Contrer la contrefaçon

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Contrer la contrefaçon
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Contrer la contrefaçon
Le business de la contrefaçon horlogère englobe
ainsi deux familles. La contrefaçon acceptée par le
consommateur et celle qui abuse le client. A la tête
de ces business frauduleux, souvent les mêmes
intérêts, les mêmes appartenances à des réseaux
occultes ou au crime organisé. Cependant, sur le
terrain de la consommation, les batailles à mener
gagnent à tenir compte de cette différenciation et à
adopter des méthodes distinctes, même si elles
peuvent avoir un tronc commun.
De la même manière qu’il participe sans complexe
au phénomène des téléchargements illicites de
musique ou d’images sur la toile, le consommateur
mondial peut facilement étancher sa soif de luxe à
bon compte en quelques clics. Les moteurs de
recherches sont infestés d’offres « replica » qui nuisent à la visibilité des marques, tant elles abusent
dans leurs tags des mots les plus demandés et des
noms des marques les plus célèbres. Sans parler
des astuces et du savoir-faire subversif d’acteurs
disposant de compétences technologiques toujours en avance sur leurs poursuivants. Le client
ne s’embarrasse pas de scrupules. Il cède et s’approprie ainsi une parcelle de prestige.
Ollivier Broto
Il existe deux formes de contrefaçons: celle qui se
fait avec la complicité du consommateur et celle qui
se fait malgré lui. La première titille ses envies d’objets inaccessibles l’entraînant à franchir le pas d’une
acquisition usurpée. La deuxième, plus raffinée,
peaufine son outil de production et ses finitions à un
tel degré de qualité dans l’imitation qu’il devient
impossible de distinguer le bon grain de l’ivraie.
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La honte. Ses motivations sont à la hauteur de ses
moyens. S’il pouvait se l’offrir, craquerait-il pour la
version non parodiée de l’objet convoité ? Pour
contrer ces voleurs à la sauvette, outre les actions
policières ou douanières, il y a sans doute l’éducation, notamment par le regard de l’autre. Car si le
détenteur d’une fausse montre de marque, principalement mû par son désir de paraître, faisait
régulièrement l’objet de moqueries, il s’en départirait certainement sans tarder. Passer pour un trompeur n’est pas reluisant. Utopique ? C’est en tout
cas le pari tenté par la campagne internationale de
sensibilisation au problème de la contrefaçon lancée en janvier, en marge du SIHH, par la Fondation
de la haute horlogerie (FHH) et la Fédération de
l’industrie horlogère suisse (FH) avec le slogan :
« Fake watches are for fake people » (« Les fausses montres sont pour les personnes fausses »).
L’éducation du consommateur lui permettrait aussi
de reconnaître une boîte de basse qualité, aux cornes molles, ou la brillance si peu attractive d’un
faux verre saphir. Sans parler de détails spécifiquement développés par les marques comme signes
d’authenticité. Cartier fut l’un des pionniers dans cet
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exercice, glissant une minuscule reprise de son
nom en remplacement de la barre du «V» de son
chiffre romain VII. Et même si les faussaires ont
depuis contourné le problème, il demeure que ce
détail leur occasionne bien des tracas.
Dans le monde horloger, les histoires des montres
« tombées du camion », des vrais mouvements
équipant des fausses montres n’en finissent pas.
La formule «avec une vraie Rolex, je t’en fabrique
trois fausses» continue d’alimenter la rumeur. Mais
il est une certitude: des montres sont si bien contrefaites qu’elles parviennent même à berner un horloger. Les pirates ont pratiqué l’espionnage
industriel, affûté leurs outils, engagé certainement
de vrais horlogers et disposent aujourd’hui de
moyens impressionnants. En Asie, ce marché tend
même vers la copie de pièces anciennes, de celles
qui réjouissent les maisons de vente aux enchères.
Même en travaillant au micron, chaque pièce est unique,
avec des « empreintes digitales » facilement vérifiables
en envoyant un MMS!
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Les experts ont de belles heures devant eux, mais
aussi de nouveaux besoins en formation continue.
Esquisses de solutions. Pour combattre ce fléau,
il y a bien des opérations musclées, des avocats
spécialisés et des programmes emmenés par des
structures faîtières. Mais aucun standard n’émerge.
Juste des débuts de solutions qui privilégient des
pistes disparates, selon que leur inspiration naît
d’un esprit formaté biométrie ou d’un savant
orienté reconnaissance visuelle.
En donnant une visibilité à WISeKey à l’occasion
de BaselWorld 2009, Hublot a choisi l’approche
«Smart ». Une solution intéressante qui consiste à
connecter à un ordinateur une carte format bancaire. Une fois la connexion établie avec la base
de données centrale de la marque, des flux d’informations savamment cryptées transitent pour renseigner le possesseur sur l’authenticité de sa
montre. Un substitut original au certificat papier si
facilement copié. Le hic pourrait venir des détaillants qui, face à un tel moyen d’entrer en contact
direct avec le client final, pourraient y voir quelque
douteuse intention de la part des marques. Et que
faire des clients qui se seraient défaits de leur
montre sans mettre à jour leurs données ?
La solution d’une autre société suisse de sécurité,
AlpVision, pourrait bien, dans ce contexte encore
en friche, faire des émules. L’idée est simple : vous
photographiez votre montre (par exemple avec
votre téléphone mobile), vous envoyez cette image
à une base centrale automatisée qui, par reconnaissance visuelle, vous dira tout de sa véritable
provenance. Et ce, sans marquage additionnel,
juste parce que chaque pièce fabriquée, même au
monde du micron usiné, est unique: ses minuscules disparités resteront aussi dissemblables que
les contours d’une empreinte digitale. Le problème
de la distance est ainsi résolu, on peut faire appel
au système où que l’on soit. Le respect des données privées est préservé. Bien que ce système
requière une prise de vue préalable de chaque
montre, a priori chez le fabricant, et bien qu’il focalise uniquement sur la boîte, il demeure le plus prometteur au regard des critères actuels : réseaux
mobiles généralisés, économie du démontage de
la pièce, coûts minimes, qui plus est supportés par
l’envoyeur. Le « MMS watch » vient de naître, et
fera encore certainement parler de lui.
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