les édulcorants, des molécules à ne pas prendre… à la légère
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les édulcorants, des molécules à ne pas prendre… à la légère
LES ÉDULCORANTS, DES MOLÉCULES À NE PAS PRENDRE… À LA LÉGÈRE ou comment considérer les risques potentiels de ces molécules FRANÇOIS Élodie VIAL Carine GRACIARENA Martin Deuxième année de Licence Sciences de la Vie Groupe 9 U.E.Méthodologie – Meth291 – 10 janvier 2006 LES ÉDULCORANTS, DES MOLÉCULES À NE PAS PRENDRE... À LA LÉGÈRE Le débat dure depuis plus de 30 ans et a été relancé en ce mois de juillet 2005. Passant d’une conclusion à l’autre, sans jamais trouver de résultat définitif et tranché, les chercheurs ne connaissent toujours pas précisément les effets réels des édulcorants sur notre santé. Ces molécules, qui possèdent la propriété d’avoir un goût sucré tout en apportant moins de calories que le sucre standard sont pourtant sous la menace de plusieurs chefs d’inculpation : responsabilité de troubles métaboliques, d’allergies ou même de cancers. A la base découvertes et utilisées pour subvenir aux besoins des personnes diabétiques, elles sont, depuis les années 1960 et l’explosion du marché des régimes, de plus en plus utilisées dans diverses denrées alimentaires. Alors que le cancer est dans le top 5 des causes de mortalité et que l’éventail de produits contenant des édulcorants ne cesse de s’agrandir, on comprend bien l’importance d’avoir des résultats concrets et fiables. Un des problèmes en cause dans ce manque de certitude provient des études contradictoires apparaissant sur le sujet, sans perdre de vue que certaines d’entre elles sont financées par les groupes vendeurs d’édulcorants euxmêmes. Dans cet article nous allons tout d’abord faire un rapide historique, puis présenter ce que sont les édulcorants et d’où proviennent leurs propriétés. Nous essaierons ensuite de nous positionner sur l’effet cancérogène ou non de ces molécules en nous appuyant sur des résultats d’études effectuées. Enfin, nous verrons dans quelle mesure la législation actuelle permet de réguler l’usage des édulcorants et l’information qui en est donnée au consommateur. Une famille très vaste Le terme édulcorant, bien que désignant Sucres tout composé qui adoucit une boisson, un aliment ou un médicament, est en général Fructose 0.80 - 1.30 utilisé pour des produits qui ne sont pas des Saccharose (référence) 1.00 sucres naturels. On peut donc considérer qu’il Edulcorants massiques (polyols) existe plusieurs sortes d’édulcorants, certains 0.50 - 0.60 dérivés de sucres naturels, et d’autres obtenus Mannitol Sorbitol 0.50 - 0.70 par synthèse chimique. « Le sucre du pauvre » : voilà comment Maltitol 0.80 - 0.90 était considéré le premier édulcorant de Sirop de maltitol synthèse découvert en 1879 par Ira Remsen et Xylitol 0.80 - 1.00 Constantin Fahlberg, la saccharine. Très usitée Edulcorants intenses pendant la guerre du fait des rationnements en Acide cyclamique et ses 30 (25 - 40) sucre « vrai », on lui a par la suite découvert sels d’autres propriétés que nous détaillerons plus Acésulfame 100 (100 - 200) loin, par exemple son pouvoir sucrant très Aspartame 130 (110 - 180) élevé et son effet non calorigène : la famille 330 (300 - 500) des édulcorants était née. Elle s’est rapidement Saccharine et ses sels Edulcorants naturels agrandie avec la synthèse du Cyclamate (1937), de l’Aspartame (1965), et de Stevia 150-400 l’Acésulfame-K (1967). Ces molécules de Thaumatine 2000-2500 natures diverses ou « faux-sucres », ont trois Tableau 1. Sucres et édulcorants, pouvoir grandes propriétés en commun : ils ne sont pas sucrant relatif métabolisés par l’organisme comme les autres sucres, possèdent un pouvoir sucrant en général supérieur à ce dernier, et ce pour un apport calorique moindre. François, Vial, Graciarena 2/13 15/11/2006 Le pouvoir sucrant est une notion qui positionne l’impression de goût sucré sur les récepteurs gustatifs par rapport à la référence, le sucre naturel qu’est le saccharose (disaccharide de glucose et fructose) auquel on attribue un pouvoir Saccharine sucrant égal à 1 (tableau 1). Cyclamate (et sel de Na) (et sel de Na) Les édulcorants dits massiques, ou succédanés du sucre, peuvent se rapprocher des sucres naturels, les polyalcools ou polyols (chaîne carbonée avec plusieurs fonctions hydroxyle) possédant une fonction aldéhyde ou cétone, avec d’autres fonctions possibles (fonction amine, par exemple, tableau 2 et figure 1). Les exemples les plus courants Aspartame Xylitol sont le mannitol et le sorbitol. Ces molécules n’ont pas un pouvoir sucrant supérieur à 1, Figure 1. Quelques formules semidéveloppées d’édulcorants