hybridation intraspécifique chez le fenouil, foeniculum vulgare mill.

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hybridation intraspécifique chez le fenouil, foeniculum vulgare mill.
107
Bull. Soc. Pharm. Bordeaux, 1995, 134, 107-126
HYBRIDATION INTRASPÉCIFIQUE CHEZ LE
FENOUIL, FOENICULUM VULGARE MILL.(*)
A. BADOC (**), A. LAMARTI (***),
G. BOURGEOIS (****), J.-P. CARDE (*****),
G. DEFFIEUX (**)
Le Fenouil est une espèce typiquement allogame.
Jusqu’ici on avait rapporté l’hybridation entre les variétés
vulgare et dulce. Nous avons aussi obtenu le croisement des
variétés vulgare et azoricum. La descendance de pieds
mâles-stériles de la sous-espèce piperitum montre que
l'hybridation avec la sous-espèce vulgare est possible. Elle
conduit à l'obtention de Fenouils rustiques aux fruits riches
en fenchone.
INTRODUCTION
Le Fenouil, Foeniculum vulgare Mill., est une espèce très
polymorphe dont on distingue 2 sous-espèces. La sous-espèce piperitum, ou
Fenouil d'âne, est caractérisée par des segments glauques, charnus,
(*)
Manuscrit reçu le 1er décembre 1995.
Laboratoire de Mycologie et Biologie végétale, Faculté des Sciences
Pharmaceutiques, Université de Bordeaux II, 3, Place de la Victoire, 33076
Bordeaux Cedex.
(***) Département de Biologie, Faculté des Sciences Mhanach II, BP 2121 Tetouan,
Maroc.
(****) CESAMO, 351, cours de la Libération, 33405 Talence, Université Bordeaux 1.
(*****) Laboratoire de Physiologie cellulaire végétale, av. des Facultés, 33045 Talence
Cedex, Université Bordeaux 1.
(**)
108
généralement courts et par l'essence des fruits principalement constituée de
monoterpènes, en particulier le limonène, le γ-terpinène et l'oxyde de
pipériténone
[1-3].
La
3
sous-espèce vulgare présente 3 variétés [ ]. La variété vulgare correspond à
des Fenouils sauvages ou cultivés dont l'essence des fruits présente un
rapport α-pinène / limonène supérieur à 0,4. On peut y distinguer les
chémodèmes
(= chémotypes) myristicine, (E)-anéthole (Fenouil amer), (E)-anéthole /
estragole et estragole. Le rapport α-pinène / limonène est inférieur à 0,4 pour
les variétés dulce (Mill.) Thell. et azoricum (Mill.) Thell., qui correspondent
habituellement à des Fenouils cultivés annuels ou bisannuels. La variété dulce
présente des chémodèmes (E)-anéthole (Fenouil doux, Fenouil d'Inde) et
estragole. La variété azoricum ou Fenouil bulbeux est caractérisée par le
renflement des gaines des feuilles inférieures.
Le Fenouil est un espèce allogame, pollinisée essentiellement par les
Diptères et les Hyménoptères [1] ; le vent n'interviendrait que partiellement
[4]. Malgré la pollinisation entre fleurs voisines (géitonogamie), la
fécondation croisée est favorisée par une forte protandrie [5-7]. La méiose
mâle est peu synchronisée [8] et la viabilité du pollen baisse rapidement et
devient nulle après 10 heures [9]. La fleur est réceptive pendant 4 jours dès
que les étamines s'éloignent de son centre [9-10]. Le stigmate devient luisant
et gluant 19-21 heures après l'anthèse pendant 3 jours [11]. Le stylopode, non
recouvert par les pétales et rapidement couvert de nectar jouerait un rôle de
réservoir de pollen [7]. La floraison a lieu de la périphérie vers le centre de
l'ombellule et des ombellules périphériques vers le centre de l'ombelle.
L'anthèse est complète pour toutes les fleurs d'une ombelle composée en 9-15
jours [12-13]. La fécondation des fleurs protandres périphériques peut donc se
faire avec le pollen des fleurs plus centrales. Les avis sont partagés quant à
l'importance de l'autopollinisation. Sundararaj et al. [12] obtiennent une
fructification par isolement d'une centaine de Fenouils. Par isolement des
fleurs, des ombellules et des ombelles, Chingova-Bojadzhieva [10] obtient 0,
25 et 42 % de fruits contre 54 % sans ensachage. Par ensachage simple des
ombelles, nous n'avons obtenu une autofécondation et une autofertilité que
pour le Fenouil bulbeux aboutissant à un renflement très variable des gaines
[1]. La réussite de l'autofécondation dépend du taux d'autostérilité [14], d'une
autopollinisation mécanique [15-17] de l'introduction d'insectes dans les
sachets ; les sachets en mousseline permettent une meilleure aération que les
enveloppes de papier sulfurisé [17] ; l'absence de collecte du nectar favorise
les moisissures sur le stylopode [18]. L'obtention de lignées homozygotes
n'est pas une voie de sélection habituellement retenue chez le Fenouil. Elle
s'accompagne d'une baisse de rendement [14].
Plusieurs méthodes ont été mises en oeuvre pour l'obtention
d'hybrides chez le Fenouil.
