LEUR COMMENTAIRE...
1921
(9 juin)
Naissance de Jean Lacouture à Bordeaux. Père chirurgien, mère extrêmement volontaire, famille catholique très conservatrice.
Études chez les Jésuites mais pas véritablement marquantes (nulle “empreinte”, écrit Lacouture, nul conditionnement, et moins que
tout la révolte). Jeune homme sportif, qui découvre tôt ses passions pour la tauromachie et l’opéra.
La ville natale marque et imprègne l’enfance et l’adolescence en un mélange de bien-être et de rejet.
1940-44
“Il est peu dire que, de 1940 à 1944, j’ai flotté ou tâtonné. (...) (Ce fut) un âge ingrat de refus de l’histoire et de replis sur le dérisoire”:
c’est ainsi que Jean Lacouture résume lui-même son attitude qu’il juge sévèrement. Bien qu’entreprenant des études de Sciences-Po à
Paris en 39, le jeune Lacouture n’est en rien attiré par la politique, même pas dans ses développements les plus dramatiques de l’époque.
La littérature lui semble tellement plus importante. Ce sont naturellement des écrivains qui vont lui ouvrir les yeux : Gide, d’abord,
“messager primordial de la liberté”. Un autre homme — son “contre-poison”, comme il l’appelle — le détourne de la droite radicale qui
domine la culture provinciale et familiale. En 1940, à Paris, il lit en une nuit “Les Grands Cimetières sous la Lune”. Alors que dans la
famille Lacouture on parlait du “Frente crapular”, Georges Bernanos, l’écrivain catholique conservateur est ulcéré par le comportement
des franquistes dans la guerre d’Espagne. “Je suis devenu antifasciste en lisant Bernanos”, dira Lacouture.
Le 18 juin 1940, ses parents entendent l’appel de Londres : ils sont aussitôt gaullistes, “conquis, subjugués et exaltés à la fois” commente
Jean qui persiste dans la posture du bel indifférent. “Tu es malade d’esthétisme”, lui lance son cousin — gaulliste — Louis.
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1944-1945
C’est le refus du STO (Service du Travail Obligatoire) qui va sortir Jean Lacouture de la passivité et du repli sur soi. À l’été 44, de la
clandestinité il va passer au maquis, près de Riberac. Il a en vain tenté de rejoindre celui d’André Malraux. Dans la résistance, Jean
Lacouture fait le coup de feu. De maquisard, il devient soldat et rejoint la 2e DB de Leclerc avec qui il fait la campagne d’Allemagne.
1945-1946
En juillet 1945, le capitaine Georges Buis (futur général et ami très proche de Lacouture) va jouer un rôle essentiel dans la vie de Jean
Lacouture : il le recrute pour le service de presse de Leclerc qui dirige le corps expéditionnaire en Indochine.
Le Vietnam sera l’expérience fondatrice, “la matrice”. Il va y rester quinze mois. “Ces quinze mois d’Indochine, écrit-il, il me faudra
constamment y revenir pour retrouver la source, la clé de mes impulsions, de mes décisions, de mes orientations et de mes dérapages”.
Lacouture découvre un continent, une révolution, un métier. Mais il est aussi touché affectivement par le pays, sa civilisation (“J’ai aimé
Saigon d’amour”) et ses “filles-fleurs”.
“La cause vietnamienne, écrit-il, me semblait plus claire et plus saine que celle pour laquelle nous étions censés combattre”.Conséquence
de cette prise de conscience qui va se transformer rapidement en un engagement en faveur des “droits vietnamiens à l’émancipation
totale” : à côté du journal de l’armée, “Caravelle”, Jean Lacouture lance avec quelques amis “Paris-Saigon” qui milite pour la paix !
Le matin, il fabrique le journal de la guerre, l’après-midi, il rédige le journal pour la paix au vu et au su du général Leclerc… qui ne s’y
oppose pas.
La découverte du système colonial va se traduire par un sérieux coup de barre à gauche pour le soldat-journaliste Lacouture.
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C
’est le temps des rencontres qui vont compter : le journaliste Philippe Devillers qui va devenir un ami très proche ou le grand
spécialiste de la civilisation asiatique, Paul Mus. Mais il découvre aussi, quelque peu fasciné, Giap et Hô Chi Minh. Il assiste
à leur rencontre avec Leclerc et aux tentatives de solutions pacifiques au Vietnam. Fin 1946, la France choisira finalement la
logique de l’affrontement. Jean Lacouture, marqué à vie par l’expérience vietnamienne quitte Saigon en décembre 46 : “ma façon à moi
de manifester mon amour pour le Vietnam, et l’emprise qu’a eue sa beauté, ce fut le refus d’y voir le pays dans la guerre”.