mais ont un apport calorique moins important que celui du saccharose. Les édulcorants dits intenses sont eux obtenus par synthèse, et possèdent des fonctions très diverses comme des cycles benzéniques (exemple de l’acésulfame-K, tableau 2 et figure 1) ou sont des dérivés d’acides aminés (l’aspartame est un dipeptide). Ces molécules ont, elles, un pouvoir sucrant qui peut être de plusieurs centaines de fois celui du Édulcorant Provenance saccharose, et n’apportent aucune Sorbitol Hydrogénation du glucose calorie. Néanmoins, de part leur Mannitol Hydrogénation du mannose instabilité à la chaleur (dès 100 à Acésulfame (K) Duhydro-oxathiazin-dioxide synthétisé à 150°C), ils ne peuvent pas être partir du tribultyl-acéto-acétate utilisés de la même façon que le Aspartame Dipeptide : aspartyl-phénylalaninesucre dans des préparations méthyl-ester culinaires. Acide cyclamique Acide cyclohexyl-sulfamique synthétisé à Les édulcorants naturels, (Na, Ca) partir du benzène tout à fait bénins et plus sûrs que Isomalt Hydrogénation de l’isomaltose les édulcorants chimiques sont Saccharine Acide ortho-disulfimide-benzoïque synthétisé à partir du toluène moins usités car ils font souvent (Na, K, Ca) l’object d’exclusivité d’exploitation Thaumatine Extrait de plante ou de fruit (Talin) de la part de certaines marques. Maltitol Hydrogénation du maltose L’extrait de la plante Stevia et de la Lactitol Hydrogénation du lactose thaumatine, une protéine extraite Xylitol Xylanes du bois de bouleau des fruits ou des plantes comme le Tableau 2. Nature et obtention des divers édulcorants Talin, en sont des exemples. Des effets bénéfiques largement vantés Selon le public auquel s’adressent les produits contenant des édulcorants, on prête à ces molécules de nombreux avantages théoriques et pratiques, parfois vantés à l’excès au travers de publicités. La principale qualité des polyols réside dans leur stabilité à la chaleur, qui permet une utilisation culinaire se rapprochant de celle du sucre. De plus, une fois ingérés dans l’organisme, ils sont métabolisés de façon différente du saccharose. En effet, leur absorption au niveau de l’intestin est très lente, incomplète, et leur transformation se fait principalement dans le foie, si bien que la plupart ne passent même pas dans le sang. L’élévation de la glycémie qui s’en suit est moins importante que pour le sucre de cuisine, et les besoins en insuline pour rétablir une glycémie normale après le repas sont donc diminués. Il a d’ailleurs été démontré que chez les non diabétiques, leur ingestion n’entraîne pas d’insulinosécrétion notable. Ceci présente un avantage considérable pour François, Vial, Graciarena 3/13 15/11/2006 les personnes diabétiques, dont le problème majeur est la régulation du taux de sucre présent dans le sang, car chez elles soit l’hormone dévouée à cette tâche, l’insuline, est déficiente, soit leurs cellules ont développé une résistance à cette même molécule. Récemment, on a prêté au Xylitol des propriétés anti-cariogènes et anti-bactériennes, ainsi que de reminéralisation des dents, ce qui en fait un des produits les plus utilisés dans la fabrication des chewing-gum et autres confiseries. L’autre principale propriété vantée et sujette à profit est l’effet non calorigène : avoir le goût du sucre sans les calories associées à ce dernier. En effet, ces molécules ne franchissent pas ou de façon incomplète la barrière digestive, ne sont donc pas dégradées dans les réactions du catabolisme et donc non productrices d’énergie au sein de l’organisme. Dans le cadre des produits diététiques, ils permettent une diminution des calories dans les aliments et facilitent le respect d’une alimentation équilibrée en sucres. Néanmoins, les publicités omettent souvent de préciser que ce gain n’est bénéfique que dans le cadre d’une alimentation globalement équilibrée ou d’un régime hypocalorique, nous y reviendrons plus loin. Ces bénéfices vantés parfois à outrance, les réfractaires à ces molécules n’ont évidemment pas eu de cesse, depuis plusieurs années, d’effectuer nombre d’études afin de tenter de résoudre le mystère qui enveloppe chaque additif alimentaire : a-t-il ou non des effets indésirables sur la santé. Une révolution pour les diabétiques, une mine d’or pour l’industrie agroalimentaire Annoncer la découverte de telles molécules a suscité un vif espoir chez les diabétiques. Boissons « light » aspartame, saccharine, L’industrie pharmaceutique acésulfame-K (ou mélange des trois), cyclamate pouvant alors utilise les édulcorants comme excipients Yaourts , préparations laitières aspartame dans de nombreux Confiseries, chocolats, xylitol ou divers autres polyols, chewing-gums