silences. un propos de marin karmitz.qxp

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silences. un propos de marin karmitz.qxp
MUSÉE D’ART MODERNE ET CONTEMPORAIN - 1, place Hans-Jean Arp
Fiche d’aide à la visite en autonomie
Niveau : à partir de la 6ème
ATTENTION, groupes limités à 20 élèves)
(A
SILENCES
UN PROPOS DE MARIN KARMITZ
16 avril - 23 août 2009
PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION
L’histoire racontée par l’exposition Silences ne se livre pas d’emblée au visiteur. En effet, il
devra auparavant « rencontrer » chacun des quinze artistes individuellement, « en tête à
tête », au sein d’un parti scénographique qui ne présente jamais une œuvre
en regard d’une autre : chaque pièce est ainsi montrée dans son
« Un
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espace
propre, dans sa « maison ». Cette absence de vis-à-vis invite à
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une certaine intimité avec le travail des créateurs, privilégiant le dialolong
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l’émotion, le partage d’un silence. Ensuite, « le passage d’une maio
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comprend, certes, un début et une fin, toutefois le chemin pour relier les
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deux ne s’impose pas au visiteur. Le public dispose de la liberté de créer,
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non pas un, mais une infinité de cheminements possibles, quitte à s’égarer
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par moments. L’idée du labyrinthe, au sens propre et métaphorique du
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apparaît ainsi en filigrane dans le parcours même de l’exposition.
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Silences s’ouvre sur les deux seules œuvres présentées ensemble, il s’agit
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des lettres en peluche et tissu coloré d’ANNETTE MESSAGER formant le mot
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Ciineeemaa : en suspension les unes derrière les autres, les lettres s’éloignent
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vers un point de fuite brutalement arrêté par un personnage intriguant de JUAN
MUÑOZ (One Laughing at the Red ball). Le personnage est vissé sur une chaise
fixée en hauteur sur le mur, il tient une boule rouge à la main et semble défiguré
par un rire ou peut-être un cri. Dès l’ouverture de l’exposition qui se fait par un sas
« débordant » de l’espace habituellement alloué aux expositions temporaires du
MAMCS, le visiteur est donc entraîné dans un projet artistique étrange et dérangeant où le
silence sera rompu plus d’une fois, par le mot, l’écrit ou le son.
La suite possible du parcours est une grande « boîte » à travers laquelle on ne fait que passer : c’est Du Phénomène de la bibliothèque de JOSEPH KOSUTH. La pièce est remplie de
milliers de livres posés au sol, le visiteur n’a pas d’autre choix que d’emprunter le passage
dégagé et de cheminer entre les ouvrages. Dans une atmosphère relativement sombre, seules trois bibliothèques de verre fixées au mur éclairent l’espace, telles des caissons lumineux où les noms de Barthes, Wittgenstein et Ricœur se distinguent.
SERVICE ÉDUCATIF, 2009
MUSÉE D’ART MODERNE ET CONTEMPORAIN, 1 PLACE HANS-JEAN ARP
RÉSERVATIONS : 03 88 88 50 50 DU LUNDI AU VENDREDI DE 8H30 À 12H30
RENSEIGNEMENTS L’APRÈS-MIDI : 03 88 23 31 15
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SILENCES
La « maison » suivante tient moins que l’installation que de la scène de théâtre. On y entre
frontalement pour découvrir une salle de classe où des écoliers tels des pantins sont assis
à leurpupitre. L’œuvre intitulée La Classe morte ne relève pas de la sculpture, il s’agit d’un
dispositif théâtral que TADEUSZ KANTOR utilisait lors des représentations de la pièce éponyme en 1975. Le réalisme de ces personnages grandeur nature vêtus de blouses noires
créé un climat de trouble, accentué par plusieurs détails qui viennent renforcer l’étrangeté
de la scène : pieds nus, regards vides et dépourvus de traits, les élèves en deviennent anonymes. L’œuvre peut aussi être lue comme une passerelle entre les disciplines, ici entre
théâtre et arts plastiques, comme il y en a plusieurs dans l’exposition car c’est là une idée
force de ce projet. Silences réunit en effet aux côtés d’artistes historiques des créateurs
dépassant la notion de cloisonnement des pratiques. Ainsi, on rencontre aussi bien la
sculpture de GIACOMETTI, dont l’œuvre La Forêt concentre nombre des problématiques
développées par l’artiste tout au long de sa vie (la question de la disparition, les rapports
d’échelle…) que des dispositifs plus contemporains, qu’il s’agisse de l’œuvre d’images et
de sons de CHRIS MARKER (Owls at noon prelude, the Hollow Men), le Ciné-Tableau Ezra
Pound de DIETER APPELT qui allie photographie et dispositif sonore, ou encore Shit in your
Hat, Head on a chair de BRUCE NAUMAN qui relève simultanément de la vidéo et de la
sculpture. Autant d’artistes qui témoignent de cette tendance à « sortir du silence de la
peinture », qui caractérise nombre des œuvres présentées dans l’exposition.
