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ACADEMIE DE PARIS N° Année 2008-2009 MEMOIRE pour lʼobtention du DES dʼAnesthésiologie-Réanimation Chirurgicale Coordonnateur : Mr le Professeur C.M. SAMAMA par Caroline GONNET PINTON Présenté et soutenu le 9 avril 2009 TITRE DU MEMOIRE DOULEURS CHRONIQUES POST-THORACOTOMIE : ENQUETE SUR LA PREVALENCE, LES FACTEURS PREDICTIFS ET PROTECTEURS. Travail effectué sous la direction du Professeur M. Fischler 1 REMERCIEMENTS Tous mes remerciements à Monsieur Fischler, Mireille, Barbara, Sylvie, Michel et Bruno pour leur aide précieuse et leurs conseils pour réaliser l’étude et rédiger ce mémoire. Je remercie également ma famille pour leur confiance, leur soutien et leur patience pendant ces derniers mois destinés à écrire ce mémoire. 2 SOMMAIRE 1 INTRODUCTION (p 3) 2 MATERIEL ET METHODES (p 4 – 7) 2.1. Prise en charge de la douleur péri-opératoire (p 4) 2.2. Données recueillies (p 6) 2.2.1. Données démographiques et péri-opératoires 2.2.2. Données issues du questionnaire 2.3. Méthodes statistiques (p 7) 3 RESULTATS (p 8 – 10) 3.1. Description des patients (p 8) 3.2. Prévalence et description de la douleur (p 9) 3.3. Facteurs prédictifs et protecteurs (p 10) 4 DISCUSSION (p 11 – 27) 4.1. Physiopathologie de la douleur chronique post-thoracotomie (p 12) 4.1.1. La lésion du nerf intercostal 4.1.2. Sensibilisation du système nerveux et neuroplasticité 4.1.3. Prédisposition génétique 4.2. Traitements de la douleur chronique (p 16) 4.3. Résultats antérieurs (p 17) 4.3.1. Prévalence de la douleur chronique 4.3.2. Caractéristiques de la douleur chronique 4.3.3. Facteurs prédisposant 4.3.4 Facteurs protecteurs 4.4. Limites de l’étude (p 26) 4.5. Implications cliniques (p 27) 5 CONCLUSION (p 28) ANNEXE (p 29 – 47) Questionnaire (p 29) Résultats de l’étude (p 34) Références bibliographiques (p 42) 3 1. INTRODUCTION La thoracotomie est une des interventions chirurgicales les plus douloureuses et peut se compliquer à long terme de douleur chronique. La douleur chronique postthoracotomie est définie par l’International Association for the Study of Pain comme une douleur récurrente ou persistante le long de l’incision de thoracotomie pendant au moins deux mois après la procédure chirurgicale, la douleur n’étant pas liée à une infection ou à la récidive de la tumeur [1]. La première référence à ce syndrome remonte à 1944, où un chirurgien de l’US Army remarqua l’existence d’une douleur intercostale persistante chez des soldats plusieurs mois après une thoracotomie pour traumatisme thoracique [2]. La prévalence varie de 11 à 80 % [3, 4] selon les études, en fonction de la méthodologie, des critères de définition de la douleur chronique, du délai après la chirurgie, de la technique chirurgicale utilisée, de la prise en charge anesthésique et analgésique. De plus, l’évaluation des douleurs chroniques est souvent difficile du fait de la symptomatologie moins franche et moins descriptible contrairement aux douleurs aigues purement nociceptives. L’intensité de la douleur est généralement modérée [5] mais elle n’est pas dépourvue de conséquences dans la vie quotidienne des patients [6]. La présence d’une douleur chronique était associée à une augmentation de 11% du risque de décès chez les patients porteurs de cancers non à petites cellules [7]. Des facteurs de risque ont été cités dans la littérature : la douleur aigue postopératoire intense [8], le jeune âge [9], le sexe féminin [10], la voie d’abord postérolatérale [11] ou encore l’étendue de la procédure chirurgicale [9]. Il semblerait que procurer une analgésie polymodale préemptive efficace [12] et appliquer de bonnes pratiques chirurgicales [13] pourraient prévenir l’installation de ce syndrome. Les équipes d’anesthésie et de chirurgie thoracique de l’hôpital Foch privilégient une prise en charge multimodale de la douleur (incluant l’analgésie péridurale thoracique préemptive) et une incision adaptée au type de chirurgie. Cette étude a pour objectif d’évaluer la prévalence de la douleur chronique, un an après la thoracotomie, ses caractéristiques et son retentissement. Il s'agit d'une étude prospective, observationnelle et monocentrique. 4 2. MATERIEL ET METHODES Cette étude a reçu l’approbation du Comité de Protection des Personnes de l’Ile-de-France VIII. Ont été inclus dans l’étude, les malades ayant subi une thoracotomie du 1er octobre 2007 au 29 février 2008 à l’Hôpital Foch. Ceux qui présentaient les caractéristiques suivantes : âgés de moins de 18 ans, ayant subi plusieurs thoracotomies, présentant une douleur chronique avant l’opération, hospitalisés en réanimation les premiers jours post-opératoires (évaluation de la douleur et de l’analgésie difficile) et ne comprenant pas bien le Français, n’ont pas été inclus dans l’étude. Les patients ont reçu par courrier un questionnaire (Annexe) 1 an après l’intervention chirurgicale pour savoir s’ils présentaient une douleur chronique postthoracotomie et le cas échéant pour en préciser les caractéristiques. Ils ont ensuite été contactés par téléphone pour confirmer qu’ils acceptaient de participer à l’étude et les aider à répondre au questionnaire. Ils le remplissaient et le retournaient par courrier. Enfin, le recueil des données rétrospectives de la période péri-opératoire des patients ayant accepté de participer à l’étude a été réalisé à partir des dossiers médicaux pour rechercher des facteurs prédictifs et protecteurs. 2.1. Prise en charge de la douleur péri-opératoire Les patients de chirurgie thoracique à l’hôpital Foch sont pris en charge de façon standardisée pour l’analgésie post-opératoire. Lors de la consultation d’anesthésie, les patients sont informés des différentes modalités possibles pour soulager la douleur après l’intervention chirurgicale. C’est en fonction du type de chirurgie, des co-morbidités, traitements et souhait du patient ainsi que du rapport bénéfice risque qu’une technique analgésique est alors choisie. Le cathéter péridural thoracique est mis en place en T5 - T6 ou T6 - T7 dès l’arrivée en salle d’opération. Une dose test de 3 - 4 ml de lidocaïne 2% adrénalinée est ensuite administrée. Le patient est opéré sous anesthésie générale et sous analgésie péridurale thoracique (titration par bolus de 3 - 5 ml de ropivacaïne 0,375 % et de 2 – 4 ml de sufentanil 5 µg/ml puis entretien par 5 ml/h de ropivacaïne 0,2 % 5 et sufentanil 0,5 µg/ml). En post-opératoire, la PCEA est classiquement réglée pour avoir 5 ml/h de ropivacaïne 0,2 % et sufentanil 0,5 µg/ml et la possibilité de bolus de 3 ml avec une période réfractaire de 20 minutes. La vitesse et le volume du bolus sont secondairement adaptés en fonction de la douleur et du retentissement hémodynamique. En cas d’échec, le cathéter péridural est enlevé et une PCA morphine IV est débutée après titration en salle de surveillance post- interventionnelle. L’analgésie péridurale thoracique est régulièrement évaluée grâce à des cahiers de surveillance sur lesquels on retrouve entre autre : la prescription, la consommation de bolus, l’échelle numérique de la douleur (EN de 0 à 10, 0 = absence de douleur, 10 = douleur maximale) au repos, à la toux et la mobilisation et la localisation de la douleur. Le cathéter péridural est généralement retiré après l’ablation du dernier drain thoracique. L’analgésie péridurale thoracique est souvent privilégiée pour un meilleur contrôle de la douleur post-opératoire mais aussi pour une meilleure réhabilitation. En l’absence d’analgésie péridurale thoracique, d’autres techniques antalgiques sont adoptées : la PCA morphine (bolus 1,5 mg et période réfractaire de 7 min) surveillée de façon usuelle, seule ou associée à la rachianalgésie (500 µg de morphine dans 5 ml administrés avant l’induction anesthésique) ou au bloc intercostal (20 ml de ropivacaïne 0,75% réalisée par le chirurgien à la fermeture de l’incision de thoracotomie) ou encore au cathéter para-vertébral. Ce dernier est mis en place par le chirurgien en sous-pleural, dans la gouttière para-vertébrale à la fin de l’intervention. Dans ce cathéter, est administré en débit continu de la ropivacaïne 0,5 % à 5 ml/h si le poids est inférieur à 60 kg, 6ml/h si le poids est compris entre 60 et 75 kg et 7 ml/h si le poids est supérieur à 75 kg. Il est généralement enlevé le 4ème jour post-opératoire. Les co-antalgiques (paracétamol, néfopam, anti-inflammatoires non stéroïdiens et morphine) sont également prescrits en l’absence de contre-indication pour procurer une analgésie plurimodale. