la loi solidarite renouvellement urbain ou le passage d`un

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la loi solidarite renouvellement urbain ou le passage d`un
Patrick JAUBERT
Directeur de l’aménagement et de l’urbanisme
Ville de Pont de Claix
Les enjeux de la loi SRU n°2000-1208 du 13 décembre 2000
LA LOI SOLIDARITE RENOUVELLEMENT URBAIN
OU LE PASSAGE D’UN URBANISME DE ZONAGE
A UN URBANISME DE PROJET
Au-delà des bouleversements provoqués dans le Code de l’Urbanisme, la loi SRU du
13 décembre 2000 et ses décrets d’application créent les conditions d’un renouveau
du débat urbain.
Il était vain de vouloir contenir réglementairement et par zonage l’étalement urbain, il
faut désormais organiser le développement autour de projet de territoire cohérent et
mettre en œuvre des politiques contractuelles foncières au service d’un projet
collectif.
Le fond du problème sera avant tout politique et ne pourra trouver de solution qu ‘au
travers de l’aptitude des acteurs institutionnels à déléguer, à partager leur
compétence et à construire collectivement l’avenir d’un territoire.
La loi ne restera qu’un cadre qui, même s’il est pertinent, n’obligera jamais les
acteurs locaux à en épouser d’emblée l’inspiration, et ce, même si chacun constate
que l’aspect réglementaire des plans d’occupation des sols et des schémas
directeurs a perdu toute capacité à mettre l’espace en forme, à créer des
articulations et des espaces qui assurent des continuités tel que l’espace public
traditionnel y répond
I - QUELS SONT LES GRANDS CHANGEMENTS, VOIRE BOULEVERSEMENTS
PROVOQUES PAR LA LOI SRU DANS NOTRE LEGISLATION ?
Une vision nouvelle de la politique urbaine
L’objet principal est de renforcer la cohérence des politiques urbaines et territoriales.
Les nouveaux documents d’urbanisme (PLU - SCOT) ont désormais vocation à
assurer l’application des grands équilibres de l’aménagement durable du territoire.
Les acteurs locaux vont devoir mettre en œuvre un nouveau principe général :
l’utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, péri-urbains
et ruraux. Tous les secteurs du territoire sont concernés et non plus seulement ceux
sur lesquels pesaient de forts enjeux. Enfin plusieurs acteurs vont voir leur rôle
renforcé.
Les agences d’urbanisme qui pourront prendre la forme d’association ou de
groupement d’intérêt public, en pouvant recruter du personnel propre régi par les
dispositions du Code du Travail.
Les CAUE auxquels les communes ou établissements publics compétents pourront
avoir recours pour l’élaboration, la révision ou la modification de leurs documents
d’urbanisme.
Les associations locales d’usagers : un décret en Conseil d’Etat devra fixer les
conditions de leur agrément qui leur permettra d’être consultées dans l’élaboration
des documents d’urbanisme.
La commission de conciliation qui devra être composée d’élus communaux et de
personnes qualifiées désignées par le Préfet : la présence du Président du Conseil
Général a été écartée, par souci d’éviter une tutelle sur les communes.
Les outils mis à disposition des acteurs locaux sont profondément remaniés :
Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT)
L’introduction, en amont de l’élaboration du SCOT d’un diagnostic a été retenue mais
avec des objectifs relativement limités, formulés en termes de prévisions
économiques et démographiques et de besoins répertoriés (développement
économique, aménagement de l’espace, environnement, équilibre social de l’habitat,
transports, équipements, services …) : le contenu est pauvre en matière d’analyse
stratégique, de repérage des potentiels et faiblesses du territoire et d’état des lieux
en matière de mixité urbaine et sociale …
La définition du périmètre reste encore relativement floue ainsi que la relation entre
l’établissement public chargé du SCOT et les structures intercommunales incluses
dans le périmètre, point qui risque d’engendrer des conflits là où la genèse de
l’intercommunalité a été difficile.
Plans Locaux d’Urbanisme (PLU)
La volonté de maintenir le sigle PLU a été affirmée pour marquer plusieurs évolutions
majeures :
Passer du caractère normatif du POS (interdictions, limitations obligations…) à une
dynamique de projet
Abandonner la création de zones mono fonctionnelles pour une plus grande mixité
urbaine
Proposer un équilibre entre extensions urbaines maîtrisées, revalorisation de
l’existant et renouvellement urbain
Comme pour le SCOT, le PLU devra être précédé d’un diagnostic dont la
définition reste pour l’instant très sommaire.
