La lettre du Conservatoire Larzac Templier et Hospitalier n°7

Transcription

La lettre du Conservatoire Larzac Templier et Hospitalier n°7
CONSERVATOIRE
LARZAC
TEMPLIER
et HOSPITALIER
PROGRAMME DES RENCONTRES
du CONSERVATOIRE LARZAC
TEMPLIER ET HOSPITALIER 2001
ettre aux
habitants des
cantons de
Nant et Cornus
Diaporama et débats présentés et animés
par Jacques Miquel
mercredi 17 janvier 2001 à 20 H 30
à Sainte-Eulalie de Cernon
(Salle d’honneur de la Commanderie)
« Les états latins : Israël, Syrie, Jordanie, Liban »
mercredi 21 février 2001 à 20 H 30 au
Viala du Pas de Jaux
(Salle du rez de chaussée de la Tour)
« Rhodes : les chevaliers de Saint-Jean face aux Turcs »
mercredi 21 mars 2001 à 20 H 30 à
Saint-Jean d’Alcas
(Foyer rural)
« Malte : ultime bastion des chevaliers de Malte »
Diaporama des « Amis de la Muze »
mercredi 18 avril 2001 à 20 H 30 à
La Couvertoirade
(Salle des fêtes)
« 2000 ans de mystères au pays des 1000 dolmens »
Recevez nos MeilleursVoeux
et nos Souhaits Sincères
pour 2001
X
s
La Lettre n° 7 du
Partenaires du Colloque
CONSERVATOIRE LARZAC
TEMPLIER et HOSPITALIER
Décembre 2000
Place Bion Marlavagne
12100 MILLAU
Tél. : 05 65 59 12 22
Fax : 05 65 60 63 24
Label An 2000
Aveyron
Programme
Leader II
Rédaction :
D. Lapeyre, J. Miquel
Impression :
Imprimerie des Chênes Verts
Photothèque : CLTH
Conseil de
l’Europe
Ce document a été édité avec le soutien du
Conseil Général de l’Aveyron.
Conseil Général
Aveyron
Région MidiPyrénées
Cette lettre va pour une fois, déroger à sa formule
traditionnelle puisqu’elle va être entièrement consacrée à ce
qui a été pour nous l’événement majeur de l’an 2000 : le
Colloque de Sainte-Eulalie de Cernon, consacré du 13 au 15
octobre au thème de la « Commanderie : institution des
ordres militaires en Occident ».
Ce colloque a été pour le Conservatoire et pour le Conseil
Scientifique qui travaillent à asseoir historiquement le
programme Larzac Templier et Hospitalier un moment
privilégié au cours duquel les résultats des travaux menés à
ce jour par les spécialistes ont été présentés publiquement.
Cette manifestation a aussi permis de révéler la richesse
historique de ce territoire hors du commun à bon nombre de
personnalités venues spécialement là pour apporter leur
pierre à l’édifice de la connaissance patiemment construit par
le Conseil Scientifique depuis de nombreuses années.
Grâce au concours de tous et à la magie des lieux, rehaussée
par les restaurations récentes, ces journées de travail ont été
un succès tant du point de vue scientifique que culturel car
chacun a pu y trouver son compte à quelque niveau que se
soit faite sa participation.
C’est avec plaisir que je rappelle la présence de la délégation
du Portugal et de la ville de Tomar, la venue de son Maire,
Monsieur Paiva, qui sera chargé de l’organisation du
prochain colloque, dans le cadre du somptueux « Couvent du
Christ » en qualité de partenaire d’un programme Européen
transnational qui nous ouvre de grandes perspectives de
coopération.
Il me faut aussi souligner que le Conseil de l’Europe a inscrit
ce colloque dans sa campagne « un Patrimoine commun » car
le thème des ordres militaires est un lien fédérateur pour tous
les pays européens, comme ont su le démontrer les
intervenants venus d’Angleterre d’Espagne,
d’Allemagne et d’ailleurs…
L’Aveyron, pour sa part, a donné son label « An
2000 » au Colloque car cette manifestation était un
signe fort de la vitalité du Larzac Templier et
Hospitalier et de la place qu’il occupe dans le
monde scientifique et culturel à la veille de la
réalisation du Centre d’Interprétation.
Les participants ne s’y sont pas trompés puisqu’ils
ont été nombreux à s’inscrire venant de France, de
Suisse, de Belgique, d’Espagne… Ils ont tous été
très heureux de pouvoir partager une passion
commune avec des hommes de l’art, que se soit
autour d’une table dressée dans ce qui fut jadis le
dortoir des moines au cœur de la commanderie, ou
dans la salle d’honneur à écouter et interroger les
intervenants.
Nous espérons que les lignes qui vont suivre
sauront vous faire revivre ou vous procurer le
même plaisir que celui que nous avons eu à
recevoir sur le Larzac nos amis chercheurs qui
nous ont donné en échange de nouvelles clés pour
ouvrir notre patrimoine et mieux connaître notre
histoire.
Au début de ce nouveau millénaire, nous voulons
réaffirmer notre confiance dans l’avenir du Larzac
Templier et Hospitalier qui saura se montrer à la
hauteur de son passé riche et puissant, parce
qu’ensemble nous lui donnerons au cœur de
l’Europe la place emblématique qui lui revient.
@
Le Président
Premier Colloque International
du Conservatoire Larzac
Templier et Hospitalier
“La Commanderie institution des
instruments agraires … Ce matériel nous renseigne
indirectement sur la part que les Templiers accordaient aux
activités agricoles et pastorales, et sur la répartition de celles-ci
entre le Causse du Larzac et les vallées du Cernon et du Tarn
(Millau). Ainsi, la production de fromages invite à porter ses
regards jusqu’au lieu vraisemblable de leur affinage : Roquefort.
Arlette Higounet-Nadal suggérait à propos du riche vocabulaire
occitan ou latin :« Les philologues pourront y trouver matière
… ». C’est justement l’objet de cette communication : identifier
le plus précisément possible les mots et leur sens, reconnaître
l’ensemble du mobilier de la commanderie, le visualiser et
essayer de mieux comprendre l’organisation économique des
ordres militaires dans
l’Occident médiéval”
Le Colloque a été ouvert par le Président
du Conseil Général, Jean Puech, qui a pris la
parole pour retracer le programme du Projet du
Larzac Templier et Hospitalier et ouvrir les
perspectives d’avenir après les mots de
bienvenue prononcés par Monsieur Jean Geniez,
Conseiller Général et Maire de Sainte Eulalie de
Cernon accueillant tous ses hôtes.