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont particulièrement utiles pour les douleurs d’épaules situées au-dessus du niveau du bloc sensitif de l’analgésie péridurale thoracique. 6 2.2. Données recueillies 2.2.1. Données démographiques et péri-opératoires A partir des dossiers médicaux des patients, les données démographiques et péri-opératoires ont été recueillies : âge, sexe, classe ASA, pathologie à l’origine de la thoracotomie, date de l’intervention chirurgicale, nom du chirurgien, type d’opération, voie d’abord, longueur de l’incision, nombre de drains thoraciques, durées du drainage thoracique et de l’hospitalisation en chirurgie thoracique, techniques antalgiques utilisées en post-opératoire et sa durée pour l’analgésie péridurale. En se référant aux cahiers de surveillance de l’analgésie péridurale, des groupes d’efficacité ont été déterminés par les médecins du CLUD à partir de l’échelle numérique de la douleur au repos, à la toux et à la mobilisation et de la localisation de la douleur. Groupe d’efficacité Qualité de l’analgésie 1 2 3 4 Excellente Bonne Moyenne Mauvaise 0 1-3 4-6 ≥7 ≤3 4-5 6-7 ≥8 EN au repos EN à la toux et à la mobilisation En cas de discordance entre la douleur au repos et à la mobilisation, les médecins déterminaient le groupe d’efficacité antalgique en privilégiant le score de douleur à la mobilisation, considéré comme plus discriminant. 2.2.2. Données issues du questionnaire Ce questionnaire (Annexe) est inspiré du carnet d’évaluation de la douleur de l’institut UPSA et du score DN4 de douleur neuropathique [14]. L’ensemble des questions posées permettait de connaître : - l’existence d’une douleur chronique suite à la thoracotomie, - sa localisation, - son intensité, - la présence de facteurs déclenchants et/ou aggravants, - ses caractéristiques (qualitatifs sensoriels ou affectifs avec importance de la douleur ressentie), 7 - son retentissement (sur l’humeur, le goût de vivre, la capacité à marcher, le travail habituel, les relations avec les autres et le sommeil), - le score d’anxio-dépression , - le score DN4, - le recours à des consultations médicales pour la douleur et - les traitements prescrits. Le suivi cancérologique (si la chirurgie avait été réalisée pour un cancer bronchique primitif ou des métastases pulmonaires) était également demandé, pour éviter un éventuel facteur confondant de douleur chronique liée à la récidive cancéreuse. Le questionnaire d’anxio-dépression comprend 7 items pour évaluer l’anxiété et 7 autres pour la dépression. A chaque question posée, il y a 4 réponses possibles notées de 0 à 3. La somme des réponses permet de faire un score de 0 à 21 pour l’anxiété et pour la dépression. Un score de 8 à 10 est douteux et un score supérieur ou égal à 11 correspond à un cas certain de dépression ou d’anxiété. Le score DN4 permet de déterminer le caractère neuropathique de la douleur. Il est composé de 10 questions. Un score supérieur ou égale à 4 réponses positives indique que la douleur est de nature neuropathique. 2.3. Méthodes statistiques L’objectif principal de cette étude était de déterminer la prévalence de la douleur chronique un an après la thoracotomie, les objectifs secondaires de décrire la douleur et de rechercher des facteurs prédictifs et protecteurs. Les variables quantitatives ont été exprimées en moyenne ± écart type et les variables qualitatives en n et pourcentage. L’analyse univariée et multivariée de ces variables a été réalisée avec le logiciel de statistiques JMP, comparant les patients douloureux chroniques avec les non douloureux chroniques et les douloureux chroniques avec une douleur neuropathique avec ceux ayant une douleur non neuropathique. Le test Chi 2 a été utilisé pour les variables qualitatives, le test T indépendant pour l’âge et une régression logistique pour les variables quantitatives. p< 0,05 étant considéré comme significatif. 8 3. RESULTATS Il y a eu 319 interventions de chirurgie thoracique, dont 145 résections de parenchyme pulmonaire par thoracotomie, du 1er octobre 2007 au 29 février 2008. Cinquante-sept patients répondaient aux critères de non-inclusion et il ne restait donc plus que 88 patients pour l’étude. Sur ces 88 patients, un patient a présenté un accident vasculaire cérébral ischémique le lendemain de l’intervention avec un déficit de l’hémicorps homolatéral à la chirurgie et le dossier médical d’un autre patient n’a pas pu être retrouvé. Ces deux patients ont donc été exclus de l’étude. Parmi les 86 patients restants, 8 sont décédés, 1 a refusé de participer à l’étude et 12 n’ont pas pu être contactés par téléphone ou n’ont pas répondu au questionnaire (considérés comme perdus de vue). Les 65 patients restants ont été contactés par téléphone et ont répondu au questionnaire, soit un taux de réponse de 76 % (Figure 1). 3.1. Description des patients Les caractéristiques démographiques et les données péri-opératoires de ces 65 patients sont résumées dans le tableau I. L’intervention chirurgicale était le plus souvent une lobectomie pour un cancer bronchique primitif par thoracotomie postérolatérale. Les autres pathologies motivant l’opération étaient des métastases pulmonaires, des cures de pneumothorax, des tumeurs bénignes, des nodules infectieux et des pneumopathies interstitielles. Les gestes associés à la cage thoracique étaient la pariétectomie (n = 1), la résection de côtes (n = 5) ou l’avivement pleural (n = 5). Le traitement de la douleur post-opératoire des patients était pour la plupart assuré par l’analgésie péridurale thoracique (Tableau II) et ce pendant 5,6 ± 2,5 jours (moyenne ± écart type). La qualité de l’analgésie péridurale était généralement excellente à bonne (groupe un 41%, groupe deux 47%, groupe trois 10% et groupe quatre 2%). 9 3.2. Prévalence et description de la douleur Trente et un patients (48%) présentaient une douleur chronique à un an de la chirurgie (Figure 1). Seuls 2 patients ont eu une rechute de leur cancer dans l’année suivant l’intervention sans avoir de douleur thoracique chronique. Il n’y a donc pas eu de facteur confondant lié à la récidive. La douleur intéressait la cicatrice chez 18 patients mais pouvait également être localisée dans d’autres zones du thorax ou du dos, au niveau du métamère concerné par l’incision, et l’épaule (Figure 2). Vingt et un patients (68%) avaient plus d’une zone douloureuse. Seul un patient avait des séquelles au niveau de la cicatrice du drain thoracique antérieur. L’intensité de la douleur était généralement modérée : douleur habituelle 1,3 ± 1,3 et douleur maximale 3,4 ± 1,7 (EN moyenne ± écart type). Un patient donnait une EN maximale à 8, quatre à 6 et deux à 5. La douleur était permanente pour 19 patients. Neuf patients n’ont pas retrouvé de facteurs déclenchants ou aggravants la douleur. Les autres ont cité : l’appui sur la zone douloureuse (n = 8), l’exercice physique (n = 4), la toux ou l’éternuement (n = 3), la respiration profonde (n = 2), le fait de porter des objets lourds (n = 3), les faux mouvements de l’épaule (n = 3), les vibrations causées par les moyens de transport (n= 3), les tâches ménagères (n =1) et l’influence de la saison automnale et hivernale (n = 4). Les qualificatifs les plus fréquemment cités étaient : tiraillement (n = 14), en étau (n = 13), élancement (n = 10), pénétrant (n = 10) et énervant (n = 14). L’intensité de ces qualificatifs n’était jamais extrêmement forte. Huit patients avaient un score DN4 ≥ 4, soit 26% de douleur de type neuropathique. Le retentissement de la douleur était faible pour la plupart. Il prédominait dans le travail habituel et le sommeil (Tableau III). Deux patients étaient dépressifs et dix anxieux. Les deux dépressifs étaient également anxieux. Ceux qui avaient des douleurs intenses, avaient un score d’anxio-dépression inférieur à 8. Les patients anxieux citaient plus volontiers des qualificatifs émotionnels pour caractériser leur douleur. 10 Quarante cinq pourcent des patients ont consulté un médecin pour leur douleur, le plus souvent leur médecin traitant (n = 9) mais également un médecin de la douleur (n = 2), un kinésithérapeute (n = 2) ou un pneumologue (n = 1). La consultation a conduit à la prescription d’un traitement pour 11 patients sur 14. Le paracétamol était le plus prescrit. Huit patients prenaient leur traitement occasionnellement et trois quotidiennement. Concernant les patients présentant une douleur de type neuropathique (n = 8), 1 n’a pas consulté, 3 ont vu leur médecin traitant (prescription de paracétamol pour l’un d’eux), 2 un médecin de la douleur (prescription de paracétamol et de prégabaline) et 2 un kinésithérapeute (séances d’ultrasons). Donc moins de la moitié ont eu un traitement adapté. 