acésulfame-K, aspartame, médicaments, ces personnes cyclamate, ont pu avoir accès à des Desserts et produits similaires sorbitol, mannitol, isomalt, traitements qui leurs étaient maltitol, lactitol, xylitol, jusque là interdits. Selon acésulfame-K, cyclamate, l’Agence Française de la saccharine Sécurité Sanitaire et des Compléments alimentaires acésulfame-K, aspartame, Aliments (AFSSA), plus de 600 thaumatine spécialités en contiendraient, Préparations de fruits ou saccharine néanmoins à un niveau quasilégumes négligeable comparé aux Tableau 3. Exemples d’emploi des édulcorants dans des catégories de produits apports de l’alimentation. Les années 60-70 ont été le siège d’un renouveau tout entier de la société, ceci dans les mentalités autant que dans la technique. Avec l’essor des régimes et de la société du paraître, c’est surtout l’effet non calorigène qui a été la source du succès des édulcorants. Le seul point sur lequel les fabricants ne prennent pas suffisamment la peine d’insister est que le plus souvent, le gain énergétique réalisé par l’emploi des édulcorants ne prend effet que dans le cadre d’une alimentation globalement équilibrée. Produit de l’industrie agroalimentaire François, Vial, Graciarena Edulcorant(s) le(s) plus fréquemment employé(s) 4/13 15/11/2006 Tc hè q ue Po lo gn e Re p, ui e aq ov ce èd e Su Fr an Ho ng r ie Sl Al le m ag ne Aujourd’hui, ce domaine est toujours en expansion et, avec la diversification des produits Part du marché (%) « light » dans les rayons de supermarchés, on trouve 90% les édulcorants dans de plus en plus de denrées 80% 70% alimentaires, chaque molécule étant préférentiellement 60% utilisée pour une catégorie d’aliments (tableau 3). 50% 40% Certaines molécules pouvant avoir un goût un peu 30% amer employées seules, les fabricants ont étudié les 20% 10% emplois de mélange de plusieurs édulcorants dans des 0% porportions précises qui permettent le plus souvent Pays d’améliorer leur rendu gustatif. Ainsi, le mélange aspartame-saccharine est très souvent présent dans les boissons édulcorées. L’aspartame est, de plus, à lui Figure 3. Part des chewing-gum seul, présent dans plus de 5000 aliments dans 90 édulcorés dans le marché de pays, du chewing-gum aux plats cuisinés, en passant certains pays par les produits laitiers et les sodas. Utilisés de cette façon, les édulcorants sont alors considérés comme des additifs alimentaires, c'est-à-dire des substances rajoutées aux produits pour en rehausser la couleur ou plutôt le goût en l’occurrence, ou bien en prolonger la conservation. Cette industrie gagne régulièrement des parts de marché. En 1998, les chewing-gums édulcorés représentaient 85% du marché du mâchage scandinave, 66% en Allemagne et 40% en France ! (figure 3). La même année, au Royaume-Uni, les boissons light représentaient 40% des achats de boissons gazeuses, et presque 50% de celles aromatisées au cola (qui a lui seul représente 50% des ventes de sodas). Aux états-unis, en 1992 cette part atteignait déjà 30%, et était en constante augmentation depuis plus de dix ans (figure 4). En 2002, il était estimé que les américains consomment jusqu’à 40 kg d’éculcorant par an et par habitant ! ce chiffre est de 5kg pour la France. Avec des chiffres de consommation Figure 4. Evolution de la part relative des boissons light dans le marché aux Etats-Unis aussi élevés, et sur la pente ascendante, il est important de savoir si les effets bénéfiques qu’on accorde à ces molécules n’engendrent pas des risques pour la santé. Des incertitudes sur de possibles effets nocifs subsistent Les soupçons sur la santé se retrouvent à différents niveaux, du simple trouble du métabolisme au véritable cancer, en passant par les malformations foetales (tableau 4). Sous le coup de polémiques répétitives, de nombreuses études ont été menées depuis plus de trente ans. Certains effets néfastes sont aujourd’hui connus et admis, et font l’objet d’avertissement sur les étiquettes (voir plus loin). Les édulcorants massiques, du fait de la lenteur de leur absorption intestinale, sont stockés dans le colon, où ils fermentent et provoquent un appel d’eau, ce qui peut entraîner des ballonnements et des diarrhées quand ils s’y trouvent en quantités importantes. Ces doses varient selon la tolérance des individus, mais un consensus d’environ 30g par jour est accepté comme valeur limite. Leur utilisation entraîne de plus un apport calorique qu’il est parfois difficile d’évaluer du fait de leurs particularités d’absorption digestive, ce qui peut jouer des tours dans les régimes hypocaloriques. De plus, on leur prête des effets secondaires de toxicité à long terme qui n’ont