Le Professeur Pressouyre a ensuite donné la
parole à ses collègues pour le début des travaux
auxquels deux jours et demi étaient consacrés.
I – Historique de l’institution et typologie des
Commanderies
Jonathan RILEY-SMITH
Professeur, Université de Cambridge, Grande-Bretagne
Les origines de la commanderie dans l’Ordre du Temple et de
l’Hôpital.
Les communautés locales, dans lesquelles la vie
religieuse était suivie et la gestion assurée pour les ordres
concernés, furent établies par les Hospitaliers à partir de 11081109 et par les Templiers à partir de 1132. Certaines d’entre
elles, en plus, firent éclore rapidement des unités dépendantes
excentrées qui répondaient souvent aux vœux des nobles locaux
souhaitant bénéficier de l’intercession des prières grâce à de
petites fondations. Ce qui était original, c’était la subordination
des communautés locales aux autorités provinciales qui ellesmêmes obéissaient à des gouvernements centraux à Jérusalem.
C’était cet intermédiaire des provinces qui rendait les ordres
militaires uniques jusqu’à ce qu’ils soient imités par les
Prémontrés et l’Ordre de Cluny plus tard dans le XIIe.
La première étape de la création d’une structure
provinciale avait été réalisée par les Hospitaliers à l’époque où
les Templiers furent fondés et tout porte à croire que ces derniers
imitèrent les premiers, tout en l’adaptant à leur propre situation.
Les deux ordres commencèrent à créer un schéma plus cohérent
de gouvernement provincial dans les années 1140 et les
Templiers commencèrent à tester de plus petites provinces dans
les années 1150. Les communautés locales étaient désormais
identifiables comme des commanderies.
Les ordres militaires avaient ainsi développé une
nouvelle forme de gouvernement institutionnel religieux qui
constituait sans doute une réponse adaptée aux exigences d’une
situation particulière qui les obligeait à diriger et à exploiter des
dons éparpillés dans toute l’Europe occidentale, à plus de 3000
km de distance de leur champ d’action.
2
Réponse d’un intervenant aux questions de l’assistance.
Templiers sur le Larzac.
Jacques MIQUEL
Historien, Conservatoire Larzac, Millau, France
Les fortifications du Larzac à l’époque de la guerre de Cent ans
et des guerres de religion.
Pendant la guerre de Cent Ans, le commandeur
Bernard d’Arpajon, grand-prieur de Saint-Gilles, va procéder à
la fortification systématique et méthodique de la commanderie
avec ses membres les plus importants, de 1430 à 1445 environ :
tour refuge au Viala, enceintes à Sainte-Eulalie, La Cavalerie et
La Couvertoirade. Il nous reste la quasi intégralité de ces
enceintes avec leurs murailles de 8 à 12 mètres de hauteur, leurs
tours d’angles circulaires voûtées, leurs deux portes abritées
pour la plupart sous des tours carrées saillantes.
Les guerres de religion vont en trois vagues successives
(de 1561 à 1629) ruiner la plupart des membres isolés de la
commanderie (Lamayou, Le Luc, La Vialette) et fortement
ébranler les autres. Des ouvrages défensifs en maçonnerie mais
aussi souvent en bois, appelés ravelins, sont construits en avant
des portes qui sont maintenant précédées de pont-levis. Des
enceintes basses appelées « fausses brayes » et flanquées de
petites tours rondes sont construites en avant des murailles du
XVe , sur trois côtés à la commanderie de Sainte-Eulalie, sur la
totalité du front Est des murailles de La Cavalerie et autour de la
tour du Viala. Des troupes sont soldées par le commandeur pour
protéger la commanderie. Une milice est constituée sur les
autres sites par les habitants avec à leur tête un capitaine,
souvent homme du lieu, pour les diriger et un armement est
spécialement acheté.
Les actes du Colloque
seront publiés en 2001.
Renseignements au : 05.65.59.12.22
15
Jean-Claude BONNIN
Conseiller Scientifique, La Rochelle, France
Les Templiers et la mer, l’exemple de La Rochelle.
Aux XIIe-XIIIe, la présence franque ne peut se maintenir
en Terre Sainte sans le soutien de l’Europe. Renforts,
approvisionnements et argent doivent être acheminés
rapidement. Contraints d’assumer au quotidien des missions qui
exigent beaucoup d’organisation, les Templiers empruntent la
voie maritime pour une liaison plus efficace entre les états
d’Occident et les royaumes chrétiens du Proche-Orient. La
possession de leurs propres navires leur assure indépendance et
disponibilité. Leurs transports maritimes, notamment celui des
pèlerins, gagnent en sécurité. Militaires, les Templiers
investissent également dans des vaisseaux plus spécifiques, telles
les galères.
Leurs unités navales sont peu mentionnées dans les
documents et la notion de « flotte » n’apparaît pas dans
l’organisation officielle de l’Ordre. Pourtant, les vaisseaux du
Temple sont présents sur toutes les routes maritimes d’Orient et
d’Occident. Leur participation aux batailles navales des
croisades ne fait aucun doute.
Dès les années 1130-1140, les Templiers reçoivent des
domaines sur la côte Ouest de la France et ils y implantent des
maisons de leur Ordre. Parmi les villes côtières où ils sont
présents, La Rochelle leur offre rapidement les meilleures
conditions géographiques, politiques et fiscales pour répondre à
leurs besoins en matière de transit maritime atlantique.
D’abord modeste village de pêcheurs, La Rochelle est
devenue ville portuaire que le duc d’Aquitaine tente de
promouvoir à l’aide de privilèges et d’exemptions fiscales. En
1139, les Templiers possèdent déjà près du port un enclos, des
moulins et des maisons. Aliénor d’Aquitaine, fille et héritière du
duc, leur accorde des franchises pour ces biens et pour le trafic
de leurs marchandises dans tous ses états, soit par terre, soit par
eau.
Au cours du XII e, la monoculture de la vigne se
généralise dans les environs. Les Templiers rochelais deviennent
ainsi propriétaires de plusieurs « treuils » (exploitations viticoles).
C’est précisément le transport du vin qui nous renseigne sur leurs
activités maritimes au cours du XIIIe .
Héritiers des Templiers, les Hospitaliers convertiront la
maison du Temple de La Rochelle en simple commanderie de
ville, à l’instar de celle de Saint-Jean du Pérot qu’ils possèdent
déjà dans la cité. Les vastes greniers et celliers de l’enclos des
Templiers ayant servi au stockage des approvisionnements seront
arrentés à des particuliers et les vins de la commanderie seront
commercialisés sur place.