3.3. Facteurs prédictifs et protecteurs Etant donné les faibles effectifs dans les sous-groupes de certaines variables qualitatives, les patients ont été regroupés : - pour la pathologie motivant l’intervention : pathologie maligne ou bénigne, - pour l’intervention (étendue de la résection) : segmentectomie et résection atypique ou lobectomie ou bilobectomie et pneumectomie, - pour l’analgésie : analgésie péridurale thoracique (PCEA) ou autres. La comparaison entre les patients douloureux chroniques et les non douloureux montrait des différences d’âge, de voie d’abord et de longueur d’incision qui se sont avérées non significatives après analyse univariée (tableau IV et V). Une analyse multivariée a été réalisée en ne prenant en compte que les facteurs qui avaient un p < 0.5 avec l’analyse univariée. Toute chose égale par ailleurs, un seul facteur approchait le seuil de signification de p = 0.05 : l’âge, qui diminue le risque de douleurs chroniques d’environ 5% par année (tableau VI). La comparaison des patients douloureux chroniques ayant une douleur neuropathique avec ceux ayant une douleur non neuropathique a mis en évidence un seul facteur significatif avec l’analyse univariée : l’âge (p = 0.03). 11 4. DISCUSSION Cette étude a porté sur 86 patients avec un taux de réponse de 76% au questionnaire. L’intervention la plus fréquente était une lobectomie pour un cancer bronchique par thoracotomie postéro-latérale. Soixante-quinze pourcent des patients ont eu une analgésie péridurale thoracique de bonne qualité débutée avant l’intervention chirurgicale. La prévalence de la douleur chronique un an après la thoracotomie était de 48%. La douleur était de nature neuropathique dans seulement 26% des cas. La douleur chronique ne concernait pas seulement la cicatrice de thoracotomie mais également d’autres zones du thorax et l’épaule. L’intensité de la douleur était généralement modérée. Elle était permanente dans 61% des cas. Le retentissement sur la vie quotidienne prédominait sur le travail habituel et le sommeil. Moins de la moitié des patients souffrant de douleur chronique après thoracotomie ont consulté. La prise en charge de ceux souffrant de douleur neuropathique n’était pas toujours adaptée. Les patients ne présentant pas de douleur chronique étaient volontiers plus âgés, opérés par voie d’abord axillaire et avaient des cicatrices plus courtes. Cependant, l’analyse univariée et multivariée des données péri-opératoires et démographiques n’a permis de conclure qu’à un seul facteur protecteur significatif : l’âge augmentant diminue le risque de développer des douleurs chroniques postthoracotomie de type neuropathique. 12 4.1. Physiopathologie de la douleur chronique post-thoracotomie De nombreuses évidences suggèrent que la douleur chronique postthoracotomie est une combinaison de douleur neuropathique et myofasciale [6, 15, 16]. La part neuropathique étant plus fréquente dans la littérature, elle a été plus étudiée que la douleur myofasciale. L’étiopathogénèse de ce syndrome n’est pas encore totalement élucidée. Il semblerait que ce soit l’association de la lésion du nerf intercostal, d’une atteinte du système nerveux et d’une prédisposition génétique. Les voies de la douleur impliquées dans la douleur post-thoracotomie demeurent mal comprises. Les nerfs intercostaux, phrénique et vague ont été impliqués [17], ainsi que les fibres sympathiques de la plèvre [6]. Les influx afférents venant des structures de la paroi thoracique et de la plupart de la plèvre sont véhiculés via les nerfs intercostaux, ceux venant de la plèvre diaphragmatique via le nerf phrénique et ceux venant du poumon et du médiastin incluant la plèvre médiastinale via le nerf vague [18]. La stimulation du nerf intercostal provient de la combinaison de l’incision chirurgicale, l’écartement des côtes, l’insertion de drains et la fermeture par suture [19]. Celle du nerf phrénique semble être la source de douleur d’épaule qui survient fréquemment après la chirurgie thoracique et qui n’est pas bloquée par une analgésie péridurale efficace [20]. De nombreux facteurs contribuent au développement de la douleur chronique : névrome intercostal post-traumatique, cicatrisation de fractures de côtes, dislocation costo-chrondrale, épaule gelée, infection locale, pleurésie, récurrence locale de la tumeur, facteurs psychologiques comme l’anxiété et la dépression [16, 21-23]. La douleur à type de brûlure, dysesthésie et allodynie est typique de la douleur neuropathique qui est secondaire à la formation d’un névrome causé par la lésion des nerfs sensitifs de la paroi thoracique. Ce névrome est généralement secondaire à la lésion du nerf intercostal. L’incision de thoracotomie, l’écartement des côtes et la fermeture favorisent le développement de douleur chronique à cause de la possibilité de lésion du nerf intercostal par section, compression ischémique ou étirement [24]. L’écartement excessif des côtes est également à l’origine de fractures des côtes postérieures au niveau de la jonction costo-vertébrale et de dislocations costo-chondrales antérieures [24]. 13 La douleur chronique peut aussi provenir du muscle ou du fascia, entraînant un syndrome douloureux myofascial. Ce syndrome est caractérisé par une douleur musculaire soutenue, une raideur avec limitation de l’amplitude du mouvement et par la présence de points déclenchants adjacents à l’incision ou dans la région scapulaire [16, 24]. L’étirement de l’épaule peut conduire à l’épaule gelée après thoracotomie, en particulier chez les plus âgés [24]. Infection et récurrence de la tumeur (invasion directe de la paroi thoracique, des côtes ou de la plèvre, compression des nerfs intercostaux et des racines nerveuses, atteinte du périoste avec fractures si implication osseuse) sont aussi des causes communes de douleurs chroniques après thoracotomie [16, 24]. 4.1.1. La lésion du nerf intercostal La principale cause de douleur post thoracotomie a été attribuée à la lésion du nerf intercostal pendant la chirurgie, du fait du caractère neuropathique prépondérant. Benedetti et col ont démontré que la perte de conduction nerveuse des nerfs intercostaux pendant la chirurgie et la perte des réflexes abdominaux après l’intervention était associées à la douleur [19, 25]. Le rôle des écarteurs semble être majeur [26]. Toutefois, cette théorie a été infirmée par Maguire et col qui n’ont pas retrouvé de relation entre la lésion per-opératoire du nerf intercostal et le développement d’une douleur chronique [27]. De plus, les patients chirurgicaux présentant des signes de lésions nerveuses ne développent pas toujours des douleurs chroniques [28]. 4.1.2. Sensibilisation du système nerveux et neuroplasticité Le rôle d’une atteinte du système nerveux est également évoqué avec les concepts de sensibilisation et de neuroplasticité. Après des épisodes de stimulations douloureuses répétées ou de haute intensité, secondaires au traumatisme chirurgical et à l’inflammation résultante, les neurones du système nerveux périphérique et du système nerveux central montrent leur capacité à changer leur réponse à un stimulus donné par des modifications physiologiques et anatomiques. De tels changements altèrent le traitement de l’information douloureuse et la perception de la douleur, et contribuent au développement de la douleur chronique. A la suite d’une lésion tissulaire, une cascade d’évènements survient, susceptible d’activer et/ou de sensibiliser les nocicepteurs. Les médiateurs 14 inflammatoires libérés par les cellules inflammatoires et les cellules lésées sensibilisent les nocicepteurs périphériques. Ils facilitent la transmission du potentiel d’action en diminuant le seuil de dépolarisation de nombreux canaux ioniques et en augmentant leur excitabilité via l’activation de voies de signalisations intra-cellulaires. Cette sensibilisation périphérique augmente la magnitude de la réponse à des stimuli ultérieurs, résultant en une hypersensibilité à la douleur. C’est l’hyperalgésie primaire : le stimulus nécessaire pour activer les nocicepteurs du site inflammatoire voit son intensité abaissée [12, 15, 16, 29]. Les nocicepteurs envoient le message