Lettre de la miniature n° double 34-35 (mars-juin 2016)

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Lettre de la miniature n° double 34-35 (mars-juin 2016)
La Lettre de la Miniature
la
N° 34-35 (2). Mars-Juin 2016. Rédaction : ©Nathalie Lemoine-Bouchard. Tous droits réservés.
AGENDA
Petits mondes, miniatures
strasbourgeoises du XVIIe
siècle, du Cabinet des
Marquis d’AIGREMONT
(Lille, 1768 - Lille, 1829).
Max marquis de la Maisonfort, enfant
en exil à Brunswick, v. 1797 (détail)
(cat. Lemoine-Bouchard Fine Arts)
Estampes de Strasbourg au
Musée de l’œuvre Notre Dame
à Strasbourg, du 15 octobre
2016 au 16 janvier 2017.
« Combien fécond le plus
petit domaine quand on sait
bien le cultiver » : cette
citation de Goethe mise en
exergue donne le ton de
l’élégante publication faite
d’illustrations pleine page,
accompagnant cette
exposition. Le texte de
quelques feuillets, rédigé par
Florian Siffer, donne le
contexte de la production de
ces miniatures sur vélin au
XVIIe siècle, dérivées de
l’importante tradition de
l’enluminure en Alsace au
Moyen-Age et pendant la
Renaissance. Ce que l’on peut
considérer comme une école
de la miniature strasbourgeoise
s’incarne alors autour de
Frierich Brentel (1580-1651)
et de ses élèves, Sébastien
Stoskopff (1597-1657) ou
Wilhelm Baur (1607-1642).
A découvrir aussi les œuvres
de Johann Nikolaus Gasner.
Musées de la ville de
Strasbourg, Coll.« Le Cabinet
de l’amateur », 16 pages, 60
ill. env., 24,5 × 36 cm. env. 9 €
ISBN : 9782351251355
ISSN 2114-8341
Dans ce numéro double, 6 peintres en
miniature nouvellement répertoriés.
Ont participé à cette édition :
Annie Delatte, Christina Egli, Anne
Lajoix, Régine de Plinval de
Guillebon, Bernd Pappe, Hélène
Richard-Cotteblanche, Irina
Safonova, Florian Siffer.
La Lettre de la Miniature propose à chaque numéro un gros plan sur quelques
artistes, une miniature ou une collection ; l’actualité de Lemoine-Bouchard
Fine Arts (Galerie et Expertise) ; l’actualité de la Recherche et des musées.
N’hésitez pas à nous communiquer informations ou recherches en cours.
Bonne lecture!
Sommaire
p. 2-3 – Gros plan :
Miniatures vues à la Tefaf 2016, Maastricht, dont un portrait d’Elisa Bacchiochi
par Marianna Waldenstein.
p. 3-15 – Peintres en miniature et peintres sur porcelaine :
- Le point sur différents artistes du nom de Liénard : Edouard Liénard ; JeanBaptiste Liénard ; Sophie Liénard ; Justin Liénard.
p. 14-15 - Les Liénard et Mme Jaquotot
Par Nathalie Lemoine-Bouchard
p. 16 – Peintres en miniature nouvellement répertoriés en France :
Albrespit (1804) ; la vicomtesse de Lubersac ; J. de la Paix ; Louis-Pierre
Legendre ; Simon I Le Juge ; Simon II Le Juge.
p. 17 – Actualités de Lemoine-Bouchard Fine Arts :
- Galerie : miniatures par Edouard Liénard, 1822 ; Jeanne-Philiberte Ledoux ;
Mme Morize de l’Académie de Toulouse ; Max de la Maisonfort par le marquis
d’Aigremont.
p. 1 Actualités des Musées
Exposition : Petits mondes, miniatures strasbourgeoises du XVIIe siècle, du
Cabinet des Estampes de Strasbourg
Gros plan : les miniatures à la Tefaf, Maastricht, dont un portrait d’Elisa Bonaparte
Baciocchi par Mariana Waldenstein.
Les miniatures présentées en simples médaillons n’ont fait, cette année encore, qu’une très timide
apparition au dernier salon de la Tefaf (The European Fine Art Fair) à Maastricht (11-20 mars 2016) mais
elles étaient présentes sous d’autres formes, insérées sur de riches boîtes en or ou bien visibles comme
accessoires dans quelques tableaux. Plusieurs galeries présentaient des miniatures sur vélin des XVIe et
XVIIe siècles, dont une Sainte famille d’après Raphaël, sur vélin vers 1560, de l’entourage de Giulio
Clovio (Grizian, Croatie, 1498-Rome, 1578) (Galerie Les Enluminures). Signalons chez Kugel entre autres
une belle boîte ovale en or montée à cage ornée sur toutes ses faces de Vues du port de Brest par Louis
Edmé de Lioux de Savignac ; et vendu par la Galerie Alessandra di Castro Antichita, un Portrait d’Eugène
de Beauharnais vice-roi d’Italie, en uniforme de lieutenant général des armées françaises et décoré de la
Croix de fer, signé par Giambattista Gigola (Brescia, 1769 – Tremezzo, 1841); il s’agissait d’une version
en buste vers la droite (ovale, 4,4 x 3,5 cm). La miniature présentée sur fond bleu dans un cadre
rectangulaire en métal doré avait la particularité d’être inscrite au verso « Paolina » et provenait, peut-être,
de Paolina Bonaparte Borghese (1780-1825).
La même galerie présentait aussi une œuvre d’une miniaturiste dont les œuvres sont rares, Mariana
Waldenstein, 9e marquise de Santa Cruz (1763-1808), sur laquelle nous allons nous arrêter. Elle représente
Elisa Bonaparte Baciocchi, en buste vers la gauche, vers 1801-1802 ; signée à gauche « M. Santa Cruz »,
ovale, 6,7 x 4,5 cm, elle est placée sur le couvercle d’une tabatière rectangulaire en écaille montée en or,
entourée d’un décor à l’or, vermeil et filet d’émail bleu, poinçons illisibles, 7,8 x 5,5 x 1;5 cm (fig. 1).
Proposée dans un écrin en maroquin rouge, elle est accompagnée d’un manuscrit indiquant : « Tabatière
ayant appartenu à / l’empereur Napoléon Ier à l’empereur/ Napoléon III et au Prince impérial.
L’Impératrice Eugénie l’a/ choisie parmi les objets du Prince/impérial, pour la Princesse Gabrielli /
Camden Place 20 sept. 1899. N.ch.Dom…( ?) ».
Fig.1. ©Alessandra di Castro Antiquita
Elisa, sœur de Napoléon Bonaparte, épousa contre le vœu de son frère le capitaine Felice Baciocchi à
Marseille en 1797 mais revint immédiatement après vivre à Paris jusqu’en 1805. Napoléon devenu
empereur créa pour elle et son mari la principauté de Lucca et Piombino. Le couple vécut dès lors en
Italie ; Elisa fut par la suite princesse d’Etrurie et grande duchesse de Toscane. Elle avait rencontré
Mariana Waldenstein vers 1801 à Paris. Cette jolie femme pleine de séduction était la fille du comte
Emmanuel Philibert de Waldenstein et de Marie-Thérèse de Liechtenstein. Elle avait épousé en 1781 José
Joaquin de Sila, marquis de Santa Cruz, de trente ans son aîné et un proche du roi Charles IV d’Espagne.
…/…
2
Gros plan : les miniatures à la Tefaf, Maastricht (suite)
…/…
Mariana Waldenstein eut par la suite une vie sentimentale agitée, avec nombre d’amants, notamment Félix
Guillemardet, ambassadeur du Directoire à Madrid. Vers la fin de l’année 1800, elle fit la connaissance de
Lucien Bonaparte, avec lequel elle eut une liaison et qui l’introduisit dans l’entourage de Napoléon. Lucien
resta à Madrid jusqu’à la fin de 1801, locataire précisément au Palais Santa Cruz tandis que Mariana fit un
séjour à Paris début 1801 au cours duquel elle rencontra les peintres Jacques-Louis David, François Gérard
et le miniaturiste Jean-Baptiste Isabey. C’est à cette époque qu’elle fit la connaissance de la sœur de son
amant, Elisa Baciocchi, qui tomba elle-même sous son charme.