109
La castration et la pollinisation manuelle est une méthode longue mais
possible [9-10,15].
La castration chimique est difficile à mettre en oeuvre, car elle doit à la
fois assurer une stérilité totale du pollen et éviter au maximum une stérilité des
ovules [14,19-20].
On a juxtaposé des lignées hétérozygotes de Fenouil doux et de
Fenouil amer, différant par la taille et considéré comme hybrides à la première
génération les pieds de taille différente de celle des parents [Gautheret, 1984,
comm. pers.]. On a créé aussi des variétés synthétiques de clones par
multiplication libre entre clones sélectionnés [14].
Le clonage a permis l'obtention et la mise en évidence de lignées
autostériles chez le Fenouil amer. Mais cette autostérilité est variable et
n'élimine pas un certain degré d'autofécondation d'où l'obligation de repérer
les hybrides [14].
La stérilité mâle a été observé dès 1952 en Inde [12]. Quagliotti et al.
[21] signalent dans une population d'un Fenouil bulbeux 10 % de pieds
mâles-stériles avec des fleurs plus nombreuses dont l'androcée ne parvient
pas à maturité, les filets restant courbés et le pollen étant non viable.
Ramanujam et Tewari [22] ont aussi observé un Fenouil avec des anthères ne
s'étendant pas. Ces auteurs ont obtenu la fructification de 90 pieds
mâles-stériles pollinisés avec 5 lignées obtenues par sélection généalogique à
haut rendement et forte teneur en essence ; comme les hybrides sont en
majorité stériles et qu'un backcross ne permet pratiquement pas de restaurer la
fertilité, ces auteurs pensent avoir affaire à une stérilité mâle cytoplasmique.
Plus récemment, une stérilité mâle cytoplasmique a été observée lors de la
sélection du Fenouil amer par le Centre de Recherche Pernod Ricard, aussi
bien par clonage que dans les populations issues de sélection généalogique
récurrente, pour lesquelles on observe pour un pied sur 4 une stérilité du
pollen et un non allongement des filets [Desmarest, 1987, comm. pers.].
Parmi 126 pieds de Fenouil correspondant à 52 origines, nous
n'avons observé une stérilité mâle que pour un Fenouil originaire de Mèze,
dans l'Hérault, appartenant à la sous-espèce piperitum : les 5 pieds cultivés
présentaient une absence de déploiement des filets des étamines alors que les
fleurs des pieds d'un Fenouil de la même sous-espèce, originaire de Cannes,
se développaient normalement. Nous avons obtenu la fructification de ces 5
pieds mâles-stériles. Il était intéressant d'étudier leur descendance en
pollinisation libre afin de vérifier si une hybridation entre les sous-espèces
piperitum et vulgare est possible. Nous décrivons dans cet article 2 pieds de
cette descendance.
Les hybrides entre les variétés dulce et vulgare ou au sein de ces 2
110
variétés obtenus en Bulgarie [10,23] ont présenté de bonnes perspectives
d'avenir : variation du nombre de ramifications, du poids des fruits, de leur
teneur en essence et du profil de l'huile essentielle, notamment une baisse du
pourcentage de fenchone. En France, les hybrides entre les variétés vulgare et
dulce ont montré d'importantes différences phénotypiques [24], avec une
précocité, une taille des pieds, une teneur en (E)-anéthole des fruits variables,
le caractère vivace semblant dominant. Les hybridations clonales ont permis
des gains de rendement importants en (E)-anéthole [25]. Nous présentons ici
les résultats d'hybridations entre les variétés vulgare, dulce et azoricum.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Matériel végétal
Nous avons choisi pour les hybridations des pieds différant par leur
port et issus de lots de fruits présentant des profils essentiels dissemblables.
Les pieds parents suivants ont conduit à l'obtention d'hybrides :
Désignation du pied
subsp. p i p e r i t u m
Mèze
subsp. v u l g a r e
var. v u l g a r e
chémodème estragole
Brun
Roccastrada a et b
chémodème (E)-anéthole
Ampsin
Brno
Tacoronte
ZGK
'Cérès 22'
var. d u l c e
chémodème (E)-anéthole
Bangladesh
var. a z o r i c u m
'Géant Mammouth
Perfection'
'Hâtif de Genève'
Origine des semences
Fournisseur
Hérault, France
Jardin Botanique de Liège
inconnue
Jardin Botanique de Bordeaux
Toscane, Italie
Jardin Botanique de Sienne
Province de Liège, Belgique
inconnue
Ténériffe, Canaries
inconnue
Jardin Botanique de Liège
Jardin Botanique de Brno
récolte Pr. Paupardin
Zentralinstitut für Genetik
und Kulturpflanzenforschung,
Gatersleben, Allemagne
Pernod Ricard, 94015 Créteil
sélection massale
commerce local
sélection
Truffaut, 41350 Vineuil
sélection
Clause, 91221
Brétigny-sur-Orge
111
Culture
La germination des fruits a été obtenue en couche et les jeunes
plantules ont été repiquées en champs à 50 cm de distance dans le Nord ou
l'Est de la France.
