Les interactions médicamenteuses en médecine bucco

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Les interactions médicamenteuses en médecine bucco
Interactions médicamenteuses
Dossier l Urgences
Interactions physico-chimiques : elles ont une
influence sur la quantité de principe actif mise à disposition au niveau du site d’administration. Elles peuvent
être de nature médicament/médicament, médicament/
aliment ou médicament/dispositif médical. Les mécanismes mis en jeu regroupent des réactions de précipitation, de chélation ou d’adsorption. Les interactions
physico-chimiques se traduisent par une diminution ou
une augmentation des quantités réellement disponibles
en médicament après administration.
Les interactions médicamenteuses
en médecine bucco-dentaire
Claire Egloff, Julien Scala-Bertola, Elise Pape, Frédéric Camelot, Céline Clément,
Kazutoyo Yasukawa
La prescription médicamenteuse fait partie
intégrante de l’arsenal thérapeutique
de l’odontologiste. Qu’elle soit ou non
réalisée dans le cadre de l’urgence,
elle devra toujours être précédée
d’une anamnèse rigoureuse afin d’éviter
la survenue d’interactions médicamenteuses
cliniquement significatives. Face à
la polymédication et à l’automédication
des patients, l’attention portée à la prescription
médicamenteuse se doit, aujourd’hui
plus qu’hier, d’être renforcée. Enfin,
une attention toute particulière devra
également être portée aux interactions
physico-chimiques pouvant exister entre
les médicaments prescrits et les dispositifs
médicaux que nous sommes amenés
à utiliser.
2
U
ne interaction médicamenteuse concerne la modification des effets thérapeutiques d’un médicament, soit par un autre médicament, soit par une
autre substance (aliments, alcool, tabac…) administrée de
façon concomitante. Sur plus de 143 000 hospitalisations
annuelles dues à des effets indésirables de médicaments
en France, 30 % sont liées à des interactions médicamenteuses, chiffres stables depuis 1998 (étude EMIR [1]).
Parmi les facteurs de risque d’interaction médicamenteuse, la polymédication est à surveiller particulièrement.
En effet, il a pu être montré que le risque d’interactions
médicamenteuses augmente avec le nombre de spécialités
prescrites (7 % des patients présentaient des interactions
médicamenteuses pour une consommation quotidienne
de 6 à 10 médicaments contre 40 % pour une consommation quotidienne de 16 à 20 produits différents [2]).
Les interactions médicamenteuses, cliniquement significatives, se traduisent classiquement par une diminution
de l’effet thérapeutique des médicaments ou une augmentation du risque d’apparition de leurs effets indésirables.
Les interactions médicamenteuses peuvent être d’ordre
physico-chimique, pharmacocinétique ou pharmacodynamique [3].
L’INFORMATION DENTAIRE n° 25 - 24 juin 2015
Interactions pharmacocinétiques : elles concernent
l’ensemble des processus qui vont conditionner l’exposition systémique d’un patient à un médicament. D’un
point de vue pharmacocinétique, les interactions médicamenteuses peuvent s’observer au niveau de l’absorption
(compétition pour un transporteur), de la distribution
(compétition pour les protéines de transport), du métabolisme (induction/inhibition enzymatique) et au niveau
de l’élimination (compétition pour les systèmes d’élimination). Les interactions pharmacocinétiques se traduisent par des diminutions ou des augmentations des
concentrations sanguines en médicament.
Interactions pharmacodynamiques : elles résultent
d’une modification de l’effet d’un médicament. Les interactions pharmacodynamiques peuvent se traduire par
une diminution ou une potentialisation des effets d’un
principe actif. Cette modulation d’effet peut résulter
d’une modification d’affinité des médicaments pour leurs
récepteurs ou cibles pharmacologiques, d’une synergie
ou d’un antagonisme de leurs effets.
Règles de prescription [4]
Anamnèse
Avant toute prescription, une anamnèse complète et
rigoureuse est nécessaire. Un interrogatoire du patient
doit être conduit sur ses traitements tant habituels qu’occasionnels, et une attention toute particulière devra être
portée à l’automédication ainsi qu’aux traitements considérés comme non médicaux par le patient (pilule contraceptive, collyre…). L’idéal serait de conserver une copie
des ordonnances du patient dans son dossier médical.