Dans les boîtes suivantes, elles aussi habitées par des œuvres qui s’inscrivent dans cette
démarche, on voit parfois s’instaurer un dialogue tout particulier entre le travail de l’artiste
et l’habitacle qui les abrite. Ainsi, l’Igloo con albero de MARIO MERZ, véritable « maison
dans la maison », met ainsi en abîme l’idée d’abri, de refuge, tandis qu’avec la porte (Door
with Light Bulb) de ROBERT GOBER, la maison se réduit à un simple seuil. Un peu plus
loin, la maison se fait couloir pour accueillir le travail d’ON KAWARA (One Million Years,
Past and Future) : tout en déambulant le long de ce corridor, le visiteur appréhende cette
œuvre sonore qui consiste en un comptage systématique de dates : dates écoulées entre
l’an 998 031 avant J.-C. et 1969 (date de début du projet) pour la partie Past, puis les dates
écoulées ente l’an 13 293 et l’an 19 155 pour la partie Future, énumérées dans un sens
puis dans l’autre.
Les chansons diffusées par le juke-box de la Raysse Beach de MARTIAL RAYSSE viennent
ensuite apporter à l’exposition une touche de fantaisie et offrir au regard, non plus un têteà-tête avec une œuvre, mais une ouverture sur un paysage sous la forme d’une plage avec
sable et jouets. Mais la sensation d’espace ne dure guère car le visiteur est bientôt invité à
arpenter les quelque 50 mètresde couloir oppressant formant l’œuvre Labyrinth (My
Mother’s Album) d’ILYA et EMILIA KABAKOV passant ainsi d’un paysage reconstitué à un
intérieur artificiel. Plus on approche du cœur de l’œuvre, mieux on distingue la musique diffusée dans la pièce centrale de cet immense appartement communautaire subdivisé au
point qu’il en devient un couloir démesurément étiré. Au sortir de ce labyrinthe déserté de
toute présence humaine, le visiteur est surpris par les personnages de CHRISTIAN BOLTANSKI (Prendre la Parole). Une trentaine de silhouettes simplement figurées par des tasseaux de bois sur lesquels on a jeté un manteau de laine sont ainsi réparties dans l’espace
et chuchotent à l’approche du visiteur, créant un climat de trouble.
Silences est sur le point de s’achever sur cette vision d’hommes debout, en marche et parlant. L’exposition interroge une ultime fois le visiteur dans ses derniers pas. Drei Köpfe mit
Schneke, « peinture coupée en deux », est une œuvre importante au sein de la démarche
de GEORG BASELITZ (elle précède en effet le retournement que l’artiste ne tardera pas à
opérer sur ses toiles, les célèbres « peintures renversées ») représente l’unique peinture de
l’exposition, c’est aussi la dernière œuvre rencontrée par le visiteur au terme de ce parcours quasi-initiatique.