Hybridations
Des sachets de papier sulfurisé percés de petits trous pour éviter une
humidité trop importante sont maintenus par un élastique autour de la tige
d'un rameau dont les ombelles ne sont pas encore développées. Chaque
sachet est déplacé au cours de la croissance du rameau, soutenu par un tuteur.
Les fleurs de l'ombelle ne se développant pas toutes en même temps,
l'émasculation se fait en plusieurs fois. Quand les pétales sont encore verts et
que les anthères commencent à jaunir, on enlève facilement à l'aide d'une
pince fine les étamines, qui partent avec les pétales. L'hybridation a lieu
quand la majorité des fleurs émasculées commencent à sécréter un abondant
nectar : à l'aide d'une pince fine plusieurs étamines prélevées sur le parent
mâle sont frottées contre les styles à polliniser et les stylopodes gluants,
auxquels ils adhèrent rapidement ; une autre technique consiste à déposer des
ombellules du parent mâle retournées sur les fleurs castrées.
Extraction
Elle est réalisée à température ambiante par broyages successifs des
fruits disponibles avec du pentane bidistillé dans un mortier. Les surnageants
sont récupérés à l'aide d'une pipette pasteur, filtrés si nécessaire sur papier et
additionnés d'un volume exact de solution d'étalon interne, l'oenanthate
d'éthyle. Le poids de matière sèche est établi à partir du résidu d’extraction.
Chromatographie en phase gazeuse
L'extrait est immédiatement analysé à l'aide d'un chromatographe
Girdel série 30 à détecteur à ionisation de flamme et d'une colonne en acier de
2 m x 1,9 mm d.i. avec 10% de carbowax 20M sur chromosorb WAW
80-100 mesh.
Les conditions opératoires sont les suivantes : H2 (2,2 bars), air
synthétique (O2 : N2 20 : 80, 1,0 bar), N2 (0,5 bar à 60°C), programmation
de température (2°C / min de 60 jusqu'à 200°C, maintenus constant 30 min),
température de l'injecteur et du détecteur (250°C), volume injecté (3-5 µl),
enregistreur Sefram Servotrace (5 mm / min), intégrateur ICAP 50 Delsi.
Pour l’analyse de l'essence des fruits des Fenouils d'âne
mâles-stériles et de leur descendance, nous avons disposé d'un
112
chromatographe Intersmat IGC 16 à détecteur à ionisation de flamme et d'une
colonne capillaire apolaire CPSil-5CB de 25 m x 0,22 mm d.i., 0,25 µm
d'épaisseur de film (Chrompack).
Les conditions opératoires sont les suivantes : débit d'azote (1 ml /
2,5 min), température du four (60°C 10 min, puis 60 à 280°C à raison de 4°C
/ min), volume injecté (2 µl), diviseur de flux (1/100), sensibilité (10-11),
températures de l'injecteur et du détecteur (200 et 250°C), intégrateur Spectra
Physics 4100, vitesse de déroulement du papier (5 mm / min).
Identification des pics
Par comparaison avec les chromatogrammes et les spectres de masse
de substances témoins, la plupart des principaux pics ont été identifiés.
Plusieurs couplages CPG / SM (chromatographe Hewlett-Packard 5890,
colonne CPSil-5CB 25 m x 0,25 mm d.i., Spectromètre Fisons Instruments
Auto Spec-Q) ont été réalisés au CESAMO (Centre d'Étude Structurale et
d'Analyse des Molécules Organiques) à l'Université Bordeaux 1, en
particulier pour les fruits des pieds provenant du Fenouil d'âne mâle-stérile.
Les conditions opératoires sont les mêmes que celles décrites précédemment
[2,26].
RÉSULTATS
Descendance du Fenouil d'âne mâle-stérile
Les 5 pieds de Fenouil originaire de Mèze ont tous des étamines dont
le filet reste courbé. Ils sont caractéristiques de la sous-espèce piperitum de
par les segments foliaires charnus, glauques et relativement courts. La feuille
est triangulaire, allongée. En première année de croissance, ils n’ont formé de
fruits que sur les ombelles primordiales, principalement sur les pieds c et e.
Ces ombelles présentent en moyenne 7 rayons de 3,8 cm avec 13 pédicelles.
En deuxième année de croissance, nous avons observé une moyenne de 6,1 et
6,9 rayons pour les 136 et 105 ombelles des pieds b et c. Le profil essentiel
des fruits récoltés en deuxième année de croissance du pied c est reporté dans
le Tableau I.
Les fruits des ombelles primordiales de première année ont été semés
dans l'Est de la France et ont permis la croissance de 2 pieds vivaces A et B
résistant bien aux hivers rigoureux du plateau lorrain. Les 2 pieds hybrides
sont de grande taille (2 m), sans aspect divariqué marqué du feuillage et ont
toutes les caractéristiques de la sous-espèce vulgare avec des segments longs,
non charnus, non glauques. Les pieds se ressèment et donnent des Fenouils
113
de grande taille. Le pied A a des fruits divisés de taille moyenne (5,35 mm) et
le pied B des fruits non divisés plus longs (7,15 mm).
Tableau I
Profil de l'huile essentielle des fruits d'un pied de Fenouil
mâle-stérile originaire de Mèze et des 2 pieds hybrides issus de
pollinisation libre.