V – Une Commanderie rurale : la commanderie
de Sainte-Eulalie
Jean DELMAS
Directeur, Archives départementales, Rodez, France
L’inventaire des biens de la commanderie de Sainte-Eulalie du
Larzac en 1308.
L’inventaire des biens de la commanderie du Temple
de Sainte-Eulalie du Larzac et de ses dépendances du Frayssinel,
de Gals, de La Cavalerie, de La Salvage et de Millau, a été
rédigé le 27 janvier 1308 peu de temps après l’exécution, en
octobre 1307, de la décision de Philippe le Bel d’arrêter les
Templiers et de saisir tous leurs biens. Ce document a été publié
par Arlette Higounet-Nadal (Annales du Midi, 1956, p. 255262). L’acte donne l’état des divers bâtiments et de leur
mobilier, soit de deux églises, à Sainte-Eulalie et à La Cavalerie,
d’une commanderie avec le matériel de couchage et
l’armement, de six domaines agricoles, dont l’outillage est
énuméré, tantôt dans cette langue d’Oc qui était
particulièrement à l’honneur à Sainte-Eulalie, tantôt dans un
latin, qui n’était souvent que la latinisation de la langue
vulgaire : mobilier, ustensiles de cuisine, outils de petit artisanat,
14
Jean-Marie CARBASSE
Professeur, Université Paris II, France
Les commanderies : aspects juridiques et institutionnels.
Les grandes compilations de droit canonique rédigées
au XIIe et XIIIe (Décret de Gratien et Décrétales de Grégoire IX)
ne comportent aucune disposition spécifique consacrée aux
commanderies des Ordres militaires. Du point de vue
canonique, les commanderies sont donc des « maisons
religieuses » comme les autres. Si les commanderies en tant que
telles ne présentent ainsi aucune spécificité juridique, il faut s’en
tenir à une définition beaucoup plus concrète, de nature
essentiellement patrimoniale : un ensemble de bâtiments,
éventuellement fortifiés, avec les terres attenantes destinées à
assurer la subsistance des frères. Pourtant, si la commanderie se
présente d’abord comme un patrimoine, elle est aussi titulaire
des droits de nature seigneuriale. Ces droits, assis sur le domaine
foncier, ont été donnés aux Templiers ou aux chevaliers de
Saint-Jean en même temps que les terres ; dans certains cas, ils
ont été ajoutés ultérieurement : redevances en nature, droits
d’usage, droits de justice plus ou moins étendus (basse ou haute
justice). Les commanderies apparaissent ainsi comme des
seigneuries parmi d’autres, insérées dans un réseau complexe de
relations de pouvoir. Seigneuries ecclésiastiques d’un genre
particulier, appartenant à des ensembles « internationaux » à
vocation militaire, ou simples maisons religieuses semblables à
celles des autres « ordres » religieux ? Le statut de la
commanderie templière ou hospitalière, de nature hybride, ne
fait au fond que refléter la nature institutionnelle très originale
des grands ordres militaires dont elles constituent les « cellules »
de base.
Ouverture du Colloque, table de la Présidence
Jean-Marc ROGER
Directeur des Archives de la Vienne, France
Les différents types de commanderies du prieuré de Champagne
au XV e.
Le prieuré de Champagne, pris comme exemple,
montre qu’il y avait au sein de l’ordre de l’Hôpital de Saint-Jean
de Jérusalem plusieurs types de commanderies. Ces critères de
distinction étaient institutionnels et fonctionnels.
Il y avait en chaque prieuré une chambre magistrale,le
prieur jouissait de quatre chambres priorales. A partir de la fin
du XVe, les commanderies étaient réparties entre celles réservées
aux chevaliers et celles qui l’étaient aux chapelains et sergents.
Elles étaient d’importance de revenus très inégaux. En
principe chaque commanderie devait assurer des ressources
permettant à un Hospitalier de vivre de façon décente. Mais ces
besoins étaient évalués de façon très différente pour un chevalier
d’une part, un chapelain ou sergent de l’autre. Surtout, un
principe essentiel dans la Religion était celui de
l’améliorissement : quand un commandeur, d’abord pourvu
d’une commanderie de chevissement, avait améliori sa
commanderie – accru son revenu net par ses initiatives et
travaux, la mise en valeur du sol, la rénovation des terriers, les
démarches pour recouvrer des droits usurpés par autrui ou
tombés en désuétude – il pouvait prétendre à une commanderie
d’améliorissement, c’est-à-dire d’un meilleur revenu.
Au-delà de ces différences de type institutionnel, les
3
commanderies présentaient des différences de fonctions. La
plupart étaient rurales : leur chef était sis à la campagne, leurs
revenus de type rural, le mode de vie du commandeur aussi.
Quelques-unes peuvent, par contraste, être qualifiées
d’urbaines : elles avaient leurs sièges en ville et jouissaient de
revenus urbains comme ruraux. Certaines encore, comme la
commanderie de la Madeleine de Dijon, avaient un statut
particulier : elles servaient, en quelque sorte, de « maison de
retraite » aux frères chapelains âgés.
maisons et l’identification des dignitaires. Il est probable que les
dignitaires des couvents ne participaient pas directement à cette
activité particulière des lieux d’authentification. Mais la nécessité
d’avoir des personnes compétentes dans les dialectes et les
législations traditionnelles locales impliquait la présence de
personnel Hongrois. Il semble que le travail des scriptoria
(copistes) du couvent correspondait entièrement à celui des
autres lieux d’authentification à tel point qu’il n’assimilait pas les
éléments étrangers mais adoptait les critères plus ou moins
évolués du système institutionnel Hongrois.
Luis GARCIA-GUIJARRO RAMOS
Professeur, Université de Huesca, Espagne
Typologie de la commanderie de l’Ordre de Montesa.
On considère en général les commanderies comme
l’unité de base des ordres qui ont des responsabilités
économiques. Mais si on limite les fonctions des commanderies
en Occident à la collecte des ressources nécessaires à leur
fonctionnement et au-delà à celui de l’ordre tout entier, on
simplifie à l’extrême leur fonction. Elles ont sûrement servi de
lieux de formation pour les nouvelles recrues, de lieux de
développement de la vie spirituelle des membres, de promotion
des objectifs religieux de l’Eglise. Les confratres et les donats
montrent bien l’importance que les différents groupes sociaux
accordaient à ces noyaux. Il faut donc reconsidérer l’institution
des commanderies et les placer au cœur de l’étude.
C’est ce que nous avons fait pour notre étude.