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SILENCES
NOTICES DES ŒUVRES
DIETER APPELT
Ciné-tableau, Ezra Pound, 1981
Assemblage de 25 tirages argentiques, bande son
Dimensions de l’ensemble : 315 x 245 cm
Collection particulière
Issu de l’actionnisme viennois, Dieter Appelt dans son œuvre photographique s’emploie à
enregistrer les traces du corps comme autant de motifs iconographiques restituant une
expérience intime de la mémoire. En 1981, explorant les travaux de Bergson, il s’intéresse
de près à l’œuvre complexe et occulte du poète Ezra Pound, co-fondateur du groupe vorticiste, largement inspiré par les préceptes vitalistes. Revêtant manteau et chapeau, Appelt
se met dans la peau de l’auteur et rejoue les derniers jours de sa vie, arpentant les lieux qui
lui étaient familiers. Deux ans plus tard, il conçoit la série sous la forme d’un ciné-tableau
dont les grandes dimensions et l’agencement, inspiré du rythme des « Cantos » de Pound,
renvoient à l’expérience cinématographique.
GEORG BASELITZ
Drei Köpfe mit Schnecke [Trois têtes avec escargots], 1966
Huile sur toile, 166 x 130,5 cm
Musée d’Art moderne et contemporain de la Ville de Strasbourg
Georg Baselitz participe de l’important renouveau que connaît la peinture allemande dans
les années 1960. Il bouscule l’iconographie héroïque et peuple ses œuvres de personnages
grotesques souvent ébranlés par l’histoire récente du pays. À partir de 1966, il opère une
rupture radicale dans son œuvre : la surface de la toile est fractionnée en plusieurs images
apparemment sans lien entre elles. L’œuvre Drei Köpfe mit Schnecke [Trois têtes avec
escargots] est l’une des premières de cet ensemble. Elle se situe dans le prolongement de
la série des « héros » et annonce l’autre révolution de l’œuvre de Baselitz : le retournement
de la figure humaine en 1969. Sa structure s’oppose à la composition classique et le choix
des couleurs, dissonantes, est un refus des critères d’harmonie et de bon goût.
CHRISTIAN BOLTANSKI
Prendre la parole, 2005
Bois, manteaux de laine, lampes, haut-parleurs, cartes électroniques, amplificateurs
Dimensions variables
Courtesy de l’artiste et de la Galerie Marian Goodman, New York/Paris
Connu pour ses œuvres mettant en scène des épisodes de sa vie (réels ou fictifs) Christian
Boltanski place la mémoire au cœur de sa démarche artistique. Il mêle ainsi photographies,
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SILENCES
textes, objets du quotidien dans des installations délibérément « bricolées » tout en incluant
une dimension fortement émotionnelle. À propos de l’œuvre Prendre la parole, il écrit : « on
idée était de traduire la question “ Qu’est-ce que c’est qu’un homme ? ” de la manière la
plus abstraite possible. » La pièce se compose d’une trentaine de « personnages » figurés
sommairement par deux poteaux de bois « vêtus » d’un manteau et dont la tête est une simple lampe. Ces marcheurs à l’allure fantomatique se singularisent seulement en chuchotant
quelques mots. Ils acquièrent ainsi le statut d’individu grâce à la prise de parole.
ALBERTO GIACOMETTI
La Forêt, 1950
57 x 61 x 49,5 cm
Bronze (Susse Fondeur, Arcueil)
Exemplaire Fondation Maeght
Fondation Marguerite et Aimé Maeght, Saint-Paul
Après avoir réalisé ses célèbres figures élancées d’hommes et de femmes solitaires, Alberto
Giacometti entreprend des « compositions » au début des années 1950. La Forêt, dont le
socle accueille sept figures féminines décharnées, hiératiques et frontales, positionnées à
des distances inégales, en fait partie. Le groupe est complété par un buste d’homme inséré
dans le fond à droite de la composition. Cet ajout préfigure l’intérêt grandissant de l’artiste,
et qui l’occupera la décennie suivante, pour les motifs, tant en peinture qu’en sculpture, du
visage et du buste. Le titre de l’œuvre évoque, comme l’indique l’artiste, un souvenir de jeunesse : « la Composition sept figures et une tête, me rappela un coin de forêt vu pendant
mon enfance, et dont les arbres (...) me semblaient toujours comme des personnages
immobilisés dans leur marche et qui se parlaient ».