Les résultats sont exprimés en pourcentages de la surface totale des pics.
Année de croissance
α-pinène
camphène
sabinène
β-pinène
myrcène
α-phellandrène
p-cymène
limonène
γ-terpinène
fenchone
terpinolène
camphre
estragole
(E)-anéthole
pipériténone
oxyde de pipériténone
myristicine
% de terpènes
Pied c
Pied hybride A
2ème
4ème
Pied hybride
B
4ème
0,6
non détecté
0,2
non détecté
0,8
0,4
7,2
56,6
5,1
0,3
9,2
0,1
non détecté
0,3
0,8
14,1
non détectée
11,2
0,7
0,7
0,7
2,6
0,7
0,2
17,1
6,0
37,0
0,2
0,8
0,9
17,1
0,4
0,2
3,4
23,7
0,6
0,4
1,2
1,8
0,8
0,4
15,2
4,0
36,5
0,2
0,5
1,5
10,9
0,4
0,9
0,9
99,6
78,6
86,6
Les profils essentiels des fruits de troisième ou quatrième année de
croissance sont très différents de celui du parent femelle : la fenchone est le
principal constituant et on a beaucoup d'α-pinène, de limonène et
d'(E)-anéthole (Tableau I, Figure 1). La pipériténone et l'oxyde de
pipériténone ne sont présents qu'en faibles quantités. On ne retrouve pas les
pourcentages élevés de p-cymène et de terpinolène du parent femelle
contrairement à ceux de γ-terpinène. Les pourcentages de terpènes restent très
élevés, de 78,6 et 86,6 %.
Le pied A présente moins d'α-pinène et plus d'(E)-anéthole que le
114
pied B. On a peu de différence de profil entre la troisième et la quatrième
année ; pour le pied B, on note un pourcentage plus élevé de terpinolène
(2,3 %) et plus faible de myristicine (0,1 %) en troisième année de croissance
(Figure 1).
Fig. 1 : Chromatogramme de l'huile essentielle des fruits du pied B en
troisième année de croissance.
115
Brun X Roccastrada a
Les 2 parents appartiennent au chémodème estragole de la variété
vulgare et diffèrent par le feuillage brun ou vert. La couleur brunâtre des
feuilles du parent femelle ne se retrouve dans le seul pied hybride obtenu que
légèrement pour la troisième feuille stérile.
Tableau II
Quelques caractéristiques de l'huile essentielle
des semences de Fenouils obtenus après croisement,
comparées à celles des pieds parents.
La teneur en essence est rapportée à 1000 akènes, 100 g de matière
sèche (MS) ou fraîche (MF). Elle correspond à la somme des teneurs des
composés volatils calculées en tenant compte de la surface des pics et des
coefficients Ki de réponse vis-à-vis du détecteur à ionisation de flamme.
Pieds
g / 1000
akènes
Teneur
g/100g
MS
%
α -pinène /
g/ 100g terpènes limonène
+ β-phellandrène
MF
vulgare X azoricum
Brun
150
3,5
2,9
48,1
2,74
'Hâtif de Genève'
80
2,5
2,2
28,8
0,07
a
70
5,3
4,1
31,3
2,59
b
60
5,6
4,2
35,3
0,71
c
40
3,0
2,7
36,3
0,26
Ampsin
370
4,8
3,9
35,3
2,15
'Géant Mammouth Perfection'
100
2,5
2,1
18,3
0,06
a
40
1,7
1,4
30,3
0,56
b
70
3,2
2,7
42,0
0,16
c
130
3,9
3,3
46,9
0,14
vulgare X azoricum
116
Tableau II (suite)
Pieds
g / 1000
akènes
Teneur
g/100g
MS
%
α -pinène /
g/ 100g terpènes limonène
+ β-phellandrène
MF
vulgare X dulce
Brno
730
10,2
8,1
47,1
2,73
40
0,8
0,7
30,5
0,13
a
280
8,8
6,1
34,2
0,96
b
180
4,1
3,3
37,4
0,93
c
300
4,0
3,3
41,1
0,51
Ampsin
370
4,8
3,9
35,3
2,15
Tacoronte
120
3,7
2,8
36,6
0,41
a
180
5,9
5,0
42,8
0,97
b
230
15,1
10,9
49,3
0,78
c
350
9,7
7,1
39,2
0,74
d
210
14,3
10,2
45,8
0,73
e
260
5,9
4,6
48,4
0,67
f
350
11,1
7,5
40,3
0,43
g
100
7,9
5,5
45,4
0,37
Bangladesh
vulgare X vulgare
Brun X ZGK
Le parent mâle au feuillage vert a été fourni comme appartenant à la
variété dulce par un Institut allemand mais s'apparente à la variété vulgare par
son rapport α-pinène / limonène + β-phellandrène supérieur à 0,4 (1,5). Les 3
pieds hybrides obtenus donnent des feuilles vertes. Une légère teinte brunâtre
a été observée sur la troisième feuille stérile d'un des pieds.