1947-1952
En mars 1947, Georges Buis — encore lui — recrute à nouveau Lacouture,
cette fois pour le service de presse du résident général français au Maroc.
Il a pensé un moment que ce pourrait être Leclerc, ce sera Eirik Labonne,
à la fois poète et économiste, excentrique et libéral, extraordinaire personnage qui s’installe immédiatement dans la galerie de ceux que Jean
Lacouture appelle ses “créanciers”. Mais le Maroc, c’est d’abord pour Jean
Lacouture la rencontre avec Simonne, celle qui va devenir sa femme et sa
collaboratrice — sa “colonne vertébrale” — dira même Jacques Nobécourt,
leur ami du “Monde”.
Simonne travaille à l’ AFP mais elle est aussi responsable du syndicat CGT
des journalistes et collabore au “Petit Marocain”, journal du même syndicat communiste. De plus, elle fréquente les milieux indépendantistes
marocains, autant dire qu’elle est plutôt mal vue par les autorités françaises. Plus à gauche que lui, Simonne va, d’une certaine manière, “structurer” plus précisément les convictions de son compagnon.
Les Lacouture quittent le Maroc en 1949. Le retour à Paris n’est pas facile. Jean entre à “Combat”, un journal, dira-t-il, qui lui “a donné
la certitude que la liberté, ça existe”. Pendant quelques mois Lacouture travaille simultanément pour “Combat” et “Le Monde”␣ : il
passait tous les jours de “la discipline à l’anarchie” et “de la rigueur à la fantaisie”. En quelque sorte, une autre “double vie journalistique” comme il l’avait connue à Saigon mais qui apporte l’essentiel sur le journalisme. Il finira par opter pour “Le Monde” où il devient
“grand reporter”. Pas encore pour très longtemps car se dessine déjà l’appel pour l’Égypte ou “l’envoûtement arabe”.
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1953-1956
L
’installation au Caire, c’est à la fois la découverte du centre du monde arabe et celle d’un homme, Nasser, qui va incarner les
espoirs du tiers monde. Pour la première fois, les Lacouture qui vont assurer des correspondances pour divers journaux, vivent
dans un pays dirigé par les anciens colonisés. Ils tombent sous le charme de l’ Égypte, et dans une certaine mesure, sous celui
de Nasser. Un Nasser qu’ils rencontrent à plusieurs reprises et qui en 1955 revient consacré comme dirigeant des non-alignés de la
conférence de Bandung. Le 26 juillet 1956, Nasser, confronté aux vexations et à l’hostilité occidentale, annonce la nationalisation du
c anal de Suez. Un véritable coup de tonnerre auquel Lacouture assiste, transporté par l’adhésion populaire qui salue la décision de
Nasser. “J’étais de cœur avec eux”, dira-t-il. Comme il sera profondément choqué par l’intervention franco-britannique lancée en
représailles contre l’Égypte. “L’expédition de Suez me met dans un tel état de rage, raconte-t-il, que je me demande encore comment
je n’ai pas adhéré à une organisation révolutionnaire” : le choc a dû être très brutal pour que le “modéré”, le “tiède” Lacouture envisage
cette hypothèse extrême, “une organisation révolutionnaire”. Il n’en fera évidemment rien mais il écrira, pour l’occasion, dans les
colonnes de “L’Observateur” les articles les “plus militants de (sa) vie”. La guerre est là et Lacouture s’en va, comme en 1946 au
Vietnam . Curieux réflexe pour un journaliste mais il avance les mêmes raisons que dix ans auparavant : “je ne pouvais participer
(à un tel événement), fût-ce en voyeur stipendié”.
Une attitude qui éclaire plus que bien des discours la conception que Jean Lacouture se fait du journalisme et… qui illustre une fois
encore son aversion pour l’affrontement.
L’Égypte sera aussi l’occasion de publier un premier ouvrage : “L’Égypte en mouvement” écrit avec Simonne. Une date dans la carrière
de Jean Lacouture.
