Résultats et implications des études ACCORD et ADVANCE
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Résultats et implications des études ACCORD et ADVANCE
Pratique clinique Résultats et implications des études ACCORD et ADVANCE Luigi Gnudi Deux études cliniques ont récemment examiné l’impact d’un contrôle glycémique strict sur les risques cardiovasculaires des personnes atteintes de diabète de type 2 : Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes (ACCORD) et Action in Diabetes and Vascular Disease (ADVANCE). Le but de l’étude ACCORD, qui incluait 10 251 personnes atteintes de diabète de type 2, était de déterminer si un contrôle glycémique intensif (HbA1c inférieure à 6 %), par comparaison avec un contrôle traditionnel (HbA1c entre 7 et 7,9 %), pourrait avoir un impact cardiovasculaire positif chez les personnes atteintes de diabète de type 2 présentant un risque vasculaire élevé. L’étude ADVANCE, qui englobait environ 11 000 personnes atteintes de diabète de type 2 ayant des antécédents cardiovasculaires, avait également pour objectif de déterminer si un contrôle glycémique intensif pouvait améliorer les résultats vasculaires. Dans ce rapport, Luigi Gnudi compare et oppose les méthodologies à la base de ces études, ainsi que les conclusions tirées de celles-ci. L’étude ACCORD1 incluait des personnes atteintes de diabète de et une fonction rénale intacte avec un taux de créatininémie infé- type 2 âgées de 40 à 79 ans ayant des antécédents de maladie rieur à 1,5 mg/dl (132,6 µmol/l). Les personnes souffrant d’une cardiovasculaire, de même que des personnes âgées de 60 à insuffisance cardiaque symptomatique au moment de l’étude et 79 ans sans antécédent de ce type. Des personnes présentant ayant des antécédents de certains autres types d’insuffisance un risque élevé d’événements cardiovasculaires (présence de mi- cardiaque ont été exclues. croalbuminurie ou hypertrophie ventriculaire gauche, par exemple) ont également été sélectionnées. Les critères d’inclusion étaient : L’étude ACCORD a surtout permis de découvrir que les personnes une HbA1c supérieure à 7,5 %, un traitement stable du diabète atteintes de diabète de type 2 suivant le traitement hypoglycémiant Mars 2009 | Volume 54 | Numéro 1 29 30 Pratique clinique Un bon contrôle glycémique est essentiel chez les personnes atteintes de diabète de type 2 présentant un risque cardiovasculaire élevé. intensif avaient plus de risques de décéder d’une maladie cardio- que les décès d’origine vasculaire, les infarctus du myocarde vasculaire (3 décès de plus pour 1000 participants chaque année) ou les accidents cérébrovasculaires non fatals et les événements que celles recevant le traitement conventionnel. microvasculaires graves (apparition ou aggravation d’une néphropathie ou d’une rétinopathie) chez les personnes atteintes de Dans cette étude, les taux de mortalité observés tant pour le diabète de type 2. traitement conventionnel que l’intensif étaient inférieurs à ceux constatés dans d’autres études portant sur des populations simi- L’étude ADVANCE n’a pas entraîné la hausse de mortalité laires. Il est principalement apparu que, bien que les événements constatée dans le cas du contrôle glycémique intensif de l’étude cardiovasculaires non fatals soient moins nombreux avec le ACCORD. Mais, malgré ce constat rassurant, elle n’a pas non traitement intensif, lorsqu’un événement se produisait, il avait de plus mis en évidence d’améliorations significatives des maladies grandes chances d’être fatal. macrovasculaires – certains effets bénéfiques ont effectivement été constatés dans le cas de l’insuffisance rénale due au diabète, Au vu de ces résultats imprévus, l’étude secondaire d’ACCORD mais pas pour la rétinopathie. sur la diminution de la glycémie a été arrêtée 18 mois avant la date prévue et tous les participants à l’étude sont passés au Mais à la différence de l’étude ACCORD, aucun effet négatif n’a traitement traditionnel. été constaté dans l’étude ADVANCE. Les traitements hypoglycémiants intensifs des études ADVANCE et ACCORD ont donné des L’étude ADVANCE a étudié 11 140 personnes atteintes de diabète résultats similaires. Par contre, le traitement standard de l’étude de type 2 ayant des antécédents de maladie cardiovasculaire et ADVANCE a permis d’atteindre un taux de HbA1c de 7,3 % – 2 répartis aléatoirement entre le traitement hypoglycémiant intensif (HbA1c égal ou inférieur à 6,5 %) et le traitement standard (HbA1c légèrement en deçà des 7,5 % de l’étude ACCORD. de 7 %). Ici aussi, le but