Profils et parcours des familles migrantes récemment arrivées en

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Profils et parcours des familles migrantes récemment arrivées en
Soumission AIDELF 2016 – Tatiana EREMENKO – Profils et parcours des familles migrantes récemment arrivées en France
Profils et parcours des familles migrantes récemment arrivées en France Tatiana Eremenko, Institut National d’Etudes Démographiques, [email protected] Résumé Depuis la fin des années 1990 la France, à l’instar d’autres pays européens, connait une reprise des flux migratoires caractérisés par une diversification en termes de pays d’origine et de motifs de migration. Les situations familiales de ces nouveaux migrants sont marquées par une grande hétérogénéité et la procédure de regroupement familial traditionnellement associée à ces flux ne les reflète que partiellement. Plusieurs éléments montrent également qu’elles connaissent des conditions à l’arrivée en France plus précaires que leurs prédécesseurs (pas de statut légal stable, sans domicile fixe). Malgré cette situation, leurs profils et expériences restent encore mal connues, notamment en raison de leur moindre visibilité dans l’appareil statistique national (résidence hors ménages ordinaires, mobilité résidentielle importante…). Cette communication vise à mieux comprendre les profils de ces familles migrantes et de leurs parcours migratoires vers la France en s’appuyant sur deux enquêtes récentes ayant en partie porté sur cette population : Enquête Longitudinale sur l'Intégration des Primo-­‐Arrivants (2010-­‐2013) et Enquête Enfants et Familles sans Logement (2013). Nous chercherons à identifier et de quantifier les profils des familles « atypiques » rencontrés dans la littérature – couples migrants ensemble et mères seules, demandeurs d’asile, parents et enfants en situation irrégulière, familles sans logement – comparativement à d’autres catégories de familles migrantes plus « classiques » telles les familles composés d’un couple parental et ses enfants admis dans le cadre du regroupement familial, et plus généralement les familles d’origine immigrée résidant en France. Les analyses consisteront en la description de la population étudiée – proportion de ces différents profils parmi les flux migratoires par nationalité, caractéristiques liées aux histoires génésiques (âge des parents, lieu de naissance et âge des enfants…) et trajectoires migratoires (motifs de départ, conditions à l’arrivée) – ainsi qu’une construction d’une typologie de ces familles. D’autres sources statistiques (recensement de population, enquête Trajectoires et Origines (2008)) permettront de contextualiser la population analysée. Soumission AIDELF 2016 – Tatiana EREMENKO – Profils et parcours des familles migrantes récemment arrivées en France
Contexte et état des connaissances Aujourd’hui la migration « familiale » est dominante en France : environ la moitié des migrants admis au séjour dans la période 2003-­‐2013 l’ont été pour des motifs familiaux (DSED 2014). Ce groupe est hétérogène, mais il comporte une majorité de conjoints de Français. Ces derniers sont en moyenne plus jeunes, sans enfant à l’arrivée et originaires des pays du Maghreb que l’ensemble des migrants. Ils migrent afin de fonder une famille en France et deviennent parents dans les années qui suivent leur arrivée en France. Cependant les familles sont également présentes dans les autres groupes de migrants en France venus pour des raisons de travail, asile, études… Certains parents viennent accompagnés de leurs enfants nés à l’étranger, d’autres sont ultérieurement rejoints par les enfants restés au pays d’origine, et d’autres encore auront des enfants en France. Lorsque l’immigration était encore principalement composée de migrations dites « économiques », le modèle migratoire familial « classique» était celui de la migration de l’homme (venu pour travailler), suivi par sa conjointe et/ou ses enfants. A présent, les formes prises par les migrations familiales sont de plus en plus diversifiées et comptent des couples migrant ensemble, mais également des parents seuls, le plus souvent des femmes avec leurs enfants (Moro & Barou 2003, Fresnoza-­‐Flot 2009, De Gourcy & al. 2013). Si la littérature sur ces nouveaux profils reste succincte, plusieurs éléments montrent qu’elles connaissent des conditions socio-­‐économiques et légales à l’arrivée en France de plus en plus précaires. Le nombre de mineurs accompagnant les demandeurs d’asile a très fortement augmenté au cours des dernières années pour atteindre les 14 536 en 2013, et represente aujourd’hui plus que le nombre