Brun X 'Hâtif de Genève'
Les parents diffèrent par les caractères morphologiques (couleur du
feuillage brune ou verte, renflement des gaines des feuilles inférieures absent
ou marqué) et par l'essence des fruits. Le Fenouil brun présente un rapport
α-pinène / limonène + β-phellandrène supérieur à 0,4 (Tableau II) et
l'estragole comme principal constituant volatil des akènes. Notons que dans
les semences de la population d'origine du parent mâle, le pourcentage
117
d'α-pinène est moins élevé (4,9 contre 12,7 %). Le Fenouil bulbeux a des
fruits pauvres en essence, riches en (E)-anéthole, avec un rapport α-pinène /
limonène + β-phellandrène nettement inférieur à 0,4.
Aucun des 21 pieds hybrides adultes cultivés n'a présenté de feuillage
brun. Une coloration brun-vert a pu seulement être observée chez quelques
plantules à l'extrémité des segments ou pour la troisième feuille stérile. Le
caractère bulbeux est plus ou moins marqué. Au 154ème jour de culture, 7
pieds présentent des bulbes d'au moins 5 cm de largeur et l'épaisseur de la
base de la tige principale est non négligeable (9-15-25 mm). Elle est faible
pour les pieds a (9 mm) et c (11 mm), plus élevée pour le pied b (13 mm).
La faible teneur en essence des fruits du parent mâle semble se
retrouver pour le pied c (Tableau II). Les valeurs du rapport α-pinène /
limonène + β-phellandrène des hybrides sont intermédiaires entre celles des 2
parents.
Les pourcentages de β-pinène, de myrcène + α-phellandrène et de
limonène + β-phellandrène se rapprochent de ceux observés pour le parent
femelle pour les 3 pieds analysés (Tableau III). Les 1,6-4,2 % de γ terpinène sont probablement hérités du pied femelle. Les pieds a et c diffèrent
par les pourcentages d'α-pinène (12,1 et 1,7 %) et de fenchone (9,2 et 17,8
%) et ont comme le parent mâle plus d'(E)-anéthole que d'estragole. Le pied b
possède comme le parent femelle des akènes riches en estragole, mais avec
plus d'(E)-anéthole (17,3 contre 8,0 %). L'essence des fruits du pied c est un
peu oxydée, avec 0,7 % d'anisaldéhyde et 0,8 % d'anisacétone, ce qui peut
être le signe d'une moins bonne protection anatomique des canaux sécréteurs.
Roccastrada a X 'Géant Mammouth Perfection'
Le seul pied hybride cultivé ne présente pas de renflement des gaines
des feuilles inférieures comme le parent mâle bulbeux.
Ampsin X 'Géant Mammouth Perfection'
Les parents diffèrent non seulement par l'absence ou la présence d'un
bulbe, mais aussi par les caractères de l'essence des fruits. Le pied femelle,
qui appartient au chémodème (E)-anéthole de la variété vulgare, a des fruits
plus riches en essence avec un rapport α-pinène / limonène + β-phellandrène
supérieur (Tableau II). Les pourcentages de pinènes, de myrcène +
α-phellandrène et de fenchone sont plus élevés (Tableau III). Les fruits du
pied mâle possèdent peu de γ-terpinène par rapport à la population d'origine
(0,1 contre 0,7 %).
118
Tableau III
Profil de l'huile essentielle des semences de Fenouils obtenus
après croisement, comparé à ceux des pieds parents.
Les pourcentages ont été corrigés en tenant compte des coefficients Ki de
réponse vis-à-vis du détecteur à ionisation de flamme.
Pieds
Brun X 'Hâtif de Genève'
12,7 0,3 0,8
1,3 0,1 0,0
a
12,1 0,1 1,6
b
3,5 0,2 1,1
c
1,7 0,2 1,3
0,8
0,5
0,3
0,7
0,9
2,3 4,6 0,4 0,0 25,5
0,1 17,2 0,0 0,1 9,1
1,3 4,7 1,8 0,1 9,2
3,2 5,0 1,6 0,1 19,5
2,1 6,8 4,2 1,1 17,8
Ampsin X 'Géant Mammouth Perfection'
5,5 0,2 0,2 0,4 3,9 2,6
0,7 0,1 0,0 0,2 0,5 12,5
a
6,0 0,1 0,2 0,1 1,3 10,6
b
2,1 0,2 0,0 0,3 2,2 13,7
c
2,3 0,2 0,0 0,3 2,1 15,9
0,6
0,1
0,6
0,8
0,7
0,0
0,0
0,0
0,1
0,1
0,4
0,0
0,1
0,2
0,2
43,4
3,1
2,0
47,4
3,3
8,0
49,2
66,1
17,3
58,3
0,0 0,0
4,6 12,5
0,0 0,0
0,0 0,0
0,7 0,8
21,2
4,1
11,1
22,0
24,8
0,4
0,0
0,1
0,3
0,3
2,2
2,6
2,1
1,8
1,6
62,3
78,8
67,4
55,9
51,2
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,1
0,0
0,0
0,0
Brno X Bangladesh
8,4 0,3
l,5 0,3
a
4,8 0,2
b
5,7 0,2
c
4,1 0,3
0,5
0,1
0,2
0,2
0,2
0,2
0,4
0,2
0,1
0,2
1,8 3,1 0,7 0,1 30,8
0,0 11,1 0,0 0,0 17,0
