Lutte contre la pollution atmosphérique urbaine par les particules

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Lutte contre la pollution atmosphérique urbaine par les particules
Lutte contre la pollution atmosphérique urbaine par les particules fines diesel
Extrait du Institut des Hautes Etudes pour la Science et la Technologie
http://www.ihest.eu/la-mediatheque/dossiers-123/elus-locaux-scientifiques-et/lutte-contre-la-pollution
Elus locaux, scientifiques, experts : quelles
interactions ?
Lutte contre la pollution
atmosphérique urbaine par les
particules fines diesel
- La Médiathèque - Dossiers - Elus locaux, scientifiques et experts -
Date de mise en ligne : mercredi 8 janvier 2014
Description :
Francelyne Marano - point de vue du scientifique et de l'expert,Joëlle Colosio - directrice régionale de l'ADEME Ile-de-France, José Cambou - point de vue de
France Nature Environnement.
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Lutte contre la pollution atmosphérique urbaine par les particules fines diesel
Avec la participation de :
Francelyne MARANO, université Paris Diderot, présidente de la Société Française de Santé et Environnement
(SFSE)
José CAMBOU, secrétaire nationale de la fédération France Nature Environnement (FNE) et Pilote du réseau Santé
Environnement, vice-présidente de FNE Midi-Pyrénées
Joëlle COLOSIO, directrice régionale Ile-de-France, ADEME
Nicolas LE BIGOT, directeur des Affaires Environnementales et Techniques, Comité des Constructeurs Français
d'Automobiles (CCFA)
Atelier animé par :
Jean LESNE, administrateur SFSE, ancien auditeur promotion Gérard Mégie 2007-2008, membre du Cercle «
Science & Politique »
Marie-Françoise Chevallier-le Guyader : En préambule de cette première étude de cas, je tiens à remercier la
Société Française de Santé et Environnement, France Nature Environnement, le Comité des Constructeurs Français
d'Automobiles et Jean Lesne. Chaque table ronde sera animée par un auditeur membre du Cercle Science &
Politique.
Nous avons retenu le cas des particules diesel en partenariat avec la SFSE et Jean Lesne. Ce sujet concerne la
pollution des villes en particulier, sachant que d'autres cas concerneront les communes rurales.
Francelyne Marano - point de vue du scientifique et de
l'expert.
Je suis professeure émérite en toxicologie à l'université Paris Diderot, mais aussi experte, car je fais partie du Haut
Conseil de Santé publique. Je suis coprésidente de la commission étudiant l'impact des risques environnementaux
sur la santé. En parallèle, je suis présidente de la Société Française de Santé et Environnement. Je porte donc deux
casquettes : celle du scientifique et celle de l'expert.
Les particules diesel sont l'un des éléments de la pollution atmosphérique par les particules fines et ultrafines. Nous
ne pouvons pas considérer les particules diesel comme les seules impactant la santé. La pollution atmosphérique est
un phénomène complexe : elle concerne les particules, mais aussi l'ensemble des gaz associés à ces particules.
Ces gaz d'origine anthropique proviennent des combustions (gazole, bois, déchets). Ces combustions conduisent à
la formation d'un aérosol qui comporte, entre autres, ces particules fines et ultrafines. Nous prenons aussi en
considération les contaminations par des métaux, qui se retrouvent dans l'atmosphère, les composés organiques
volatils et l'ozone formé par réaction photochimique. Tous ces éléments contaminants doivent être pris en compte
pour déterminer les impacts sur la santé.
Les origines de ces particules atmosphériques sont très variées. Elles sont d'origine naturelle ou d'origine
anthropique. La fraction des particules provenant du transport, et en particulier des moteurs diesel, est de l'ordre de
20 % de la pollution particulaire. Madame Colosio et Monsieur Le Bigot rappelleront plus précisément ces aspects.
Nous nous sommes beaucoup intéressés aux moteurs diesel, car ces particules nous ont servi de modèle pour
comprendre les impacts sanitaires relevés par les épidémiologistes. Nous avons pu mesurer ces particules dans
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l'atmosphère.
En France, la mesure est réalisée par les ASPA régionales. Cette mesure se fait en fonction du diamètre
aérodynamique des particules et de leur masse. Traditionnellement, nous mesurons les PM 10, c'est-à-dire les
particules dont le diamètre est égal ou inférieur à 10 µm, et les PM 2,5, dont le diamètre est égal ou inférieur à 2,5
µm. Nous retrouvons dans cette fraction les particules issues des moteurs diesel et des incinérations. Il est
cependant difficile de déterminer la fraction provenant des transports et celle provenant d'autres sources, notamment
le bois.
La problématique de l'impact de la pollution atmosphérique sur la santé a pour origine des crises sanitaires, à l'image
d'autres problèmes de santé (amiante) dans le passé. En particulier, le great smog, brouillard photochimique
londonien en 1952, a permis de mettre en évidence un surcroît de mortalité (par risque respiratoire et
cardiovasculaire) important pendant un épisode de pollution par le dioxyde de soufre et par les fumées noires. De
nombreuses études épidémiologiques se sont développées par la suite. Par exemple, l'American Cancer Society
(ACS) a publié en 2002 ses résultats. Sur 500 000 sujets âgés de plus de 30 ans, et suivis pendant 16 ans, une
augmentation de pollution particulaire de 10 µ g/m3 du niveau des particules PM 2,5 est associée à une
augmentation du risque de décès de 6 % pour toutes causes, de 9 % pour causes cardiopulmonaires et de 8 % par
cancer du poumon.