Mais le séjour de trois ans au Caire n’aura pas été marqué exclusivement par les activités journalistiques. Les Lacouture participent
activement à la vie culturelle locale qui est très intense. Jean Lacouture fréquente assidûment le grand orientaliste Louis Massignon, il
aime le milieu des intellectuels et des écrivains où se mélangent juifs, arabes et chrétiens qu’unit le goût pour la culture française.
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1957-1968
E
n décembre 1957, de retour à Paris, Jean Lacouture prend la direction du service “Outremer” au “Monde”. Il la gardera
jusqu’en 1962. Il va donc exercer cette responsabilité durant toute la période cruciale de la guerre d’Algérie.
“L’ Algérie, écrit-il, constitue une remise en cause de beaucoup de convictions acquises (…) une affaire où les schémas ne s’appliquaient
guère”. À propos de l’Algérie, l’homme qui a été jusque-là un partisan déclaré de la décolonisation, hésite. Comme beaucoup, comme
Mendès ou Mitterrand, il n’est pas loin de penser que l’Algérie, c’est différent. Parce que “L’ Algérie, c’est la France” ? “Je suis resté près
d’un an en perpétuel débat intérieur”, dit-il, avant bien sûr d’être convaincu de l’inéluctabilité et de la nécessité de l’indépendance.
La mesure que lui impose son “poste de commandement” au “Monde” convient donc à la période. Mais la posture-même du commandement, elle, ne convient guère à un Lacouture “peu doué pour être chef ” selon ses propres mots. Il assume sa tâche jusqu’à la fin de
la guerre d’Algérie mais ensuite, il brûle de retourner au grand reportage. Avec toutefois un détour éditorial qui constitue un jalon dans
son évolution intellectuelle et professionnelle.
En 1961, Jean Lacouture crée la collection “L’histoire immédiate” aux éditions du Seuil. C’est aussi l’invention d’un concept et le début
d’une longue aventure collective avec l’éditeur de la rue Jacob. Bousculant quelque peu l’institution historique — qui longtemps ne le
lui pardonnera pas — , Lacouture confie à des auteurs les plus divers — mais toujours à la charnière du journalisme et de l’histoire —
la tâche d’analyser des événements contemporains. Durant deux décennies, sous la houlette de Jean Lacouture (son ami Jean-Claude
Guillebaud lui succédera ensuite), la plupart des grands noms du journalisme mais aussi les intellectuels qui comptent vont y publier
des textes importants (parmi eux René Dumont, André Gorz, Serge Mallet, Eugène Manoni, Gilles Martinet, Tibor Mende, Elie
Wiesel…).
Le Vietnam rattrape Jean Lacouture…aux États-Unis. En 1966, il est invité comme “Research fellow” à Harvard pour mener à bien un
doctorat (et un livre) sur “Quatre hommes et leurs peuples” ou la personnification du pouvoir dans les nouveaux États. Mais il est
happé par la question vietnamienne qui mobilise alors les campus américains.
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L
acouture vient de publier la biographie de Hô Chi Minh (traduite aux États-Unis) : il devient une sorte de porte-drapeau de la lutte
contre la guerre. Conférences, manifestations, émissions de télévision et autres invitations devant les parlementaires américains : le
journaliste se transforme en “semi-militant”. Il est — selon sa propre expression — “survietnamisé” par son séjour américain qui, par
ailleurs, ne manque pas de charme, y compris dans ce genre d’exercice : “Ah, s’exclame-t-il, les questions des étudiantes de Bemington
College…”. L’homme concédera sans difficultés qu’il a, d’une certaine manière, succombé, aux sirènes de la “vedettisation” et qu’il lui
faudra retrouver une certaine distance sur ces questions. Mais la période est incontestablement à la radicalisation personnelle. Lacouture
est passé du “Monde” au “Nouvel Observateur” : ce qui, à l’époque correspond à un journalisme plus engagé. Et Mai 68 n’est pas loin
que le “tiède” Lacouture accueillera avec sympathie même s’il n’en épouse pas la radicalité.