1,6 5,0 0,8 0,0 20,5
1,8 6,1 0,6 0,0 22,1
2,1 8,0 0,8 0,0 24,4
1,0
0,1
0,3
0,3
0,4
1,7
3,2
2,1
2,1
2,0
51,0
31,8
63,7
60,5
56,9
0,0
9,3
0,0
0,0
0,0
0,0
21,1
0,0
0,0
0,0
Ampsin X Tacoronte
5,5 0,2
2,1 0 3
a
4,9 0,4
b
4,3 0,4
c
2,5 0,3
d
3,9 0,4
e
2,9 0,5
f
1,9 0,3
g
2,5 0,4
0,2
0,0
0,2
0,1
0,0
0,2
0,1
0,0
0,0
0,4
0,2
0,2
0,7
0,1
0,4
0,1
0,2
0,2
3,9
2,1
3,2
4,6
2,4
3,5
3,0
2,5
2,8
0,4
0,4
0,4
0,5
0,4
0,4
0,5
0,5
0,4
2,2
2,1
2,1
1,5
2,0
1,8
1,7
2,0
1,7
62,3
61,0
54,5
48,8
58,7
52,1
49,9
57,7
52,6
0,0
0,0
0,1
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,l
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
2,6
5,0
5,0
5,6
3,4
5,3
4,3
4,3
6,8
0,6
0,5
0,9
1,1
1,6
1,2
1,4
1,2
3,2
0,0
0,1
0,2
0,1
0,1
0,2
0,1
0,0
0,7
21,2
25,8
26,8
31,7
28,1
30,0
35,2
29,1
28,4
119
Les plantules des 6 hybrides obtenus ont un hypocotyle assez long, ce
qui les rapproche de la variété azoricum et des cotylédons courts (24 ± 3 mm
au 28ème jour de culture), ce qui les en éloigne. Un seul pied présente une
tendance à former un bulbe, avec une tige de 25 mm d'épaisseur à la base au
154ème jour de culture.
La teneur en essence des pieds hybrides a, b et c est peu importante.
Le rapport α-pinène / limonène + β-phellandrène est intermédiaire entre ceux
des 2 parents.
Les 3 pieds hybrides ont hérité du pourcentage de limonène +
β-phellandrène du parent mâle. Du parent femelle, le pied a possède le
pourcentage de β-pinène et les pieds b et c celui de fenchone.
Brno X Bangladesh
Les parents renferment tous deux l'(E)-anéthole comme principal
constituant de l'essence des fruits. Le parent femelle appartient à la variété
vulgare et présente des akènes particulièrement riches en essence par rapport à
ceux de la population d'origine : 730 contre 165 g / 1000 akènes, 10,2 contre
7,1 g / 100 g de matière sèche. Par ailleurs, ils renferment plus de terpènes
(47,1 contre 19,2 %), en particulier d'α-pinène (8,4 contre 2,4 %), de
β-pinène (0,5 contre 0,1 %) et de fenchone (30,8 contre 13,0 %). Le parent
mâle appartient à la variété dulce, qui englobe la variété panmorium DC.
retenue par quelques auteurs pour les Fenouils du sous-continent indien. Les
fruits du parent mâle ont peu d'essence, un rapport α-pinène / limonène +
β-phellandrène inférieur à 0,4 et plus de composés oxydés que dans ceux du
lot d'origine.
Les 3 pieds hybrides obtenus n'ont pas de bulbe. La teneur en essence
et le rapport α-pinène / limonène + β-phellandrène sont intermédiaires entre
ceux des 2 parents, tout comme les pourcentages de pinènes, de limonène +
β-phellandrène, de fenchone, de camphre et d'estragole (Tableaux II et III).
Les 3 hybrides ont les pourcentages de myrcène + α-phellandrène et de
γ-terpinène du parent femelle.
'Cérès 22' X Roccastrada b
Il s'agit d'un croisement au sein de la variété vulgare entre les
chémodèmes (E)-anéthole et estragole. 17 pieds ont pu être cultivés et ont des
caractéristiques morphologiques de la variété vulgare : cotylédons (30 ± 7
mm au 28ème jour de culture) et hypocotyles non allongés, tige non élargie à
la base (6-9-12 mm au 154ème jour de culture), absence de renflement des
gaines inférieures.
120
Ampsin X Tacoronte
Le pied femelle appartient au chémodème (E)-anéthole de la variété
vulgare. Le pied mâle renferme aussi l'(E)-anéthole comme principal
constituant de l'huile essentielle des fruits mais a un rapport α-pinène /
limonène + β-phellandrène proche de 0,4 (0,41). Ce rapport est de 0,55 pour
la population d'origine, qui peut être considérée comme intermédiaire entre les
variétés vulgare et dulce. En effet, les caractères des fruits et de leur essence
ne permettent pas d'établir une frontière nette entre les Fenouils amers et
doux. Par ailleurs, le caractère vivace, qui pourrait distinguer la variété
vulgare, n'a pas été observé dans les conditions climatiques du Nord de la
France pour des Fenouils amers certifiés. La teneur en essence des fruits du
parent mâle est faible comparée à celle du lot d'origine (3,7 contre 8,2 g par
100 g de matière sèche).