L’abolition de l’Ordre du Temple en 1312 a ouvert la voie à de
nouveaux ordres dans plusieurs royaumes, au Portugal et à
Valence. En 1317 le pape Jean XXII décréta la fondation de
l’Ordre de Montesa sur ce territoire. Deux ans après l’Ordre était
réellement constitué et prit possession des biens du Temple et de
l’Hôpital pour les administrer. Ce processus peut être suivi
presque jour après jour grâce à des sources extrêmement
complètes qui sont conservées dans la section des Ordres
Militaires aux Archives Historiques Nationales de Madrid et
appartenant aux années 1310 et au tout début de la période de
Montesa.
Ces preuves très riches donnent une bonne idée de la
prise en main des anciennes commanderies par un ordre
nouveau et nous permettent de comprendre la signification de
ces institutions dans la période de transition, ainsi que leur
utilisation par les premiers dignitaires de Montesa.
II – Le personnel des Commanderies
Michel MIGUET
Docteur en Archéologie, Paris I, France
Le personnel des commanderies du Temple et de l’Hôpital en
Normandie
C’est à travers le cadre géographique d’une province, la
Normandie, et le cadre temporel des XIVe et XVe qu’on étudiera
le peuplement des établissements du Temple et de l’Hôpital. Les
prévôts, les sergents et les domestiques à des titres divers, se
trouvent en nombre distinct en ces lieux.
Parmi les sources, rares et fragmentaires, deux seront
privilégiées : d’une part, les diverses pièces qui, de près ou de
loin, ont trait à la suppression de l’Ordre du Temple, inventaires,
interrogatoires, rapports divers et d’autre part, les enquêtes dont
l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem a fait l’objet en 1373.
Les premiers de ces documents montrent des
établissements du Temple dirigés par un petit nombre de frères
(trois par maison environ, essentiellement des sergents secondés
par une domesticité pléthorique) ; les seconds, des Hospitaliers
très âgés, moins nombreux encore, parmi lesquels beaucoup de
prêtres et presque aucun chevalier. Ces effectifs « squelettiques »
entraînent pour chaque frère des charges plus lourdes. Il n’est
pas rare de trouver un même Hospitalier commandeur de
plusieurs maisons, trois ou quatre parfois. Dans ces conditions,
4
Vue de l’assistance
Karl BORCHARDT
Professeur, Université de Würzburg, Allemagne
Les commanderies urbaines en Allemagne.
Définitions et statistiques : la commanderie était
visiblement l’unité de base de la vie des Hospitaliers, de l’Ordre
des Templiers et des Teutoniques en Allemagne, même si toutes
les possessions et établissements de ces trois ordres religieuxmilitaires n’étaient pas des commanderies. La commanderie était
cependant régie par ses règles, ses droits et ses obligations
définis au sein de la règle de l’ordre. L’importance des villes
pour les trois ordres est soulignée par le fort pourcentage de
commanderies urbaines par rapport aux commanderies rurales et
par la création précoce de bon nombre de ces commanderies
urbaines.
Relations des Commanderies aux Villes : une approche
systématique : Pour comprendre les commanderies urbaines, il
faut faire une étude systématique de leur implantation. Dans
certains cas, les ordres religieux-militaires avaient seulement des
maisons et des chapelles dans les villes. Dans d’autres cas, ils
avaient des possessions urbaines, un hôpital, une église
paroissiale et/ou un château. Il y a même quelques exemples où
l’Ordre était le maître séculier de la ville. Contrairement aux
statuts juridiques, les relations sociales et économiques entre les
commanderies urbaines et les villes sont plus difficiles à évaluer.
Il en est de même pour les revenus et les dépenses des
commanderies urbaines, parce que seulement quelques livres de
comptes nous sont parvenus.
Tendances générales et cas particuliers : les villes
parvinrent à accroître leur influence sur les commanderies
urbaines. On pouvait léguer un bien en fixant certaines
obligations, et la ville pouvait se réserver le droit d’attribuer ce
bien à une autre maison religieuse, si la commanderie ne suivait
pas les instructions des donateurs. De plus, le conseil des villes
pouvait nommer un intendant de l’église (Kirchenpfleger) afin de
surveiller la gestion de la commanderie ou au moins de certaines
de ses composantes et d’influencer la nomination du
commandeur et l’admission de frères dans les commanderies
urbaines.
Il se peut que les ordres religieux-militaires aient été
fondés pour soutenir l’action des chevaliers se battant contre les
infidèles, au cours des XIIe et XIIIe. Même si leurs objectifs ont
changé au cours du XVI e leur implication urbaine n’est ni
négligeable ni en quantité ni en qualité.
13
l’impact de la guerre de Cent ans sur les biens de l’Ordre, dans
une région qui fut, au XIVe, régulièrement en zone des hostilités.
Dans le plat pays en Aunis les revenus ne sont plus souvent que
du tiers ou du quart, voire moins encore. Dès que l’on s’écarte
des lieux proches de centres fortifiés, on trouve vignes
abandonnées, terres revenues au désert ou envahies par les
arbres. Au sud de la Charente, les moulins sont détruits, les
vignes à l’abandon, les maisons en ruines, et les revenus ont
généralement chuté de 85 à 90 %.
La conclusion de l’enquête est claire : le pape ne peut
compter sur les ressources de l’Ordre pour envisager de grands
projets de lutte contre l’infidèle.
Anthony LUTTRELL
Historien, Bath, Grande-Bretagne
Les finances du Commandeur de l’Hôpital après 1306.
Cette communication prend en considération deux
problèmes connexes qui seront étudiés grâce à des exemples
forcément limités à quelques régions seulement. Premièrement,
comment était-il possible pour les commanderies de reporter
continuellement un déficit financier et ensuite, comment les
commandeurs de l’Hôpital, qui avaient fait vœu de pauvreté,
pouvaient-ils financer la construction d’églises, d’hospices, de
peintures, de monuments funéraires, la célébration de messes et
autres fondations ? Les biens familiaux, les droits d’exemption
relevant du magistère ou du prieur, les legs faits à
dispropriamento à l’heure du décès, les faux comptes et la
corruption, ont sans aucun doute tous joué leur rôle. Il arrivait
aussi que les affaires ou « status » de la commanderie elle-même
soient distinctes de la richesse personnelle du commandeur qui
était appelée jocalia ou joyaux qui lui revenait de droit. Ces
biens pouvaient comprendre les terres Hospitalières qu’il avait
récupérées de mains séculières et qu’il pouvait conserver à vie
tout comme les autres biens, argent, armure, argenterie, récoltes,
et en particulier des animaux qui lui appartenaient en propre et
qui n’étaient pas inclus dans le status de sa baiulia ou
commanderie. L’étendue de cette richesse personnelle était
souvent dévoilée par le relevé des comptes identifiant les biens
qui revenaient à la commanderie à la mort du commandeur.