douloureux non seulement vers le système nerveux central mais aussi vers la périphérie au niveau des terminaisons libres de la même fibre nerveuse. C’est le réflexe d’axone. Cette activation antidromique entraîne la libération de substance P par les terminaisons libres amyéliniques provoquant la dégranulation des mastocytes, dont l’histamine, qui amplifie le processus vasculaire inflammatoire, active et sensibilise les nocicepteurs. Un cercle vicieux s’installe, concernant à la fois les territoires lésés et adjacents non lésés, à l’origine d’une hyperalgésie secondaire en tâche d’huile. La sensibilisation centrale est comme une forme de plasticité synaptique au niveau de la moelle épinière qui amplifie le signal douloureux périphérique. L’augmentation de la convergence d’influx périphériques vers les neurones de la corne dorsale de la moelle épinière, secondaire à l’hyperexcitabilité neuronale périphérique, entraîne une sensibilisation centrale. Au niveau cellulaire, on observe une baisse du seuil de dépolarisation, une augmentation de la libération de neurotransmetteurs excitateurs et une diminution de celle des neurotransmetteurs inhibiteurs. Il en résulte une hyperexcitabilité des neurones de la corne dorsale et des autres centres de la douleur du système nerveux central, qui deviennent hyperrépondeurs à des stimuli répétés. La substance P pourrait avoir un rôle important dans ce processus. La sensibilisation des mécanismes excitateurs s’exprime par l’augmentation de l’activité et de la taille des populations de neurones du foyer douloureux concerné. L’information élaborée par la moelle épinière est ensuite transmise au cerveau où elle est décodée sous la forme d’une hyperalgésie (augmentation de la magnitude de réponse à la douleur). Un déficit en mécanismes inhibiteurs pourra se traduire par le déclenchement d’une importante activité neuronale par des stimuli anodins et être décodée au niveau du cerveau comme une allodynie (perception douloureuse d’un stimulus indolore) par abaissement du seuil 15 douloureux des neurones de la corne postérieure. Des phénomènes de sommation temporelle et spatiale (wind up) sont aussi à l’origine d’une sensibilisation qui se traduit par l’augmentation de la réponse à des stimuli ultérieurs, résultant en une hypersensibilité à la douleur et l’extension du champ de perception de la douleur [12, 15, 16, 29]. Les récepteurs du N-méthyl-D-Aspartate exercent aussi des rétrocontrôles positifs sur les terminaisons nerveuses centrales présynaptiques : suite à des stimuli douloureux, la substance P est libérée par les fibres nerveuses afférentes primaires et active les récepteurs NMDA pour libérer des médiateurs inflammatoires et des neurotransmetteurs excitateurs (glutamate, aspartate). On attribue au récepteur NMDA un rôle central dans l’hyperalgésie d’origine centrale et dans l’évolution de la douleur vers la chronicité [23, 30]. La glie neuro-axiale semble également jouer un rôle important dans le développement et le maintien des états douloureux exagérés. Une fois activée par des facteurs humoraux, elle libère des médiateurs comme les cytokines pro-inflammatoires, les prostanoïdes, les acides aminés excitateurs et autres neuromodulateurs qui sensibilisent le système nerveux central [9]. 4.1.3. Prédisposition génétique Avec les progrès dans la compréhension des mécanismes de modulation de la douleur, des études ont montré le rôle d’une prédisposition génétique à la douleur chronique. La sensibilité à la nociception physiologique, la douleur clinique et la réponse aux antalgiques diffèrent considérablement entre les individus [31]. Le développement d’une douleur chronique dépend d’un stress environnemental, comme la chirurgie, qui survient sur un terrain prédisposé déterminé par des variants génétiques [32]. Chez les rongeurs, la susceptibilité à développer des douleurs neuropathiques possède une forte composante héritable mais les gènes responsables ne sont pas encore clairement identifiés [33-35]. Les variants des gènes catéchol-O-méthyltransférase ou des gènes modulant les récepteurs des catécholamines alpha et bêta affectent la réponse à une stimulation douloureuse et prédisposent à la douleur chronique [36, 37] . 16 4.2. Traitements de la douleur chronique Les traitements des douleurs chroniques sont multiples [23]. Les douleurs de type neuropathique sont généralement réfractaires aux antalgiques usuels des 3 paliers de l’OMS et nécessitent des traitements spécifiques. Les antidépresseurs et les antiépileptiques représentent des traitements de première ligne. Une méta-analyse sur l’utilisation des antidépresseurs dans les douleurs neuropathiques a conclu que les antidépresseurs tricycliques comme l’amitriptyline étaient efficaces sur les douleurs modérées et à l’absence de données suffisantes pour les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine [38]. L’utilisation des antiépileptiques (gabapentine) est également adaptée aux douleurs modérées [31,32]. D’autres traitements pharmacologiques sont parfois utilisés comme les antiinflammatoires non stéroïdiens, les morphiniques à faibles doses, les inhibiteurs calciques ou les antagonistes des récepteurs NMDA [23]. Des traitements locaux peuvent également être proposés comme l’infiltration de la cicatrice de thoracotomie avec des anesthésiques locaux, la réalisation de blocs para-vertébraux, la cryoneurolyse, la sympathectomie, la neuromodulation par radiofréquence au niveau des nerfs intercostaux ou des ganglions dorsaux de la moelle épinière [23, 39]. D’autres approches thérapeutiques peuvent être associées, faisant appel aux systèmes de contrôle de la douleur : rééducation et réhabilitation, stimulation électrique transcutanée, psychothérapie, thérapie comportementale, hypnose, acupuncture et massage. 17 4.3. Résultats antérieurs 4.3.1. Prévalence de la douleur chronique La prévalence de la douleur chronique post-thoracotomie varie entre 11 et 80% selon les études, en fonction de la méthodologie, des critères de définition de la douleur chronique, du délai après la chirurgie, de la technique chirurgicale utilisée, de la prise en charge anesthésique et analgésique. Etude n Prévalence Intervention Analgésie Dajczman et col [5] R 56 55 % > 1 an Thoracotomie latérale ? Kalso et col [40] R 134 44 % à 30 mois Thoracotomie BIC 96% et APD 2% Keller et col [4] R 238 11 % à 3 – 20 mois Thoracotomie APD morphine Katz et col [8] R 30 52% à 18 mois Thoracotomie latérale PCA Perttunen et col [3] P 83 80% à 3 mois Thoracotomie BIC 92 %, APD1%, 75% à 6 mois BPV 1% et PCA 15 % 61% à 1 an Gotoda et col [11] R 85 41% à 1 an Thoracotomie APD post postéro-latérale Ochroch et col [41] P 157 21% à 1 an Thoracotomie APD pré ou post postéro-latérale et « muscle sparing » Senturk et col [42] P 69 62% à 6 mois, Thoracotomie (PCA 78%, APD post APD pré ou APD post ou PCA 62%, APD pré 45%) Maguire et col [10] P Pluijms et col [9] R 600 149 57% à 7 – 12 mois Thoracotomie 80 % 52% à 1-2ans Thoracoscopie 20 % 61% à 6 mois Thoracotomie 52% à 1 an postéro-latérale ? APD pré R = rétrospectif et P = prospectif PCA = PCA morphine, BIC = bloc intercostal, BPV = bloc para-vertébral APD = analgésie péridurale, pré = débutée avant l’intervention, post = débutée en fin d’intervention Notre étude a retrouvé une prévalence de 48%, ce qui correspond à une valeur souvent retrouvée. La prévalence semble diminuer avec le temps [5, 11], la probabilité de douleur chronique baissant de 17% chaque année s’écoulant après la chirurgie [10]. 18 4.3.2. Caractéristiques de la douleur chronique 4.3.2.1. Localisation La douleur se situe généralement au niveau de la cicatrice de thoracotomie (50 à 90%) mais également dans d’autres zones du thorax et du dos [3, 6, 40], dans l’épaule et le bras [40]. Elle intéresse plus d’une région dans environ 50% des cas [6]. Cela est également mis en évidence dans notre étude. 4.3.2.2. Intensité La douleur décrite par les patients est généralement légère à modérée. Elle est souvent exprimée comme un inconfort. Mais elle peut être sévère dans 5 à 25 % des cas [9, 13, 23, 43, 44]. Sur une échelle de 0 à 100 : 26% donnent un score inférieur à 10, 63% de 10 à 20 et 11% supérieur à 50 [45]. Notre étude retrouve également cette tendance. La sévérité de la douleur diminue heureusement avec le temps [3, 11]. 