toujours pas été infirmés. Certains polyols comme le xylitol peuvent en effet faire craindre des modifications des lipides, de l’acide urique ou la formation de précurseurs à des calculs urinaires, mais si aucune étude n’a démontré cette toxicité potentielle, aucune François, Vial, Graciarena 5/13 15/11/2006 étude n’a non plus définitivement écarté ce risque. Un potentiel effet toxique est écarté si leur consommation n’excède pas celle du saccharose, mais on n’a encore aucune certitude à forte dose, supérieure à 0.25g/kg de poids corporel. Certaines catégories de personnes, dites à risque, doivent absolument éviter la consommation d’édulcorants. Ils sont très fortement déconseillés voire même interdits aux enfants en bas âge (moins de 3 ans). Les individus atteints de phénylcétonurie, présentant une déficience dans la dégradation d’un acide aminé qui provoque l’accumulation d’un composé chimique toxique affectant le système nerveux sont également des individus à risque. En effet, la métabolisation de l’aspartame conduit à du méthanol, de l’acide aspartique et de la phénylalanine, le fameux acide aminé non toléré. Contribuant à une forte quantité de méthanol, cet édulcorant intense est donc également un allergène potentiel très puissant. Parfois suspecté de provoquer des céphalées, nausées, troubles de la vue, et réaction cutanées allergiques, il semble aujourd’hui que la plupart de ces accusations sont infondées et fausses. Néanmoins, il doit à tout prix être banni des préparations culinaires nécessitant une cuisson. En effet, chauffé au-delà de 100°C, il dégage des substances nocives. Edulcorant Succédané s du sucre Edulcorant s intenses Risque potentiel sorbitol, xylitol, maltitol, mannitol Diarrhées au delà de 30 à 50g/jour Modifications des lipides, de l’acide urique Formation de précurseurs aux calculs rénaux Mauvaise évaluation de l’apport calorique Effet à long terme ignoré ou du moins incertain aspartame Formellement contre indiqué aux personnes souffrant de phénylcétonurie Peut se transformer en une substance toxique sous une hausse de température (105°C), qui peut elle-même se dégrader en substances cancérigènes à température plus élevée (150°C) aspartame, saccharine, acésulfame-K Effet à long terme ignoré ou du moins incertain cyclamate Malformations enceintes foetales, dans le cas des femmes Tableau 4. Risques nocifs soupçonnés des édulcorants Un effet cancérogène à craindre ? Alors que certains effets néfastes parfois mineurs font l’objet d’un consensus dans le milieu scientifique, du fait des résultats d’études confirmant ces soupçons, un doute plus sévère et sérieux plane sur un possible effet cancérigène des édulcorants, encore controversé actuellement. Le cancer étant actuellement la première cause de mortalité en France, la deuxième aux Etats-Unis et au niveau international, il apparaît important de confirmer ou infirmer ce risque, et d’en informer le consommateur. Par définition, le cancer est caractérisé par la prolifération anarchique de cellules au sein d’un tissu de n’importe quelle sorte, ne présentant à l’origine aucune anomalie au sein de l’organisme (figure 5). Rappelons qu’à tous les niveaux, tissu ou organe, les cellules s’influencent mutuellement, en communiquant par l’intermédiaire de divers messagers chimiques tels que les hormones. Elles échangent également avec l’extérieur (ou milieu extra-cellulaire, par exemple le sang) l’énergie et la matière nécessaires à leur fonctionnement, soit pour un apport, soit pour se débarrasser de leurs déchets, soit pour déverser leurs propres produits qui seront utilisés par d’autres cellules (par exemple des protéines). Chaque cellule, qui contient au sein de son noyau la précieuse molécule d’ADN portant son information génétique, se divise par mitose pour assurer le renouvellement des cellules à la durée de vie variable mais limitée, et transmet une copie fidèle de celle-ci à chacune de ses deux cellules filles. Une cellule initiatrice de métastase voit alors son cycle cellulaire déréglé, et échappant à de nombreux contrôles qui s’y réalisent dans des conditions normales. Au sein d’un assemblage de cellules, elles ne peut donc plus assurer son rôle et envoie des messages erronés à ses compagnes, d’où un dérèglement général et le développement d’une tumeur. François, Vial, Graciarena 6/13 15/11/2006 Plusieurs événements génétiques peuvent rendre une cellule cancéreuse. On appelle mutation toute altération du génome de la cellule, dans sa séquence de bases. Cette modification qui peut prendre plusieurs formes et avoir des conséquences diverses. Entre autres, elle peut endommager un gène et entraîner une synthèse d’une