Un très gros travail reste maintenant à faire dans les décrets d’application pour
définir précisément le contenu du PLU :
Objectifs et contenu du diagnostic
Présentation du/des projet(s) urbains
Définition et degré de précision des règles
Modification et création des espaces publics
Il est à noter qu’une directive européenne imposera également la présence dans le
PLU d’un volet environnement dont la forme et le contenu sont également à
déterminer.
Les cartes communales qui existaient déjà sont améliorées dans le sens de la
simplification et de la démocratisation et elles signent le désengagement définitif des
services de l’Etat dans la gestion des autorisations d’urbanisme, au profit des
communes.
La transformation de la fiscalité de l’urbanisme engage une orientation nouvelle pour
contenir l’étalement urbain.
Le débat public devient une dimension forte de la conception urbaine.
La procédure de ZAC est réintégrée dans le droit commun avec la suppression du
P.A.Z qui permettait de s’affranchir des prescriptions du P.O.S.
Le projet urbain fait son apparition dans notre Code de l’Urbanisme.
Renforcement de la gestion intercommunale, de l’évolution et de la
contractualisation
S’il ne faut pas imputer aux communes tous les maux dont souffrent les
agglomérations, force est tout de même de constater qu’après 20 ans, elles n’ont pu
les corriger, ni même empêcher leur aggravation. Le projet de loi vise à renforcer la
gestion intercommunale de l’aménagement urbain au travers des nouveaux schéma
de cohérence territoriale mais aussi dans le domaine de l’habitat avec le Plan Local
de l’Habitat (PLH) et dans les transports avec les plans de déplacement urbain
(P.D.U).
Le PDU, comme le PLH doivent être compatible avec le schéma de cohérence
territoriale et être mis en cohérence afin de conforter la politique de la ville et de
promouvoir une politique de déplacement au service du développement durable.
Conforter la politique de la ville :
C’est sur ce titre que le débat a été le plus médiatisé ; au-delà des débats portant sur
le bien fondé de la mixité sociale et de son acceptation, c’est la cohérence même de
la loi et sa propre durabilité qui sont en jeu ; le passage d’une cohérence
" technique ", donc consensuelle qui était au point de départ du projet
Urbanisme/Habitat/Déplacements à un projet fondé sur la solidarité au niveau des
agglomérations a provoqué cette polémique. Celle-ci aurait peut-être pu être évitée
en évacuant le concept de seuil, mais aussi en recherchant un équilibre et une mixité
urbaine et sociale au niveau global d’un territoire (ce que pourra faire le SCOT dès
lors qu’une volonté politique allant dans ce sens émergera dans son périmètre).
Mettre en œuvre une politique de déplacements au service du développement
durable :
Les débats de l’assemblée et du sénat ont permis de clarifier le texte initial sur :
La possibilité de délimiter dans le plan de déplacements urbains des périmètres où
les conditions de desserte par les transports publics permettent, par les PLU et les
plans de sauvegarde et de mise en valeur, d’adapter les obligations en matière
d’aires de stationnement.
La possibilité, pour plusieurs autorités organisatrices de transport de s’associer, au
sein d’un syndicat mixte de transports ou par voie de convention afin d’organiser ou
de coordonner les services de transports qui relèvent de leur compétence, de mettre
en place un système d’information à l’attention des usagers, de créer une tarification
coordonnée et des titres de transport uniques ou unifiés.
Les nouvelles compétences des régions en matière de transports ferroviaires, les
compensations financières (dotation générale de décentralisation…) et les
conventions établies avec la SNCF fixant les conditions d’exploitation et de
financement des services ferroviaires relevant de la compétence régionale.
Trois idées principales se dégagent de ce projet de loi :
contraindre les collectivités à s’entendre sur un projet d’urbanisme
donner plus de pouvoir et de moyen pour développer les transports
collectifs
l’exigence en matière de mixité sociale et opportunité du renouvellement
urbain
La concertation, la négociation, la souplesse et l’évaluation seront les germes d’un
fonctionnement rénové de l’urbanisme. Dans beaucoup de communauté
d’agglomération, il sera impossible de satisfaire à l’intérieur de leur périmètre
institutionnel, les objectifs de mixité sociale, de pluri-modalités, de limitation de
l’étalement urbain.
Un vrai problème de pénurie d’espace se posera, rendant inévitable le dialogue et la
négociation avec les communes périurbaines qui l’entourent.