était de déterminer si un contrôle gly- Malgré les taux glycémiques similaires atteints dans les deux cémique intensif pouvait améliorer les résultats vasculaires, tels études, les résultats discordants soulèvent plus de questions qu’ils Mars 2009 | Volume 54 | Numéro 1 Pratique clinique n’offrent de réponses. On pourrait tout d’abord s’interroger sur la fiabilité d’une comparaison de deux études similaires qui donnent Ainsi que précisé ci-dessus, l’étude ADVANCE visait un taux d’HbA1c de 6,5 % contre moins de 6,0 % pour l’étude ACCORD – même des résultats visiblement contradictoires. De même, on pourrait se si l’objectif atteint s’est avéré légèrement supérieur (6,4 %). Il est demander quel message elles envoient aux prestataires de soins important de garder à l’esprit qu’au début de ces deux études, qui traitent des personnes atteintes de diabète de type 2. le contrôle glycémique des personnes enrôlées était relativement Je pense qu’il est important de souligner certaines différences entre mauvais, avec un taux d’HbA1c d’environ 8,3 % pour l’étude ACCORD et de 7,5 % pour l’étude ADVANCE. ces deux études : l’étude ACCORD autorisait le médecin participant à traiter les personnes atteintes de diabète avec n’importe quel Avant de poursuivre plus avant l’analyse des résultats de ces traitement en vue d’atteindre l’objectif glycémique. Dans l’étude études et de leurs messages potentiels, revenons sur quelques ADVANCE, par contre, tous les sujets du groupe intensif ont débuté leçons tirées du passé. Deux autres études de grande envergure, leur traitement par une dose de gliclazide à libération retardée l’UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) et STENO-2, peuvent une fois par jour. De nombreux sujets de l’étude ADVANCE ne nous aider à comprendre le rôle du contrôle métabolique dans les parvenant cependant pas à atteindre l’objectif glycémique fixé, complications macro- et microvasculaires. Dans l’étude UKPDS, plusieurs traitements ont finalement été utilisés – à l’instar de le risque conjugué de complications macro- et microvasculaires l’étude ACCORD. chroniques dues au diabète s’est avéré inférieur chez les personnes soumise à un contrôle glycémique plus strict, toute réduction Un tiers des personnes des deux études avaient des antécédents de du taux d’HbA1c se traduisant par une diminution du risque (le maladie cardiovasculaire. Les personnes de l’étude ADVANCE étaient niveau de risque le plus bas étant constaté chez les personnes toutefois légèrement plus âgées (66 ans contre 62 ans dans l’étude ayant un taux d’HbA1c dans la fourchette normale, c’est-à-dire ACCORD). En outre, la durée du diabète était plus courte dans l’étude inférieur à 6,0 %).3 ADVANCE (8 ans contre 10 ans dans l’étude ACCORD). À l’instar de l’étude UKPDS, une autre étude, STENO-2,4 s’est penchée sur l’impact d’une intervention multifactorielle intensive “ (incluant un contrôle de la glycémie, de la pression artérielle et Aucune augmentation de la mortalité n’a été constatée dans le cadre de l’étude ADVANCE, mais il n’y a pas eu non plus d’amélioration significative des maladies macrovasculaires. ” des lipides) chez des personnes atteintes de diabète de type 2. La durée de suivi moyenne de cette étude était de 7,8 ans et la diminution des taux d’HbA1c, de pression artérielle systolique et diastolique, de lipides et d’excrétion d’albumine dans l’urine s’est avérée plus importante dans le groupe suivant le traitement intensif que dans le groupe soumis au traitement traditionnel. Les personnes atteintes de diabète de type 2 recevant le traitement intensif présentaient un risque beaucoup plus faible (autour de 50 %) de complications micro- et macrovasculaires. Il est intéressant de rappeler que, dans cette étude, seul un faible pourcentage des participants (moins de 20 %) suivant le traitement intensif est parvenu à atteindre les taux d’HbA1c cibles (en dessous de 6,5 %), contre 60 % à 70 % environ pour les taux lipidiques et de pression artérielle visés. Dans ce groupe, les bénéfices en termes de risque de maladie cardiovasculaire sont restés significatifs lors des suivis à court (7,8 ans) et long terme (13 ans) – même si les taux d’HbA1c moyens évalués par la suite s’étaient rapprochés et se situaient autour des 8 % pour les deux types de traitement.4,5 Mars 2009 | Volume 54 | Numéro 1 31 32 Pratique clinique Cela signifie-t-il que le contrôle glycémique est moins important il existe une «mémoire métabolique» : des années de contrôle que le contrôle de la pression artérielle