Elisa écrivit à son frère Lucien le 20 août 18011 : « La veille de mon départ, la marquise avait été
présentée à Bonaparte et à sa femme par son ambassadeur. On la trouve belle, très belle et ceux qui l’ont
vue chez moi l’ont trouvée très aimable. Je t’assure qu’il m’en a coûté de me séparer d’elle. Elle a pleuré
et moi aussi, elle me contait ses petits chagrins, je la consolais, je prenais ta défense, elle te croit
infidèle…Quelle calomnie ! Rassurer-la, je t’en prie. Je lui écris souvent. Elle est vraiment charmante,
remplie de talents, de grâce ». Lucien rentra définitivement en France fin 1801, sa liaison avec la belle
marquise de Waldestein prit vite fin car il s’éprit en 1802 d’Alexandrine de Bleschamp.
Mariana de Waldenstein avait elle-même été portraiturée par le peintre Goya vers 1795 (musée du Louvre)
et par Appiani. Les témoins de sa propre production en miniature, peut-être restreints à l’entourage de ses
amis, sont très peu nombreux.
Marie-Anna dite Elisa Bacciochi se fit peindre à maintes reprises et figure notamment assise dans un parc,
avec sa fille tenant un faon apprivoisé, tableau signé par François Gérard en 1811. Signalons en émail, un
portrait d’elle et un autre de sa fille Napoléone Elisa en 1813, par Salomon Guillaume Counis (17851859), conservés sur une boîte de l’orfèvre Nitot au Louvre (RF 30872) (fig. 2). Un autre portrait en
miniature publié sous le nom d’Elisa Bacciochi dans la collection EPS (Friesen, 2001, n° 235 repr.), est
signé vers 1815 par un miniaturiste dont les œuvres sont rares, Alexandre Lestang-Parade. Nous avons
répertorié ce portrait dans Les peintres en miniature, 2008, cependant la comparaison avec l’abondante
iconographie de la princesse n’est pas entièrement convaincante et l’on remarquera que dans le portrait de
Lestang-Parade, la jeune femme porte sur sa robe une broche chiffrée « H », initiale qui invite à écarter
l’identification à Elisa.
N. L.-B.
Fig.2. 3,1 x 2,4 cm
(Louvre)
1. Lettre conservée à Rome, Fondazione Primoli, 8354, citée par M. Simonetta, « Lucien Bonaparte ambassadeur en Espagne »
in 1775-1840 Lucien Bonaparte un homme libre, catalogue d’exposition édité par M.T. Caracciolo avec la coopération
d’Isabelle Mayer-Michalon, Paris, 2010, p. 70.
3
Peintres en miniature et peintres sur porcelaine : le point sur les différents artistes
du nom de Liénard
Le patronyme « Liénard » fut porté par plusieurs artistes qui ont été confondus. Ceux qui nous intéressent
ont peint, les uns en miniature, les autres sur porcelaine, et contrairement à ce qu’affirmait Schidlof en
1964 dans Miniature en Europe, ce n’est pas le miniaturiste Edouard Liénard qui fit un passage à la
manufacture de Sèvres. A la demande du musée State Pushkin Museum (Moscou), qui possède une paire de
vases en porcelaine signés Liénard, et du musée d’Arenenberg en Suisse qui conserve un portrait sur
porcelaine signé J. Liénard, voici le résultat de nos recherches pour démêler les parcours et attribuer ces
œuvres.
Jean Auguste Edouard Liénard (Paris, 11 janvier 1778 - Lille, 10 février 1848).
Le seul Liénard qui fit vraiment carrière comme peintre en miniature et comme portraitiste fut JeanAuguste Edouard Liénard, qui signa Liénard Edouard ensuite Edouard Liénard ou E. Liénard, signature
suivie de la date dans les années 1820. Il était le fils de Jean-Baptiste Liénard, un bon graveur d’origine
lilloise qui avait été élève de Le Bas, et d’Angélique-Victoire née Boulay (Boulet, Boullay) à Paris.
Edouard Lienard fut élève pour la peinture de Jean-Baptiste Regnault, et pour la miniature de Jean-Baptiste
Isabey. Nous le trouvons inscrit sur les registres de l’école de l’Académie, le 19 Brumaire an IV (1796) :
« âgé de 17 ans, demeurant rue Neuve St Augustin, n° 931, chez Mme sa mère, a justifié de sa carte de
citoyen, élève de M. Regnault ». Il eut un frère cadet, Joseph-Victor Liénard, simple soldat qui gravit les
échelons, fut lieutenant au 27e régiment de Dragons, fut blessé en 1807 à Friedland et mourut le 26 mars
1809 au combat de Pont-d’Avé (Portugal).1
A son entrée à l’école de l’Académie, il est indiqué qu’Edouard Liénard habitait chez sa mère et non pas
chez ses parents. En effet, le ménage Liénard n’avait pas été heureux. L’historien Lucien Lemaire qui avait
recueilli des souvenirs sur cette famille, confondit le père et le fils et c’est à Jean-Baptiste, le père graveur,
qu’il faut appliquer cette information qui avait été reproduite dans Lemoine-Bouchard, Les peintres en
miniature… 2008 : « Liénard avait la passion du jeu. Le notaire Chamonin, l’un de ses élèves, était chargé
de récolter l’argent qu’il gagnait ». Selon Lemaire, « sa femme était l’une des berceuses du dauphin » ; elle
avait reçu en cadeau de Marie-Antoinette une boîte de peinture et un étui à aiguilles de couture, qui furent
rachetés par M. Chamonin ». 2
Au début des années 1780, les Liénard étaient logés rue neuve Saint Augustin, chez l’architecte FrançoisVictor Perrard de Montreuil et son épouse, eux-même mariés depuis 1772. En 1783, Mme de Montreuil
obtint la séparation de corps : son mari dilapidait sa fortune et la trompait avec la dite Mme Liénard qui
logeait sous le même toit, tandis que Jean-Baptiste Liénard ne parvenait pas à payer le loyer. Selon un acte
notarié daté de 1784 :
« Lors de la séparation qui s'est effectuée entre les parties …1 avril 1783, il s'est élevé entre elles un
grand nombre de contestations …[…] pour éviter l'involution des procédures … [elles] ont convenu de
terminer à l'amiable et après avis des avocats … […]
« article 10 : la dame de Montreuil avait aussi formé demande contre le dit sieur son mari à ce qu'il soit
tenu de lui payer diverses fournitures par elle faites sur sa réquisition à la dame Liénard montant à 311
livres plus 2031 livres 12 sols pour nourriture, pension et logement des dits sieur et dame Liénard
pendant le temps qu'ils ont demeuré chez les dits sieur et dame Demontreuil, en outre de lui faire
remettre par le dit sieur Liénard 16 estampes appartenant à la dite dame et que le sieur Demontreuil
avait prêté au dit sieur Liénard, enfin les frais et dépenses que la dite dame Demontreuil avait été
obligée de faire contre les dits sieur et dame Liénard, à quoi le dit sieur Demontreuil répondait que cet
objet lui était étranger et que la dite dame Demontreuil n'avait à cet égard d'action que contre les dits
sieur et dame Liénard.