ROBERT GOBER
Door with Light Bulb [Porte avec ampoule], 1992
Installation avec porte, système électrique, ampoule rouge, piles de journaux
244 x 305 x 81 cm
Collection ARTIS
Apparu sur la scène artistique dans le milieu des années 1980, l’œuvre de Robert Gober
décline la tradition moderniste pour l’inscrire dans une économie du quotidien, une mise en
scène du banal qui transgressent souvent les limites du goût commun. Il se réapproprie
notamment le principe du ready-made pour mieux en détourner les motifs : éviers, urinoirs,
emballages alimentaires, portes, se trouvent déplacés, métamorphosés, anamorphosés,
hybridés à des éléments organiques. Dans l’œuvre Door with Light Bulb, les liasses de journaux sont accumulées de part et d’autre d’une porte ne donnant sur rien et surmontée
d’une ampoule qui baigne l’ensemble d’une lumière rouge. Le dispositif fonctionne comme
un piège, reléguant le visiteur dans une sorte d’antichambre, au seuil d’une réalité que l’on
fantasme de l’autre côté, ou plus métaphoriquement, au revers de l’œuvre.
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SILENCES
ILYA ET EMILIA KABAKOV
Labyrinth (My Mother’s Album) [Labyrinthe (L’Album de ma mère)], 1990
Installation, technique mixte
13,90 x 10,35 m
Tate Modern, Londres
Illustrateur officiel de livres dans la Russie soviétique post-stalinienne, Ilya Kabakov profite
du relatif assouplissement de l’étau culturel pour développer une œuvre personnelle. Après
son départ d’Union soviétique en 1988 et sous l’influence de l’art conceptuel, il poursuit ses
recherches qui aboutissent aux « installations totales ». Ces dernières mettent en scène l’ordinaire médiocre des espaces communautaires confondus avec des souvenirs personnels à
la fois familiers et oppressants. Dans l’installation monumentale Labyrinth (My mother’s
Album), un couloir étroit de cinquante mètres nous contraint à cheminer entre les tapisseries désuètes et sales, couvertes des extraits dactylographiés des mémoires de la mère de
l’artiste, récit d’une vie de tourments et de peine. En fond sonore, des chansons populaires
nous guident vers une pièce étroite où s’amoncellent des débris.
TADEUSZ KANTOR
Enfants à leurs bancs d’écoliers, pour la pièce La Classe morte, 1989
144 x 160 x 330 cm
Centre de documentation de l’art de Tadeusz Kantor Cricoteka, Cracovie
Avec la pièce La Classe morte, produite en 1975, Tadeusz Kantor inaugure le « Theatrum
mortis » genre théâtral nouveau qui cristallise ses expérimentations. Un groupe de vieillards
s’y trouve confronté à une classe d’enfants morts qui ne sont autres qu’eux-mêmes, matérialisés par des personnages de cire. Un télescopage scénique qui réactive puissamment les
questionnements sur la mémoire et la mort : « L’existence de créatures façonnées à l’image
de l’homme d’une manière presque sacrilège et quasi clandestine, fruit de procédés hérétiques, porte la marque de ce côté obscur, nocturne, séditieux de la démarche humaine ».
Sculpture intégrée à la scénographie, le banc sur lequel se tiennent alternativement les
comédiens et les figurines est pleinement constitutif de l’œuvre et procède du rapprochement qu’opère Kantor entre théâtre et arts plastiques.