1975
L’heure est à l’auto-critique. Jean Lacouture se pose des questions sur ses “silences engagés” (à propos de l’ Algérie et du Vietnam) ou de
ses erreurs d’analyse ou d’appréciation (à propos du Cambodge). Il se reproche d’avoir été victime de son “éblouissement vietnamien”
en 1945 et d’avoir, d’une certaine manière sous-estimé “le caractère insoluble du stalinisme dans une société plurielle”. Il estime avoir
des comptes à rendre à propos de ses prises de position anti-américaines sur le Vietnam. Il s’en veut (et écrit, d’ailleurs, un livre à ce
sujet) surtout de ne pas avoir “vu” se dessiner le génocide cambodgien. La découverte des massacres organisés systématiquement par les
Khmers rouges, le drame des “boat people” vietnamiens provoquent ce mea-culpa qui frôle, parfois, l’auto-flagellation. L’époque est à
l’anti-tiermondisme et à la dénonciation tous azimuts du marxisme. Jean Lacouture instruit son propre procès et ses adversaires ne vont
pas manquer d’en profiter. Mais il clôt une page de son parcours journalistique par ces mots:“tenter d’écrire l’histoire instantanée
entraîne beaucoup d’erreurs. C’est dans la correction de ces erreurs, dans la révision, que consiste l’exercice responsable de ce métier”.
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1973-1999...
J
ean Lacouture ne va jamais totalement abandonner l’expression journalistique. Il continue — aujourd’hui encore — à apporter sa
collaboration au “Nouvel Observateur”. Mais le tournant de sa carrière se situe en 1973 avec la publication de sa première grande
biographie, celle d’André Malraux. Certes, il y avait déjà eu Hô Chi Minh en 1967, Nasser en 1971, des portraits d’autres dirigeants
du tiers monde, déjà un premier De Gaulle en 1965, mais le biographe s’installe pleinement dans son art avec le Malraux.
On a vu comment Lacouture fonctionne dans l’empathie avec ses personnages, combien ses biographies sont le “fruit d’une élection”.
“Le plus souvent, ajoute-t-il, s’établit entre le biographe et le “biographé” une relation passionnelle. (…) Il importe au biographe, non
de se garder de la passion, qui est consubstantielle à son entreprise, mais d’en être conscient”.
L’inspiration première du biographe remonte aux temps de la jeunesse. En 1942, après avoir fait Sciences Po à Paris, Jean Lacouture
s’est inscrit en Lettres à la faculté de Bordeaux. Là, il choisit pour sujet de diplôme “Chateaubriand et le congrès de Vérone” —“récit
et explication du rôle décisif joué par l’auteur des Martyrs dans le déclenchement et la conduite de l’expédition française en Espagne de
1823”. Et Lacouture d’ajouter : “déjà cette imbrication entre le politique et
l’esthétique qui aura été, en fin de compte, le leitmotiv de presque tous mes
livres”. Malraux, Mauriac : voici le domaine des “politiques de l’art et de la
littérature”. Blum, Mendès, De Gaulle ou Mitterrand : voilà le camp des “artistes de la politique”.
Bien sûr, il y aura des exceptions ou des détours, y compris dans le temps avec
Champollion, les Jésuites ou Montaigne. Consacrer une biographie à Jacques
Rivière (“Une adolescence dans le siècle”), c’est rendre hommage à l’âme bordelaise de la NRF et à la littérature tout court.
Identification, élection, empathie : la biographie est selon les mots-mêmes de
Lacouture “acte d’alliance”. Même s’il reconnaît qu’elle peut être aussi un combat, comme la pratiquait, par exemple, son ami Henri Guillemin.
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ylvie Crossman qui a écrit “la biographie du biographe” 1définit un “angle de vue lacouturien”. “Jean — à la différence des
biographes américains — écrit-elle, ne pratique pas l’auscultation clinique et systématique. Comme le faisait le journaliste, il peut
repousser des témoins si ceux-ci sont d’un bord qu’il condamne : “Pour le de Gaulle, je me suis privé de trois ou quatre sources par refus
de l’inconfort personnel qu’aurait suscité une rencontre avec des gens qui ont fait des choses que je réprouve profondément”.
Outre le fait qu’il privilégie les témoins sur les archives et qu’il bâtit sur le dialogue plutôt que sur la confrontation, c’est évidemment
cette démarche qui inspirera des réserves aux historiens et aux universitaires dont la méfiance est aussi faite de ressentiment et d’envie
devant les succès éditoriaux de Lacouture. Mais au-delà des polémiques sur la reconnaissance académique de l’œuvre lacouturienne, il
ne faut jamais perdre de vue que celle-ci est pétrie de littérature. “La littérature, d’abord… ”: le précepte ne définit pas seulement la
jeunesse du biographe.