Zsolt HUNYADI
Maître de Conférence, Szeged, Hongrie
Le locus credibilis des commanderies Hospitalières de Hongrie.
Les lieux d’authentification (loca credibilia), institutions
particulières à la Hongrie, éditaient des chartes témoignant des
transactions légales privées portant leur sceau authentique à la
demande des parties concernées. Les plus importants chapitres
collégiaux de la cathédrale commencèrent à émettre des chartes
dès la fin du XIIe. Au cours des siècles suivants, à côté des
chapitres, les couvents des Bénédictins, des Prémontrés, des
Hospitaliers et de l’Ordre de Saint Stéphane firent aussi office de
lieux d’authentification. Huit commanderies Hospitalières
menaient cette activité au cours des XIIIe et XIV e, il s’agit de :
Bö, Csurgo, Gyant, Pakrac, Sopron, Szekesfehervar, Torda,
Ujudvar.
Ces commanderies émettaient des lettres de registre
concernant des transactions privées légales, rédigeaient des
rapports sur les actions légales menées en dehors des tribunaux
ou sur les différentes phases d’un procès se déroulant sous le
mandat du roi ou des plus grands dignitaires du pays. En outre,
ces institutions émettaient des transcriptions certifiées des
chartes. Comme tout ce processus était financé par les parties en
cause, cela représentait des revenus importants pour les
principaux couvents, (Szekesfehervar, Ujudvar, Sopron). Le coût
des différents types de chartes rédigées ainsi que les recherches
menées par le personnel des commanderies étaient fixés dans les
statuts (1298, 1351).
Au-delà des résultats directs de la recherche, c’est une
contribution à l’histoire des commanderies des Hospitaliers du
Royaume de Hongrie. Les séries dignitatum des chartes sont les
sources principales pour la reconstitution du personnel des
12
le patrimoine de l’Hôpital, encore largement géré en faire-valoir
direct, est évidemment sous-administré.
Au début du XVIe ce sont d’autres hommes issus de
l’aristocratie qui perçoivent les revenus des terres, désormais
baillées à ferme.
Benoît BEAUCAGE
Professeur, Université de Rimouski, Canada
L’organisation du travail dans les commanderies du prieuré de
Provence en 1338.
Dans la première moitié du XIVe, l’ordre de Saint-Jean
de Jérusalem tire l’essentiel de ses ressources de l’exploitation
d’un dense réseau de commanderies européennes dont chacune
doit verser annuellement au siège de l’Ordre, à Rhodes, une taxe
proportionnelle à ses revenus que l’on appelle la responsion. Or,
les commanderies n’ont pas toutes et de loin la même valeur.
Aussi, leurs titulaires, les commandeurs sont-ils mutés
périodiquement d’un établissement à l’autre, dans une sorte de
cursus honorum où l’importance de la commanderie croît avec
l’âge et le mérite reconnu de celui à qui on l’attribue.
En 1338, l’activité économique de presque toutes les
commanderies du prieuré de Provence repose principalement
sur l’exploitation directe d’un domaine dans lequel la culture des
blés et celle du vin dominent. Quant au travail agricole
proprement dit, il est effectué d’abord par des équipes de
travailleurs permanents qui résident dans les établissements de
l’Ordre, où en plus d’être logés, nourris et vêtus, ils perçoivent
un salaire variable selon le métier qu’ils exercent. Ils ont à leur
disposition des attelages d’animaux de trait dont le nombre
semble fixé pour chaque établissement et ne peut être diminué
pour quelque raison que ce soit.
Ce mode de production fondé sur le faire-valoir direct,
selon mes recherches, est beaucoup trop coûteux par rapport à
ce qu’il produit et entraîne le déficit de la plupart des
établissements. Mais ce seront les crises de la seconde moitié du
XIVe qui amorceront une transformation décisive. La destruction
massive des établissements de l’Ordre et la disparition brutale de
ses moyens de production conduisent rapidement à
l’arrentement des terres et des droits et à une métamorphose de
l’Ordre en Occident.
Helen NICHOLSON
Docteur, Université de Cardiff,
Grande-Bretagne
Les femmes dans les
commanderies Templières et
Hospitalières.
Les règles des ordres
militaires ne nous informent
que très partiellement sur le
rôle des femmes dans leurs
communautés, cependant on
sait , par expérience pour
d’autres ordres, à quel point la
règle et la pratique ont pu
diverger en ce domaine. Le
statut des femmes dans les
ordres militaires est un sujet de
Mme Nicholson
recherches et de débats.
au cours de son Intervention
Les ordres militaires
avaient
des
positions
différentes vis à vis de l’admission des femmes. A un extrême se
situait l’Ordre de Saint-Jacques qui accepta dès le début
l’institutionnalisation de la présence féminine tandis qu’à l’autre
extrême on trouvait la Règle de l’Ordre du Temple qui bannissait
l’admission des femmes dans ses maisons quelles qu’en soient
les circonstances. L’Ordre Teutonique n’acceptait pas non plus
les femmes parce que, selon la Règle, les femmes auraient
poussé les frères à se “laisser aller”, emolliri. Elles pouvaient,
cependant, devenir des « demi-sœurs » qui prenaient soins des
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malades. Il convenait de les loger dans des maisons séparées de
celles des frères.
On voit donc que les femmes pouvaient être associées
aux commanderies masculines des ordres militaires en tant que
consoror et comme donatae. A proprement parler, une consoror
était attachée à une commanderie d’un ordre militaire mais vivait
dans sa propre demeure, alors que une donata avait pour dessein
de rejoindre l’Ordre dans le futur. En réalité, dans les documents
on trouve les termes de consoror et de donata utilisés l’un pour
l’autre et indifféremment, se rapportant aussi bien aux femmes
vivant dans la commanderie qu’à celles vivant dans leurs propres
maisons. Et pour certaines d’entre elles, on s’aperçoit qu’elles
participaient activement à la vie de la commanderie : finançant
la construction d’une chapelle ou certifiant des documents.
Alain DEMURGER
Maître de Conférence, Université Paris I, France
Le personnel des commanderies d’après les interrogatoires du
procès des Templiers.