Sur quoi les sieurs Laudour et Dufey sont convenus que les dites répétitions seraient rejetées sauf à la
dite dame Demontreuil à se pourvoir ainsi qu'elle avisera contre les dits sieur et dame Liénard …et à
rejeter contre le dit sieur Demontreuil la somme de 721 livres pour le prix du tableau de M. Robert
[ndlr : Hubert Robert ?] que le dit Liénard avait donné en déduction de ce qu'il devait, en justifiant par
la dite dame Demontreuil que ce tableau avait été vendu par son mari au dit Taffard et que le dit Taffard
a payé ou en a tenu compte au dit sieur Demontreuil. »3
Selon Lefèvre d’Amécourt, « Perrard de Montreuil avait une fortune qu’on porte à 5 à 600 000 #
(livres) en immeubles : mais il était fort dérangé. La dame de Montreuil avait aussi de son côté assez de
fortunes et des protections puissantes qui eussent avancé son mari s’il se fut bien conduit. …/…
4
Peintres en miniature : Les Liénard (suite)
…/… Mais il parait que Perrard est en soi un sujet au-dessous du médiocre par l’esprit et par le cœur. Il a
fait, depuis son mariage, beaucoup de dettes auxquelles, du moins en partie, il a fait obliger sa femme. Il
avait chez lui une concubine pour laquelle il dépensait beaucoup et avait les plus mauvaises façons pour sa
femme. Ce qui a obligé celle-ci à se retirer de la maison maritale et de former une demande en séparation
de corps ». 4
En l’an IV, c’est certainement l’architecte amoureux qui commanda au peintre Jean-Louis Voille (17441803) un portrait de Marie Victoire Liénard, coiffée d’une toque de linon et d’une aigrette (Palais des
Beaux-arts de Lille, acquis en 1873).5 Voille était alors en France entre deux séjours en Russie où il menait
une belle carrière comme peintre de la Cour. Il avait du quitter précipitamment Saint-Pétersbourg en raison
de l’oukase d’expulsion des Français promulguée le 8 février 1793 par l’impératrice Catherine II, mais il
repartit en Russie en 1797. L’année de ce portrait, Perrard de Montreuil put enfin épouser, selon le contrat
de mariage du 26 Floréal an IV, Marie Victoire Liénard, venant elle-même de divorcer de son premier
époux6.
Edouard Liénard vécut donc la plus grande partie de sa jeunesse à Paris, dans l’immeuble de la rue neuve
Saint Augustin, n° 931, adresse qu’il donnait encore à son entrée dans l’atelier de Regnault. Son beau-père
architecte avait fait déjà deux faillites en 1789. La Révolution acheva de le ruiner. Censeur royal, Perrard
de Montreuil était aussi architecte du Grand prieuré de France et responsable de ce fait de tous les travaux
dépendants des commanderies de l’ordre de Malte ; fonctions qu’il perdit avec la suppression des ordres
religieux et la chute de la royauté. Comme architecte, il est l’auteur, notamment, de la Rotonde du Temple,
construite en 1788 dans l’enceinte de l’Enclos du Temple, vaste édifice à fonctions commerciales et
d’habitations, dans lequel il avait son cabinet de travail ; le bâtiment fut démoli pour raisons de sécurité
lorsque le roi fut emprisonné au Temple en août 1792 ; il construisit aussi un hôtel particulier au n° 44 rue
des Petites Ecuries à Paris, et une folie à Pantin bâtie sur des terrains appartenant à la famille de JeanFrançois de Viterne, l’un de ses voisins dans l’immeuble de la rue Neuve St Augustin, n° 931. En l’an XI
(1802), Edouard Liénard « peintre » apparut comme témoin devant un juge de paix en faveur de ce même
J.-.F. de Viterne et de ses enfants mineurs aux côtés de son beau-père. 7
En 1810, son beau-père Perrard de Montreuil alors architecte rue de Cléry n°12, sollicita en vain de
l’Empereur un poste d’inspecteur des Jardins de Bagatelle pour lui-même et pour sa femme soulignant
qu’elle venait de perdre son fils cadet mort au combat.8 En 1818, il était inspecteur des travaux effectués
pour la prison de Loos, près de Lille. Il demeurait à Paris, rue du Faubourg St Denis n°46, lorsqu’il fut
retrouvé mort le 21 avril 1821 à La Frette sur Seine, âgé de 79 ans (on le suppose mort noyé dans la Seine).
Sa femme lui survécut fort longtemps puisqu’elle mourut à Lille âgée de 101 ans.
Edouard Liénard exposa au Salon de Paris de 1804, n° 916 Plusieurs portraits dont la technique n’est pas
précisée et peut-être s’agit-il de tableaux et non de miniatures. Après des débuts parisiens, il poursuivit sa
carrière à Lille dont son père était originaire, et il fit partie des personnalités qui comptèrent dans le monde
des arts de la ville. Il figure dans les archives de la loge maçonnique La Modeste à L’Orient de Lille dont il
était l’un des officiers dignitaires en 1812. Il était peintre et membre du jury académique en 1818,
domicilié rue des Prêtres, n° 24. Il exposa au Salon de Lille en 1818, des portraits à l’huile et d’autres en
miniature, dont un Portrait d’homme en miniature sous le n° 74 qui lui valut la mention honorable. En
1820, Etienne de Jouy visitant avec lui le salon de Lille, fit éloge de ses portraits « en sa présence, sans
blesser son extrême modestie, par la raison qu’il est sourd »9. Il montra quatre grands portraits et quatre
miniatures au Salon de Lille de 1822 et signait encore des miniatures en 1833 (Femme à la robe rouge et
au col de dentelle, et Dame à la coiffe de dentelle, signées et datées 1833, ovales, H. 11,5 cm (Drouot,
étude Kahn-Dumousset, 28 octobre 2011, n° 24 et 25 non repr.).
Sa surdité notée par Etienne de Jouy ne l’empêcha pas d’être nommé professeur à l’Ecole des Beaux-Arts
de Lille en 1823-1836, en succession du peintre François Watteau, et directeur des écoles académiques de
Lille. Il connaissait en particulier le peintre en miniature Henri-Joseph van Blarenberghe, conservateur du
musée de Lille, et à la mort de ce dernier en 1826, ce fut l’une des quatre personnalités du monde des arts à
tenir le drap mortuaire avec le marquis d’Aigremont, conservateur adjoint du musée et peintre en miniature
(voir p. 1 et 17 à notre catalogue son portrait du jeune Max marquis de la Maisonfort), Houzé d’Aulnoit et
Cadet de Beaupré aussi membres du jury académique. Le peintre Jean-Baptiste Wicar, ancienne relation de
son père J.-B. Liénard, possédait deux miniatures d’Edouard Liénard Un Officier et Une Vieille dame
(ancien musée Wicar à Lille). En 1832, Edouard Liénard était allé rendre visite à Wicar en Ombrie.10…/…
5
Peintres en miniature : Les Liénard (suite)
Les miniatures sur ivoire signées par Edouard Liénard ne posent pas de problème d’attribution particulier
puisque l’artiste a signé avec son prénom, se différenciant ainsi de la production artistique de son père.
Pour le moment, les premières miniatures que l’on connaisse sous son pinceau datent de la Restauration, à
une époque où il était installé à Lille. Il eut notamment une clientèle de militaires, plusieurs officiers de la
Marine anglaise en séjour en France, notamment L’Amiral Searle, en buste de ¾ à gauche en uniforme
bleu, revers blancs, épaulettes dorées, signé et daté à droite le long du cadre Liénard Edouard 1817, diam.
7,5 cm (Christie’s Londres, 27 avril 1993, n° 850 repr.). Il lui arriva de peindre le même modèle en grand
et en miniature, entre autres M. Richebé en uniforme de commandant des éclaireurs de la Garde (il fut tué
à la barrière de Clichy en 1814 à la prise de Paris par les Alliés); il porte une petite moustache, signée,
ovale, H. 3,5 cm, L. 2,7 cm (petite miniature vue par Lemaire dans l’ancienne coll. M. Guichard, avocat à
Lille). Liénard exposa au Salon de Lille de 1818, n° 71 un portrait en pied à l’huile du même modèle, aide
de camp du maréchal de Trévise. Il peignit aussi des femmes et des enfants, sa réputation passant à Lille de
bouche à oreille. Selon Hippolyte Verly11, il fit les portraits de Pommereuil, alors préfet du Nord, Févez,
d’Hancarderie, de la Mairie, Wacrenier, etc. Signalons de lui un rare dessin d’une jeune femme d’une
famille noble lilloise, les Hespel de Guermanez qui étaient en relation avec le peintre Jean-Baptiste Wicar :
- Marie-Bonne Flavie de Prud’homme du Roc (1804-après 1824), à mi-corps de ¾ à gauche, robe à
décolleté croisé, manches courtes, collier, cheveux coiffés en rouleaux, signé et daté de 1824, dessin à la
mine de plomb, avec ses armes (trois tours) à gauche (fille d’Henriette Hespel de Guermanez).12
Edouard Liénard était un bon peintre en miniature dont le dessin fut influencé par son maître Isabey. Les
chairs sont peintes en un pointillé assez large, avec des ombres marron ou grises. Les yeux sont en amande
et la pupille est soulignée d’un peu de blanc.