S
1
Sylvie Crossman,“Jean Lacouture, la biographie du biographe”, Baland, Biographies, Paris, 1993
CRc
14
ŒUVRES COMPLÈTES DE JEAN LACOUTURE
L’Égypte en mouvement
en collaboration avec Simonne Lacouture
Le Seuil, 1956
Le Maroc à l’épreuve
en collaboration avec Simonne Lacouture
Le Seuil, 1958
La Fin d’une guerre
en collaboration avec Philippe Devillers
Le Seuil, 1960, nouvelle édition 1969
Cinq Hommes et la France
Le Seuil, 1961
Le Poids du tiers monde
en collaboration avec Jean Baumier
Arthaud, 1962
De Gaulle
Le Seuil, coll. “Le temps qui court”, 1965
nouvelle édition,1971
Le Vietnam entre deux paix
Le Seuil, 1965
Hô Chi Minh
Le Seuil, 1967, nouvelle édition, 1976
15
Quatre Hommes et leur peuple,
sur-pouvoir et sous-développement
Le Seuil, 1969
Nasser
le Seuil, 1971
l’Indochine vue de Pékin
(entretien avec le prince Sihanouk)
Le Seuil, 1972
André Malraux, une vie dans le siècle
Le Seuil, prix Aujourd’hui, 1973
coll. “Points Histoire”, 1976
Un Sang d’encre
Stock-Seuil, 1974
Les Émirats mirages
en collaboration avec Gabriel Dardaud et Simonne Lacouture
Le Seuil, 1975
Vietnam, voyage à travers une victoire
en collaboration avec Simonne Lacouture
Le Seuil, 1976
Léon Blum
Le Seuil, 1977
coll. “Points Histoire”, 1979
Survive le peuple cambodgien !
Le Seuil, 1978
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Le rugby, c’est un monde
Le Seuil, coll. “Points Actuels”, 1979
Signes du Taureau
Julliard, 1979
François Mauriac
Le Seuil, Bourse Goncourt de la biographie, 1980
coll. “Points Essais”, 2 vol., 1990
1. Le Sondeur d’abîmes (1885-1933)
2. Un citoyen du siècle (1933-1970)
Julie de Lespinasse
en collaboration avec Marie-Christine d’Aragon
Ramsay, 1980
Pierre Mendès France
Le Seuil, 1981
Le Piéton de Bordeaux
ACE, 1981
En passant par la France
Journal de voyage
en collaboration avec Simonne Lacouture
Le Seuil, 1982
Profils perdus
53 portraits contemporains
A.-M. Métailié, 1983
17
De Gaulle
1. Le Rebelle (1890-1944)
2. Le Politique (1944-1959)
3. Le Souverain (1959-1970)
Le Seuil, 1984, 1985 et 1986
coll. “Points Histoire”, 3 vol., 1990
préface de René Rémond
Algérie : la guerre est finie
Éd. Complexe, Bruxelles, 1985
De Gaulle ou l’éternel défi
en collaboration avec Roland Mehl
Le Seuil, 1988
Champollion
Une vie de lumières
Grasset, 1989
Enquête sur l’auteur
Arléa, 1989
Le Seuil, coll. “Points Actuels”, 1991
Jésuites
1. Les Conquérants
Le Seuil, 1991
2. Les Revenants
Le Seuil, 1992
18
Le Citoyen Mendès France
en collaboration avec Jean Daniel
Le Seuil, coll. “L’histoire immédiate”, 1992
Voyous et gentlemen : une histoire du rugby
Gallimard, coll. “Découvertes”, 1993
Le Désempire
Figures et thèmes de l’anticolonialisme
en collaboration avec Dominique Chagnollaud
Denoël, coll. “Destins croisés”, 1933
Une adolescence du siècle
Jacques Rivière et la NRF
Le Seuil, 1994
Mes héros et nos monstres
Le Seuil, 1995
Montaigne à cheval
Le Seuil, 1996
coll. “Points”, 1998
L’Histoire de France en 100 tableaux
Hazan, 1996
19
Mitterrand. Une histoire de Français
1.Les risques de l’escalade
2. Les vertiges du sommet
Seuil, 1998
Greta Garbo, la dame aux caméras
Liane Levi, 1999
Le témoignage est un combat
Une biographie de Germaine Tillion
Seuil, 2000
Mitterrand, le roman du pouvoir
en collaboration avec Patrick Rotman
Seuil, 2000
CRc
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Jean Lacouture ou la position du biographe
Fiche technique
57mn/couleur Beta digital 4/3 / V.O. français/V.S.T. anglais/2000
Scénario & réalisation :
Hugues Le Paige
Image :
Vincent Fooij
Son :
Thierry Feret
Alexandre Van Derperren
Montage :
Anne De Jaer
Musique originale:
Guy Dusart
Interprétée par :
Guy Dusart (piano)
William Spittael (cor anglais)
Mixage :
Bertrand Leroy
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producteurs associés :
Jacques Laurent (ARTE)
Tiziana Mona (SRG SSR idée suisse)
Andrée Hottelier (TSR)
Ives Swennen (RTBF)
Producteur délégué :
Luc Dardenne
Production :
DÉRIVES
Coproduction
RTBF-Bruxelles ARTE Télévision Suisse Romande
Produit avec l’aide du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Communauté
française de Belgique, des Télédistributeurs Wallons et de la Région Wallonne.