Les interrogatoires des Templiers ont d’abord été utilisés
par les historiens –et c’est bien normal- comme un document
judiciaire permettant d’analyser une procédure et de se poser la
question de la véracité des accusations et des raisons d’un
procès aussi retentissant. Mais chaque déposition donne aussi
des indications biographiques succinctes mais précieuses sur les
Templiers en tant qu’individus et sur le réseau des
commanderies au moment du procès, soit en 1307. Chaque
Templier répond en effet, avant d’être questionné sur le fond à
un interrogatoire d’identité : âge, statut social, temps de présence
dans l’ordre, commanderie où il réside, fonction exercée,
commanderie où il a été reçu, nom de celui qui l’a reçu, nom de
ceux qui furent les témoins de sa réception ou de ceux qu’il a vu
recevoir dans l’Ordre. Des recoupements entre les différentes
dépositions, la confrontation des dépositions successives d’un
même Templier permettent de rectifier certaines erreurs de
mémoire des accusés et de préciser certaines indications, celles
de nature chronologique par exemple.
C’est d’abord à l’analyse de ces indications que je
m’attache, mais je ne me limite pas aux seuls Templiers
interrogés. J’entends aussi tirer le maximum d’informations sur
ceux qu’ils citent. Cent trente-sept Templiers ont été interrogés à
Paris en octobre-novembre 1307 ; ils livrent les noms des
Templiers qui les ont reçus, de ceux qui étaient présents à leur
réception, de ceux qu’ils ont vu recevoir, soit en tout les noms
de 267 autres Templiers. Ils donnent ainsi des indications
nouvelles sur les commanderies, sur le personnel, son nombre,
ses fonctions dans la commanderie. Même si nous n’obtenons
souvent qu’un nom, qu’un lieu, le croisement de ces données
permet d’augmenter considérablement le nombre des Templiers
connus et de mieux préciser le réseau des commanderies. Je me
limite aux interrogatoires des Templiers du royaume de France
au cours de la première phase du procès en 1307, ainsi qu’à
celui de la deuxième phase, devant la commission pontificale de
Paris en 1309-1310. Cela doit nous permettre une meilleure
connaissance du « peuple Templier » ainsi que de ce qui fut le
cadre de son existence -la commanderie- au cours des trente ou
quarante dernières années de l’Ordre du Temple.
localisation géographique et de la position topographique des
ces commanderies. Le point de départ était le don d’une église et
de terres adjacentes, avec une préférence donnée à celles qui
étaient situées à proximité de grandes voies terrestres ou
navigables et dans un espace ayant un fort potentiel de
développement économique.
Les deux Ordres, sans aucun doute, sollicitaient des
parrainages. Si les Templiers réussirent mieux au départ, c’est
parce qu’ils étaient soutenus par la royauté, ce qui n’était pas le
cas des Hospitaliers. Alors que les manoirs Templiers servant de
commanderies tendaient à être centralisés et étaient surtout
constitués de terres domaniales, les Hospitaliers devaient
s’installer sur des domaines fragmentés faits surtout de petites
propriétés ou de fermages très dispersés sur de nombreuses
paroisses. Ce contraste est très évident dans l’Essex où le
patrimoine des Templiers comprenait au moins treize moulins
mais seulement trois églises, alors que les Hospitaliers
possédaient sept églises et seulement deux ou trois moulins.
En plus des registres publics, la plus importante source
d’information pour l’étude de l’économie rurale des ordres
militaires en Angleterre, il faut ajouter l’Enquête sur le Temple de
1185, le Cartulaire de Sandford, et le grand Cartulaire
Hospitalier de 1442.
Questions de l’assistance aux intervenants
Robert FAVREAU
Professeur émérite, Poitiers, France
L’enquête pontificale de 1373 sur les Hospitaliers dans le
diocèse de Saintes.
En 1147, lors de la conquête de la ville de Santarém sur
les musulmans, les Templiers reçurent en remerciement de leur
participation du premier roi du Portugal, Alfonse Henrique, le
domaine de Ceras (nom primitif du domaine de Tomar), avec le
droit d’exemption éclésiastique sur toutes les églises, construites
ou à ériger sur ce domaine ; ce privilège fut confirmé par le Saint
Siège, auquel les Templiers offrirent toutes les églises du
domaine de Ceras. Le pape les accepta et les plaça sous sa
protection et dépendance. Ainsi fut créé le « Nullius Diocesis »
De l’enquête lancée par le pape Grégoire XI sur les
ressources de l’Ordre de l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem dans
toute la chrétienté en 1373, on a, par chance, gardé le compterendu pour le diocèse de Saintes.
L’enquête permet d’abord de dresser, à une date
donnée, l’état des commanderies, de leur personnel, de leurs
membres dans le diocèse. Il semble bien que l’on ait encore, en
1373, respecté l’appartenance d’origine au Temple ou à l’Ordre
de l’Hôpital. On aurait ainsi 44 maisons, dont 30 d’origine
Templière. A l’exception de La Rochelle, l’implantation est
rurale. Dans l’ordre d’importance on a le Temple de La Rochelle,
Bourgneuf, Beauvais-sur-Maha, Saint-Jean-du-Pérot à La
Rochelle, les Epeaux, et, de taille bien moindre et plus difficile à
connaître, Le Dognon, Bussac, Le Deffend, Civrac, Le Breuil-duPas, Châteaurenard, Eglises-d’Argenteuil et Courant. Les
chevaliers sont peu nombreux, il y a surtout des prêtres et des
sergents ; il faut y joindre les « données », associés à la vie de
l’ordre mais n’en portant pas l’habit. La moyenne des âges
indiqués est de 42 ans.
En donnant régulièrement l’état ancien des ressources,
l’enquête permet une vue globale des biens des Hospitaliers. Les
revenus sont très différents selon les commanderies, les unes
urbaines (La Rochelle), d’autres à la tête de seigneuries
(Bourgneuf, Beauvais), les dernières simplement propriétaires
fonciers. La vigne est partout présente, mais très prédominante en
Aunis. Les céréales l’emportent en Saintonge méridionale. Marais
salants d’Aunis ou de Gironde ont une place réduite, de même
que l’élevage, mentionné presque uniquement pour les chapons
et les poules.
L’intérêt majeur de l’enquête est de pouvoir mesurer
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Alvaro José BARBOSA
Architecte-Conservateur, Tomar, Portugal
L’architecture de la commanderie Templière de Tomar.
Andalus califat du IX e et X e siècle avaient déjà un plan
quadrangulaire qui ressemble de beaucoup à celui qui a été
utilisé en Orient par les croisés. La disposition des châteauxcommanderies des Templiers de la Couronne d’Aragon bâtiments groupés autour d’une cour- a représenté une
nouveauté dans le contexte de l’architecture militaire
occidentale.