ON KAWARA
One Million Years (Past and Future) [un million d’années (Passé et futur)], 2002
Enregistrement sonore, 24 CD audio
Musée des beaux-arts de Nantes
À partir de 1969, On Kawara entreprend le projet « One Million Years (Past and Future) »
consistant en un comptage systématique de dates : dates écoulées entre l’an 998 031
avant J.-C. et 1969 (date de début du projet) pour la partie Past, puis les dates écoulées
entre l’an 13 293 et l’an 19 155 pour la partie Future. Initialement transcrites en dix volumes reliés de listes dactylographiées, les séquences sont délimitées en fonction du volume
physique de l’objet prédéfini. À partir de 1980, le projet est prolongé à l’identique et prend
également à partir de 1999 une forme sonore (qui est celle présentée dans l’exposition) où
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les dates sont énumérées d’abord dans un sens puis dans l’autre. Cette nouvelle présentation donnera lieu à plusieurs éditions successives de CDs. La version de 2002, publiée par
la galerie Akira Ikeda comprend l’enregistrement des lectures d’une séquence cette fois
définie par la durée totale de la lecture, soit 24 heures. Un caractère systématique qui, rapportant le geste artistique à son expression la plus minimale inscrit son œuvre dans une
sorte d’universalité.
JOSEPH KOSUTH
Du Phénomène de la bibliothèque, 2006
Sérigraphies sur verre, néons, livres
Dimensions variables
Courtesy Galerie Almine Rech, Paris-Bruxelles
Figure historique de l’art conceptuel, dont il fut à la fois le théoricien et l’un des représentants majeurs depuis la fin des années soixante, Joseph Kosuth propose avec cette œuvre
un hommage appuyé à la philosophie et au livre. L’installation se compose de milliers d’ouvrages empilés au sol qui emplissent la pièce en ménageant un chemin au visiteur. La citation de Michel Foucault qui fournit son titre à l’œuvre en illustre également l’intention :
« L’imaginaire ne se constitue pas contre le réel pour le nier ou le compenser ; il s’étend
entre les signes de livre à livre, dans l’interstice des redites et des commentaires ; il naît et
se forme dans l’entre-deux des textes. C’est un phénomène de bibliothèque ».
CHRIS MARKER
Owls At noon Prelude : The Hollow Men [Prélude des chouettes de midi : les hommes
creux], 2005
Installation multimedia, 19’
Collection particulière
Chris Marker fait partie des artistes inclassables, tour à tour cinéaste, photographe, poète
ou plasticien. Auteur du célèbre film La Jetée (1963), récit de science-fiction qui se présente
sous la forme d’un montage de photographies fixes, il bouleverse durablement les conventions narratives et cultive un genre à mi-chemin entre le documentaire politique et un onirisme sombre. L’œuvre Owls At noon Prelude : The Hollow Men relève plus directement du
champ de l’installation vidéo. Le spectateur se trouve au centre d’un dispositif de huit
écrans dans lesquels alternent des images hallucinées évoquant la souffrance des soldats
de la Première Guerre mondiale, des visages de femmes et les fragments d’un poème de
T.S. Eliot, Les Hommes creux (1925).
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SILENCES
MARIO MERZ
Igloo con albero [igloo avec arbre], 1969/1991
Branches, fer, verre et terre glaise
194 x 198 cm, structure en fer : 198 cm (D); 110 cm (h)) branches cm : 194 (H)
Collection CAPC musée d’art contemporain, Bordeaux
Apparue en 1968, la forme archétypale de l’igloo constitue le motif central de l’œuvre de
Mario Merz, représentant majeur de l’arte povera. Présenté pour la première fois lors de
l’exposition « Che Fare ? » à la galerie l’Attico à Rome en février 1969, Igloo con albero est
constitué d’une armature de tubes de fer en demi-sphère habillée de morceaux de verre
brisé aux jointures imprécises. Des branches mortes, symbole de vie en partance, s’en
échappent inégalement. Le recours à ces matériaux divers qui, assemblés, créent selon
Merz, des « stridences », lui permet de questionner la prégnance de la structure dans l’espace, d’y opposer les pleins et les vides, l’opacité et la transparence.