d’enfants entrant en France dans des procédures familiales plus classiques (10 474)1. On dénombre également de nombreuses familles migrantes parmi la population des sans domicile fixe (selon l’enquête Sans Domicile 2011 26% des adultes sans domicile francophones enquêtés vivaient avec au moins un enfant, Guyavarch & al. 2014). En plus de conditions de vie très difficiles, des familles possèdent peu de ressources économiques ce qui a des conséquences en terme de santé et d’alimentation (Guyavarch & al. 2014). Des résultats préliminaires issus de l’enquête ELIPA confirment cette situation préoccupante2 : 45% des parents migrants en couple et 63% des parents migrants venus seuls et vivant avec leurs enfants en France ont connu une période d’irrégularité depuis leur arrivée en France versus 16% des migrants en couple sans enfants. Les parents migrants (seuls ou en couple) connaissent également une forte précarité résidentielle : plus de la moitié d’entre eux ont déjà changé de logement depuis 1
En 2013 10574 visas de long séjour ont été délivrés aux étrangers mineurs dans les catégories « regroupement familial », « famille de réfugiés », « enfant de Français », « enfant de conjoint de Français » et « visiteur » (DGEF 2015). 2
Enquête ELIPA (2010-­‐2013), DSED. Traitement : auteur. Soumission AIDELF 2016 – Tatiana EREMENKO – Profils et parcours des familles migrantes récemment arrivées en France
l’arrivée en France et plus d’un tiers ont été hébergés par des particuliers contre un cinquième des migrants en couple sans enfants. Les parents seuls ont plus souvent bénéficié (ou bénéficient encore) d’un hébergement social (70% versus 20% des parents en couple). Malgré cette situation, les profils et les expériences de ces nouvelles familles migrantes restent encore mal connues, en partie due à leur moindre visibilité dans l’appareil statistique national (résidence hors ménages ordinaires, mobilité résidentielle importante…). Dans ce contexte cette communication vise à mieux comprendre les profils de ces familles migrantes et de leurs parcours migratoires vers la France en s’appuyant sur deux enquêtes ayant en partie porté sur ces familles : Enquête Longitudinale sur l'Intégration des Primo-­‐Arrivants et Enquête Enfants et Familles sans Logement. Il s’agit d’identifier et de quanitifier les profils des familles « atypiques » rencontrés dans la littérature – couples migrants ensemble et mères seules, demandeurs d’asile, parents et enfants en situation irrégulière, familles sans logement – comparativement à d’autres catégories de familles migrantes plus « classiques » telles les familles composés d’un couple parental et ses enfants admis dans le cadre du regroupement familial, et plus généralement les familles d’origine immigrée résidant en France. Puis comprendre dans quelle mesure leurs histoires familiales et leurs conditions de migration diffèrent des familles aux parcours plus « typiques » et les implications possibles en termes de leurs devenir ultérieure en France. Données et méthodes Ce projet se base principalement sur l’exploitation de deux enquêtes récentes ayant chacune exclusivement ou en partie porté sur les familles migrantes en France : -­‐
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Enquête Longitudinale sur l'Intégration des Primo-­‐Arrivants (ELIPA) (2010-­‐2013) Enquête Enfants et Familles sans logement (ENFAMS) (2013) D’autres sources de données (recensement de population, enquête Trajectoires et Origines (TeO) (2008)) seront mobilisées pour des données de contexte. Enquêtes ELIPA et ENFAM S Les champs des deux enquêtes diffèrent (pays d’origine, statut légal, type de logement des enquêtés), mais elles sont complémentaires (Tableau 1). L’enquête ELIPA porte sur l’ensemble des familles migrantes venues des pays tiers. Elle permet d’estimer la proportion des familles ayant vécu une période de vie sans domicile depuis leur arrivée en France et ainsi replacer les situations observées dans l’enquête ENFAMS dans un contexte plus général. L’enquête ENFAMS s’intéresse aux familles sans domicile et permet de connaître les caractéristiques des familles étant encore en Soumission AIDELF 2016 – Tatiana EREMENKO – Profils et parcours des familles migrantes récemment arrivées en France