Sven EKDAHL
Conservateur des Archives, Berlin, Allemagne
La stratégie de l’organisation des commanderies de l’Ordre
Teutonique en Prusse et en Livonie.
La division de la Prusse en commanderies se fit
progressivement, au fur et à mesure des avancées de
l’occupation après 1231, lorsque l’Ordre Teutonique traversa la
rivière Vistule avec l’intention d’arracher le Kumberland des
mains des païens prussiens. Les chevaliers partirent de Thorn,
descendirent la Vistule, suivant le fleuve jusqu’à Könisberg. Des
forteresses furent construites et des villes furent fondées.
Cette colonisation s’étendit ainsi d’Ouest en Est, en
suivant, naturellement, la direction prise pendant l’occupation
du pays. La colonisation de la partie sauvage du Sud de la
Prusse, en revanche, commença au Nord, par les trois
commanderies orientales de Balga, Brandenbourg, et
Königsberg. En 1309, l’Ordre acquit les villes de Danzig et de
Pomorellia, qui fut partagée en cinq grandes commanderies. La
même année, le Grand Maître quitta Venise, où il résidait en tant
qu’invité depuis la chute d’Acre, pour s’installer dans la
forteresse de Marien Burg, qui, dans sa conception initiale, avait
été conçue comme une commanderie château.
Un an après sa défaite écrasante en Livonie en 1236
contre les païens Lithuaniens, l’Ordre des Porte-Glaive fusionna
avec l’Ordre Teutonique qui lui reprit toutes ses possessions.
C’est pourquoi, l’Ordre Teutonique s’efforça, au cours des
années suivantes, de créer un passage par voie de terre à
Samogitia, entre la Prusse et la Livonie.
En 1283, la guerre contre les Prussiens fut suivie par
celle contre les Lithuaniens. Quand les Polonais se joignirent à
ces derniers dans la « Grande Guerre » de 1409-1411, l’Ordre
perdit la grande bataille de Tannenberg (Grunwald, Zalgiris) le
15 juillet 1410.
A partir de ce faits cette communication va poser les
problèmes importants concernant la stratégie d’implantation des
commanderies en Prusse et en Livonie.
IV – L’économie des Commanderies
de Tomar, dont le représentant du Pontife était le Grand-Prieur
des Templiers de Tomar. Par la suite, le Grand-Prieur recevra du
Saint Siège les attributs et les honneurs propres à la dignité
d’évêque.
Près de la rivière de Tomar, à l’emplacement d’un couvent
bénédictin aujourd’hui disparu, les Templiers vont ériger la
cathédrale de leur diocèse, vouée à Notre Dame du Lait,
patronne des Bénédictins. L’église sera dénommée Sainte Marie
de Tomar et plus tard, Sainte Marie des Oliviers. Au temps des
découvertes maritimes du XVe, avec les chevaliers du Christ,
héritiers du Temple au Portugal, elle deviendra l’église mère de
toutes les paroisses de l’Outre Mer.
En 1160, les Templiers fondent le château de Tomar.
C’est à l’abri de ses remparts que vécurent les premiers habitants
de Tomar dans l’enclos le plus grand s’élargissant vers le sud.
Dans l’enclos du nord logeaient les Templiers. Entre ces deux
espaces s’étendait une vaste cour qui séparait les deux
communautés. A chaque extrémité de cette cour furent
construits le cœur de la forteresse ou le donjon, contigu aux
logements des moines-guerriers et, à l’ouest, le lieu mystique,
symbole du Saint-Sépulcre, l’église rotonde des Templiers, avec
son portail ouvrant vers l’orient.
III – Vie et Fonctions des Commanderie
Noël COULET
Professeur émérite, Aix-en-Provence, France
La vie quotidienne dans le prieuré de Saint-Gilles d’après
l’enquête de 1373.
Le 10 février 1373, Grégoire XI désireux de réformer
l’Ordre de l’Hôpital confie aux évêques le soin de réaliser une
enquête sur les maisons de l’Ordre situées dans leur diocèse. Les
procès-verbaux de cette enquête qui reproduisent dans la
majeure partie des cas le détail des témoignages recueillis
portent essentiellement sur le nombre et le nom des frères
résidant dans ces établissements et sur la situation économique
des différentes commanderies. Ils sont conservés pour treize des
diocèses compris dans le ressort du prieuré de Saint-Gilles.
Ces documents n’éclairent pas directement la vie
quotidienne des maisons de l’Ordre. Mais certains des témoins
apportent des informations sur la civilisation matérielle :
nourriture, vêtement, équipement domestique, sur l’importance
et les attributions du personnel salarié, sur la part que l’accueil
des pauvres et des hôtes tient dans la vie de ces maisons, sur les
conséquences de la guerre sur la vie des commanderies, sur les
relations des frères entre eux ou sur leurs rapports avec le chef
de la commanderie.
Michaël GERVERS
Professeur, Université de Toronto, Canada
La commanderie, unité économique en Angleterre.
La collecte et le transfert des fonds résultant de
l’administration de propriétés toujours plus variées vers le siège
de l’Ordre dans l’Est fut dès le départ la raison d’être des
établissements Templiers et Hospitaliers en Europe. La première
étape fut la création d’un prieuré que les Templiers semblent
avoir constitué dès leur installation en Angleterre en 1128, grâce
à l’acquisition du site connu sous le nom de « Vieux Temple » à
Londres. Les Hospitaliers suivirent, mais pas avant 1144 lorsque
Jordan Bricett leur donna une terre à Clerkenwell dans les
faubourgs de la ville. A partir de là, les deux ordres réussirent à
acquérir diverses propriétés à travers le pays pour en faire des
centres administratifs locaux c’est-à-dire des commanderies. Les
Templiers mènent la marche avec 26% de leurs commanderies
aux environs de 1140 et 62% aux environs de 1160 alors que les
Hospitaliers n’occupaient que 33% des leurs. Cependant la plus
grande partie du réseau des deux Ordres était en place à la fin
du siècle.
Un soin particulier était porté au choix de la
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Présentation de M. Barbosa
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Dieter J. WEISS
Docteur, Université de Francfort, Allemagne
La vie spirituelle dans l’Ordre Teutonique : une comparaison
entre les commanderies de Franconie et de Prusse.
Récemment Monsieur Kaspar Elm a fait le point sur la
recherche concernant la vie spirituelle des ordres militaires du
moyen-age et a mis en évidence certains problèmes : le
caractère spécifique des ordres militaires et le manque de
sources sur ce sujet. Même s’il y a de nombreuses publications
concernant l’Ordre Teutonique en Prusse parce qu’il était un Etat
important du point de vue politique, il n’en est pas moins vrai
que la vie spirituelle dans les commanderies de Franconie est
elle beaucoup plus difficile à appréhender.