et des lipides ? Cette ques- glycémique adéquat ou inapproprié peuvent faire la différence tion a été récemment examinée dans le cadre d’une autre étude en termes de risque cardiovasculaire. portant sur l’évaluation de suivi de personnes ayant participé à l’UKPDS 10 ans plus tard.6 Tout comme dans le suivi de l’étude Chez les personnes atteintes de diabète de type 2 présentant un STENO-2, les taux d’HbA1c moyens des groupes de personnes risque cardiovasculaire élevé, un contrôle glycémique approprié est suivant le traitement intensif et traditionnel avaient convergé aux essentiel et les taux doivent être fixés en fonction de l’état général alentours de 8 % un an après la fin de l’étude. Mais malgré de la personne et du risque éventuel d’événements hypoglycémi- l’estompement rapide des différences de taux de glycémie, les ques. Des interventions multifactorielles sont également essentielles chercheurs ont continué de constater une diminution significative pour une prise en charge moderne des personnes atteintes de des complications micro- et macrovasculaires 10 ans après la fin diabète et sont bénéfiques pour la prévention des maladies car- de l’étude UKPDS. diovasculaires chroniques. Nous devons faire le maximum pour intervenir de manière précoce et agressive et parvenir ainsi à un “ Le contrôle glycémique des personnes des contrôle strict de la glycémie. Ce sont les comorbidités qui nous études ADVANCE et ACCORD était médiocre dicteront quand un contrôle strict de la glycémie est susceptible à la base, ce qui pourrait expliquer l’absence de menacer la vie d’une personne. d’effets bénéfiques dans ces deux études. ” Une bonne «mémoire métabolique» est par conséquent essentielle pour la prévention des complications vasculaires chroniques du diabète. À cet égard, il est important de rappeler que le contrôle glycémique des personnes enrôlées dans les études ADVANCE et ACCORD était médiocre au départ, et était probablement demeuré à un niveau non optimal un certain temps avant leur participation à l’étude, ce qui pourrait en partie expliquer l’absence d’effets Luigi Gnudi Luigi Gnudi est directeur de thèse en diabète et médecine métabolique et consultant en diabète et en endocrinologie au sein de l’unité de médecine métabolique – division cardiovasculaire du King’s College London, au Royaume-Uni. bénéfiques du traitement intensif de ces deux études. Les professionnels de la santé doivent-ils exiger un contrôle strict de la glycémie et à quel moment une intervention est-elle essentielle ? Je pense que les études ADVANCE et ACCORD doivent Références 1 Gerstein HC, Miller ME, Byington RP, et al. Effects of intensive glucose lowering in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008; 358: 2545-59. 2 P atel A, MacMahon S, Chalmers J, et al. Intensive blood glucose control and vascular outcomes in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med 2008; 358: 2560-72. 3 Stratton IM, Adler AI, Neil HA, et al. Association of glycaemia with macrovascular and microvascular complications of type 2 diabetes (UKPDS 35): prospective observational study. BMJ 2000; 321: 405-12. 4 Gaede P, Vedel P, Larsen N, et al. Multifactorial intervention and cardiovascular disease in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med 2003; 348: 383-93. 5 Gaede P, Lund-Andersen H, Parving HH, Pedersen O. Effect of a multifactorial intervention on mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008; 358: 580-91. 6 H olman RR, Paul SK, Bethel MA, et al. 10-year follow-up of intensive glucose control in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008; 359: 1577-89. être interprétées avec prudence et que nous devons éviter de généraliser le message selon lequel un contrôle strict ne présente aucun avantage pour les maladies cardiovasculaires. Ces études nous ont permis d’apprendre que, dans une population composée de personnes atteintes d’un diabète de longue durée et présentant des antécédents de maladies cardiovasculaires, un contrôle trop strict de la glycémie peut s’avérer néfaste – peut-être à cause de l’augmentation des événements hypoglycémique graves qui en résulte. Il est par conséquent primordial de personnaliser le traitement et les objectifs fixés à chaque personne en fonction des autres conditions affectant son état de santé. Certaines données montrent clairement l’importance d’un contrôle glycémique strict en vue de prévenir et de retarder la progression de complications vasculaires chroniques du diabète. En outre, Mars 2009 | Volume 54 | Numéro 1