Les yeux en amande et le pinceau moelleux sont
particulièrement notables dans le portrait que nous
présentons,daté de 1822 :
Fig. 1. Edouard LIENARD (Paris, 1778 - Lille, 1848).
- Homme aux yeux en amande, portant bacchantes, 1822
en buste de ¾ à gauche, décoré de la Légion d’honneur
et probablement du Lys, signé et daté à droite le long du cadre
Edouard Liénard 1822, ovale, H.8,1 cm, L. 6,5 cm
(cat. Lemoine-Bouchard Fine Arts, prix sur demande)
Les archives municipales de Lille conservent l’acte de décès de cet artiste : « Le 11 février 1848 … sont
comparus Charles Lefebvre, chef de bureau à la préfecture, âgé de 31 ans et Valéry Lefebvre, greffier au
premier conseil de guerre, âgé de 28 ans, lesquels ont déclaré que Jean Auguste Edouard Liénard, âgé de
70 ans, peintre artiste, né à Paris, célibataire, fils de Jean Baptiste Liénard et d’Angélique Victoire Boulet
est décédé hier à onze heures du matin, à son domicile, rue Saint-André n°107 ». Quatre ans plus tard, sa
mère mourut à la même adresse, âgée de 101 ans.
« Le 4 novembre 1852 (…) sont comparus Narcisse Montaigne cabaretier, âgé de 54 ans, et Henri
Dumoulin, rentier, âgé de 52 ans, tout deux domiciliés à Lille, voisins de la défunte, lesquels nous ont
déclaré que Angélique Victoire Boullay, rentière âgé de 101 ans, née à Paris (Seine), veuve en premières
noces de Jean-Baptiste Liénard, et en deuxièmes noces de … Perrard de Montreuil, fille de feu Nicolas
Charles et Marie Anne Mabille de Poncheville (sans autre renseignement) est décédée avant-hier à une
heure du soir en son domicile rue Saint-André numéro 107, ainsi que nous nous en sommes assurés, les
déclarants ont dit ne savoir écrire ni signer (…) ».
…/…
6
Peintres en miniature : les Liénard (suite)
…/…
Edouard Liénard, contrairement à ce qu’indiquait Schidlof (La miniature en Europe, 1964), n’est pas le
Liénard qui travailla un temps à la manufacture de Sèvres, et il semble n’avoir jamais peint sur porcelaine
contrairement à Justin Liénard et à Sophie Liénard (voir plus loin) avec lesquels il a été confondu. Il était
aussi bien trop jeune pour qu’on puisse lui attribuer les quelques miniatures sur ivoire signées « Liénard »
en 1789-1793 :
- Homme en costume bleu, en buste de trois-quarts à droite, en perruque,
signé et daté Liénard 1789, ovale, H. 3,8 cm
(Drouot, EVE, 18 mai 2007, n° 53-119, repr. ci-contre fig. 2).
- Portrait présumé du conventionnel Girondin Elie, de face,
en habit bleu, S.D.g. Liénard (1793 ?), ovale, H. 6 cm, L.5 cm
Fig. 2
(Drouot, 29 octobre 1973, n° 30 non repr.).
L’attribution de ces dernières pose problème. Seraient-elles de son père
Jean-Baptiste Liénard ? C’est l’hypothèse la plus vraisemblable même si ce dernier n’est jusqu’ici connu
que comme dessinateur, illustrateur et graveur, professeur, membre de la Société des Sciences, ami de JB
Wicar.
Jean-Baptiste Liénard (Lille, 1750- Paris, 1806)
Il avait obtenu la médaille dans la classe du modèle à l'Ecole de dessin de Lille en l769, était encore à Lille
en l77l où il exposa aux Salons de cette ville. Selon Hyppolite Verly, il fut à l’apogée de sa carrière entre
1770 et 1795 : il collabora à l’illustration de deux ouvrages très emblématiques de cette époque, le Voyage
pittoresque de la Grèce de M. Choiseul-Gouffier (1782), et le Voyage pittoresque de Naples et de Sicile
par l’abbé de Saint-Non (1782-1786). Il grava d’après divers maîtres, notamment les monuments de Rome
d’après Hubert Robert dont on a vu plus haut qu’il possédait un tableau, donné à Perrard de Montreuil en
règlement de dettes. On connaît de lui quelques portraits bien dessinés (dont une Femme à mi-corps de ¾ à
gauche en robe blanche et châle, daté de l’an VII vu sur le marché de l’art). Il est possible qu’il ait fait
quelques miniatures par nécessité financière.
Ne serait-ce que pour des raisons de dates, ces miniatures de l’époque révolutionnaire ne peuvent pas être
de son homonyme Jean-Baptiste Liénard, peintre dit « Liénard de Reims », né le 19 décembre 1782 à
Reims et beaucoup trop jeune au moment de la Révolution, mort le 19 décembre 1857 à Châlons-enChampagne. C’est ce dernier qui fut élève de Louis David et non Jean-Auguste-Edouard Liénard comme
l’indique par erreur la notice de Wikipedia (09/06/2016).
Parce qu’il se prénommait Jean-Auguste-Edouard Liénard, le miniaturiste Edouard Liénard s’est vu
attribuer à tort les portraits sur porcelaine signés « J. Liénard », … même ceux réalisés bien après sa mort.
Ces œuvres reviennent en réalité à Justin-Louis Liénard qu’il convient de réhabiliter.
Justin-Louis Liénard ( Paris, 5e arrondissement, 30 mars 1809 - Paris, 24 octobre 1878).
Cet artiste dont nous publions ici les prénoms et les dates exactes, était cité jusqu’ici comme « J. Liénard »,
sans renseignement dans quelques dictionnaires. Il a été prénommé « Jacques » par l’expert Olivier Boré
(cité in Lemoine-Bouchard Les peintres en miniature, 2008) mais cette information
s’avère sans aucun fondement. Justin Liénard n’est autre que l’époux
très oublié et pourtant talentueux d’une peintre sur porcelaine réputée,
Sophie Liénard. Les œuvres de celle-ci atteignent de nos jours des prix
soutenus dans les ventes publiques or maintes œuvres passées sous son
prénom ne sont pas signées « S. Liénard » mais bien clairement « J.
Liénard ».
Ce fut le cas encore dernièrement des deux portraits sur porcelaine
vendus chez Me Osenat à Fontainebleau le 6 mars 2016, n° 294
Portrait du prince impérial (fig. 2, ci-contre) et n° 292 Portrait
de Napoléon, qui sont tous deux de Justin et non pas de Sophie Liénard.
Fig.2. Justin LIENARD (Paris, 1809-1878)
Le Prince impérial, peinture sur porcelaine
7
Peintre en miniature : les Liénard (suite)
C’est à Justin Liénard qu’il faut rendre le beau
portrait sur porcelaine de l’Impératrice Eugénie, des
magnolias dans sa chevelure et à son décolleté
d’après le portraitiste officiel F.-X. Winterhalter,
signé à gauche « J. Liénard », ovale, H. 13 cm, L.
10,5 cm, conservé au musée d’Arenenberg en Suisse,
inv. 1102 (acquis en 1978, la signature lue jusqu’ici
« S. Liénard », fig. 3 ci-contre).
Il en fit au moins une autre version en format réduit :
- L’impératrice Eugénie, en buste de ¾ à gauche,
en robe blanche et bleue signé à gauche J. Liénard,
sur porcelaine, ovale, H. 5,7 cm
(Bonhams, Londres, 8 avril 2010, n° 121 repr.,
vendu par erreur sous le nom de J-A-Edouard Liénard).
Fig. 3. Justin LIENARD (Paris, 1809-1878)
L’impératrice Eugénie, H. 13 cm
©musée d’Arenenberg, repr. interdite.