protéine modifiée inactive. Les mutations dans le cadre du cancer touchent les gènes contrôlant le cycle cellulaire et donc la capacité de la cellule à se diviser à un moment précis et dans un but déterminé. Un agent mutagène est un agent physique ou une substance qui provoque ce type de lésions au niveau de la molécule d’ADN. Depuis les années 1970, des tests permettant de détecter ces substances ont été développés, le plus connu et le plus usité étant celui du professeur B.N. Ames, qui a permis de découvrir quatre-vingt dix pour cent des substances cancérigènes connues actuellement. Ce test se base sur le fait qu’une substance cancérigène peut avoir des propriétés mutagènes, qui peuvent donc être identifiées Figure 5. Cellules normales et par ce moyen. Ce test n’est néanmoins pas métastasiques infaillible, du fait que les cancérogènes peuvent induire la maladie de manière détournée. En effet, la grande majorité des produits pénétrant dans un organisme humain sont détoxifiés afin d'être rapidement éliminés. Les systèmes enzymatiques qui interviennent dans ces réactions se situent principalement au niveau du foie, mais certaines substances peuvent échapper à ce processus. L’organisme peut également manquer de molécules essentielles appelées cofacteurs, intervenant dans la reconnaissance et la détoxification de certaines molécules, qui sera alors incomplète et lacunaire. Des substances toxiques ou cancérigènes peuvent alors affecter nos cellules, en ayant en quelque sorte déjoué les barrières de protection naturelles. Des études contradictoires et incertaines Depuis les années 1960 et les premiers soupçons concernant les édulcorants, de nombreuses études ont été réalisées. En 1966, une étude a rapporté que certaines bactéries pourraient désulfoner le cyclamate pour produire de la cyclohexylamine, un composé suspecté d’avoir une toxicité chronique chez l’animal. D’autres recherches, en 1969, ont eu pour résultats que le mélange usuel cyclamate : saccharine dans les proportions 10:1 augmentait la probabilité du cancer de la vessie chez le rat. La Foods and Drugs Administration des Etats-Unis (FDA, l’équivalent de l’AFSSA) a tout de même, après éxamination des résultats, déclaré le cyclamate non cancérigène. En 1977, une expérience avait démontré un effet toxique de la saccharine sur des rats de laboratoires. Néanmoins, les doses auxquelles avaient été exposées les animaux étant beaucoup trop importantes et « inatteignables » par rapport aux doses employées dans l’alimentation humaine, cette étude a été rapidement décridibilisée, mais a néanmoins eu un fort impact. La saccharine, la substance la plus mise en cause depuis le début de son utilisation et objet de très nombreuses recherches, a été définitivement innocentée de tout effet toxique à des doses normales en 2000, lorsque la FDA a exempté les produits la contenant de porter une mise en garde spécifique. François, Vial, Graciarena 7/13 15/11/2006 En juillet 2005, le débat concernant les édulcorants a de nouveau été relancé, après la publication des résultats d’une étude portant sur l’aspartame. Celle-ci ayant exposé des rats de laboratoire à des doses relativement élevées d’aspartame aurait révélé que celui-ci serait responsable de l’apparition de tumeurs au cerveau. En considérant le nombres de personnes qui succombent chaque année en France de tels cancers, en tre 3 et 5 pour 100 000 en 1998, l’interrogation était légitime (figure 6). La FFSA avait, à ce sujet, publié une évaluation des risques en Figure 6. Evolution de la mortalité par tumeurs cérébrales en France mai 2002. Malgré l’instabilité de l’aspartame et les composés issus de sa dégradation dans l’ organisme, elle avait conclu à l’innocuité de celui-ci. S’en suivent alors des discussions dans le milieu scientifique qui ont entouré toutes les études publiées à ce jour, sur l’application de ces effets à l’homme ou non. Les preuves apportées par les études ne sont pas assez précises pour les comités sanitaires, qui ne préfèrent donc pas trancher concernant le rôle des édulcorants dans l’apparition de cancer. Une législation suffisamment stricte ? Malgré les doutes et incertitudes qui règnent quant aux effets potentiels néfastes des édulcorants, mais devant le lobbying et l’importance de ces composés dans l’industrie agro-alimentaire, l’Académie de Médecine et le Conseil Supérieur de l’Hygiène (CSH), ainsi que l’Agence Française de Sécurité Sanitaire et des Aliments (AFSSA) ont donné un avis favorable à leur utilisation en alimentation humaine en 2002, « considérant que l’utilisation d’édulcorants en remplacement du sucre se justifie pour la fabrication de denrées alimentaires à