Au moindre doute, une mise en relation avec le médecin
traitant est fortement recommandée. Des informations
complémentaires peuvent également être apportées par
les pharmaciens d’officine via le dossier pharmaceutique.
Les situations à risque majoré d’interaction médicamenteuse doivent être identifiées et analysées avec attention.
Le risque de survenue d’interactions médicamenteuses
cliniquement significatives est d’autant plus grand que
le patient est âgé, polymédiqué et polypathologique.
En cas d’insuffisance hépatique ou rénale, une mise en
relation avec le médecin traitant ou un spécialiste peut
être conseillée afin d’évaluer la nécessité d’un ajustement
posologique. En parallèle de l’aspect pharmacothérapeutique de l’anamnèse, cette dernière pourra être complétée par la recherche d’une consommation de tabac ou
d’alcool, voire des habitudes alimentaires du patient.
Les informations obtenues lors de l’anamnèse doivent
servir de socle à la prescription et permettre d’identifier
et d’éviter les situations à risque d’interactions cliniquement significatives.
Pour la classification des interactions médicamenteuses,
l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM)
définit quatre niveaux de contrainte dans les associations
médicamenteuses :
Contre-indication
Caractère absolu
Ne doit pas être transgressée
Association déconseillée
À éviter
Examen approfondi du rapport bénéfice/risque
Surveillance étroite du patient
Précaution d'emploi
Association possible
Respect des recommandations pour éviter la survenue
de l'interaction
À prendre en compte
Risque d'interaction existant
Simple addition d'effets indésirables
Aucune recommandation/jugement du prescripteur
L’INFORMATION DENTAIRE n° 25 - 24 juin 2015
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Interactions médicamenteuses
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Recherche d’interactions
cliniquement significatives
Seules seront évoquées ici les contre-indications et
associations déconseillées. Les recommandations
concernant les précautions d’emploi des associations
médicamenteuses les plus fréquentes seront citées.
L’ensemble des précautions d’emploi est disponible
dans le thesaurus des interactions médicamenteuses [4]
publié et régulièrement mis à jour par l’ANSM (dernière version : nomvembre 2015), et dans la rubrique
« Interactions » du résumé des caractéristiques du produit (RCP) de la spécialité prescrite.
Antalgiques
Anti-inflammatoires
Qu’elle soit pré- ou post-interventionnelle, la prescription antalgique est un acte courant dans la pratique de
l’odontologiste. Elle doit être raisonnée et se baser sur
une évaluation du rapport bénéfice/risque de la ou des
molécules utilisées. Elle devra également tenir compte
de la prise simultanée d’autres traitements (tableau 1).
La prescription de paracétamol chez un patient traité par
antivitamines K nécessitera un contrôle plus fréquent de
l’INR. En effet, si le paracétamol est pris à dose maximale (4 g/jour), et cela pendant plus de 4 jours, il existe
un risque d’augmentation de l’effet de l’antivitamine K et
donc un risque hémorragique.
Le recours aux anti-inflammatoires peut être nécessaire
devant certains tableaux cliniques ou suites opératoires
(tableau 2). Le cas de la prescription de l’acide acétylsali-
Tableau 1 - Interactions avec les antalgiques
Molécule
Niveau de contrainte
Association
Effet
Risque :
Hémorragique (activité anti-plaquettaire)
Compétition d’élimination pouvant conduire à une augmentation des concentrations
plasmatiques du médicament associé et à une apparition de ses effets indésirables.