Justin Liénard figure à plusieurs reprises dans les archives de la manufacture de Sèvres, sous son seul
patronyme : son prénom, toujours omis, a fini par être complètement oublié. « Monsieur Liénard » fit à
Sèvres des travaux dès 1828 et y entra en 1833 comme « peintre de figures » ; il habitait alors faubourg
Montmartre. Fils de Charles-François Liénard et de Marie-Jeanne Durand, il épousa le 7 mai 1831 à Paris 8e
arrondissement Sophie-Louise Girard, peintre sur porcelaine et son aînée de huit ans (Archives de Paris, Etat
civil reconstitué). Sophie Liénard, dont nous donnons ici les dates inédites, nous a laissé un beau portrait de
Justin Liénard, conservé à la manufacture de Sèvres sous le titre « Monsieur Liénard » (fig. 4 ; l’inventaire
ignore qu’il s’agit du mari de Sophie Liénard mais mentionne la date de 1845).
Fig. 4. Sophie LIENARD, née GIRARD
(Versailles, 1801 – Paris, 1875)
Portrait de son mari, Justin Liénard (Paris,
1809-1878)
Porcelaine dure, signée à droite Sophie Liénard
©Manufacture de Sèvres
8
Peintre en miniature : les Liénard (suite)
Parmi les portraits sur porcelaine de Justin Liénard, citons :
- Pierrette Edme Mollerat (1799-1871), baronne d'Hennezel « branche de Verlleroy-Attiqueville » en buste
de ¾ à droite, signé en bas à droite J. Lienard, ovale, 7 x 5,7 cm (vente à Saumur, 31 mars 2012, n° 37
repr.) et quelques portraits de modèles non identifiés, preuve qu’il eut des commandes d’une clientèle
privée ; un portrait commémoratif de Mme Elisabeth, sœur de Louis XVI, de ¾ à gauche en robe bleue avec
des fleurs au corsage, signé J. Liénard, ovale, H. 13 cm (Bonhams, Londres, 24 juin 2004, n° 165 repr.,
vendu sous une attribution erronée à Edouard Liénard) ; un autre de Louis XVI à mi-corps de ¾ à droite, en
veste marron, signé, ovale, H. 19 cm (commerce de l’art) ; celui de Louis XIV à mi-corps de ¾ à gauche
d’après Rigault, ovale, 17 x 14,5 cm (Drouot, Libert et Castor, 21 février 1992, n° 107B) ; Napoléon Ier en
uniforme, de ¾ à gauche, signé J. Lienard, ovale H. 13,3 cm, L. 10,5 cm (Drouot, PBA, 30 juin 2004, n° 110
repr.) ; divers portraits de la famille de Napoléon III précités ; La duchesse d'Orléans née Hélène-LouiseElisabeth de Mecklembourg-Schwerin d’après Winterhalter, signé à droite J. Liénard, ovale sur porcelaine
(vu à Drouot, 28 mars 2007, sous un n° 69, repr. ci-dessous fig. 5).
Fig. 5
Fig. 6
La duchesse d’Orléans d’après Winterhalter, par Justin Liénard ; la même, par Sophie Liénard
Sa femme Sophie peignit le même portrait sur une plaque de porcelaine de la manufacture Rihouet, H. 14,4
cm (Bonhams, Londres, 21 novembre 2013, n°120 ; fig. 6).
Comme elle a travaillé ainsi que son mari à des portraits des Orléans et de la famille impériale comme on le
verra plus loin, il convient de prêter une attention particulière à la lecture des signatures.
J. Liénard forma semble-t-il quelques élèves, notamment Mlle Théa Ranvaud, peintre sur porcelaine qui
exposa au Salon à partir de 1874 (Schidlof la croît par erreur élève de J.A.-Edouard Liénard).
On le trouve en 1859 prenant fait et cause pour les graveurs dans une pétition contre la photographie qu’il
classait au rang des phénomènes de mode… Il accusait les éditeurs d’avoir répandu cette « peste » et d’être
responsables de la chute de rentabilité de la gravure, devenue préoccupante : Adolphe Goupil, l’initiateur de
la pétition, utilisait lui-même la photographie pour reproduire des œuvres d’art : « Si la photographie était le
fléau réel, le fléau destructeur de la gravure, il faudrait alors en accuser MM. les éditeurs qui, les premiers,
ont répandu cette peste pour le gain du moment, étalant et vantant outre mesure cette nouvelle invention,
manquant ainsi de prévoyance et restant dans les bas-fonds du mercantilisme, tâchant d’arriver à vendre
zéro, comme ceux qui expédient des pendules sans mouvement, et des bouteilles d’eau comme vins fins.
[…]. Il en sera de même de la photographie, dont on fait injustement une rivale de la gravure, quand l’attrait
de la nouveauté aura disparu et que l’engouement sera passé.»13
Justin Lienard avait publié quelques mois plus tôt des « Causerie sur la porcelaine » dans L’art du XIXe
siècle (Paris, oct. 1858, p. 208-209). Cependant il fut critiqué dans la Revue des Beaux-Arts, Tribune des
artistes (29e année, t 10, lecture de Corplet) pour certaines parties concernant la porcelaine tendre et les
émaux de Limoges.
…/…
9
Peintre en miniature : les Liénard (suite)
Des deux époux, seul Justin entra à la manufacture de Sèvres, Sophie travailla longtemps pour Louis Marie
François Rihouet, fabriquant de porcelaine. Né en 1791 dans une famille aisée attachée au duc d’Orléans, ce
dernier débuta son activité en 1818 et obtint en 1824 le titre de faïencier du Roi. Cette année-là, il installa sa
manufacture, 7 rue de la Paix et ne la vendit qu’à sa retraite en 1853. Fille de Jean Alexis Girard et de Rose
(ou Rosalie) Adélaïde Saladin (cette dernière née à Versailles le 04.02.1763), Sophie Girard avait comme
grand-père maternel un marchand mercier, profession qui vendait notamment des boîtes à miniatures. Elle
avait commencé à peindre sur porcelaine avant son mariage et plusieurs œuvres sont de cette époque, en
particulier:
- Mlle de Fontanges à mi-corps, parée de fleurs, tenant un médaillon
(ou un miroir), signée Sophie Girard, diam. 7,5 cm sur porcelaine
(Bonhams, Londres, 28 avril 1999, n° 48 ; repr. fig. 7 ).
- Portrait de Marie-Victoire Jaquotot ? daté 1826 (Lemoine-Bouchard Fine Arts, repr. fig. 12 p. 13)
- Portrait de femme en spencer, dit portrait de Désiré Clary, signé et daté Sophie Girard 1820, diam. 5,6
cm (Drouot, Auctionart Le Fur, 26 mars 2014, n° 364 repr. ci-dessous fig. 8)
Fig. 7
Fig. 8
Elle signait alors « Sophie Girard » (voir détails de sa signature). Peut-être une partie de sa production de
jeune fille est-elle confondue avec celle de Louise Girard (active en 1824-1850) qui selon Schidlof in
Miniature in Europe, était la femme du graveur François Girard. Signalons que plusieurs beaux portraits
miniatures sur porcelaine, certains en grisaille, notamment un portrait du roi Louis-Philippe, sont signés
simplement « Girard » d’une graphie différente de celle de Sophie Girard ; peut-être y aurait-il lieu d’en
étudier l’auteur de plus près, mais ce n’est pas l’objet du présent article.
Du couple Liénard, seule « Mme Liénard » s’annonçait comme « peintre sur porcelaine à Paris, Place Royale
n° 10 », dans l’Almanach général de la France et de l'étranger pour 1839 contenant 100.000 adresses…
Elle fut aussi la seule des deux à exposer à Paris au Salon de 1842 (Vierge à la grappe d’après Mignard) à
1847 (divers portraits). Elle habitait alors 41 rue Meslay. Elle apparaît dans l'Annuaire général du commerce
Didot-Bottin de 1853, comme « Mme Liénard peintre-artiste, Meslay 43 », adresse du domicile conjugal.