La cohérence territoriale tant recherchée dans la loi SRU, ne s’enferme pas dans un
document descriptif de l’agglomération spatiale du développement urbain mais doit
s’apprécier dans sa mise en œuvre, dans les bonnes pratiques partenariales, dans
l’aptitude à projeter, à collaborer, à contractualiser entre les divers niveaux de la
puissance publique tout en impliquant les citoyens :- Concertation préalable élargie
aux élaborations et révisions des SCOT et PLU
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Enquêtes publiques généralisées aux SCOT et DTA
Associations locales d’usagers consultées pour l’élaboration des
SCOT et PLU
Débat du conseil municipal sur les orientations générales du projet
d’aménagement et de développement
II - Quels sont les effets de la loi sur les études urbaines et les pratiques
professionnelles ?
En privilégiant l’échelle agglomération au détriment des logiques sectorielles, le
législateur a clairement orienté les professionnels de la ville vers un travail
transversal.
En donnant au débat public une dimension forte dans la conception urbaine, il nous
faudra trouver et utiliser tous les moyens et formes novatrices d'expression pour
permettre la compréhension de tous et faciliter l’échange citoyen, rendre explicite les
alternatives et susciter des partenariats.
En obligeant un accord politique sur un projet global de développement de l’aire
urbain pour mettre en œuvre une planification urbaine cohérente avec ce projet, les
acteurs institutionnels vont devoir contractualiser différentes stratégies territoriales.
L’importance du diagnostic territorial
La loi SRU constituera certainement une étape décisive dans la relance de la
commande en matière d’études urbaines. En effet, elle privilégie les finalités par
rapport aux procédures, elle affiche des ambitions de mise en cohérence de
politiques multiples en donnant toutes leurs places aux aspects sociaux,
environnementaux, techniques, économiques et culturels.
Très concrètement elle relance et modernise les SDAU à travers les schémas de
cohérence territoriaux en garantissant leur mise à jour tous les dix ans. Elle confère
une ambition de véritables plans d’urbanisme au POS, structurés sur des projets
urbains et le traitement des espaces publics. Elle redonne une place prépondérante
au projet, et non au règlement. Elle repositionne les services de l’Etat sur un rôle de
garant et de partenaire, capable d’afficher une position de l’Etat élaborée sur de
véritables diagnostics territoriaux.
Elle marque une amplification des études d’observation, de diagnostic, d’évaluation
et l’élaboration de stratégie d’intervention. Elle accroît la place de la concertation et
du débat démocratique dans la préparation des décisions touchant au cadre de vie.
L’ensemble des dispositions relatives à la mise en œuvre de la mixité sociale et la
prévention de la dégradation des copropriétés vont engendrer des commandes
nouvelles d’études préalables à ces interventions.
Enfin, l’affirmation de l’exigence d’un véritable projet architectural et paysager dans
les lotissements confortera le recours à des professionnels pour la conception de ces
quartiers.
Pour ne citer qu’un chiffre, on estime aujourd’hui la croissance de la commande
d’étude engendrée par les SCOT à l’équivalent de 15 à 20 projets par an pendant les
cinq premières années qui suivront la loi, tant par l’engagement d’élaborations dans
une cinquantaine d’agglomérations non pourvues de SDAU, que par l’accélération de
la révision de près de la moitié des SDAU actuels. Il convient que l’ensemble du
milieu professionnel se prépare dès maintenant à faire face à ces défis … et ces
opportunités.
La nécessaire " Transaction et contractualisation " au service d’un projet
collectif de territoire
Les politiques de développement territorial doivent aujourd’hui s’inscrire dans un
triptyque vertueux associant le projet, le schéma et le contrat. La recherche d’une
vision commune sur l’avenir de l’aire urbaine nécessitera des " transactions " entre
territoires, transactions qui devront se situer à mi-chemin de deux positions
extrêmes :
il n’est pas obligatoire de tout partager et il n’est pas nécessaire de poser comme
dogme un égalitarisme territorial de nature à bloquer un accord
il n’est pas pensable que le projet soit seulement considéré comme le projet de la
structure intercommunale centrale sans qu’il soit partagé par les intercommunalités
périphériques
Sur quelles bases ces " transactions " pourront-elles se faire ? Elles impliqueront des
engagements réciproques (droits et devoirs) sur les rythmes d’urbanisation, la
présence de logements sociaux et des contreparties en terme d’équipement, de
desserte et de développement économique. Elles exigeront l’association et le
partage de compétences diverses qu’il faudra mutualiser. Le fond du problème sera
politique et ne pourra trouver sa solution qu’au travers de la préparation d’un projet
de développement territorial partagé à l’échelle de l’aire urbaine.
Fonder le développement territorial sur la notion de projet, de pacte, de dialogue et
de " transaction ", c’est aussi reconnaître que la cohérence territoriale ne résulte pas
seulement de l’application de la loi et d’une bonne organisation spatiale. Elle
s’apprécie tout autant dans l’aptitude des acteurs institutionnels à dialoguer, à
partager leurs compétences et à construire collectivement l’avenir d’un territoire.