CONTRE-INDICATION
Acide
acétylsalicylique
à visée antalgique
(> 0,5 g/prise
ou < 3 g/j)
Tableau 2 - Interactions avec les anti-inflammatoires
Molécule
Niveau
de contrainte
CONTREINDICATION
Acide
acétylsalicylique
à visée antiinflammatoire
(> 1 g/prise
ou > 3 g/j)
Majoration de la toxicité
du méthotrexate
Anti-inflammatoires non
stéroïdiens
Majoration du risque ulcérogène
et hémorragique digestif
Anagrélide
Clopidogrel
Glucocorticoïdes
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
Héparines de bas poids
moléculaire (doses curatives)
Majoration du risque
hémorragique
Ticlopidine
Anti-inflammatoires non
stéroïdiens
Majoration du risque ulcérogène et
hémorragique digestif
Uricosuriques
Diminution de l’effet
uricosurique
Anticoagulants oraux
Augmentation du risque
hémorragique
Méthotrexate
Majoration de la toxicité
hématologique du méthotrexate
CONTREINDICATION
(phénylbutazone)
Héparines de bas poids
moléculaire (doses
curatives)
Autres AINS
Majoration du risque hémorragique
Acide acétylsalicylique
Anti-inflammatoires
non stéroïdiens
(AINS)
Diminution de l’effet uricosurique
Morphiniques agonistesantagonistes
Morphiniques
antagonistes partiels
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
Risque de diminution de l’effet
antalgique
IMAO irréversibles
IMAO-A réversibles dont
linézolide et bleu de
méthylène
Risque d’apparition d’un syndrome
sérotoninergique
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Dexaméthasone
Majoration du risque ulcérogène
et hémorragique digestif
Anticoagulants oraux
Anti-inflammatoires
non stéroïdiens
Voir le tableau sur les prescriptions anti-inflammatoires (tableau 2)
(AINS)
4
Méthotrexate
Dose > 20 mg/semaine
Majoration de la toxicité du
méthotrexate
Uricosuriques
CONTRE-INDICATION
Majoration du risque
hémorragique
Méthotrexate
Dose > 20 mg/semaine
Ticlopidine
Tramadol
Anticoagulants oraux
Héparines non fractionnées
(doses curatives)
Clopidogrel
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
Effet
Majoration du risque hémorragique
Héparines non
fractionnées (doses
curatives)
Analgésiques
morphiniques de
pallier II (Codéine
ou Tramadol)
Association
Anticoagulants oraux
Anagrélide
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
cylique est repris ici, car les posologies à visée antalgique
(> 0,5 g/prise ou < 3 g/j) et anti-inflammatoires (> 1 g/
prise ou > 3 g/j) diffèrent à l’instar de ses précautions de
prescription.
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
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Héparines de bas poids
moléculaire (doses curatives)
Héparines non fractionnées
(doses curatives)
Augmentation du risque
hémorragique
Lithium
Augmentation de la lithémie
pouvant atteindre des valeurs
toxiques
Méthotrexate
Majoration de la toxicité
hématologique du méthotrexate
Acide acétylsalicylique
Majoration du risque
hémorragique
Vaccins vivants atténués
Risque de maladie vaccinale
généralisée, potentiellement
mortelle
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Interactions médicamenteuses
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Une question fréquente est celle de la diminution de l’effet contraceptif des dispositifs intra-utérins (stérilet) liée
à la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
Cependant, il n’existe aucune preuve scientifique de cet
effet [5]. Aucun lien n’a pu, à ce jour, mettre en évidence
une relation entre l’échec de contraception par dispositif
intra-utérin et la prise de médicaments [6]. L’existence
d’un tel dispositif ne contre-indique donc pas une prescription d’AINS.
La prescription d’AINS chez un patient âgé et/ou déshydraté, traité par diurétiques, nécessite certaines précautions [7] comme le renforcement de l’hydratation du
patient, principalement en début de traitement.
Antibiotiques et antifongiques
(tableau 3)
En dehors de ces contre-indications et associations
déconseillées, certaines précautions d’emploi méritent
d’être mentionnées afin d’en informer le patient et de le
sensibiliser quant aux modalités de prise en charge et de
surveillance de son traitement.
- Macrolides : si une prescription de macrolides est
nécessaire chez un patient suivant un traitement par
statines, il doit être informé du risque d’augmentation
des effets secondaires pouvant nécessiter une baisse des
doses de statines.
L’association d’un macrolide avec la ciclosporine ou le
tacrolimus implique une augmentation des concentrations plasmatiques de ces immunosuppresseurs, tandis
qu’au contraire l’association clindamycine-tacrolimus
induit une diminution de la concentration en tacrolimus.
- Fluconazole : l’association fluconazole-théophylline
implique un risque de surdosage en théophylline pouvant être évité par une adaptation de la posologie de la
théophylline. Par ailleurs, un dosage sanguin de théophylline peut être demandé afin de confirmer l’adaptation posologique.
En cas de prescription de fluconazole chez un patient
diabétique traité par sulfamide hypoglycémiant, il
devra être prévenu du risque accru d’hypoglycémie.