4.3.2.3. Facteurs déclenchants La douleur peut être constante ou intermittente [24]. Elle est spontanée ou provoquée par un stimulus particulier ou une activité. Des facteurs aggravant ou provoquant la douleur ont été décrits : le toucher de la zone douloureuse, les mouvements de l’épaule, le fait de porter des objets lourds, de s’allonger du côté opéré, le stress émotionnel ou encore le changement de temps [3, 23, 46]. En plus de ces facteurs, les patients de notre étude en ont cité d’autres, comme l’exercice physique, la toux ou l’éternuement, la respiration profonde, les moyens de transport. 4.3.2.4. Description La majorité des patients décrivent une douleur lancinante de type pleurale, une dysesthésie continue qui brûle et qui fait mal, un engourdissement ou une combinaison de ces sensations le long des dermatomes impliquant le nerf intercostal de l’incision thoracique [6, 8, 11, 21, 43]. Le site invoqué peut également avoir des sensations altérées [40, 44]. La caractère neuropathique est dominant dans plusieurs études [5, 23, 47], jusqu’à 83% [10]. La douleur est caractérisée comme étant tranchante pour 63%, pénétrante pour 16%, comme un inconfort mal caractérisé ou à type de crampe pour 11% des patients souffrant de douleur chronique après thoracotomie [45]. Notre étude ne retrouve que 26 % de douleur neuropathique même si la douleur intéresse généralement les dermatomes de l’incision thoracique. Cela pourrait 19 s’expliquer par l’utilisation du score DN4, les autres études donnant des fréquences de symptômes typiques des douleurs neuropathiques. 4.3.2.5. Retentissement Si la douleur est décrite comme une légère sensation déplaisante, en persistant sur une longue période de temps, elle peut handicaper le patient physiquement ou psychologiquement et finir par être cliniquement importante. La douleur interfère avec la vie quotidienne dans 25 à 65% des cas, généralement de façon modérée [3, 5, 6, 46, 48], tout comme dans notre étude. Elle entraîne des troubles du sommeil chez 25 à 30% des patients [3, 6] et affecte la capacité à faire de l’exercice physique [41] voire à travailler. L’étude européenne sur la douleur chronique a montré que 61% des patients sont incapables de travailler en dehors chez eux, 19% ont perdu leur travail et 13% ont dû en changer, à cause de leur douleur [49]. Pour un petit nombre, la douleur est décrite comme une véritable invalidité voire une incapacité [13]. Quarante-cinq pourcent des patients, atteints de douleur chronique après thoracotomie, considèrent que la douleur est leur pire problème médical [10]. Cette douleur peut être à l’origine de dépression et d’anxiété secondaire [13, 49]. 4.3.2.6. Prise en charge Dans la majorité des cas, les patients ne recherchent pas d’avis médical. Quelques uns considèrent la douleur suffisamment gênante pour nécessiter la consultation d’un médecin [5, 23]. Quatre à quarante pourcent des patients consomment des traitement antalgiques [6, 10, 40, 44, 46] et cela quotidiennement dans 10 à 20 % des cas [6, 45]. Les sujets jeunes ou ceux qui ont été opérés pour un cancer ont tendance à consommer plus volontiers des antalgiques [10]. La prise en charge n’est pas toujours adéquate. Sur 3109 thoracotomies, 50% des patients ont été évalués par des spécialistes, mais aucun n’a reçu de traitement pour la douleur chronique [43]. L’enquête européenne sur la douleur chronique montre qu’un tiers des patients ne sont pas traités et que 45% de ceux ayant consulté ont un management inadéquat [49]. Les patients présentant des douleurs de type neuropathique n’ont généralement pas les traitements adaptés [40]. Notre étude corrobore ces résultats. 20 4.3.3. Facteurs prédisposant Plusieurs facteurs prédisposant à la douleur chronique ont pu être mis en évidence. 4.3.3.1. Douleur post-opératoire Une douleur intense en post-opératoire précoce est prédictive de la survenue de douleur chronique après thoracotomie. L’intensité de la douleur au repos et au mouvement était significativement plus importante chez ceux qui ont développé une douleur chronique [8, 11, 42]. La présence d’une douleur avant l’opération a également été citée [41]. L’importante consommation de traitements antalgiques en post-opératoire semble également être associée à plus de douleur chronique [3, 9]. Savoir si cette association indique l’étendue des changements de neuroplasticité induits par l’opération ou le manque d’analgésie adéquat ou si elle est liée à d’autres facteurs péri-opératoires reste à déterminer [16]. 4.3.3.2. Jeune âge Les sujets jeunes semblent être plus à risque de développer une douleur chronique [9, 10]. Ils pourraient avoir une réponse neuroplastique plus vigoureuse et les personnes plus âgées une réponse inflammatoire moins intense, une tolérance plus grande à la douleur ou une moindre attente du contrôle de la douleur. La consommation d’autres traitements pour leurs co-morbidités pourrait également modifier la douleur. L’âge diminue le risque de douleur chronique de 2 % par année [10]. Dans notre étude, nous avons retrouvé 5%. Dans notre pratique, nous avons tendance à optimiser la prise en charge de la douleur aigue chez les plus âgés, qui ont plus de co-morbidités, pour limiter le risque de complications post-opératoires (cardiovasculaires, respiratoires, infectieuses et thrombo-emboliques) précoces. Si les patients jeunes sont plus « résistants » vis-àvis de ces complications, ils sont plus à risque de développer des séquelles à distance. On devrait donc insister sur la qualité de leur analgésie post-opératoire pour tenter d’éviter le développement de douleur chronique à distance. 4.3.3.3. Sexe féminin Les femmes pourraient développer plus fréquemment des conditions douloureuses après thoracotomie [11, 19, 50]. L’évaluation des voies d’activation cérébrale observée avec la tomographie par émission de positrons a montré une plus grande activation du cortex pré-frontal controlatéral chez la femme. Cette 21 découverte suggère une possible raison neurophysiologique dans les différences liées au sexe de la perception de la douleur [51]. L’expérience de la douleur pourrait être plus intense chez la femme avec une moindre efficacité des antalgiques usuels [41] et prédisposer au développement de douleurs chroniques [10]. 4.3.3.4. Etat psychologique La vulnérabilité psychologique contribuerait également au développement de douleurs chroniques [15, 52]. 4.3.3.5. Facteurs chirurgicaux L’absence de description détaillée de la technique chirurgicale dans de nombreuses études génère des difficultés à identifier la cause de douleur chronique post-thoracotomie [10, 13, 16]. La thoracotomie comprend 2 parties : l’incision de la peau et des muscles et celle de la cage thoracique au niveau des côtes. Les muscles grand dentelé et grand dorsal peuvent être coupés (« muscle cutting ») ou rétractés (« muscle sparing »). Il y a plusieurs façons d’entrer dans l’espace pleural : en divisant le muscle intercostal au bord de la côte supérieure avec l’électrocoagulation, en réfléchissant le périoste au bord de la côte supérieure et en entrant à travers le lit du périoste sans résection de côte, en réséquant le périoste de la côte supérieure ou encore par une approche intercostal avec résection du court segment de côte postérieurement. La thoracotomie postéro-latérale a été le standard pendant des années jusqu’à ce que Browne décrive une voie d’abord via une incision limitée en 1948. Il semblerait que la voie d’abord postéro-latérale soit la plus douloureuse et qu’elle comporte un risque plus important de douleur chronique [11, 24]. Plus la procédure chirurgicale est étendue, plus il y a un risque de séquelles chroniques en raison de la stimulation viscérale plus importante et de la sensibilisation centrale induite [9]. Un geste associé sur la paroi thoracique comme la pariétectomie pourrait augmenter l’incidence de la douleur chronique [4, 10]. Les opinions diffèrent quant à savoir si la résection de côtes crée un traumatisme par elle-même ou prévient le traumatisme lié à l’écartement des côtes qui étire les structures antérieures et postérieures et peut comprimer les nerfs intercostaux [16]. La résection de côte est souvent réalisée pour permettre de bien écarter les côtes en réduisant le risque de fracture de côtes ou de disjonction des éléments costo-vertébraux postérieurs [13]. Dans une étude prospective sur 883 22 thoracotomies, la résection de côte diminue le risque de développer une douleur chronique [53]. Dans une autre, portant sur 230 patients ayant eu une thoracotomie ou une thoraco-laparotomie au niveau de la 8ème côte, une douleur neuropathique persistante était présente chez 14,8% des patients ayant eu une résection de côté contre 3,1% des patients n’en ayant pas eu [54]. Le nombre de drains thoraciques a également été cité comme facteur prédictif de séquelles chroniques à type de dysesthésie ou d’engourdissement mais pas de douleur [46]. La durée du drainage thoracique ne semble pas influencer l’incidence de la douleur chronique après thoracotomie [45]. 