ANNETTE MESSAGER
Ciineeemaa, peluches en forme de lettres, cordes, 10 éléments, 2001
120 x 400 cm
Courtesy de l’artiste et de la Galerie Marian Goodman, New York/Paris
L’œuvre d’Annette Messager se réfère volontiers aux pratiques populaires et aux usages
domestiques. Partant d’un univers rassurant et ludique, elle opère toutefois un délicat glissement par lequel l’image de la condition féminine, celle de l’enfance, du rapport hommefemme est ironiquement mise à mal. À la fin des années 1990, les mots cousus deviennent
une composante importante de son œuvre. Référence amusée au septième art, allusion à
la célèbre anagramme de Marcel Duchamp, les lettres bigarrées du mot Ciineeemaa occupent l’espace et nous invitent à prendre part au jeu, à déplacer l’expérience collective dans
le champ de l’intime.
JUAN MUÑOZ
One Laughing at the Red Ball [Le rieur à la balle rouge], 2000
109 x 48 x 67 cm
Collection particulière
Considéré comme un « conteur d’histoires » Juan Muñoz a construit une œuvre puissante et
atypique au regard des différentes tendances de la sculpture internationale des années 80
et 90. Ses dispositifs à mi-chemin entre installations et sculptures sont peuplés d’étonnants
personnages dont la posture ou l’expression sont en décalage avec nos logiques de perception. Muñoz interroge ainsi l’anthropocentrisme qui fonde notre rapport à l’espace. One
Laughing at the Red Ball est une œuvre particulièrement énigmatique. Le personnage
qu’elle représente, moulé dans une matière grise uniforme, tient une balle rouge, insertion
discrète d’un élément coloré renvoyant à l’univers du cirque. Mais son sourire figé trahit un
certain malaise qui renvoie à l’inconfort de la condition humaine.
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SILENCES
BRUCE NAUMAN
Shit in Your Hat-Head on a chair [Chie dans ton chapeau-Tête sur une chaise], 1990
Projection vidéo, chaise en bois, tête en cire
Dimensions variables
Collection of Contemporary Art Fundaición « La Caixa », Barcelone
Si Bruce Nauman figure avec Nam June Paik et Vito Acconci parmi les pionniers de l’art
vidéo, son œuvre est irréductible à un groupe ou un médium particuliers. Il expérimente tous
les procédés en proposant des environnements complexes et multi sensoriels, combinant
vidéo, son, sculpture, photographie, hologrammes, pour mieux vérifier l’idée selon laquelle
le champ de la pensée se communique à l’art par l’expérience sensible. Shit in your
Hat – Head on a Chair compte parmi ses œuvres les plus troublantes. À l’arrière-plan d’une
chaise suspendue surmontée d’une tête en cire, une vidéo projetée sur écran nous présente
une femme revêtant un habit de mime et exécutant sans état d’âme les ordres répétitifs et
humiliants que lui dicte une voix, évocation des procédés de torture mentale employés dans
les régimes totalitaires.
MARTIAL RAYSSE
Raysse Beach, 1962/2007
Environnement, technique mixte
Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle
Don de la Centre Pompidou Foundation, 2008 (don de la Brooks Jackson Gallery à la
Georges Pompidou Art and Culture Foundation en 1982)
Co-fondateur du Nouveau Réalisme, Martial Raysse est aujourd’hui reconnu comme étant
l’un des précurseurs du Pop Art. Son œuvre déjoue cependant les classifications, se présentant comme un univers teinté d’ironie, un simulacre du réel qui dévoile le cynisme du confort
moderne. Associé en 1962 au grand projet Dylaby – contraction de « Dynamisch
Labyrinth » – exposition organisée au Stedelijk Museum d’Amsterdam par un groupe d’artistes dont Robert Rauschenberg, Daniel Spoerri ou Jean Tinguely, Martial Raysse propose un
environnement reconstituant une plage de la Côte d’Azur. Au son d’un juke-box, les visiteurs
étaient invités à participer à la scène avec des ballons et des bouées, parmi des photographies de pin-up grandeur nature, autour d’une piscine gonflable.
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