la référence virtuelle
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LA RÉFÉRENCE VIRTUELLE ______________ de nouveaux outils, une nouvelle approche, des compétences à développer Patrice Viau 1 Le développement rapide des technologies de l’information et la consolidation progressive des outils Internet amènent les spécialistes de l’information à réviser leur rôle d’intermédiaire entre le contenu des documents et les usagers. Si la référence traditionnelle continue d’exister pour certaines demandes effectuées sur place ou par téléphone, Internet permet déjà aux tec hniciens en documentation, aux archivistes et aux bibliothécaires d’étendre leur champ d’action et de rejoindre une clientèle extra-muros qui ne fréquente pas a priori leurs institutions. La Bibliothèque nationale du Québec (BNQ), en se dotant d’un système de référence virtuelle, interviendra là où les mandats des bibliothèques municipales, universitaires ou de recherche s’arrêtent en offrant un accès gratuit à ses services à l’ensemble des Québécois, quelle que soit leur région d’origine. La création d’un tel système, s’il décuple la praxis des techniciens en documentation, nous amène à réfléchir sur l’émergence de leurs nouveaux rôles et sur les fonctions qui en découlent. À ce jour, les recherches relatives à ce sujet portent notamment sur les outils et les connaissances nécessaires à son implantation, la création d’un réseau efficace entre praticiens et les nouvelles compétences ad hoc à développer pour mener à bien le projet. Un service de référence virtuelle nécessite l’utilisation de ressources informatiques durables. Déclaration un peu paradoxale devant l’apparente fugacité des développements technologiques! Un bref retour en 1996 nous apprend que les bibliothécaires de référence des universités employaient déjà comme principaux outils Internet le courriel, les catalogues en ligne, les forums de discussion, le protocole de transfert de fichiers (FTP) et l’autoroute électronique (World Wide Web) dans le cadre de 2 leur fonction. On découvre également que les Gophers, Veronica, Archie et le WAIS, utilisés couramment à l’époque, font désormais partie intégrante de l’autoroute électronique 1. Aujourd’hui s’ajoutent, comme technologies utiles à la référence virtuelle, les documents PDF développés par Adobe, la messagerie instantanée, la technologie du pousser-tirer et la webcam. Il s’agit de bien choisir nos instruments car, à plus ou moins long terme, un degré d’interactivité comparable à celui de la référence traditionnelle devra être atteint 2. Apprendre à manipuler une partie ou la totalité de ces outils, for mer les futurs usagers ou d’autres techniciens et prévoir les outils à privilégier pour certains types de clientèles, voilà en quoi consiste le premier rôle des techniciens en documentation. En effet, de plus en plus de gens désirent s’initier à ces instruments, alors que d’autres, comme les étudiants universitaires, ne savent pas toujours comment les utiliser efficacement. Grâce à la technologie du pousser-tirer, les techniciens prendront le contrôle de l’écran à distance et inculqueront les rudiments méthodologiques aux usagers sans qu’ils aient à se présenter sur place. La messagerie instantanée et la webcam, quant à elles, permettront de répondre à des questions factuelles, de transférer certains fichiers et de passer une entrevue interactive avec le client. Afin d’être réellement efficace, un service de référence virtuelle à l’échelle du Québec doit pouvoir compter sur un solide réseau de professionnels à travers toutes les bibliothèques du territoire, qu’elles soient municipales, de recherche ou universitaires. À cet effet, le groupe de réflexion sur les services de la bibliothèque virtuelle de la CREPUQ avance l’idée d’un consortium de bibliothèques à l’échelle internationale 1 Denis Levasseur dresse une liste de ces « anciens » outils et de leur application dans son article « L’Internet et les services de référence : une enquête dans les établissements universitaires du Québec ». Les références complètes ainsi que celles des prochaines notes sont disponibles dans la médiagraphie. 