4.3.4 Facteurs protecteurs Puisque la douleur intense post-opératoire est corrélée au développement de douleur chronique après thoracotomie, il a été suggéré qu’elle pouvait être prévenue par un traitement efficace de cette dernière et par l’utilisation de bonnes techniques chirurgicales. 4.3.4.1 Facteurs anesthésiques Contrôle de la douleur post-opératoire Une thérapie agressive et efficace de la douleur pour supprimer la douleur précoce après l’intervention chirurgicale pourrait réduire la survenue de douleur postthoracotomie à long terme en protégeant le système nerveux central contre la sensibilisation périphérique et centrale. L’analgésie péridurale thoracique est actuellement le « gold standard » pour contrôler la douleur post-opératoire après la chirurgie thoracique [18, 29]. Généralement une combinaison d’anesthésiques locaux et de morphiniques est administrée de façon intermittente ou continue et peut être contrôlée par le patient. Il n’y a pas de consensus sur la combinaison idéale d’anesthésiques locaux et de morphiniques en terme de type, de concentration ou de débit [55]. L’analgésie péridurale thoracique est supérieure aux méthodes antalgiques moins invasives dans le traitement de la douleur aigue post-thoracotomie avec moins d’effets secondaires et de complications respiratoires que les antalgiques systémiques [3, 8, 24, 42, 53, 56-58]. Il a également été prouvé dans quelques études que l’analgésie péridurale pouvait diminue l’incidence de la douleur chronique post-thoracotomie [41, 59]. 23 Le bloc intercostal ou la mise en place d’un cathéter para vertébral associé à la PCA morphine peut être une alternative à l’analgésie péridurale en bloquant plusieurs espaces intercostaux. Ils sont généralement réalisés en fin d’intervention. Autre fait intéressant, cette technique entraîne moins de réduction de la fonction pulmonaire du fait de son caractère unilatéral [24]. Ces techniques semblent être équivalentes à l’analgésie péridurale pour le contrôle de la douleur aigue post-opératoire [60, 61]. Une méta-analyse portant sur 10 études publiées entre 1989 et 2005 incluant 520 patients a conclu qu’il n’y avait pas de différence entre l’analgésie péridurale et le bloc para-vertébral en terme de score douloureux les quarante-huit premières heures post-opératoires [62]. Il n’y a pas d’étude portant sur l’incidence de la douleur chronique avec le bloc para-vertébral ou comparant cette technique avec l’analgésie péridurale. Analgésie préemptive Le moment idéal pour démarrer l’analgésie péridurale reste encore débattu. Le concept d’analgésie préemptive se fonde sur l’idée que débuter les traitements antalgiques avant le stimulus douloureux chirurgical pourrait prévenir la sensibilisation centrale et périphérique en bloquant l’influx douloureux des fibres afférentes [12] et diminuer ainsi l’incidence de la douleur chronique. Son efficacité reste controversée [63] car les conditions d’études sont variables quant à la chirurgie, les traitements utilisés, leurs posologies, leur modes d’administration, leur durée et les méthodes d’évaluation [44]. La plupart n’ont pas pu démontrer les effets préemptifs de l’analgésie péridurale [64-69]. On ne retrouve que quelques études positives où l’analgésie péridurale préemptive réduit la douleur aigue post-opératoire et chronique [41, 42, 44, 55, 70, 71], mais rarement de façon significative [42, 44, 72]. L’effet des techniques préemptives d’analgésie sur la prévention de douleur persistante devrait plutôt se focaliser sur le caractère complet et approprié plutôt que sur le « timing » de l’analgésie [71, 73]. Remarques Les résultats contradictoires des études portant sur l’analgésie péridurale peuvent s’expliquer par différentes raisons. Tout d’abord, cette technique peut avoir des imperfections avec un cathéter devenant non fonctionnel après quelques jours [6]. La durée de l’analgésie péridurale peut être trop courte et son relais délicat pour continuer à contrôler la douleur post-opératoire [6]. L’activité des fibres C afférentes 24 peut être générée non seulement pendant la chirurgie mais aussi pendant la période post-opératoire précoce comme le résultat de l’inflammation persistante et de l’hyperalgésie au niveau du site opératoire. Cette activité peut être suffisante pour produire une sensibilisation centrale. On ne connaît pas la durée optimale du bloc afférent pour prévenir les altérations des neurones de la corne dorsale de la moelle épinière [74]. Une bloc épidural de 18h de l’influx afférent au système nerveux central est clairement insuffisant pour prévenir le développement et la maintien de la douleur post-amputation [66]. Le bloc sensitif obtenu avec l’analgésie péridurale peut être insuffisant pour prévenir la sensibilisation nerveuse centrale. La dose utilisée en per-opératoire permet généralement la réalisation de l’intervention en diminuant la consommation en agents anesthésiques généraux. La réponse hémodynamique à la chirurgie est atténuée par l’analgésie péridurale et cela n’indique pas forcément que le bloc nocicepteur soit complet au niveau des dermatomes thoraciques concernés par l’opération [41]. Un bloc extradural thoracique n’affecte pas les nerfs vague, phrénique (véhiculant en partie les signaux douloureux de la plèvre et du péricarde), ni le plexus brachial pour la douleur d’épaule [41, 75]. Un bloc afférent seul peut ne pas être suffisant sachant que l’inflammation produit des médiateurs humoraux qui agissent sur le système nerveux central [76]. 4.3.4.2. Facteurs chirurgicaux La douleur post-thoracotomie étant aggravée par l’étendue du traumatisme chirurgical (degré de lésion tissulaire, division musculaire et osseuse, fracture de côte et lésion nerveuse [23, 29]) et la réaction inflammatoire résultante, l’utilisation de bonnes techniques chirurgicales notamment pour éviter d’endommager le nerf intercostal (incision intercostal soigneuse, écartement de côte minime et fermeture méticuleuse) [26] pourrait avoir une influence sur l’incidence de la douleur chronique post-thoracotomie. Longueur de l’incision La plus petite incision en apportant l’exposition adéquate sur la zone désirée dans la cage thoracique et le médiastin pourrait minimiser l’étendue des lésions tissulaires et la morbidité liée à la douleur [23, 24]. 25 Respect des muscles grand dentelé et grand dorsal La « muscle sparing » thoracotomie a été proposée pour réduire le traumatisme tissulaire et la douleur post-opératoire [77-79]. Cette technique a permis de diminuer la douleur aigue et la consommation d’antalgiques [16, 80, 81], mais pas dans toutes les études [41, 82, 83], peut être car la qualité de l’analgésie postopératoire était excellente [59]. En revanche, il n’a pas été prouvé qu’elle diminuait la douleur à un an [16, 41, 59, 82]. Chirurgie mini-invasive La chirurgie thoracique par thoracoscopie pouvait apporter quelques espoirs. La 1ère thoracoscopie a été réalisée par H.C. Jacobaeus en 1910 en utilisant un cystoscope pour libérer les adhérences pleurales chez un patient tuberculeux. Les indications de cette technique étaient rares jusqu’à ce que des progrès permettent son développement depuis les années 1990. Elle permet de diminuer la douleur post-opératoire et la consommation de morphiniques par rapport à la thoracotomie standard [16, 22, 80, 84-91]. Le bénéfice à long terme n’est pas toujours aussi net. La thoracoscopie peut réduire l’incidence de la douleur chronique [21, 92] mais souvent de façon non significative [10, 93], et dans quelques études l’incidence reste encore élevée jusqu’à 63 % [16, 45, 94]. La douleur à long terme après thoracoscopie est de nature neuropathique et est généralement rapportée dans la zone d’insertion du trocard ou le long du dermatome thoracique correspondant au nerf intercostal de l’espace intercostal où la caméra était insérée. Les lésions du nerf intercostal et les fêlures ou fractures de côtes peuvent survenir lors de l’insertion du trocard à l’aveugle, au moment de la dissection de l’espace intercostal ou lors de la manipulation