situation irrégulière et de comparer les caractéristiques de ces familles peu connues (situations familiales, motifs migratoires) avec les autres familles migrantes (interrogées dans ELIPA). Tableau 1 Description des echantillons des enquêtes ELIPA et ENFAMS Date ELIPA ENFAMS de 2010-­‐2013 2013 l’enquête Nationalité pays / Ressortissants des pays tiers Ensemble: nés en France, EU27 ou pays tiers de naissance Statut légal Régulier (titre de séjour) Ensemble: nationalité française, EU27 ou pays tiers en situation régulière (titre de séjour, demande d’asile) ou en situation irrégulière (sans documents) Situation Ensemble : hors famille, couple sans Familles avec au moins un enfant de moins de 13 familiale enfants, couple avec enfants, familles ans : monoparentales Type logement de Ensemble : hébergés couples avec enfants, familles monoparentales logement par un personnel, Familles hébergées en hôtel social, en centre particulier, d’hébergement d’urgence (CHU), de réinsertion hébergement social… sociale (CHRS) ou pour demandeurs d’asile (CADA) Lieu de Ile-­‐de-­‐France, Provence-­‐Alpes-­‐Côte-­‐
Ile-­‐de-­‐France résidence D’azur, Rhône-­‐Alpes et Alsace Effectifs Ensemble / avec au moins un enfant 801 familles cohabitant selon les vagues d’enquête -­‐
V1 (2010) : 6107 / 2373 -­‐
V2 (2011) : 4756 / 1904 -­‐
V3 (2013): 3574 / 1489 Les deux enquêtes comportent des modules similaires sur la composition de la famille au moment de l’observation (lieu et année de naissance des enfants, situation maritale du parent répondant…), ainsi que les trajectoires migratoires des parents (pays d’origine, période d’arrivée en France, motifs de départ, projets migratoires futurs, existence d’un réseau amical et/ou familial en France avant l’arrivée) et les conditions légales et socio-­‐économiques de vie en France (statut légal, type de titre de séjour, activité, type de logement, revenus du ménage…). Ces informations permettront donc de construire des catégories et des indicateurs similaires à partir des deux enquêtes. Soumission AIDELF 2016 – Tatiana EREMENKO – Profils et parcours des familles migrantes récemment arrivées en France
Définition de la population étudiée Cette étude s’intéresse aux familles migrantes en France. Les « familles » sont ici définies comme les unités résidentielles constituée d’un parent et d’un enfant (ou plus) résidant de manière permanente avec le parent répondant3. Ces familles sont dites « migrantes » dès lors qu’au moins un des parents de l’enfant est immigré (né étranger à l’étranger et résidant en France). Analyses à mener Les analyses consisteront en la description de la population étudiée sous trois axes : -­‐
Analyse des trajectoires génésique des familles (naissance des enfants dans le pays d’origine ou en France, sexe et situation conjugale du parent migrant en France…) -­‐
Analyse des trajectoires migratoires des familles (motifs de départ, conditions à l’arrivée en France…). -­‐
Construction d’une typologie des familles migrantes en fonction de leurs histoires familiales et migratoires, mais également en fonction des ressources socio-­‐économiques (niveau d’éducation, situation professionnelle) et légales détenues à l’arrivée (visa). Bibliographie indicative de Gourcy C., Arena F., Knibiehler Y., eds. 2013. Familles en mouvement : migrations et parentalité en Méditerranée. Aix-­‐en-­‐Provence: Presses universitaires de Provence. Département des statistiques, des études et de la documentation (DSED), 2003-­‐2011, L'admission au séjour -­‐ les titres de séjour. Direction générale des étrangers en France (DGEF), 2015, Les étrangers en France. Année 2013. Dixième rapport établi en application de l'article L.111-­‐10 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Paris, Direction générale des étrangers en France (DGEF), 217 p. Fresnoza-­‐Flot A., 2009, « Migration status and transnational mothering: the case of Filipino migrants in France », Global Networks, 9(2), p. 252-­‐270. Guyavarch et al. (2014). Rapport d'enquête ENFAMS. Enfants et familles sans logement personnel en IdF. Premiers résultats de l’enquête quantitative, Paris, Observatoire du Samusocial de Paris, 362 p. 3
Les enfants nés et vivant dans le pays d’origine du parent répondant, soit les familles dites « transnationales », ne font pas l’objet de cette recherche. Cependant la situation de la famille peut évoluer durant la période d’observation – certains enfants peuvent rejoindre leur parent ayant migré en France – et rentreront alors dans le champ d’observation. Plus généralement, l’existence des autres enfants non résidents que ce soit en France ou à l’étranger sera pris en compte dans les analyses. Soumission AIDELF 2016 – Tatiana EREMENKO – Profils et parcours des familles migrantes récemment arrivées en France
Moro M. R., Barou J., 2003, Les enfants de l’exil: Etude auprès des familles en demande d’asile dans les centres d’accueil, Paris, Sonacotra : UNICEF. Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII), 2014, Rapport d'activités