3 offrant un service à une clientèle restreinte en permanence, 24 heures par jour, 7 jours par semaine. S’il n’appartient pas aux techniciens de déterminer les paramètres des futures ententes interinstitutionnelles, il n’en demeure pas moins que la mise en commun de leur expérience individuelle leur permettra de transférer une demande vers la ressource appropriée au Québec. En instaurant, par exemple, un groupe de discussion à l’échelle provinciale, les techniciens à la référence pourront partager leur expertise et cerner les besoins des clientèles selon les régions. Le second rôle majeur des techniciens sera donc de créer un solide réseau de contacts permettant de gérer le savoir associé à des personnes-ressources, non seulement des spécialistes de l’information, mais également des professionnels avec lesquels un protocole d’échange d’informations serait à déterminer 3 . Si l’entreprise privée privilégie la capitalisation de la connaissance, une institution publique devra plutôt s’orienter vers une structure ouverte permettant une diffusion élargie de l’information, le tout faisant fi des distances géographiques. Les techniciens devront acquérir de nouvelles compétences pour participer à l’essor de la grande bibliothèque virtuelle québécoise. Outre l’apprentissage des outils Internet, ils devront s’initier à la maintenance et à l’animation du site de la BNQ, à la numérisation de documents et à la mise en ligne de certaines ressources de l’autoroute électronique. En tant que nouveaux gestionnaires habilités aux documents numériques, ils mettront à la disposition de la clientèle la partie de la collection de domaine public et en promouvront la richesse. À cet effet, un service de base en veille technologique pourrait 2 Le groupe de réflexion sur les services de la bibliothèque virtuelle de la CREPUQ encourage la mise en place de l’interactivité virtuelle pour la référence tout en privilégiant une approche par étape dans l’atteinte de cet objectif, et notamment en ce qui concerne la mise en place d’un consortium de bibliothèques, dont nous parlerons un peu plus loin. 3 Dans son article « Penser l’Infopolis pour organiser, ensemble, la société de l’information » (p. 50), Bernadette Ferchaud mentionne que « le SIG [i.e. système d’information géographique], dans un contexte participatif, suppose un partage de l’information commune, d’où l’importance d’investir dans la création de référentiels communs qui permettent l’échange effectif des connaissances ». 4 être mis de l’avant par les techniciens du Québec afin de diffuser le patrimoine documentaire régional régulièrement auprès des clientèles intéressées. Cela correspond d’ailleurs aux objectifs de la nouvelle BNQ, qui entend notamment « renforcer la coopération et les échanges entre les bibliothèques, en agissant comme catalyseur auprès des institutions documentaires québécoises , et stimuler la participation québécoise au développement de la bibliothèque virtuelle 4 ». Si beaucoup de gens, du moins à une certaine époque, affirmaient qu’Internet mettait en péril la fonction d’intermédiaire entre l’information et le public, il n’en demeure pas moins que la méthodologie de recherche à l’aide d’outils électroniques, surtout en ce qui a trait à la validation des sources, nécessite une initiation. Afin de satisfaire aux exigences de la référence virtuelle, le technicien en documentation devra s’acquitter du rôle de formateur et consolider ses habiletés en ce sens. Ce n’est pas une mince tâche, mais la clientèle n’en est pas moins constamment renouvelée d’année en année, notamment à cause des étudiants de niveau supérieur. Toutes ces compétences, un peu mises à l’écart jusqu’à récemment, devront désormais faire partie du CV des techniciens. Le téléphone, le fax et le courriel ont permis au cours des dernières années un certain degré de référence à distance. Toutefois, Internet s’avère un outil prédisposé à cet effet, la plupart des étudiants et des travailleurs utilisant désormais l’informatique dans le cadre de leurs diverses fonctions. Les outils Internet comme la messagerie instantanée amènent une nouvelle approche intéressante au niveau de l’interactivité. Si la tâche de mettre en place le réseau approprié revient aux bibliothécaires et aux informaticiens, l’animation d’une page interactive de référence, la formation en ligne des usagers et la 4 Bibliothèque nationale du Québec.— « BNQ-Mission ».— c2003 [Réf. du 10 mai 2003].— Accès : <http://www.bnquebec.ca/fr/qui/qui_mission.htm> 5 mise à sa disposition de ressources numérique s appartiendront aux techniciens. Cela nécessitera l’apprentissage d’outils par autodidaxie, à l’aide de cours complémentaires ou encore grâce aux formations offertes par les associations professionnelles (l’AAQ, l’APTDQ ou l’ASTED). Toutefois, la création d’un réseau de techniciens, initiée par la BNQ, faciliterait grandement la mise en commun des connaissances nécessaires à l’avancée de ce projet fédérateur. Il ne faut pas oublier cependant que la référence virtuelle ne deviendra effective que si un consortium de bibliothèques publiques et de recherche québécoises, voire internationales, est créé afin de partager les coûts et les expertises nécessaires à une telle entreprise. Malgré le dynamisme potentiel relié au projet, il reste aux initiateurs du projet à évaluer l’utilisation que pourra en faire la population. Car au-delà de la plus -value pour l’institution, la bibliothèque virtuelle doit avant tout répondre aux besoins d’informations réels des Québécois. 