HELENE DE TROIE : UN PERSONNAGE COMPLEXE

Transcription

HELENE DE TROIE : UN PERSONNAGE COMPLEXE
HELENE DE TROIE : UN PERSONNAGE COMPLEXE
Lors du duel qui doit opposer Ménélas et Pâris, Les vieillards troyens sont rassemblés sur les remparts de Troie.
Hélène avertie du combat s’y rend elle aussi.
Leur âge les tenait loin de la guerre, mais c’étaient
De beaux parleurs : on eut dit des cigales sur un arbre,
Remplissant les bosquets de leur voix douce comme lys.
C’est ainsi que les chefs troyens siégeaient sur le rempart.
Comme ils voyaient Hélène qui montait sur le rempart,
Ils dirent à voix basse, entre eux, ces paroles ailées :
« Ne blâmons pas Troyens et Achéens aux bons jambarts1,
S’ils souffrent depuis si longtemps pour une telle femme.
On jurerait, en la voyant, que c’est une déesse.
Mais malgré ses appas2, qu’elle reparte avec sa nef3
Et ne nous porte plus malheur, à nous et à nos fils. »
Comme ils parlaient ainsi, Priam interpella Hélène :
« Viens par ici, ma chère enfant, et mets-toi devant moi.
Tu vas voir ton premier époux, tes parents, tes amis.
Je n’ai rien à te reprocher, les dieux ont tout fait,
Qui ont lancé les Achéens dans cette guerre affreuse. » […]
Et la toute-divine Hélène, à ces mots répondit :
« Père, j’ai devant toi autant de respect que de crainte.
Que n’ai-je préféré la mort cruelle, au lieu de suivre
Ici ton fils, abandonnant ma maison, mes parents,
Ma fille si chérie et mes compagnes bien-aimées !
Il n’en fut rien ; aussi je me consume dans les larmes. »
Homère, Iliade, chant III, v.150-175, 8ème siècle av. J.-C.
(traduction de Frédéric Mugler)
Le recueil Sonnet pour Hélène est dédié à Hélène de
Surgères, une jeune noble que Ronsard essaie de séduire et
de distraire. Il joue à de nombreuses reprises sur le
rapprochement, par leur prénom, entre les deux femmes.
Ce poème a été écrit par Jules Laforgue après qu'il a
été charmé par la beauté divine d'Hélène sur un
tableau du célèbre peintre Gustave Moreau.
« Il ne faut s'ébahir, disaient ces bons vieillards
Dessus le mur troyen, voyant passer Hélène,
Si pour telle beauté nous souffrons tant de peine :
Notre mal ne vaut pas un seul de ses regards.
Frêle sous ses bijoux, à pas lents, et sans voir
Tous ces beaux héros morts, dont pleurent les fiancées,
Devant l'horizon vaste ainsi que ses pensées,
Hélène vient songer dans la douceur du soir.
Toutefois il vaut mieux, pour n'irriter point Mars,
La rendre à son époux, afin qu'il la remmène,
Que voir de tant de sang notre campagne pleine,
Notre havre gagné, l'assaut de nos remparts ».
« Qui donc es-tu, Toi qui sèmes le désespoir ? »
Lui râlent les mourants fauchés là par brassées4,
Et la fleur qui se fane à ses lèvres glacées
Lui dit : Qui donc es-tu ? de sa voix d'encensoir5.
Pères, il ne fallait, à qui la force tremble,
Par un mauvais conseil les jeunes retarder ;
Mais, et jeunes et vieux, vous deviez tous ensemble
Hélène cependant parcourt d'un regard morne.
La mer, et les cités, et les plaines sans borne,
Et prie : « Oh! c'est assez, Nature ! reprends-moi !
Et le corps et les biens pour elle hasarder.
Ménélas fut bien sage et Pâris, ce me semble,
L'un de la demander, l'autre de la garder.
Entends ! Quel long sanglot vers nos Lois éternelles ! »
- Puis, comme elle frissonne en ses noires dentelles,
Lente, elle redescend, craignant de « prendre froid ».
Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, II, LXVII, 1578.
1
Jules Laforgue, « Sur l’Hélène de Gustave Moreau », 1880.
jambart : pièce de l’armure qui recouvrait l’armure et parfois le genou
appas : charmes
3
nef : bateau
4
brassée : ce que les bras peuvent porter (par exemple une brassée de fleurs)
5
encensoir : récipient destiné à faire brûler et à diffuser l’encens, particulièrement utilisé lors de cérémonies religieuses
2