Comme son mari, elle peignit la famille d’Orléans et se fit sous le Second Empire une spécialité des portraits
de l’Empereur et de la famille impériale. Elle eut aussi une clientèle étrangère, notamment espagnole et
anglaise. Citons à titre d’exemples quelques portraits d’elle une fois mariée, certains localisés au musée du
Prado et au musée de St Louis, Missouri :
- La duchesse d’Orléans (voir plus haut fig. 6) et Philippe duc d’Orléans d’après le portrait posthume de
Winterhalter, H. 14 cm sur des plaques de la manufacture Rihouet (Bonhams, Londres, 21 novembre 2013,
n°120 et 121 repr.).
- Maria Tomasa Alvarez de Toledo y Palafox, de ¾ à gauche, en robe bleue à col gaufré et foulard orange,
les cheveux relevés en tresse circulaire sur la tête, signée à droite Sie Liénard, vers 1835, ovale sur
porcelaine, 12,2 x 9,49 cm (musée du Prado, Madrid, inv O00756).
- La reine Victoria en robe blanche, dans sa loge au Drury Lane Theater, portrait aux trois-quarts, S.D.
1838, au revers Queen Victoria/ copied by Sophie Lienard, of Paris,/ from the original by E. T. Parris/
London._1838. ovale, H. 17,5 cm (Bonhams, Londres, 28 juin 2012, n° 151 repr.).
- Napoléon en uniforme de chasseurs à cheval, S.b.d. Sie Lienard, en pendant de Joséphine impératrice des
Français, ovale sur porcelaine, H. 15,2 cm (Bonhams, Londres, 23 novembre 2011, n° 154 repr.). …/…
10
Peintres en miniature : les Liénard (suite)
- Caroline Bonaparte portant une robe blanche et une parure bijoux à décors de perles et de malachite,
porcelaine signée « Sophie Liénard », 14.2 x 11.2 cm (coll. Murat ; Christie’s 14 avril 2015, n° 295 repr.;
peut-être d’après Zéphirin Belliard (1798-1861), gravé notamment par Delpech).
- Le roi Louis Philippe en civil de ¾ à droite, peut-être d’après Winterhalter, 12,9 x 10,3 cm ; Ferdinand
Philippe duc d’Orléans, de ¾ à droite, en uniforme, 14,2 x 10,9 cm (coll. Mrs Frank Spiekerman ; St Louis
Art Museum, Missouri).
- María del Carmen Lucía de Acuña y Dewitte (1817-1888), vers 1840, signé à gauche Sophie Liénard,
porcelaine ovale, à vue 13,5 x 10,9 cm. (musée du Prado, Madrid, inv O00678) ; le modèle se maria en 1837 à
Paris.
- Michael Jones Esqr. en buste de face dans sa bibliothèque, signé et daté au revers: Copied by Sophie Lienard
of Paris/ from the original painted by/ Wm D. Kennedy in London/ Febr 1840/ Paris Septembre 1840/ S. L.
rect. (Bonhams, Londres, 3 février 2004, n° 169 repr.).
- Louis-Napoléon prince président en 1852, en uniforme, S.g. Sophie Liénard, sur porcelaine ovale, H. 13,5
cm (Bonhams, 23 mai 2007, n° 166 repr. ; mentionne une signature au cachet).
Sophie Liénard mourut en 1875 à l’âge de 74 ans et demi, comme l’indique son acte de décès inédit retrouvé
aux Archives de Paris : « Du cinq mai mil huit cent soixante quinze, à deux heures de relevée, acte de décès
de Sophie Louise Girard, artiste peintre décédée hier soir à trois heures, au domicile conjugal, rue Meslay 43,
âgée de soixante quatorze ans et demi, née à Versailles, Seine et Oise, épouse de Justin Louis Liénard, artiste
peintre, âgé de soixante six ans ; fille de Alexis Girard et de Rose Saladin, décédés. Le décès a été constaté
par nous, maire, officier de l’état civil, et le présent acte dressé sur la déclaration de l’époux de la défunte et
de Léon Brévier, graveur, âgé de trente six ans, passage du Caire 149, qui ont signé avec nous après lecture
faite. » 14
Elle avait pris soin de distinguer sa production de portraits de celle de son mari en signant avec mention de
son prénom « Sophie », soit en entier, soit en abrégé « Sie ». On ne trouve pas – à notre connaissance – de
signature « S Liénard » : c’est un « J » qu’il faut lire si la majuscule du prénom est seule (les lettres S et J sont
proches). Et c’est alors la signature de son mari « J. Liénard » qui, lui, -à notre connaissance- n’a jamais signé
une porcelaine de son prénom complet « Justin ».
On trouvera page suivante des gros plans des
signatures respectives de ces deux artistes.
Alors, pour répondre à la question posée par le
State Pushkin Museum de Moscou, à qui attribuer
les deux peintures signées simplement
« Liénard » sur vases du XIXe siècle en
porcelaine sans marque, conservée dans ce musée,
représentant des Enfants jouant près d’une
niche ? (fig. 9 ci-contre, détail page suivante).
Aucun des deux époux, à priori, ne signait ainsi.
Cependant, après comparaison des graphies (voir
page suivante), nous en concluons que ces
peintures sont très probablement de Sophie
Liénard. On ne s’attendait pas à trouver sous son
pinceau une production décorative sur une
thématique des jeux d’enfants. Ces vases assez
tardifs de style, comme nous le souligne Régine
de Plinval de Guillebon, montrent en outre qu’elle
ne travailla pas uniquement pour la manufacture
de Rihouȅt.
.
Fig. 9. Attribués à Sophie LIENARD (Versailles, 1801 – Paris, 1875)
Enfants jouant près d’une niche, peintures sur vases de porcelaine sans marque,
signées en bas à droite Liénard.. H. 44,2 х 18,3 х 13,5 cm ; inv. 25919 P
3373 et inv. 25920 P 3374 © State Pushkin Museum, repr. interdite.
11
Peintres en miniature : les Liénard (suite)
Signature du vase du musée de Moscou
Signatures de Sophie Liénard, née Girard.
Signatures de Justin Liénard.
Sophie a simplifié au fil du temps la forme du « S » de son prénom et a adopté un « d » final pour Liénard
proche mais plus bouclé que celui de son mari, sans la fioriture qu’elle avait à celui de son nom de jeune fille
Girard (1826). Son « L » initiale de Liénard est généralement plus bouclé et plus bombé que celui de son
mari. La principale différence est la graphie du « r » qu’elle n’a jamais varié (cursive à la française) et qui
est inversé par rapport à celui de son mari (« r » à l’anglo-saxonne).
12
Peintres en miniature : les Liénard (suite)
Les Liénard et Mme Jaquotot
Marie-Victoire Jaquotot (Paris, 1772 – Toulouse, 1855) fit une brillante carrière comme peintre sur porcaline
et fut certainement la grande référence en ce domaine pour Sophie et Justin Liénard. Elle travailla pour la
manufacture de Sèvre de 1801 à 1842. Même s’ils ne figurent pas sur la liste de ses élèves, comme nous le
confirme Anne Lajoix, expert et auteur d’une thèse sur Jaquotot, ils se sont assurément côtoyés ; Justin
Liénard fut employé à la manufacture de Sèvres du temps de M-V. Jaquotot. Il eut ainsi l’occasion de
travailler sur une œuvre qu’elle avait commencé. On connaît en effet un portrait
du Roi Louis Philippe en uniforme en buste de ¾ à gauche
inscrit au revers « S. M. Louis Philippe 1er/ Commencé
par Mme Victoire Jaquotot./ Terminé par Justin Lienard. », rect.
H. 21,6 cm, sur porcelaine (Sotheby’s New York, 5 juin 1997,
n° 217 repr.; fig. 10 ci-contre).
Justin Liénard possédait en outre un portrait de Mme Jaquotot, une
partition à la main (c’était une pianiste remarquable), dessiné à la
mine de plomb par Antoine-Claude Pannetier (1772-1859), qu’il
offrit à la Manufacture de Sèvres (fig. 11). Les archives de la
manufacture ont bien registré cette donation mais sans faire le lien
entre le donateur et le Monsieur Liénard qui fut l’un de ses
peintres.