Comment faire naître des projets territoriaux qui, pour réussir, devront
impérativement associer les structures intercommunales centrales et les
intercommunalités périphériques, mais aussi l’Etat, la Région, les Départements et
l’ensemble de la société civile (habitants et entreprises) ?
Quels moyens et quels outils communs d’anticipation, de conception ou de gestion
faudra-t-il-mettre en place pour en assurer le succès ? La " gouvernance des aires
urbaines " reste encore largement à inventer.
De nouvelles pratiques professionnelles
Cette loi va redonner à la profession urbaniste la place qui doit être la sienne. Les
urbanistes vont devoir mettre en place des outils de planification stratégiques dans le
temps, et pas seulement des outils réglementaires. Ils devront s’inscrire dans une
logique de développement durable, avec des documents capables d’évoluer. Il faut
savoir qu’il existe aujourd’hui 260 schémas directeurs, 1 600 POS et 2 000 cartes
communales. A partir de 2002, il faudra passer à 360 schémas de cohérence
territoriale (SCOT), qui correspondent aux zones d’agglomération. Quant aux POS,
la moitié seront transformés en plans locaux d’urbanisme (PLU). Ces derniers
passeront au nombre de 6 000 environ, et, au-delà de la logique réglementaire,
seront appelés à devenir des outils prévisionnels de développement stratégique.
Plus faciles à comprendre, ils répondront à l’intérêt général. Enfin, nous compterons
16 000 cartes communales, dotées du statut de document d’urbanisme, notamment
pour la délivrance de permis de construire ".
Les professionnels devront lier études, production et gestion :
raisonner en termes de projet ce qui déborde la simple notion de marché,
ne pas limiter l’activité aux études mais l’étendre à la concertation pour prendre en
compte les positions des investisseurs, des habitants, de la société civile,
les associations (PACT, Agences d’Urbanisme, CAUE) sont appelées en renfort
mais les pouvoirs publics ont tendance à les instrumenter (application du Code des
Marchés Publics, …), les associations sont écartelées entre la commande et la
réduction de leur espace de travail sur le lien social,
la loi SRU définit des territoires de projet ; il y a un risque d’inflation de territoires et
il faudra prévoir d’assurer la cohérence : intercommunalités entre elles, communes
isolées…
on peut prévoir des problèmes de moyens, les grandes agglomérations sont
pourvues de moyens d’études mais beaucoup de communautés de communes sont
réticentes ; beaucoup de maîtres d’ouvrage n’ont pas les moyens de leurs ambitions.
Par ailleurs,
la loi n’est pas assez claire sur les questions de gestion ; le renouvellement urbain
va exiger beaucoup de savoir-faire dans la mise en œuvre
pour les quartiers anciens de nombreuses procédures sont à employer
simultanément ; or la capitalisation des savoirs est insuffisante ; la Caisse des
Dépôts mène des réflexion sur ce thème
enfin, les urbanistes vont devoir donner encore plus d’importance à la formation ;
tout particulièrement, la formation continue doit s’adapter ; pour cela, il faut formaliser
les savoir-faire en amont de la formation, les capitaliser, se créer des occasions
d’échanges entre les divers milieux professionnels, relancer les voyages d’études.
CONCLUSION :
En l’espace d’un peu plus d’un an, trois lois fondamentales ont transformé le cadre
du développement territorial :
La loi d’orientation sur l’aménagement et le développement durable du territoire
Les lois de simplification et de modernisation administrative du territoire Français
La loi sur la Solidarité et le Renouvellement Urbain
La succession de ces 3 lois pose de nombreuses questions et engendre de
nouvelles pratiques et de nouveaux concepts.
La question est désormais de savoir comment s’organisera la stratégie de mise en
œuvre de ces textes, quelle sera l’évolution des pratiques et des méthodes en
urbanisme et quelle va en être la perception par le citoyen à qui l’on va demander de
s’impliquer de plus en plus dans le débat sur la ville.
Le processus politique qui a été enclenché apparaît plus important que la production
des textes.
Et c’est donc aux politiques, à toutes les échelles territoriales à qui revient la
possibilité de décliner et de coordonner leurs projets de territoire et aux
professionnels de l’urbanisme de proposer une organisation réfléchie et responsable
des espaces urbains ,naturels et ruraux dans le respect de l’intérêt général et de la
recherche d’équilibres territoriaux. Désormais l’îlot, l’espace public , le quartier , la
ville , l’agglomération et le pays doivent s’inscrire dans l’aménagement du territoire et
le développement durable.
Patrick JAUBERT

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