valeur énergétique réduite, de denrées non cariogènes et d’aliments sans sucres ajoutés pour prolonger la durée de vie en étalage par le remplacement du sucre, ainsi que pour la production de produits diététiques ». S’ils s’accordent sur l’innocuité de telles substances, ils ont néanmoins assorti cette autorisation de recommandations quantitatives et qualitatives, et ces composés font l’objet d’une réglementation stricte. Il est également important de préciser que le cyclamate a reçu un avis défavorable de l’Académie de Médecine pour son utilisation dans l’alimentation humaine. En France, la loi du 4 juillet 1987 autorise l’usage des polyols dans les aliments diététiques y compris le chewing-gum, sous réserve qu’ils ne soient pas destinés aux nourrissons. Celle du 5 janvier 1988 autorise l’emploi des substances édulcorantes, sans effet nutritif, ayant un pouvoir sucrant supérieur à celui du sucre, dans les aliments destinés à une alimentation particulière. François, Vial, Graciarena 8/13 15/11/2006 En 1989, La communauté européenne a, quant à elle, adopté la directive générale 89/107/EEC exposant les critères d’évaluation des Mannitol E 421 additifs. En 1994 et 1995, cette réglementation a Acésulfame (K) E 950 été complétée par deux directives techniques Aspartame E 951 spécifiques aux édulcorants : les directives Acide cyclamique (Na, Ca) E 952 94/35/EC et 94/36/EC. Dans ces textes, on trouve Isomalt E 953 tout d’abord la liste des substances autorisées, qui Saccharine (Na, K, Ca) E 954 n’est que de douze édulcorants. Une nomenclature Thaumatine E 957 des additifs impose que chacun porte un code Neohesperidine DC E 959 composé de la lettre E suivie d’un chiffre Maltitol E 965 (tableau 5). On y trouve également les produits alimentaires dans lesquels chaque additif peut être Lactitol E 966 intégré et la concentration maximale à respecter Xylitol E 967 (exemple de l’acésulfame-K, tableau 6). Toute Tableau 5. Nomenclature européenne substance ne figurant pas dans cette liste est des divers édulcorants interdite, mais cette dernière n’est néanmoins pas figée. En effet, tout nouvel additif proposé à l’exploitation devra alors être soumis à des expériences qui aboutiront ou non à son autorisation dans le commerce. Certaines molécules, auparavant employées et depuis considérées comme non-conformes à la législation, font l’objet d’un épuisement des stocks, prévu et régulé dans un autre texte de la Commission Européenne. Édulcorant Sorbitol N° CE E 420 Des organismes de contrôle et des experts qui se veulent rassurants : recommandations et DJA Au niveau international, le JECFA, comité d’experts des additifs alimentaires de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) relayé au sein de l’UE par le Comité Scientifique de l'Alimentation Humaine (CSAH), expertisent l’ensemble des additifs avant leur utilisation et commercialisation dans les filières agroalimentaires. En France, l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) a également un droit de véto sur toute commercialisation. L’évaluation menée est basée sur des analyses toxicologiques, des observations et des tests pratiqués sur des modèles animaux, comme le rat. Un seuil maximum, dénommé « dose sans effet nocif » (DSEN), est établi à partir d'études expérimentales portant sur plusieurs générations d'animaux recevant l'additif dans leur alimentation. Ce seuil est divisé par cent pour tenir compte des différences de métabolisation et de réponse lors de l’ingestion, entre les rats et les humains : on parle alors de DJA, ou « Dose Journalière Admissible ». Elle représente la quantité du produit en question qui peut être absorbé chaque jour et pendant toute la vie, avec une large marge de Tableau 6. Exemple des informations données par la directive sécurité pour la santé 94/35/EC concernant l’Acesulfame-K (tableau 7). François, Vial, Graciarena 9/13 15/11/2006 Les édulcorants de synthèse sont les seuls pour lesquels la Communauté Européenne impose une DJA, ainsi qu’une quantité maximale d’utilisation qui varie selon les produits dans lesquels sont intégrés les édulcorants. Quant aux faux-sucres, ces substances ne faisant l’objet d’aucune dose maximale d’utilisation ou de DJA, la Communauté Européenne se contente de préconiser Dose Journalière Édulcorant que la dose utilisée « ne dépasse pas la dose Acceptable (DJA) nécessaire à l’effet escompté justifiant son Aspartame 40mg /kg utilisation». Une belle aubaine pour les entreprises Acésulfame K 15mg/kg qui peuvent donc à leur gré quantifier le produit Cyclamate 11mg/kg utilisé : peut-être sur ce point là peut-on souligner Saccharine 5mg/kg un aspect trop laxiste de la législation, même