En 1826, Sophie Girard, future Mme Liénard, exécuta sur
porcelaine un portrait de femme brune aux yeux gris, élégante sous
une grande capeline noire, vêtue d’une robe bleu à col de fourrure
de petit gris, qui pourrait être également le portrait de Mme
Jaquotot, âgée alors d’environ 54 ans (fig. 12).
Fig. 10
Fig. 11
Fig. 12. Sophie LIENARD née Girard
Portrait de Marie-Victoire Jaquotot ?
Portrait sur porcelaine signé et daté 1826, 15 x 12 cm
Cat. Lemoine-Bouchard Fine Arts, prix sur demande.
Fig. 13
13
Peintres en miniature : les Liénard et Mme Jaquotot (suite)
A la même époque, Mme Jaquotot figure dans le tableau de François-Joseph Heim (Belfort, 1787 - Paris,
1865) Charles X distribuant des récompenses aux artistes, à la fin du Salon de 1824, exposé au Salon de
1827 (Louvre, inv. 5313) ; il existe une esquisse de son portrait en pied, titrée « Mme Jaquotot », attribuée
à Heim conservée au Louvre (détail, fig. 13 page précédente). Si ces portraits de Mme Jaquotot des années
1825 sont assez concordants, il n’en est pas de même du reste de son iconographie.
Comme nous l’avons noté en passant en revue pour cet article
les différents portraits de M.-V. Jaquotot avec Anne Lajoix,
l’iconographie jusqu’ici admise n’est pas cohérente et nous
nous contentons ici de le souligner sans entrer dans une étude
approfondie : ainsi la voit blonde ou brune, les yeux gris-vert
ou marron. Une femme blonde au fin visage et aux yeux clairs
dans un portrait en miniature sur ivoire peint par Etienne
Charles Le Guay conservée au Louvre (RF 30768) passe
depuis 1885 pour être le portrait de son épouse « M-V.
Jaquotot » vue aux trois-quarts en robe blanche, la tête
recouverte d’un voile, occupée à feuilleter un carton de dessins
posés sur une chaise, rect., H. 19 cm, L. 13,5 cm (vte feu comte
de La Béraudière, Paris, 18-30 mai 1885, n° 604 ; marquis de
Biron ; coll. D. David-Weill) ; il a été reproduit comme tel in
Lemoine-Bouchard, Les peintres en miniature, 2008, à la
notice Le Guay (fig. 14, détail). Elle ressemble à la jeune
femme anonyme peinte aussi par Le Guay de la collection
E.P.S. (fig. 15, détail) et mais pas à d’autres portraits qui sont
censés la représenter jeune et brune aux yeux marron ou foncés
(coll. part.). Le Guay se maria trois fois, d’abord avec Sophie
Giguet avec lequel il se représenta en 1792 et qui avait un
visage assez large (Louvre, RF1437), puis avec M.-V. Jaquotot
qu’il épousa en 1794 et dont il divorça en 1809 pour épouser
une autre de ses élèves, Caroline de Courtin. Si la jeune femme
blonde du Louvre est bien Mme Leguay, ne s’agirait-il pas
alors de la dernière épouse de l’artiste, Caroline de Courtin ?
On manque de portraits attestés.
Fig. 14
Fig. 15
Enfin le Louvre conserve aussi un dessin dit « autoportrait de
Marie-Victoire Jaquotot » (fig. 16) d’une femme élégante aux
cheveux bruns bouclés sous un petit chapeau, à la mode vers
1825, qui peut concorder avec les deux portraits reproduits
page précédente (fig. 11 et 12). Cependant, ce portrait est
dessiné au dos d’un carton publicitaire pour un ouvrage daté de
1841. S’il s’agit d’un autoportrait, ce serait en tout état de
cause la copie d’un portrait antérieur ; de plus, il est
monogrammé en bas de lettres qu’on peine à lire, s’agit-il
réellement des initiales de l’artiste ?
Dans les collections publiques françaises, Marie-Victoire
Jaquotot ne figure de façon certaine que dans le tableau de
Heim, mais au fond en fort petit, et dans le dessin d’elle
Fig. 16
en musicienne offert par Liénard à la manufacture de Sèvres.
Et si l’on possède un portrait du peintre sur porcelaine
Justin Liénard par sa femme, aucun représentant Sophie Girard-Liénard, ne nous est actuellement connu.
N. L.-B.
[voir notes de l’article page suivante]
14
Peintres en miniature : les Liénard (suite)
Notes.
Tous les documents concernant l’architecte Perrard de Montreuil nous ont été communiqués par Hélène RichardCotteblanche que nous remercions vivement pour ses recherches.
1. A. Martinien, Tableaux par corps et par batailles, des officiers tués et blessés pendant les guerres de l'Empire (1805-1815),
1899, p. 567.
2. Bibliothèque municipale de Lille, Fonds Lemaire, cité in Lemoine-Bouchard, Les peintres en miniature actifs en
France…2008.
3. Archives nationales, MC/ET/XC/501 du 21 juin 1784.
4. B.n.F., NAF 973, Registre de Lefevbre d’Amécourt, folio 108.
5. Palais des Beaux-arts de Lille, salle VII, huile sur toile, 0,67 m x 0,64 m, signé et daté au milieu à droite « Voille an 4 ». Dans
le catalogue du musée, 1893 : « Mère du peintre Edouard Liénard, elle était attachée à la cour du roi Louis XVI. L’artiste nous la
montre dans le costume de la fin du siècle, les cheveux frisés, légèrement poudrés, et couverts d’une sorte de turban avec une
aigrette. Elle parait trente ans. » [Elle avait alors 45 ans]. Communiqué par H. Richard-Coteblanche.
Selon Lemaire, Jean-Louis Voille aurait peint Liénard en buste grandeur nature ; il y a peut-être eu confusion car nous n’avons
pas trace de ce portrait, contrairement à celui de Mme Liénard.
6. Archives nationales, ET/IV/911 26 floréal an IV. Contrat de Mariage Perrard de Montreuil –Boulay : « …furent présents
François Victor Perrard-Montreuil architecte demeurant à Paris rue neuve St Augustin, seconde administration municipale, fils
majeur de Nicolas Antoine Perrard et Madeleine Meunier son épouse, tous deux décédés, le dit Perrard époux divorcé sans
enfants de Marguerite Fro, avant veuve de Charles Robert de Fierville, suivant l’acte prononcé à la seconde administration
municipale le 29 ventôse 4° année, enregistré le 11 floréal suivant. Et Angélique Victoire Boulay, demeurant à Paris rue neuve
St Augustin, fille majeure de Nicolas Charles Boulay et de Marie Anne Jeanne Josèphe Mabille ses père et mère décédés, la dite
citoyenne Boulay épouse divorcée avec deux enfants mineurs de Jean-Baptiste Liénard (…) Jean-Auguste Liénard et Joseph
Victor Liénard. »
[Pas de communauté de biens ; le futur époux apporte 2400 livres valeur de 1790 composées de meubles, effets,… la future
apporte aussi 2400 livres …].
7. Archives de la Seine, D2U2/11 (justice de paix, 2° arrondissement ancien) ; parmi les témoins : « le citoyen Edouard Liénard,
peintre, demeurant susdite rue St Augustin n° 931, ami ; le citoyen François Victor Perrard Montreuil, architecte, demeurant
mêmes rue et numéro, aussi ami ».