CRc
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Hugues Le Paige
Né le 10 mai 1946 à Bruxelles. Licencié en Journalisme et Communication Sociale à l’ULB (Université Libre de Bruxelles).
1970-1990 journaliste à la RTBF (radio-télévision belge), notamment correspondant à Paris et à Rome.
Depuis 1990 auteur-producteur de documentaires à la RTBF-Bruxelles.
CRc
1. Filmographie
1998 L’OBJECTEUR
Portrait de Jean Van Lierde
59 mn - Production RTBF-Bruxelles (Département Documentaires)
1997 O BELGIO MIO
Aspects de l’immigration/intégration italienne en Belgique
57 mn - Coproduction DERIVES-RTBF-ARTE
1996 LE NON-CONFORMISTE
Portrait de Marcel Liebman (1929-1986)
57 mn - Production RTBF (Département Documentaires)
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1995 FRANÇOIS DE JARNAC
Portrait en surimpressions
Essai sur François Mitterrand et le mitterrandisme
56 mn - Production RTBF-TSR (avec Jean-François Bastin)
1994 18-20, AVENUE DE STALINGRAD
Fragments de mémoire communiste
59 mn - Production RTBF ( Département Documentaire)
1993 CHRONIQUE DE LA PICCOLA RUSSIA
Histoire d’une section du PCI en Toscane
56 mn - Production “TRACES” ( RTBF )
1993 LA MÉTAMORPHOSE DU POUVOIR
Vue de l’Elysée, la chronique d’une alternance
(avec Isabelle Christiaens)
52 mn - Production RTBF - Les productions Dussart - France 2-TSR
1992 LE FRONT DU NORD
Des Belges dans la guerre d’Algérie
52 mn - Production RTBF (Département Documentaire)
1991 FRANÇOIS MITTERRAND - LE POUVOIR DU TEMPS - LE TEMPS DU POUVOIR
(avec Jean-François Bastin et Isabelle Christiaens)
2 x 55 mn - Production RTBF - Philippe Dussart France - TSR-K2
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1991 FRANÇOIS MITTERRAND OU LES FRAGMENTS D’UNE HISTOIRE DE LA GAUCHE
EN FRANCE
6 x 55 mn - Production RTBF
1986 LUMIÈRES SUR L’OUBLI
(avec Isabelle Christiaens)
100 mn - Production RTBF
En préparation
VENISE OU L’INVENTION DU GHETTO
(52 mn tournage prévu 2001)
CHRONIQUE DE LA PICCOLA RUSSIA (II)
(90 mn tournage prévu 2001)
CRc
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2. Ouvrages publiés
1998 “Les Socialistes et le pouvoir” Gouverner pour réformer ?
(direction collectif ) - Éditions LABOR (Bruxelles)
1997 “Une minute de silence”
- crise de l’information, crise de la télévision, crise du service public - Éditions LABOR (Bruxelles)
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1995 “Mitterrand 1965-1995 - La continuité paradoxale”
Éditions de l’Aube (F-La Tour d’Aigues)
1995 “Le désarroi démocratique - L’extrême droite en Belgique”
(direction collectif ) -Éditions LABOR (Bruxelles)
1994 “Questions royales” (collectif )-Editions LABOR (Bruxelles)
1992 “Le Front du Nord” (avec Jean L. Doneux)- Editions POL-HIS
3. Autres activités :
Chronique hebdomadaire à la RTBF-Radio (Matin Première)
Co-directeur de “POLITIQUE”, revue de débats
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Diffusion le jeudi 2 novembre à 21h05 sur La Deux
nouvelle diffusion le dimanche 5 novembre en fin de soirée sur La Une
photos : RTBF et collections particulières
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