des instruments avec un angle excessif dans l’espace intercostal impliqué. Cela peut expliquer pourquoi l’incidence de la douleur chronique après thoracoscopie peut être similaire à celle après thoracotomie [16, 21]. Des règles de bonne pratique ont été proposées pour limiter les lésions causées lors de la thoracoscopie : incliner la table d’opération à 30° entre le niveau des seins et de l’ombilic pour ouvrir l’espace intercostal, éviter de trop tourner le thoracoscope, éviter l’usage de port rigide mais introduire les instruments directement à travers l’incision sauf pour les ciseaux, utiliser des thoracoscopes et instruments de plus petit diamètre possible pour les interventions simples, sortir le parenchyme pulmonaire par l’avant car l’espace intercostal est plus grand, éviter de placer les trocards dans l’espace intercostal postérieur car l’espace entre les côtes 26 est plus fin, utiliser des sacs pour retirer la tumeur et éviter les risques de contamination de la paroi thoracique ou au niveau du trocard par les cellules tumorales. Cette énumération de techniques a permis de diminuer l’incidence des douleurs [13, 24, 95-98]. Type de suture Enfin, une technique de perçage de petits trous dans la côte pour faire passer la suture à travers a été développée, évitant ainsi les nerfs intercostaux lors de la fermeture [99]. Cela a permis de diminuer l’incidence de la douleur chronique [100]. 4.4. Limites de l’étude Cette étude comporte certaines limites. Tout d’abord le caractère rétrospectif des données péri-opératoires peut être source de biais. Malgré le taux de réponse au questionnaire satisfaisant de 76%, l’effectif final de patients étudiés était faible et la répartition des patients pour les variables qualitatives telles que pathologie motivant l’opération, type d’intervention (intensité du traumatisme chirurgical), voie d’abord ou technique antalgique était déséquilibrée. Cela a rendu les analyses univariée et multivariée délicates et peut être contribué à ne retrouver qu’un seul facteur protecteur. L’idée d’évaluer si le degré d’efficacité de l’analgésie péridurale pouvait avoir une influence sur la survenue de douleur chronique était intéressante mais n’a pas pu aboutir pour les mêmes raisons. La période d’étude aurait due être plus longue pour avoir plus de patients et espérer retrouver plus de facteurs prédictifs ou protecteurs vis-à-vis de la douleur chronique après thoracotomie. La prévalence de la douleur chronique est assez élevée dans cette étude en dépit d’une bonne gestion de la douleur avec l’analgésie péridurale préemptive dans les trois quarts des cas, si on la compare à celle de la littérature. La définition de la douleur chronique post-thoracotomie a été élargie à la sensation de gêne comptetenu du fait que les douleurs chroniques sont souvent difficiles à décrire et de faible intensité. Cela peut expliquer cette prévalence relativement élevée. 27 4.5. Implications cliniques Nous vivons actuellement dans une époque où la qualité des soins prend de plus en plus d’importance. En identifiant la séquence d’évènements qui produisent des altérations persistantes du système somato-sensoriel après une lésion et les facteurs de risques impliqués dans l’expression de ce syndrome, on devrait être capable de développer des stratégies rationnelles pour prévenir l’installation de douleur chronique après thoracotomie chez les patients à haut risque. Malheureusement, la modification des pratiques chirurgicales ou l’analgésie plurimodale, préemptive et efficace pendant la période péri-opératoire ne suffisent pas à éradiquer ce problème. Des avancées doivent encore se faire dans la compréhension de ce syndrome. En plus de l’analgésie multimodale conventionnelle, d’autres approches pourraient être associées. Une voie thérapeutique est la prescription péri-opératoire de kétamine [101-104] pour empêcher l’activation des récepteurs NMDA lors de la sensibilisation centrale. L’utilisation de gabapentine (Neurontin®) ou de prégabaline (Lyrica®) en péri-opératoire est également une voie de recherche prometteuse [105, 106]. D’autres cibles pharmacologiques pourraient inclure le blocage des canaux sodium, potassium et calcium des neurones sensoriels, la prévention de l’activation de la microglie pour diminuer l’hyperexcitabilité ou des traitements augmentant l’activité des voies descendantes inhibitrices. La douleur neuropathique étant une maladie neuro-dégénérative, on pourrait aussi associer des traitements neuroprotecteurs [15]. 28 5.CONCLUSION La chirurgie thoracique est pourvoyeuse de douleur chronique. La physiopathologie de ce syndrome n’est pas encore totalement élucidée mais il existe des facteurs prédictifs et protecteurs. Cette étude prospective, observationnelle et monocentrique a recherché la prévalence de cette douleur chronique et ses caractéristiques à un an de la thoracotomie à l’aide d’un questionnaire et d’un appel téléphonique. La recherche de facteurs prédictifs et protecteurs à partir des données péri-opératoires a également été réalisée. Cette enquête a porté sur 86 patients opérés pour la plupart de lobectomie par thoracotomie postéro-latérale pour cancer bronchique primitif. Les trois quart avaient une analgésie péridurale thoracique préemptive de bonne qualité associée aux antalgiques usuels. Le taux de réponse au questionnaire était de 76%. La prévalence de la douleur chronique était de 48% avec 26% de douleur neuropathique. Elle intéressait la cicatrice de thoracotomie mais également d’autres zones thoracique, dorsale et scapulaire. L’intensité était modérée avec une EN de 1,26 ± 1,34 pour la douleur habituelle et de 3,39 ± 1,75 pour la douleur maximale (moyenne ± écart type). Elle était le plus souvent décrite comme un tiraillement, un élancement, en étau et pénétrante. Le retentissement était modéré et prédominait sur le travail habituel et le sommeil. Parmi les patients douloureux, 10 présentaient de signes d’anxiété et 2 de dépression. Moins de la moitié ont consulté pour leur douleur et la prise en charge de la douleur de type neuropathique n’était pas toujours adaptée. Les patients épargnés par la douleur chronique étaient plus âgés, avec des longueurs de cicatrices plus courtes et opérés plus volontiers avec un abord axillaire. Les analyses univariée et multivariée n’ont mis en évidence qu’un seul facteur protecteur : l’âge augmentant protège contre le développement de douleur chronique de nature neuropathique. La prévalence de la douleur chronique post-thoracotomie demeure élevée en dépit d’une analgésie multimodale incluant l’analgésie péridurale thoracique préemptive de bonne qualité. La prise en charge de la douleur aigue post-opératoire des patients jeunes devrait être optimisée comme celle des plus âgés pour limiter le risque de développer des douleurs chroniques. 29 ANNEXE Questionnaire envoyé aux patients Depuis cette intervention, ressentez-vous une douleur ou une gêne depuis plus de 3 mois ? OUI £ NON £ En l’absence de gêne ou de douleur, veuillez-nous retourner l’ensemble du questionnaire. Si vous avez des gênes ou des douleurs, veuillez remplir la suite du questionnaire. 1 Là où j’ai mal ou je suis gêné Dessinez sur le schéma la ou les cicatrices et hachurez les zones douloureuses ou gênantes : 30 2 A quel point j’ai mal ou je suis gêné Nous vous proposons d’utiliser une sorte de thermomètre de la douleur qui permet de mesurer l’intensité de la douleur ou de la gêne. Entourez le chiffre qui décrit le mieux chaque type de douleur ressentie. DOULEUR/GENE AU MOMENT PRESENT Douleur Pas de 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 maximale douleur inimaginable DOULEUR/GENE LA PLUS INTENSE DEPUIS LES 8 DERNIERS JOURS Douleur Pas de 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 maximale douleur inimaginable DOULEUR/GENE HABITUELLE DEPUIS LES 8 DERNIERS JOURS Douleur Pas de 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 maximale douleur inimaginable Y a t-il des facteurs déclenchants ou aggravants ? Si oui, lesquels ? ........................................................................................................................................ ........................................................................................................................................ ........................................................................................................................................ 