8. Lettre à l’intendant des Bâtiments, conservée à la Fondation Custodia à Paris : « Perrard Montreuil, architecte, prenant la
liberté de vous soumettre ici une demande qui lui est personnelle, a l’honneur de vous exposer ce qui suit. Né d’un père
architecte, il a reçu une éducation analogue à ce même état. Après avoir fait un cours complet d’humanités, il est entré chez les
plus habiles maîtres pour y apprendre le dessin, chez M. Vien pour celui de la figure, chez MM. Louis Moreau et Boullée pour
celui de l’architecture. […] Il ajoute ici, que, marié à une femme qui a reçu de l’éducation, et qui jouit d’une bonne
constitution, elle serait parfaitement en état de le seconder dans une partie de ses fonctions. Mais mère affligée, mère
malheureuse, elle demande ici, en son nom, la permission de faire valoir une considération en faveur de laquelle S. M.
l’Empereur se détermine souvent pour accorder la préférence dans la répartition de ses bienfaits. Elle avait deux fils, le plus
jeune entré au service vers le moment de sa conscription, et peu de temps avant la bataille de Marengo s’y trouva (à cette
même affaire) et y reçut trois blessures (dans le 8ème régiment de dragons). Il se trouva également aux batailles d’Iéna et
d’Austerlitz, il était alors sous-lieutenant, après avoir passé par tous les grades depuis celui de soldat. Devenu lieutenant
ensuite dans le 27ème dragons, il mérita la croix d’honneur quelques jours avant la bataille de Friedland pour une action
d’intelligence et d’éclat, commandant une grand-garde en avant du pont de Spanden, où il fut grièvement blessé. Mais passé
en Portugal, et chargé de s’emparer d’une position nécessaire pour faire déboucher la 5ème division de dragons qui précédait
le corps du maréchal Soult, se retirant sur Opperto [Porto] il y fut tué à cette affaire il y a un an au mois de mars dernier,
commandant, comme capitaine la deuxième compagnie de son régiment et emportant avec lui la réputation d’un brave,
l’affection de ses soldats, celle de ses camarades et l’amitié et la confiance entière de son colonel (M. L’Allemand) ; il se
nommait Victor Liénard. Il avait 29 ans, pourvu des plus heureux dons de la nature, qu’il avait améliorés par une bonne
éducation, et une certaine instruction relative à son état. Cette grâce, M. le Baron, serait donc un adoucissement aux peines
bien douloureuse d’une tendre mère, indépendamment aux autres convenances bien réelles que vous pourriez être sûr de
rencontrer, en l’accordant aux deux personnes qui la sollicitent de votre bonté. […] (signé) Perrard Montreuil/ architecte rue
de Cléry n°12 / Ma femme se trouvant en ce moment dans sa famille à Lille, département du Nord, n’a pu signer ce mémoire »
9. Jouy Etienne de, L’Hermite en province ou observations sur les mœurs et usages français, Paris, 1821, p. 161.
10. Margot Gordon, JB Wicar, 1995, p. 31.
11. Hyppolite Verly Essai de biographie lilloise contemporaine, 1800-1869, Lille, Leleu, 1869, p. 148.
12. « Jean-Baptiste Wicar et son temps », Histoire de l’art, Septentrion, Presses universitaires, 2007, p. 167, repr.
13. Justin Liénard, « Réponse au projet de pétition adressée à S.M. l’empereur par MM. les Graveurs et Lithographes », L’art du
XIXe siècle , tome IV, 1859, p. 65. Voir l’analyse de ce débat par Erica Wicky, La notion de détail et ses enjeux, Université de
Montréal, département Histoire de l’art, Faculté des arts et sciences, thèse, décembre 2010, p. 83, note 202 ; p. 88 note 216 ; p.
98, note 246.
14. Archives de Paris, décès 3e arrondissement, V4E 2734, page numérique 19. Elle n’est donc pas la fille du célibataire
JAEdouard Liénard comme l’indique par erreur Carmen Espinosa Martin dans ses notices du musée du Prado.
15
Peintres en miniature,
nouvellement répertoriés en France
Le dictionnaire Les peintres en miniature actifs en France, éd. de l’Amateur, 2008, fait l’objet de travaux
d’amélioration constants. Voici quelques noms que nous y ajoutons.
ALBRESPIT (actif en 1804).
Auteur d’une miniature datée de 1804 que nous signale Bernd
Pappe dans la coll. Tansey. Le patronyme Albrespit est porté à
la même époque par plusieurs militaires, dont un Jean-MarieClaude, polytechnicien de la promotion de 1805, et un Bernard,
engagé dans la Grande Armée.
- Jean-Baptiste Degaffet en tenue de chasseur, signée et datée
en bas à droite le long du cadre Albrespit fecit 1804, ovale 6,4
x 5,2 cm (coll. Tansey, Celle, Allemagne, inv. 11459). Elle
porte
des
inscriptions
au
revers:
« Jean/Baptiste/Degaffet/portrait/fait en 1804, et sur une
étiquette : Jean-Baptiste/ Degaffet/la remettre a Mlle /Lucienne
Brette ou/à Mr et Mme Charles/ P( ?)aulard ou leurs
descendants ».
Nous trouvons en l'an neuvième de la République française (1800) un Jean-Baptiste Degaffet juge de paix du
canton de Prez, arrondissement de Chaumont, département de la Haute-Marne, qui est peut-être l’homme
représenté.
Source : Archives départementales de Haute-Marne L3348 ; acte du 4 Floréal an IX, relevé d’une déclaration de grossesse faite
devant ce juge de paix. En ligne : http://bio52.blogspot.fr/2010/05/la-declaration-de-grossesse.html
Claire-Opportune RICHER de BEAUPRÉ , vicomtesse de LUBERSAC
“Mme la vicomtesse de Lubersac…peint la miniature très-agréablement” selon le Journal des Sciences et
des beaux-arts de 1777. Claire-Opportune Richer de Beaupré épousa en 1770, Jean-Baptiste, vicomte de
Lubersac (1737–1819). Elle eut deux enfants morts jeunes et deux fils : Pierre de Lubersac officier et peintre
en miniature (voir La Lettre de la miniature n° 30), et Jean-Baptiste Joseph, né le 18 mai , marié à Mlle de
Beauvoir décédée sans enfant.
Bibl. : Journal des sciences et des beaux-arts, 1777, p. 258.
LA PAIX J. de – (actif ou active en 1824)
Artiste signalé par une miniature : - Fillette blonde à mi-corps de face sur fond de nuages rosés, S.D.d. J. de
la Paix 1824, ovale, H. 5,8 cm (vente à Mâcon, étude Duvillard, 23 juillet 2016, n° 157 repr.)
LEGENDRE Louis-Pierre (Paris, 1723 ? – après 1790)
Peintre, pastelliste, peintre en miniature. En 1765, il était l’un des quatre peintres au service de CharlesAlexandre de Lorraine, avec Jean-Pierre Sauvage, Chrétien Guillaume Mohrhardt et Ignace Katzl.
- Charles-Alexandre de Lorraine à mi-corps de ¾ à droite dans un paysage, vers 1765, ronde sur une
tabatière de l’orfèvre Pierre-François Drais (coll. privée ; exposition C.A. de Lorraine, Lunéville, 2012).
Bibl. : Calendrier de la cour de son Altesse Royale pour l'année 1765, p. 25. Neil Jeffares, online dictionary,
www.pastellists.com
LE JUGE Simon (vers 1615 – Paris, 15 décembre 1668).
Ce jourd’huy 15e decembre 1668 a été enterré le c. de deffunct Simon LE JUGE, peintre en miniature,
décédé le mesme j. auquel enterrement ont assisté Joachim CRESNESTORF, maitre orlogeur à Paris, neveu
dud. Et Gédéon GOBILLE, marchand de taile douce à Paris aussy allié, qui ont que ledit d. lors de son
décès, était âgé de 53 ans et ont signé GREMSTORF, Gedeon GABRIELLE.
Source : Registre du cimetière protestant des St Pères, relevé par Herluison.
LE JUGE Simon II (actif en 1684).
Peintre en miniature, paroisse Saint-Eustache, rue du petit-Lion. Protestant, il était le fils de défunt Simon Le
Coq selon son contrat de mariage avec Marie Ferdinand le 10 décembre 1684.
Archives : A.N., m.c., et/XLIV/0087
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LEMOINE-BOUCHARD FINE ARTS
Galerie. Sur rendez-vous ou sur le site www.lemoinebouchard.com. Prix sur demande.
Prix et photos sur demande.
De haut en bas, rares miniatures signées de :
Jeanne-Philiberte LEDOUX, élève de J-B.Greuze, Portrait d’homme, v. 1798-1800, ses initiales en cheveux au dos.
Mme MORIZE, de l’Académie de Toulouse, « Portrait d’Auguste Bresson de Cette ».
Marquis JACOBS d’AIGREMONT, Maximilien (Max) du Bois des Cours marquis de la Maisonfort
(Bonn, 1792 – Paris, 1848), en exil à Brunswick vers 1797.
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