Le seconde main, «un marché au potentiel de croissance - HE-Arc

Transcription

Le seconde main, «un marché au potentiel de croissance - HE-Arc
n JOURNÉES INTERNATIONALES DU MARKETING HORLOGER
Le Quotidien Jurassien, 4 décembre 2015
Le seconde main, «un marché
au potentiel de croissance énorme»
V Le marché des montres
d’occasion est en plein
essor. Le secteur atteindrait
un chiffre d’affaires de
plusieurs milliards à travers
le monde.
V Le seconde main ne se
limite plus aux seules pièces
d’exception mais concerne
un véritable marché parallèle aux règles encore peu
claires et alimenté parfois
même par les marques.
V C’est ce qui ressort des
19e Journées internationales
du marketing horloger,
qui portaient sur le sujet
hier à La Chaux-de-Fonds,
en présence d’acteurs
majeurs du secteur. Avec
à la clé de réelles surprises.
Nul n’est propriétaire d’une
montre, mais seulement le
gardien. Ce slogan culte de la
prestigieuse manufacture genevoise Patek Philippe gagne
en actualité. Les montres mécaniques ou de luxe ne sont
pas des produits périssables.
Les plus grandes marques
horlogères le savent. Elles
mettent sur pied de véritables
stratégies pour conserver et
valoriser leur patrimoine, à
travers un service héritage, un
musée, un service après-vente
de qualité, etc.
Les pièces historiques en
mains des grandes marques
ne sont plus commercialisées.
Mais un certain nombre d’entre elles, toujours en mains
privées, alimentent le marché
des enchères. Les garde-temps
se vendent parfois à des prix
exorbitants. Le record: près de
24 millions de francs pour la
Patek Philippe Graves Supercomplication. Le facteur émotionnel est prédominant dans
ces transactions, souligne Osvaldo Patrizzi, fondateur d’Antiquorum. Une des trois Longines portées par Einstein a
été
vendue
environ
600 000 fr. La Zenith portée
par Gandhi a été écoulée 2 millions de francs.
Cresus, leader français du seconde main voit par exemple son chiffre d’affaires connaître une croissance annuelle à deux chiffres depuis plus de dix ans.
«Les montres Rolex et Patek
Philippe sont les plus prisées
aux enchères. Audemars Piguet et Vacheron Constantin
viennent ensuite. Parmi les
marques, certains modèles
sont de vraies stars aux enchères, à l’instar de la Reverso de
Jaeger-LeCoultre ou la Rolex
Daytona qui a révolutionné le
domaine», indique Geoffroy
Ader, directeur chez Antiquorum Online et qui a notamment travaillé huit ans comme
commissaire-priseur chez Sotheby’s.
Montres récentes voire
neuves concernées
Le seconde main horloger
ne s’arrête pas aux pièces d’exception. Il concerne aussi des
montres récentes. Elles sont
revendues par des tiers mais
parfois directement même par
les marques ou les détaillants
qui veulent faire du jour dans
leurs stocks. Ce n’est pas le cas
des marques de grand prestige, mais certaines marques en
vue le font.
La raison principale de cet
engouement: le prix des montres, 20 à 50% moins cher
qu’au prix neuf.
Leader français d’achat et de
vente de montres et de bijoux
de seconde main, Cresus
connaît une croissance à deux
chiffres depuis plus de 10 ans.
Fondée en 1993, la société a
écoulé quelque 50 000 montres en 20 ans. Elle réalise un
chiffre d’affaires de 15 millions
sur le seul marché français.
«Le marché de la seconde
main des montres récentes est
un marché dont le potentiel de
croissance est énorme», affirme Christian Odin, fondateur
de Cresus. Cette société dispose de neuf boutiques de vente
et d’une plateforme de vente
digitale. La société fournit de
nouvelles garanties aux clients
et développe son propre service d’après-vente. La société recycle aussi le stock de certaines marques.
Ce marché est boosté par le
développement du commerce
en ligne. Les Sotheby’s ou
Christie’s n’y échappent pas.
Antiquorum et Crott ont été
les premiers acteurs spécialisés à se lancer dans les années
1970.
Pour éviter toutes formes de
dérives et d’impacts boomerang pour l’image des marques, certaines manufactures
collaborent avec ces nouveaux
acteurs de la revente. «Une
montre de seconde main est
moins chère, mais nous ne
sommes pas des discounters.
Nous n’offrons pas de ristournes, c’est essentiel pour préserver l’image des marques»,
insiste Christian Odin.
«À la cow-boy»
Les dérives ne sont pas rares. «Le seconde main tant
que c’est bien organisé, c’est
génial, mais quand c’est à la
“cow-boy” sur les web, c’est un
vrai problème», remarque de
son côté le Jurassien Jean-Marie Schaller qui écrit des chapitres modernes d’une histoire
horlogère ancienne à la tête de
Louis Moinet. Lui pointe du
doigt des acteurs sur le web
qui cassent les prix, avec des
montres qui ne sont pas
même encore parfois sur le
marché.
Les revendeurs prennent
une commission pouvant aller
jusqu’à un tiers du prix (hors
taxes) et n’investissent pas – ou
que le minimum – pour remettre en état les pièces. «Tout le
monde se concentre sur l’esthétique des produits au détriment du mécanisme», met en
garde Manuel Yazijian, inspecteur de montres aux ÉtatsUnis. Le secteur connaît un véritable boom Outre-Atlantique.
Le Bonhill Group, acteur
majeur du secteur, compte par
exemple 182 boutiques aux
États-Unis. Il y en aurait plusieurs milliers si l’on tient
compte des bijoutiers très actifs dans la revente de produits. «Jusqu’il y a 5 ans en arrière, on achetait seulement à
des privés, mais depuis on
achète aussi directement aux
marques qui nous cèdent des
montres non portées et cela se
développe toujours plus», fait
savoir Jose Luis Alvira, représentant de Bonhill.
Le secteur flirte avec la zone
grise. «Panerai a fabriqué 300
pièces d’un modèle dans une
période précise, et on en retrouve 3000 sur le marché», illustre Grégory Pons, éditeur
de Business Montres & Joaillerie. «Notre marché est sérieux,
la contrefaçon ne nous intéresse pas», défend Christian
Odin.
Le seconde main est à l’image de l’horlogerie, il comporte
différents mondes avec chacun ses codes. «Les ventes aux
enchères physiques traditionnelles touchent à l’émotionnel. Les ventes en ligne au rationnel. Un enjeu pour les années à venir sera d’être capable
de lier ces deux mondes», note
finalement Geoffroy Ader.
«Le seconde main est une
chaîne de valeur à valoriser.
Chaque marque doit réfléchir
à la manière de le faire»,
conclut Kalust Zorik, président des Journées internationales du marketing horloger.
La manifestation devenue un
rendez-vous couru du monde
horloger vivra sa 20e édition
l’an prochain. JACQUES CHAPATTE

Documents pareils