Un contrôle rigoureux de la glycémie devra être mis en
place.
Molécule
Niveau de
contrainte
CONTREINDICATION
Itraconazole
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
Association
Effet
Alcaloïdes de l’ergot de seigle
vasoconstricteurs
Risque d’ergotisme ou de poussées
hypertensives
Aliskirène
Risque majoré d’apparition des effets
indésirables (diarrhée, hypotension…)
Atorvastatine Simvastatine
Risque majoré de rhabdomyolyse
Avanafil
Vardénafil (> 75 ans)
Risque d’hypotension
Dabigatran
Majoration du risque hémorragique
Mizolastine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Triazolam
Risque majoré de sédation
Buspirone
Risque majoré de sédation
Busulfan
Immunosuppresseurs
Risque d’augmentation d’exposition/ASC cible
Ebastine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire (sujets prédisposés)
Fésotérodine
Toltérodine
Risque de surdosage anticholinergique (sujets
métaboliseurs lents)
Lercanidipine
Risque majoré d’effets indésirables (oedèmes)
Luméfantrine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Quinidine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire, acouphènes et/ou cinchonisme
Rifampicine
Diminution des concentrations plasmatiques
et de l’efficacité des deux anti-infectieux
Sildénafil
Tadalafil
Vardénafil (< 75 ans)
Risque d’hypotension
Névirapine
Augmentation des concentrations
de Névirapine
Diminution des concentrations de Kétoconazole
Ticagrelor
Diminution du métabolite actif du Ticagrelor
Antivitamines K
Risque d’hémorragies imprévisibles,
éventuellement graves
Halofantrine
Pimozide
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Sulfamides hypoglycémiants
Augmentation du risque hypoglycémique
Tableau 3 - Interactions avec les antibiotiques et antifongiques
Molécule
Niveau de
contrainte
Association
Effet
Risque : INHIBITION ENZYMATIQUE CYP3A pouvant conduire à une augmentation des
concentrations plasmatiques du médicament associé et à une apparition de ses effets indésirables.
ANTIFONGIQUES
AZOLÉS
(fluconazole,
ketoconazole…)
Fluconazole
6
CONTREINDICATION
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
Pimozide
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Colchicine
Risque majoré d’effets indésirables
de la colchicine
Halofantrine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Midazolam
Risque majoré de sédation
Rifampicine
Diminution des concentrations plasmatiques
et de l’efficacité des deux anti-infectieux
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Kétoconazole
(voir Itraconazole)
Miconazole
CONTREINDICATION
CONTREINDICATION
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Interactions médicamenteuses
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Molécule
Niveau de
contrainte
CONTREINDICATION
Posaconazole
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
CONTREINDICATION
Voriconazole
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
CYCLINES
CONTREINDICATION
Association
Effet
Association
Effet
Alcaloïdes de l’ergot de seigle
vasoconstricteurs
Risque d’ergotisme ou de poussées
hypertensives
Alcaloïdes de l’ergot de seigle
vasoconstricteurs
Risque d’ergotisme ou de poussées
hypertensives
Atorvastatine Simvastatine
Risque majoré de rhabdomyolyse
Antisécrétoires (Anti-H2 et IPP)
Diminution d’absorption du posaconazole
Mizolastine
Pimozide
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Immunosuppresseurs
Risque d’augmentation d’exposition/ASC cible
Simvastatine
Risque majoré de rhabdomyolyse
Rifabutine
Risque d’apparition des effets indésirables
(uvéites)
Ticagrelor
Diminution du métabolite actif du Ticagrelor
Rifampicine
Diminution des concentrations plasmatiques
et de l’efficacité des deux anti-infectieux
Disopyramide
Triazolam
Risque majoré de sédation
Risque de majoration des effets indésirables
du disopyramide ( hypoglycémies sévères,
allongement du QT et troubles du rythme
ventriculaire graves)
Vinca-Alcaloïdes cytotoxiques
Majoration de la neurotoxicité
de l’antimitotique
Ebastine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire (sujets prédisposés)
Alcaloïdes de l’ergot de seigle
vasoconstricteurs
Risque d’ergotisme ou de poussées
hypertensives
Fésotérodine
Toltérodine
Risque de surdosage anticholinergique
(sujets métaboliseurs lents)
Carbamazépine