si Tableau 7. DJA de quelques aucun risque n’est encouru, vu les marges prises. édulcorants Du fait du nombre de contrôles effectués et des faibles doses autorisées, les experts se veulent rassurants. Selon le docteur Karlheinz Schmidt, de l’Université de Tübingen, « bien des substances naturelles ne recevraient pas aujourd’hui d’autorisation selon le droit alimentaires s’il leur était appliqué les mêmes critères stricts que dans le cas des produits « de synthèse ». Les édulcorants, par exemple, font partie des produits les mieux étudiés au monde ». Au vu des sommes d’argent en jeu, on comprend l’intérêt des firmes pour ces substances. Voilà qui a de quoi rassurer... Ainsi donc les entreprises ont un certaine marge de liberté. Néanmoins, celle-ci devrait théoriquement être limitée par une obligation d’information au consommateur. Un étiquetage règlementé à vocation informative, mais qui reste flou Commercialiser un édulcorant impose en effet un étiquetage précis. La directive de l’Union Européenne rend obligatoire l’apposition de certaines mises en garde spécifiques sur les étiquettes, selon le type d’édulcorant présent dans le produit (tableau 8). Pour tous les édulcorants, l’étiquette doit faire apparaître en clair le nom du ou des édulcorants utilisés ainsi que leur code nomenclature officielle, et stipuler qu’une consommation par des enfants de moins de trois ans n’est pas souhaitable. Concernant les succédanés du sucre, le mot sucre doit apparaître, ainsi que la valeur énergétique, et une mise en garde contre de possibles troubles gastrointestinaux en cas de consommation excessive. Pour ce qui est des édulcorants intenses, l’évocation du terme « sucre » n’est Figure 7. Exemple d’étiquette de chewing-gum « sans sucre » pas obligatoire, mais la présence de certaines substances impose de préciser certaines précautions. Les produits contenant de la saccharine doivent porter la mention « à consommer avec modération chez la femme enceinte » ; ceux à l’aspartame doivent informer que la source de phénylalanine, ceci étant particulièrement destiné aux phénylcétonuriques (exemple d’une étiquette de chewing-gum « sans sucre », figure 7). François, Vial, Graciarena 10/13 15/11/2006 Mais les étiquettes réservent-elles pourtant de bien mauvaises surprises au 1. La dénomination de vente des édulcorants consommateur diabétique, quand bien de table doit comporter la mention même il les lirait très attentivement. La «édulcorant de table à base de . . .», suivie mention « sans sucre » ne signifie pas du ou des noms des substances édulcorantes entrant dans leur composition. que le produit ne contient pas de glucides, mais simplement que l’ont n’ait 2. L'étiquetage des édulcorants de table pas ajouté du saccharose pour la contenant des polyols et/ou de l'aspartame fabrication ou la commercialisation du doit comporter les avertissements suivants: produit. Si les glucides comme le - polyols: «une consommation excessive peut fructose étaient présents dans le produit avoir des effets laxatifs» d’origine, ils sont encore très - aspartame: «contient une source de phénylalanine» probablement présents dans le produit Tableau 8. Extrait de l’article 5 de la directive portant cette mention. On peut même y 94/35/CE avoir ajouté des glucides qui ne sont pas du saccharose. Les mentions « à l’aspartame » ou « sucré à l’aspartame », qui pourraient faire croire à l’absence de sucres autres que ces édulcorants, indiquent uniquement la présence de cette molécule, mais en rien qu’il est substitué à tout le sucre présent initialement dans le produit. La plus célèbre des dénominations rapportant aux édulcorants elle-même, le sobriquet « light » si fréquemment apposé sur des produits très divers, n’a aucune définition légale. Elle constitue simplement un élément publicitaire pour attirer l’attention du consommateur, sans aucune garantie quant à la composition du produit. Certains produits « light » ne contiennent pas du tout de glucides, d’autres en comportent une quantité moindre que le même produit « non light » mais cette quantité est souvent loin d’être négligeable. Un « produit naturel » ou « produit diététique » ne renseigne en rien sur la possible nocivité pour un diabétique. Dans tous ces cas, seule une étude attentive de la table de composition du produit, qui tend à se généraliser à de plus en plus de produits mais qui n’est pas contrôlée dans toute l’union européenne, se révèle la plus efficace et la plus sûre. Les firmes agroalimentaires ont donc mille et une façons de berner un consommateur insuffisamment informé, aux connaissances scientifiques approximatives, et qui croit acheter un produit à l’apport