6 GLOSSAIRE Les définitions qui suivent sont toutes tirées du Dictionnaire de l’internaute de Lillian Arsenault d'IBM Canada Ltée (http://www.can.ibm.com/francais/dico/). Archie : Développé par l'Université McGill, outil de navigation et de recherche d'informations articulé autour d'une base de données qui assure l'indexage et le catalogage des fichiers sur les ordinateurs reliés au réseau internet. Note La désignation « Archie » provient du mot « archives » et fait référence à l'un des personnages de la bande dessinée américaine du même nom, créée par Henry Scarpelli. Autoroute électronique (web) : Système réparti de recherche documentaire en mode hypertexte de type client-serveur qui tourne sur le réseau Internet, comprenant les ressources telle s que Gopher, FTP, HTTP, Telnet, Usenet, WAIS, etc. Gopher : Dans l'exploitation d'un réseau Internet, programme de recherche documentaire piloté par menu qui permet à l'internaute de naviguer sur le réseau et d'en consulter les ressources. Note - Terme emprunté à l'anglais pour désigner le petit rongeur, appelé spermophile en français, qui est la mascotte officielle de l'État du Minnesota (Gopher State) et de l'Université du Minnesota (Golden Gopher), institution où a été conçu ce logiciel. Il s'agit aussi d'un jeu de mots anglais à partir duquel « go for » signifie « "aller chercher" ». Technologie du pousser-tirer : Désigne les deux techniques de transmission des informations commerciales sur le réseau Internet dont la distinction se fonde sur l'initiateur de la transaction. On parle de technologie « pousser » lorsque le fournisseur web (le côté serveur) livre des informations à l'internaute sans qu'il y ait eu de demande de la part de celui-ci. On parle de technologie « tirer » lorsque la transmission des informations fait suite à une demande expresse de la part de l'internaute (côté client) à partir d'une navigation ou d'une recherche sur le web. Protocole de transfert de fichier (FTP) : Dans l'exploitation d'un réseau Internet, protocole de communic ation TCP/IP qui assure la transmission de fichiers sans perte de données entre deux ordinateurs reliés au réseau Internet, c'est-à-dire entre deux sites internet. Protocole Telnet : Dans le cadre de l'exploitation du réseau Internet, protocole d'émulation de terminal TCP/IP qui permet aux utilisateurs reliés à un ordinateur hôte de se connecter aux ressources matérielles et logicielles d'un autre ordinateur hôte. Veronica (Very Easy Rodent Oriented Netwide Index To Computerized Archives) : Conçu dans le cadre de l'exploitation du réseau Internet, utilitaire créé à l'Université du Nevada qui permet de simplifier la recherche documentaire par l'utilisation de mots-clés associés à des menus affichés sur des serveurs Gopher. Webcam : Appareil-photo conçu pour numériser et enregistrer les photos sous forme de fichier graphique en vue de les transmettre sur un site web, ce qui en permet l'affichage et le téléchargement depuis n'importe quel site Internet à l'échelle mondiale. Wide Area Information Server (WAIS) : Dans le cadre de l'exploitation du réseau Internet, système client-serveur destiné à la recherche documentaire à partir de bases de données indexées grâce au protocole de communication TCP/IP. 7 MÉDIAGRAPHIE Bibliothèque nationale du Québec.— « BNQ-Mission ». — c2003 [Réf. du 10 mai 2003].— Accès : <http://www.bnquebec.ca/fr/qui/qui_mission.htm> CREPUQ. Groupe de réflexion sur les services de la bibliothèque virtuelle.— « Le service de référence dans le contexte de la bibliothèque du XXIe siècle : pour une approche interactive dans un espace virtuel ».— Janvier 2001 [Réf. du 30 avril 2003].— Accès : <http://crepuq.qc.ca/documents/bibl/bibvirtuelle/refbib.htm> DROLET, Gaëtan. — « La bibliothèque universitaire québécoise à l’aube des fichiers de données numériques ». — Documentation et bibliothèques.— V. 38, no 1 (janv.– mars 1992).— P. 15-22 FERCHAUD, Bernadette.— « Penser l’Infopolis pour organiser, ensemble, la société de l’information ».— Documentaliste – Sciences de l’information.— V. 39, no 1-2 (avril 2002).— P. 48-55 GIRARD, Luc.— « Pratique de référence et changements technologiques ». — Argus.— V. 21, no 3 (hiver 2002).— P. 19-24 LEVASSEUR, Denis.— « L’Internet et les services de référence : une enquête dans les établissements universitaires du Québec ».— Argus.— V. 25, no 1 (janv. -avril 1996).— P. 5-12 MICHEL, Jean. — « Information et documentation : des métiers à redéfinir ». — Problèmes économiques.— No 2690 (29 nov. 2000).— P. 11-15 SAINT-ONGE, Jacques.— « Les services de référence et l’accès libre aux sources électroniques dans une bibliothèque de recherche ». — Documentation et bibliothèques.— V. 40, no 3 (juill.-sept. 1999).— P. 149-152 WILSON, Myoung C.— « Evolution or Entropy? Changing Reference/User Culture and the Future of Reference Librarians ». — Reference & User Services Quarterly.— V. 39, no 4 (été 2002).— P. 387-391.