Saint Bernard de Clairvaux a probablement eu un rôle
décisif dans la justification des ordres religieux militaires et sur
leur vie spirituelle. La vie spirituelle des chevaliers est en
harmonie avec celle de leur époque. Ils étaient occupés à
s’efforcer de sauver leurs âmes. Cet objectif se trouve
particulièrement exprimé dans la liturgie, les services du
souvenir et l’achat d’indulgences généreuses qui étaient toujours
liés au sacrement de pénitence. Les règles monastiques, les
calendriers, les consécrations d’églises, les autels, les donations
religieuses sont des sources d’informations précieuses pour
étudier cet aspect. En particulier en ce qui concerne la Prusse, il
faut aussi consulter la littérature de l’Ordre. L’Ordre Teutonique
a choisi comme patrons : la Vierge Marie mère de Dieu, Sainte
Elisabeth et Saint Georges. Ces choix reflètent l’association de la
vie spirituelle des chevaliers avec leur implication sociale telles
qu’elles sont exposées dans les règles.
Les liens avec l’église impériale (Reichskirche) et la
noblesse étaient plus étroits en Franconie qu’en Prusse. Donc,
notre recherche proposera une présentation des idées de la
chevalerie. Il ne faut oublier de parler des différences qui
existent entre les maisons religieuses. C’est seulement après la
réforme catholique de l’Ordre Teutonique que des
ressemblances se feront jour et surtout après la création d’un
séminaire à Mergentheim.
qui n’étaient plus en mesure de servir continuaient aussi à être
logés dans l’enceinte des maisons Templières, même si les droits
étaient réduits dans certains cas pour ceux qui n’étaient plus en
mesure de rendre aucun service. Par contre, les pensions
n’étaient pas réduites, même lorsque plus aucun service n’était
rendu. Le nombre de ceux qui recevaient des pensions et des
allocations alors qu’ils n’étaient plus en mesure de travailler
n’est pas connu, mais en Angleterre les attributions de ce type
étaient habituellement faites à ceux qui avaient servi l’Ordre
pendant une longue période et les accords sur les allocations qui
étaient en vigueur en 1307 étaient pour la plupart assez récents
et suggéraient que ces attributions étaient habituellement faites
aux personnes qui avançaient dans l’âge.
Déjeuner dans le dortoir des moines.
Joan FUGUET SANS
Professeur, Barcelone, Espagne
L’architecture militaire des commanderies des Templiers
d’Aragon et de Catalogne.
Les commanderies Templières d’Occident avaient pris
des mesures spécifiques en faveur des frères et des autres
personnes touchées par la vieillesse. La proportion des frères
entrant dans cette catégorie n’est pas connue, mais d’après le
procès des Templiers, il est clair qu’elle représentait en fait un
nombre élevé – dans certaines régions, on peut estimer que près
de 40% de la population était âgée de plus de 50 ans.
Les Templiers qui souffraient de problèmes liés à leur
grand âge étaient exemptés de certaines obligations, selon la
règle et les usages ; ils avaient également droit à une
alimentation particulière. En Angleterre, certains d’entre eux,
mais pas tous, étaient logés dans les maisons de Denney et
d’Eagle. On n’a cependant que peu de raisons de penser que
d’autres pays faisaient de même en regroupant le personnel âgé
dans des couvents spécialisés. Une partie des aumônes
distribuées par l’Ordre revenait aux personnes âgées, mais on
venait en aide aux personnes âgées de l’extérieur principalement
en leur attribuant des pensions et des allocations. Si certaines de
ces indemnités étaient achetées, la plupart d’entre elles
revenaient à des hommes employés par l’ordre et étaient
attribuées partiellement ou en totalité en paiement d’un service.
Ce schéma de fonctionnement apparaît dans des
documents qui subsistent en Angleterre et en Aragon depuis
l’époque du procès des Templiers. La vie des personnes âgées
était assurée d’une autre façon par l’attribution de postes à vie
dans l’administration Templière, ce qui signifiait que ceux qui
n’étaient plus en mesure de remplir leur fonction pouvaient la
déléguer à d’autres tout en conservant une partie de leur salaire.
Ceux qui grâce aux allocations étaient nourris et assistés, mais
Dans la Couronne d’Aragon, comme dans le reste des
pays européens, l’ordre du Temple a eu un objectif économique
du fait des besoins d’approvisionnement des Etats Latins. Les
commanderies aragonaises ont été des centres agricoles et
d’élevage à la campagne et des noyaux de l’économie dans la
ville.
Cependant, bien des couvents de la Couronne d’Aragon
ont eu un caractère militaire et leurs bâtiments expriment bien
cette caractéristique. Cela a pour origine le fait que l’Ordre avait
accepté de participer à la « Reconquista » (reconquête) des
territoires occupés par les Arabes, puis à la défense des
nouvelles frontières. Les caractéristiques architecturales que
cette fonction vont impliquer seront le principal sujet de notre
communication.
Tous ces châteaux-couvents Templiers avaient été des
forteresses islamiques ou chrétiennes. L’état dans lequel elles se
trouvaient lors de leur prise reste une énigme. On peut envisager
qu’elles étaient presque en ruines. Quoi qu’il en soit, les
Templiers les ont remodelées afin de les adapter à leurs propres
besoins pour les convertir en couvents-commanderies. Ils les ont
munies de bâtiments conventuels tels que chapelle, cloître,
réfectoire, salle des moines.
Dans la construction ou le remaniement de ces
forteresses, les Templiers ont profité des typologies
architecturales qui existaient dans le pays, mais ils se sont aussi
servis de nouvelles formes empruntées à l’Orient.
Le modèle chrétien était composé d’un château dominé
par une grande tour –ou donjon –avec d’autres bâtiments plus
ou moins assemblés, le tout entouré par une enceinte (Montso,
Barbérà, Granyena, Castellot …). Ce qui constitue une
innovation est la disposition en plan quadrangulaire ou
polygonal des bâtiments autour d’une cour –comme dans la
plupart des grands châteaux de Syrie et Palestine- des couvents
de Miravet, Peniscola, Xivert. Quelquefois, comme à Gardeny,
apparaît une seconde enceinte concentrique.
Même si l’on parle d’innovations dues aux influences
orientales, il ne faut pas oublier que les bâtiments militaires d’Al-
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9
Alan FOREY
Docteur, Grande-Bretagne
Mesures prises en faveur du personnel âgé des commanderies
Templières.