Phénobarbital
Primidone
Millepertuis
Rifampicine
Risque d’échec du voriconazole (induction
enzymatique)
Halofantrine
Luméfantrine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Immunosuppresseurs
Risque d’augmentation d’exposition/ASC cible
Quinidine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Alcaloïdes de l’ergot de seigle
vasoconstricteurs
Risque d’ergotisme ou de poussées
hypertensives
Simvastatine
Risque majoré de rhabdomyolyse
Anticonvulsivants (Phénytoïne,
Fosphénytoïne)
Risque d’échec du voriconazole
et augmentation des concentrations
plasmatiques en phénytoïne
Mizolastine
Pimozide
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Simvastatine
Risque majoré de rhabdomyolyse
Efavirenz
Névirapine
Inhibiteurs de protéases
boostés par Ritonavir
Risque d’échec du voriconazole (induction
enzymatique)
Buspirone
Risque majoré de sédation
Carbamazépine
Risque de surdosage
Evérolimus
Sirolimus
Risque d’augmentation d’exposition/ASC cible
Disopyramide
Rifabutine
Risque d’apparition des effets indésirables
(uvéites)
Risque de majoration des effets indésirables
du disopyramide ( hypoglycémies sévères,
allongement du QT2 et troubles
du rythme ventriculaire graves)
Ebastine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire (sujets prédisposés)
Fésotérodine
Toltérodine
Risque de surdosage anticholinergique
(sujets métaboliseurs lents)
Halofantrine
Luméfantrine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Immunosuppresseurs
Risque d’augmentation d’exposition/ASC cible
Théophylline
Risque de surdosage
Triazolam
Risque majoré de sédation
Rétinoïdes
Vitamine A
Molécule
Niveau de
contrainte
CONTREINDICATION
Clarithromycine
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
CONTREINDICATION
1
Risque d’hypertension intracrânienne
Érythromycine
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
Risque : INHIBITION ENZYMATIQUE CYP450 pouvant conduire à une augmentation des
concentrations plasmatiques du médicament associé et à une apparition de ses effets indésirables.
MACROLIDES
CONTREet APPARENTES
INDICATION
(Sauf Spiramycine)
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
8
Colchicine
Risque majoré d’effets indésirables
de la colchicine
Ergotamine
Risque d’ergotisme ou de poussées
hypertensives
Alcaloïdes de l’ergot de seigle
dopaminergiques
Risque de surdosage
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L’INFORMATION DENTAIRE n° 25 - 24 juin 2015
9
Interactions médicamenteuses
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Molécule
Niveau de
contrainte
CONTREINDICATION
Association
Ivabradine
Risque de bradycardie excessive
Pimozide
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Disopyramide
Risque de majoration des effets indésirables
du disopyramide (hypoglycémies sévères,
allongement du QT et troubles
du rythme ventriculaire graves)
Ebastine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire (sujets prédisposés)
Halofantrine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Tacrolimus
Risque d’augmentation d’exposition/ASC cible
Colchicine
Risque majoré d’effets indésirables de la
colchicine
Alcaloïdes de l’ergot de seigle
vasoconstricteurs
Risque d’ergotisme ou de poussées
hypertensives
Atorvastatine Simvastatine
Risque majoré de rhabdomyolyse
Mizolastine
Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Carbamazépine
Phénobarbital
Primidone
Millepertuis
Rifampicine
Risque d’échec de la télithromycine
(induction enzymatique)
Immunosuppresseurs
Risque d’augmentation d’exposition/ASC cible
Busulfan
Risque d’augmentation d’exposition/ASC cible
Disulfirame
Risque d’épisodes de psychose aiguë ou
d’état confusionnel, réversibles à l’arrêt de
l’association
Méthotrexate
Augmentation de la toxicité hématologique
du méthotrexate par inhibition de sécrétion
tubulaire
Josamycine
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
Pristinamycine
CONTREINDICATION
CONTREINDICATION
Télithromycine
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
1
2
MÉTRONIDAZOLE
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
PÉNICILLINES
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
Interactions alimentaires
Effet
ASC : Aire Sous Courbe (paramètre pharmacocinétique évaluant l’exposition d’un patient à un médicament).