calorique réduit, alors qu’il n’en est rien. Preuve que la législation n’est pas encore assez stricte sur ce point, et laisse une marge de manoeuvre encore trop importante aux entreprises commercialisant ces produits, ne protégeant donc pas encore assez le consommateur. Article 5 de la directive 94/35/CE : Une position possible ? tranchée sur le sujet est-elle finalement Après toutes ces recherches et informations concoctées, après avoir effectué un tour d’horizon des natures, utilisations et règlementations des édulcorants, ainsi que les résultats d’études publiés sur leur hypothétique toxicité, on se trouve encore dans l’incertitude. Tout d’abord est-il important de souligner la difficulté à trouver des informations « objectives » sur ce sujet. Chaque firme ventant naturellement la substance qu’elle vend, il est ardu d’accéder aux résultats précis des études afin de forger son propre avis. Les informations à ce propos sont le plus souvent présentées de façon orientée. Peut-on réellement alors prendre position sur les effets néfastes des édulcorants ? Au vu des contradictions rencontrées, peut-on se baser sur certains résultats d’études ou informations qu’on sait dévoilées par les entreprises qui elles-mêmes commercialisent ces produits ? Celles-ci seraient-elles prêtes à courir le risque de voir leurs ventes diminuer si elles rendaient des résultats inquiétants ? Ceci semble toutefois peu probable... De plus, les principes des études eux-mêmes sont criticables. En effet, de réelles études épidémiologiques n’ont pas été menées sur le long terme L’inquiétude quant aux édulcorants est trop « récente » pour disposer de résultats sur le long terme et sur des échantillons de population révélateurs. La plupart des études ont été réalisées sur des animaux de laboratoire, dont on peut supposer que le régime alimentaire et le rythme de François, Vial, Graciarena 11/13 15/11/2006 vie ont peu en commun avec la vie humaine actuelle, même si des « adaptations » sont employées par rapport aux résultats obtenus. Il faut également mettre en perspective d’autres paramètres. Le fait que chaque organisme réagit différemment aux substances, que notre alimentation n’est pas limitée à l’ingestion d’un seul et même additif à la fois alors que la plupart des études pour calculer les DJA se basent sur l’ingestion d’un unique édulcorant, négligeant la possible interaction entre plusieurs substances. Les édulcorants restent des substituants, après tout, il est donc plus facile, pour se libérer des doutes les entourant vis à vis de notre santé, de tout simplement ne pas les utiliser. On peut très bien se passer de leurs propriétés non calorigènes en ayant une alimentation équilibrée et exempte d’excès répétés, ou bien chercher à utiliser préférentiellement les édulcorants naturels. Cette solution est néanmoins moins envisageable pour les diabétiques, qui voient en ces molécules une façon « d’adoucir » leurs déboires vis à vis du sucre ... Exemple de publicité pour l’édulcorant Canderel : mensonge ou réalité ? François, Vial, Graciarena 12/13 15/11/2006 BIBLIOGRAPHIE *Site web de la marque suisse « Assugrin » Groupe Hermès, premier vendeur d’édulcorants dans le monde www.assugrin.ch *« La vérité sur les additifs alimentaires » Objectif Nutrition n°38, revue mensuelle disponible sur internet www.danone.fr *Site web consacré aux diabétiques www.zoom-diabete.com *« Evaluation de l’innocuité des additifs alimentaires au sein de l’Union Européenne » Site web des Reseaux et systèmes d’information santé au service des professionnels www.caducee.net *Encyclopédie libre sur internet www.wikipedia.fr *« Les édulcorants, des options pour une vie douce » FoodToday n°42, disponible sur le site web de l’EUFIC, Conseil Européen de l’Information Alimentaire www.eufic.org *Directive 94/35/CE du Parlement Européen et du Conseil du 30 juin 1994 concernant les édulcorants destinés à être employés dans les denrées alimentaires (JO n° L 237 du 10/09/1994, p3) *« Draft recommendation for second reading Anne Ferreira on sweeteners for use in foodstuffs » Amendement 4-9 du 23 septembre 2003 du Parlement Européen, comité de l’environnement, de la santé publique et de la politique de consommation. (PE 331.667/4-9) *« Rapport de l’AFSSA sur la questions d’un éventuel lien entre exposition à l’aspartame et tumeurs du cerveau » Rapport de l’AFSSA publié le 7 mai 2002, disponible sur le site web de l’AFSSA www.afssa.fr *Site web de la BIAM, base de données informatiques sur les médicaments www.biam2.org *Site web de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes www.finances.gouv.fr/DGCCRF François, Vial, Graciarena 13/13 15/11/2006