Les 17 pieds hybrides obtenus présentent un hypocotyle non allongé,
des cotylédons de 32 ± 12 mm parfois anormaux, une absence de bulbe et
une tige relativement mince à la base (4-7-10 mm au 154ème jour de culture).
La teneur en essence des hybrides est élevée, et dépasse 10 g par
100 g de matière sèche pour les akènes récoltés sur les pieds b, d et f
(Tableau II). Les rapports α-pinène / limonène + β-phellandrène sont
intermédiaires sauf pour le pied g (0,37). Les pourcentages de terpènes, de γ terpinène et de fenchone sont supérieurs à ceux des 2 parents (Tableau III) .
Les 7 pieds hybrides analysés présentent un profil similaire.
DISCUSSION ET CONCLUSIONS
Nos résultats nous permettent de considérer le Fenouil d'âne comme
une sous-espèce du Fenouil, Foeniculum vulgare Mill. En effet, la stérilité
mâle génique fonctionnelle du Fenouil de Mèze conduit à l'obtention de pieds
dénués des caractères distinctifs du Fenouil d'âne. Il n'y a donc pas
d'isolement génétique. L'hybridation entre les 2 sous-espèces n'est
probablement pas fréquente ; en première année de croissance, les pieds de la
sous-espèce piperitum présentent une montaison tardive et seules les
ombelles primordiales peuvent être pollinisées par d'autres Fenouils. Par
ailleurs, le Fenouil d'âne n'a pas suffisamment de caractères morphologiques
distincts pour envisager d'en faire une espèce à part.
La distinction sur le terrain entre les sous-espèces piperitum et
vulgare n'est pas évidente. Pour certains auteurs, il existerait des formes
intermédiaires [27]. Nous pensons qu'il faut limiter la sous-espèce piperitum
121
à l'iconographie fournie par Reichenbach [28]. Les segments foliaires doivent
être charnus, glauques et plus ou moins courts. Il est remarquable que la
plupart des descriptions du Fenouil d'âne font mention de fruits à saveur âcre
alors que nous leur avons trouvé un goût citronné probablement lié au
pourcentage élevé de limonène. On peut penser que parmi les chémodèmes
myristicine, estragole, voire estragole / (E)-anéthole de la variété vulgare,
certains pieds présentant des rayons peu nombreux, des segments plus ou
moins courts ou divariqués ont pu être pris pour des Fenouils d'âne.
L'amertume des fruits s'expliquerait alors par les pinènes et la fenchone, en
quantité non négligeable et dont le goût ne serait pas masqué par
l'(E)-anéthole, absent ou en trop faible proportion. Une autre explication peut
être avancée à partir du profil essentiel des fruits des 2 pieds issus du Fenouil
mâle-stérile de Mèze. Ces fruits ont une saveur amère due à des pourcentages
élevés d'α-pinène et de fenchone et il n'est pas impossible que l'hybridation
entre les sous-espèces piperitum et vulgare puisse conduire à des pieds ayant
des caractéristiques morphologiques de l'une ou l'autre sous-espèce.
Néanmoins, on ne trouve pas dans la littérature de profils similaires à
ceux des 2 pieds hybrides A et B. La fenchone peut être le principal composé
volatil de l'essence des fruits chez la variété vulgare [1] ; nous l'avons
observé pour un Fenouil originaire du Jardin Botanique de Glasnevin
(Irlande) et deux Fenouils bruns, des Jardins de la Société Royale
d'Horticulture à Wisley (Angleterre) et des Laboratoires Yves Rocher. Le
pourcentage d'α-pinène atteint 17,8 % pour un Fenouil cultivé à Rabat
(Maroc) appartenant au chémodème myristicine. Par contre, des pourcentages
de γ-terpinène supérieurs à 2 % sont inhabituels pour les fruits mûrs de la
sous-espèce vulgare. Par le rapport α-pinène / limonène supérieur à 0,4, les
pieds A et B s'apparentent à la variété vulgare. Le parent mâle pourrait être un
Fenouil amer, comme les pieds d'Ampsin ou de Brno, puisqu'on a plus
d'(E)-anéthole que d'estragole.
Dès le XVIe siècle [29], il est question d'une dégénérescence du
Fenouil doux : après quelques années de semis, les fruits doux deviendraient
amers et diminueraient de taille. Plus tard, on a aussi rapporté une
dégénérescence de la variété azoricum avec diminution de la largeur du bulbe.
Scaramuzzi [16] envisage la possibilité d'une hybridation avec des Fenouils
sauvages voisins des cultures. Nous pensons plutôt que ces dégénérescences
sont liées à une augmentation de l'homozygotie de populations cultivées en
cycle fermé. Par contre, l'hybridation entre Fenouils sauvages ou
subspontanés est probablement à l'origine de l'importante variabilité
intrapopulationnelle de certaines populations. Les hybrides que nous avons
obtenus présentent des rapports α-pinène / limonène intermédiaires entre ceux
des parents. L'établissement d'une frontière entre les variétés vulgare et dulce
est rendue difficile.
122
La possibilité d'hybrider des Fenouils de populations différentes
ouvre des perspectives d'amélioration. Les objectifs vont dépendre du type
d'utilisation, le Fenouil étant une plante ornementale, légumière, médicinale,
condimentaire et industrielle.