QT: représentation électrocardiographique de la dépolarisation ventriculaire et de la repolarisation qui suit.
Autres types d’interactions
Homéopathie
Dans le cadre de nos pratiques actuelles, un praticien
peut être amené à prescrire des traitements homéopathiques ou à y être confronté, car ils sont utilisés par ses
patients. Ainsi, il est important de connaître les interactions pouvant avoir un impact sur ces traitements. En
10
effet, l’ensemble des traitements homéopathiques est particulièrement inhibé par la prise concomitante de menthol [8], mais aussi par celle de camomille, de verveine,
de quinine, de camphre ou d’huile camphrée. Ainsi, tous
les dentifrices contenant du menthol sont à proscrire et
certaines marques proposent par ailleurs aujourd’hui des
dentifrices sans menthol compatibles avec l’homéopathie.
L’INFORMATION DENTAIRE n° 25 - 24 juin 2015
La prescription est un acte médical sous la responsabilité
du praticien ayant rédigé l’ordonnance. Cela implique
que les effets indésirables médicamenteux pouvant survenir au cours d’un traitement sont aussi sous la responsabilité du prescripteur. Il est donc important, lors de
la rédaction d’une ordonnance, de limiter la prescription aux seules spécialités nécessaires. Par ailleurs, il est
primordial de s’assurer de la bonne compréhension du
patient quant à l’intérêt de son traitement, à ses modalités de prise, ainsi que des effets indésirables pouvant survenir. Enfin, un point important, mais souvent négligé,
est d’informer le patient sur d’éventuelles interactions
médicamenteuses pouvant exister entre son traitement
et certains aliments.
À titre d’exemple, une attention toute particulière devra
être portée sur l’ensemble des jus de fruits [9] qui peuvent
être à l’origine de fortes interactions pharmacocinétiques avec la plupart des médicaments. Ainsi, la prise de
médicament avec un jus de fruit est à déconseiller.
La coadministration d’antibiotiques avec des produits
laitiers devra également être évitée. En effet, ces derniers sont riches en ions bivalents, comme le calcium ou
le magnésium, et forment des complexes avec certains
antibiotiques limitant ainsi leur absorption [9].
Lors de la prescription de métronidazole, le patient
devra être informé sur le risque d’un possible effet antabuse en cas de consommation d’alcool. Celui-ci peut se
caractériser par des bouffées vasomotrices au niveau du
visage, des nausées, une tachycardie, une lipothymie ou
encore une ataxie.
Enfin, la prise simultanée d’hydroxyzine et d’alcool
implique une majoration de l’effet sédatif pouvant
entraîner un risque de somnolence particulièrement
dangereux en cas de conduite de véhicules ou d’engins.
Toutes ces précautions d’emploi devraient être signalées
au patient par le praticien à la fois oralement et sur l’ordonnance délivrée.
Interactions entre dispositifs médicaux
Au-delà des médicaments que nous sommes amenés à
prescrire, nous utilisons également un grand nombre de
dispositifs médicaux qui peuvent eux aussi présenter des
interactions avec les médicaments.
Par exemple, l’irrigation canalaire lors du traitement
endodontique implique un seringage à l’hypochlorite de
sodium. Le recours à une association avec la chlorhexidine a été envisagé, car leurs actions sont synergiques
L’INFORMATION DENTAIRE n° 25 - 24 juin 2015
et augmentent ainsi leurs effets propres. Cependant, il
a été montré que l’association hypochlorite de sodium/
chlorhexidine est responsable de la formation de précipités colorés inactifs difficiles à éliminer et qui pourraient
être carcinogènes. Après utilisation de chlorhexidine, il
est donc indispensable de rincer le canal à l’eau stérile ou
à l’alcool et de le sécher avec des pointes de papier [10].
Nous pouvons noter que l’irrigation à la chlorhexidine
après un rinçage avec de l’acide éthylène diamine tétraacétique (EDTA) provoque également un précipité non
souhaitable [11].
Enfin, il existe aussi un risque d’apparition d’érythème,
de phlyctènes voire de nécroses cutanéomuqueuses
en lien avec la formation de complexes caustiques en
cas d’association entre la povidone iodée (Bétadine®)
et les antiseptiques mercuriels (Solution aqueuse de
Mercurescéine Gifrer 2%).