3 Ce que je ressens Vous trouverez ci-dessous une liste de mots pour décrire votre douleur ou gêne. Pour préciser le type de douleur ou de gêne que vous ressentez habituellement, répondez en mettant une croix pour la réponse correcte. 0 non 1 un peu 2 modérément 3 beaucoup 4 extrêmement fort Élancements Pénétrante Décharges électriques Coup de poignard En étau Tiraillement Brûlure Fourmillement Lourdeur Épuisante Angoisssante Obsédante Insupportable Énervante Exaspérante Déprimante 31 4 Comment je vis avec ma douleur / gêne Pour chacune des 6 questions suivantes, entourez le chiffre qui décrit le mieux comment, la douleur ou la gêne a un retentissement sur votre HUMEUR Ne gêne 0 pas 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement CAPACITE A MARCHER Ne gêne 0 1 2 3 4 pas 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement TRAVAIL HABITUEL (y compris à l’exterieur de la maison et les travaux domestiques) Ne gêne 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne pas complètement RELATION AVEC LES AUTRES Ne gêne 0 1 2 3 4 5 6 pas 7 8 9 10 SOMMEIL Ne gêne 0 pas 1 Gêne complètement 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement GOÛT DE VIVRE Ne gêne 0 1 2 pas 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement 5 Comment je me sens Les émotions jouent un rôle important dans la plupart des maladies. Lisez chaque série de questions et soulignez la réponse qui correspond le mieux à ce que vous avez éprouvé au cours des derniers jours, sans prêter attention aux chiffres. Tentez de répondre instinctivement, votre réponse sera plus signifiante qu’après réflexion. D A 3 2 1 0 0 1 2 3 Je me sens tendu (e) ou énervé (e) : la plupart du temps souvent de temps en temps jamais Je prends plaisir aux mêmes choses qu’autrefois : oui, tout autant pas autant un peu seulement presque plus 32 3 2 1 0 0 1 2 3 3 2 1 0 3 2 1 0 0 1 2 3 3 2 1 0 0 1 2 3 3 2 1 0 3 2 1 0 0 1 2 3 3 2 1 0 0 1 2 3 J’ai une sensation de peur comme si quelque chose d’horrible allait m’arriver : oui, très nettement oui, mais ce n’est pas grave un peu, mais cela ne m’inquiète pas pas de tout Je ris facilement et je vois le bon côté des choses : autant que par le passé plus autant qu’avant vraiment moins qu’avant plus du tout Je me fais du souci : très souvent assez souvent occasionnellement très occasionnellement Je suis de bonne humeur : jamais rarement assez souvent la plupart du temps Je peux rester tranquillement assis(e) à ne rien faire et me sentir décontracté(e) : oui, quoi qu’il arrive oui, en général rarement jamais J’ai l’impression de fonctionner au ralenti : presque toujours très souvent parfois jamais J’éprouve des sensations de peur (estomac noué) : jamais parfois assez souvent très souvent Je ne m’intéresse plus à mon apparence : plus du tout je n’y accorde pas autant d’attention que je ne le devrais il se peut que je n’y fasse plus autant attention j’y prête autant d’attention que par le passé J’ai la bougeotte et n’arrive pas à tenir en place : oui, c’est tout à fait le cas un peu pas tellement pas du tout Je me réjouis d’avance à l’idée de faire certaines choses : autant qu’auparavant un peu moins qu’avant bien moins qu’avant presque jamais J’éprouve des sensations soudaines de panique : vraiment très souvent assez souvent pas très souvent jamais Je peux prendre plaisir à un bon livre ou à une bonne émission radio ou TV : souvent parfois rarement très rarement 33 6 Comment est la douleur ou la gêne : questionnaire DN4 Merci de répondre à chaque items des 3 questions ci-dessous par oui ou par non question 1 : la douleur/gêne présente-t-elle une ou plusieurs de caractéristiques suivantes ? - brûlure OUI £ NON £ - sensation de froid douloureux OUI £ NON £ - décharges électriques OUI £ NON £ question 2 : la douleur/gêne est-elle associée dans la même région à un ou plusieurs des symptômes suivants ? - fourmillements OUI £ NON £ - picotements OUI £ NON £ - engourdissement OUI £ NON £ - démangeaisons OUI £ NON £ question 3 : la douleur/gêne est-elle associée à une diminution de la sensibilité - au toucher ? OUI £ NON £ - à la piqûre ? OUI £ NON £ question 4 : la douleur/gêne est-elle provoquée ou augmentée par : - le frottement ? OUI £ NON £ 7 Avez-vous consulté un docteur pour ce problème ? OUI £ NON £ Etait-ce votre médecin traitant ? un médecin spécialisé dans la douleur ? autre ? ……………………………… OUI £ NON £ OUI £ NON £ OUI £ NON £ 8 Prenez-vous de traitements pour ce problème ? OUI £ NON £ Si oui, lesquels ? ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… 9 Si l’intervention que vous avez eue était liée à un cancer : le suivi a t’il mis en évidence une rechute ? OUI £ NON £ 34 Résultats de l’étude n = 88 exclus n = 2 questionnaire envoyé n = 86 perdus de vue n = 12 décédés n = 8 refus n = 1 répondeurs n = 65 pas de douleur douleur chronique n = 35 (52%) n = 31 (48%) non répondeurs n = 21 Figure 1 : Organigramme. 35 Tableau I : Données démographiques et péri-opératoires. n = 65 Age (années) Sexe (M/F) ASA -1 -2 -3 -4 Chirurgien -A -B -C -D Pathologie - Cancer primitif - Métastase de cancer - Autres Intervention - Résection atypique - Segmentectomie - Lobectomie - Bilobectomie - Pneumectomie Geste associé à la cage thoracique Voie d’abord - Postéro-latérale - Axillaire Longueur cicatrice (cm) Nombre de drains (n) Durée de drainage (jours) Durée d’hospitalisation (jours) 58 ± 14 34 / 31 (52% / 48%) 11 (17%) 42 (65%) 12 (18%) 0 (0%) 14 (22%) 25 (38%) 19 (29%) 7 (11%) 43 (66%) 7 (11%) 15 (23%) 17 (26%) 1 (2%) 41 (63%) 4 (6%) 2 (3%) 11 (17%) 42 (65%) 23 (35%) 17 ± 7,1 1,8 ± 0,4 5,3 ± 3,9 10,6 ± 5,7 Résultats exprimés en n (%) ou moyenne ± écart type 36 Tableau II : Techniques d’analgésie utilisées en post-opératoire. Analgésie post opératoire n (%) Analgésie péridurale thoracique (PCEA) 49 (75%) Cathéter para-vertébral + PCA morphine 5 (8%) PCA morphine 7 (11%) Autres 4 (6%) 37 n=1 3 n=0 3 n=4 n = 19 n=4 n=7 n 5= 13 n= Thoracotomie postéro-latérale (n = 22) Thoracotomie axillaire (n = 9) Figure 2 : Localisation de la douleur chronique. 38 Tableau III : Retentissement de la douleur. Nul Faible Moyen Sévère Humeur 21 7 3 0 Capacité à marcher 23 7 1 0 Travail habituel 15 14 2 0 Relation avec autrui 26 5 0 0 Sommeil 18 9 4 0 Goût de vivre 26 4 1 0 (Nul = 0, Faible = 1 - 4, Moyen = 5 - 7 et Sévère = 8 - 10 sur une échelle de 0 à 10). Résultats exprimés en nombre de patients 39 Tableau IV : Comparaison des patients douloureux chroniques et des non douloureux Age (années) Sexe (M/F) Pathologie - Maligne - Bénigne Intervention - Segmentectomie résection atypique - Lobectomie - Bilobectomie pneumectomie Geste sur la cage thoracique Voie d’abord - Postéro-latérale - Axillaire Longueur cicatrice (cm) Nombre de drains (n) Durée de drainage (jours) Analgésie - PCEA - Autres Douleur chronique (n=31) 55 ± 14 18 / 13 (58% / 42%) Pas de douleur (n= 34) 61 ± 14 18 / 16 (53% / 47%) 22 (71%) 9 (29%) 28 (82%) 6 (18%) 9 (29%) 19 (61,5%) 3 (9,5%) 7 (23%) 9 (26%) 22 (65%) 3 (9%) 4 (12%) 22 (71%) 9 (29%) 18,5 ± 6,8 1,9 ± 0,3 5,2 ± 3 20 (59%) 14 (41%) 15,7 ± 7,2 1,8 ± 0,4 5,3 ± 4,7 22 (71%) 9 (29%) 27 (79%) 7 (21%) p 0.11 0.37 0.37 0.96 0.24 0.31 0.11 0.13 0.87 0.33 Résultats exprimés en n (%) ou moyenne ± écart type p à partir de l’analyse univariée 40 Tableau V: Comparaison des patients douloureux chroniques et des non douloureux ayant bénéficié d’une analgésie péridurale thoracique PCEA Durée PCEA (jours) Efficacité PCEA - groupe 1 - groupe 2 - groupe 3 - groupe 4 Douleur chronique n = 22 6,2 ± 2,7 Pas de douleur n = 27 5,2 ± 2,4 9 (41%) 9 (41%) 3 (14%) 1 (4%) 11 (41%) 14 (52%) 2 (7%) 0 p 0.20 0.57 Résultats exprimés en n (%) ou moyenne ± écart type p à partir de l’analyse univariée 41 Tableau VI : Comparaison des patients douloureux chroniques et des non douloureux ajustée à l’âge, le sexe, la pathologie, le geste sur la cage thoracique, la voie d’abord, la longueur de la cicatrice, le nombre de drains thoraciques et l’analgésie Facteurs Age (années) Sexe (F) Pathologie (absence de cancer) Geste sur la cage thoracique (non) Voie d’abord (postérolatérale) Longueur de la cicatrice (cm) Nombre de drains thoraciques (n) Analgésie (pas d’APD) Rapport des cotes 12.88 1.11 0.38 1.38 1.16 0.09 0.25 0.85 Limites de confiance (inférieure, supérieure) 0.89, 253 0.35, 3.39 0.07, 1.74 0.29, 6.93 0.23, 5.91 0.01, 1.45 0.03, 1.31 0.22, 3,25 p 0.07 0.9 0.2 0.7 0.8 0.1 0.1 0.8 42 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 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