Le feuillage brunâtre est d'autant plus ornemental qu'il est dense et
que la montaison est tardive. Il serait intéressant de combiner la coloration
brune du feuillage au Fenouil bulbeux, dont les feuilles stériles sont de grande
taille, mais cette amélioration ne semble pas évidente. Les Fenouils obtenus
par croisement entre le pied brun et les pieds de Roccastrada, de l'Institut
ZGK ou du cultivar 'Hâtif de Genève' présentent à la première génération une
coloration verte des feuilles, laissant penser que le caractère brunâtre serait
récessif.
Le pied b issu du croisement entre le pied brun et le pied du cultivar
'Hâtif de Genève' combine une légère tendance à former un bulbe et une
richesse des fruits en estragole. Ce composé a toutes les chances de se
retrouver dans les feuilles en grande quantité : lors du clonage par culture
d'apex du chémodème estragole de la variété vulgare, nous avons constaté
que l'estragole reste prépondérant par rapport à l'(E)-anéthole dans l'essence
des explants. L'obtention d'un légume riche en estragole a un intérêt limité.
Par contre, la diminution de la teneur en (E)-anéthole des bulbes est
souhaitable. En effet, le goût anisé n'est bien supporté que dans les pays
méditerranéens et on conseille, pour le diminuer, de blanchir le légume et de
jeter l'eau chargée de composés aromatiques. On remarquera que le citron est
souvent utilisé lors de la cuisson du Fenouil : le profil terpénique pourrait être
aussi amélioré. Les limonènes seront préférés aux pinènes et à la fenchone.
Le Fenouil est médicinal par ses racines et ses fruits. Les arylpropènes
fortement oxydés confèrent aux racines des propriétés diurétiques.
L'(E)-anéthole rend compte d'une bonne partie des propriétés des fruits, qui
sont en particulier carminatifs et antispasmodiques. Mais un programme
d'hybridations visant à obtenir des fruits trop riches en (E)-anéthole
conduirait à diminuer les caractéristiques médicinales des autres composés,
comme les terpènes, et ferait perdre aux tisanes de Fenouil leur goût
particulier, qui les différencie de celles d'Anis ou de Badiane.
En Inde, les fruits de Fenouil sont fréquemment mâchés comme
apéritif. Un goût anisé mais pas trop fort semble recherché. Les fruits doivent
donc renfermer peu d'essence avec un fort taux d'(E)-anéthole. La sélection
de fruits non dissociables est préférable pour diminuer les pertes à la récolte, à
moins d'effectuer cette dernière avant un total mûrissement. Les fruits de
Fenouil sont utilisés entiers ou moulus comme condiment culinaire. La teneur
en essence n'a alors plus besoin d'être faible. L'Anis est mieux placé pour
une cuisine anisée par ses fruits renfermant essentiellement l'(E)-anéthole.
123
Pour les Fenouils cultivés en vue d'une utilisation industrielle de
l'arôme anisé, le profil de l'essence des fruits importe moins que le rendement
d'(E)-anéthole, lui même fonction du poids de fruits récoltés et de leur
richesse en ce composé. De bons rendements en fruits et en (E)-anéthole sont
obtenus par diminution de la taille des pieds et augmentation du nombre
d'ombelles [14,30]. Des tiges principales plus petites permettent une meilleure
résistance à la verse. Les rameaux doivent être suffisamment rigides pour
éviter que les fruits ne touchent le sol de par leur poids. On cherche aussi une
maturité groupée, une taille standard pour faciliter la récolte mécanique des
parties aériennes, une résistance à la phomopsidiose, une croissance adaptée à
diverses régions et le caractère vivace. Le Fenouil d'âne pourrait apporter sa
rusticité, mais de nombreux backcross sont à prévoir pour diminuer la taille
des pieds ou le pourcentage de terpènes des fruits. Nous pensons qu'un
programme d'hybridations devrait permettre l'obtention de Fenouils amers
non seulement vivaces et à fort rendement mais produisant aussi une essence
moins riche en α-pinène et en fenchone.
Parmi les nombreuses méthodes de sélection du Fenouil, - sélection
massale, généalogique maternelle ou récurrente, variation somatique
(embryogenèse somatique à partir de cals et de suspensions cellulaires,
culture d'apex), hybridation clonale, mutagenèse (rayons X et gamma,
colchicine, etc.), transformation par Rhizobacterium rhizogenes -,
l'hybridation intervariétale alliée à une exploitation de la variabilité
intrapopulationnelle nous paraît être une voie d'avenir.
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126
ABSTRACT
Intraspecific hybridization in Fennel, Foeniculum vulgare Mill.
Fennel is a typically allogamic species. To date, the hybridization of
varieties vulgare and dulce has been reported. We have also been successful
in crossing varieties vulgare and azoricum. The lineage of the male-sterile
specimens of subspecies piperitum shows that the crossing with the
subspecies vulgare is possible. This results in rustic Fennels whose fruits are
rich in fenchone.
Key-words: Fennel, Foeniculum vulgare, subsp. piperitum, subsp.
vulgare, var. azoricum, var. dulce, var. vulgare,
hybridization, fruit essential oil.
__________

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