Prévention et conduite
à tenir face à une interaction
médicamenteuse
Pour prévenir les interactions médicamenteuses, le praticien peut faire appel à différents outils.
Comme abordé précédemment, le premier outil à la
disposition du praticien est une anamnèse soignée afin
d’identifier les médicaments pouvant être potentiellement responsables d’interactions médicamenteuses en
cas d’association.
Le deuxième outil est le suivi thérapeutique pharmacologique (STP), particulièrement utile pour l’adaptation et
le suivi des concentrations sanguines des médicaments à
marge thérapeutique étroite. L’activité de STP est accessible dans les laboratoires de pharmacologie clinique de
tous les centres hospitaliers et universitaires de France.
Le troisième outil est la pharmacovigilance, activité disponible au sein des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV). Il est à rappeler que tout effet indésirable
constaté par un professionnel de santé est à déclaration obligatoire au CRPV de la région où cet effet a été
constaté. La participation des praticiens à la déclaration
des effets indésirables est une garantie pour une évaluation au plus juste de la sécurité des médicaments sur le
territoire national. En effet, toute nouvelle donnée sur
l’effet indésirable d’un médicament (nature, fréquence,
sévérité) contribuera à préciser les données de sécurité
de ce médicament. Ces données réactualisées peuvent,
après évaluation par l’ANSM, contribuer à compléter
11
Dossier l Urgences
les informations contenues dans les résumés des caractéristiques du produit (RCP), à limiter le champ des indications de la spécialité concernée, voire à retirer cette
spécialité du marché. Les fiches de déclaration d’effet
indésirable, disponibles dans la partie dédiée du site de
l’ANSM intitulée « Déclarer un effet indésirable », se
déclinent en quatre parties relatives au patient, au déclarant (prescripteur), au médicament et à la description de
l’effet indésirable.
Enfin, à l’issue d’une consultation, tout prescripteur doit
s’assurer de la bonne compréhension par son patient des
enjeux et des risques de son traitement ainsi que des
modalités de prise de ses médicaments. Dans les cas plus
complexes, le praticien odontologiste pourra s’appuyer
sur le réseau des autres professionnels de santé comprenant les médecins généralistes, les médecins spécialistes,
les pharmaciens d’officine et les pharmacologues.
Auteurs
Claire Egloff
Interne en médecine bucco-dentaire,
Université de Lorraine, UFR Odontologie
de Nancy
CHU de Nancy, Service d’Odontologie
Julien Scala-Bertola
MCU-PH, Université de Lorraine,
UMR CNRS 7365 IMoPA
CHU de Nancy, Service de Pharmacologie
Clinique et de Toxicologie
Elise Pape
AHU, Université de Lorraine,
UMR CNRS 7365 IMoPA
CHU de Nancy, Service de Pharmacologie
Clinique et de Toxicologie
Frédéric Camelot
AHU, Université de Lorraine,
UFR Odontologie de Nancy
CHU de Nancy, Service d’Odontologie
Céline Clément
MCU-PH, Université de Lorraine,
UFR Odontologie de Nancy
CHU de Nancy, Service d’Odontologie
Kazutoyo Yasukawa
MCU-PH, Université de Lorraine,
UFR Odontologie de Nancy
CHU de Nancy, Service d’Odontologie
Les auteurs ne déclarent aucun lien d’intérêt.
Correspondance
[email protected]
12
Conclusion
Lors de toute prescription, le praticien devra respecter
un certain nombre de règles et garder à l’esprit certains
grands principes :
- la prescription devrait être limitée au minimum de
médicaments ;
- l’association de deux médicaments à risque est possible
si celle-ci présente une balance bénéfice/risque favorable
et que les effets indésirables cliniquement significatifs
peuvent être anticipés et facilement contrôlés ;
- la prescription devrait être réalisée en dénomination
commune internationale (DCI). Si la prescription est
faite sous la forme d’un nom commercial, il faudra veiller à ce qu’il ne s’agisse pas en réalité d’une association de
plusieurs médicaments pouvant conduire à des prescriptions en doublon d’un même principe actif ;
- la réévaluation du rapport bénéfice-risque des différents médicaments du traitement devrait être réalisée
régulièrement.
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L’INFORMATION DENTAIRE n° 25 - 24 juin 2015