Ce type d'études a conduit au développement des études expérimentales pour comprendre comment ces particules
induisent des effets sanitaires de ce type. En effet, dans les études épidémiologiques en conditions
environnementales, il est difficile de déterminer une causalité claire.
Les études expérimentales ont mis en évidence que les particules se déposent dans les poumons en fonction de leur
taille. Récemment, nous avons démontré que les nanoparticules s'arrêtent aux niveaux supérieurs. Les particules
plus grandes sont capables de se répartir dans l'ensemble des voies respiratoires jusqu'aux alvéoles. Les particules
de type diesel se retrouvent au niveau alvéolaire. Or c'est là que se font les échanges gazeux et qu'il peut y avoir le
plus de problèmes en matière de réponse pathologique.
Les particules diesel ont une structure de grappes comportant de nombreux composés organiques qui s'absorbent à
la surface de nanoparticules, composées essentiellement de carbone minéral. Dans l'atmosphère, ces particules
absorbent des composés organiques, des métaux et des molécules organiques, telles que les endotoxines ou les
allergènes.
La taille des particules détermine leur pénétration, leur déposition et leur épuration dans les poumons. La
composition des particules a été étudiée par les chercheurs dans le domaine expérimental. Ils ont montré que les
composés organiques portés par ces particules sont responsables des effets biologiques. En particulier, nous
trouvons dans ces composés organiques des hydrocarbures aromatiques polycycliques, dont certains sont classés
comme cancérigènes (par exemple le benzo[a]pyrène).
Les études montrent clairement des interactions au niveau des voies aériennes et au niveau alvéolaire. Il peut
ensuite y avoir des réponses inflammatoires, qui pourraient expliquer le développement des pathologies (en
particulier l'augmentation des crises d'asthme chez les asthmatiques) et des effets à distances chez les sujets
atteints de pathologies cardiovasculaires. Ces effets inflammatoires jouent un rôle important, dans la mesure où ces
particules peuvent s'accumuler dans les poumons et y rester pendant de longues périodes. Chez les sujets
sensibles, des pathologies chroniques peuvent être développées, par exemple des bronchites chroniques.
Récemment, le Centre international de recherche sur le cancer a reclassé les particules diesel à la demande de
l'OMS. Les particules diesel sont reclassées dans le groupe 1 « cancérigènes certains ». Sur des populations
soumises pendant des années à des moteurs diesel dans une atmosphère confinée (les travailleurs miniers), nous
avons relevé un surplus de cancers du poumon tout à fait significatif, ce qui a conduit au reclassement des particules
diesel.
La problématique des particules diesel et des suies en général, s'est développée sur une cinquantaine d'années. Les
premières observations ont été réalisées essentiellement par des épidémiologistes. Ensuite, des confirmations ont
été données par des études expérimentales sur les mécanismes d'action de ces particules. Actuellement, nous en
sommes au niveau réglementaire : des directives européennes définissent de façon précise les seuils à ne pas
dépasser.
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En France, les seuils des particules PM 2,5 peuvent être dépassés dans certaines régions et certaines villes. Des
problèmes de pénalités se posent. Nous devrons mettre en place une gestion pour respecter les valeurs limites
imposées par les directives européennes.
Jean Lesne : Merci. Après ce cadrage scientifique, nous ouvrons la discussion sur l'articulation entre élus locaux,
scientifiques et experts sur le terrain autour de cette problématique. Avant toute chose, Madame Marano, je vous
demanderai de présenter brièvement l'organisation que vous représentez aujourd'hui.
Francelyne Marano : La Société Française de Santé et Environnement a été créée en 2008 suite au Grenelle de
l'Environnement par Alain Grimfeld, coprésident de la table ronde du Grenelle consacrée à la thématique de la santé
et de l'environnement. La SFSE se positionne sur le plan d'une société savante. Elle a pour mission de réfléchir aux
questions de relation entre la santé et l'environnement, traitant par exemple des polluants chimiques (entre autres les
perturbateurs endocriniens), des polluants métalliques, des particules, des ondes électromagnétiques et des risques
dans le domaine de l'eau. La SFSE vise à constituer une vision transdisciplinaire. En ce sens, la question de
l'information, de la communication et de la formation est étudiée.
Joëlle Colosio - directrice régionale de l'ADEME
Ile-de-France
Je suis la directrice régionale de l'ADEME Ile-de-France depuis le 2 mai 2013. Auparavant, j'assurais les fonctions de
chef du service Qualité de l'Air de l'ADEME. Je m'exprimerai au titre de ces deux fonctions. L'ADEME est un
établissement public sous la tutelle du ministère de l'Ecologie et du ministère de la Recherche. Nos objectifs sont en
lien avec les actions visant à améliorer l'efficacité énergétique, notamment par la diminution des gaz à effet de serre,
dans le cadre du développement durable. Nous veillons aux enjeux de qualité de l'air au travers du service consacré.
Le service a une mission transversale sur toutes les activités de l'agence, puisqu'une autre de nos missions porte sur
le développement des énergies nouvelles et renouvelables pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles.
L'ADEME est présente dans toutes les régions françaises. Nous disposons d'un ancrage fort dans les territoires ainsi
que d'une unicité des actions nationales et des actions sur le terrain. Nous appliquons une percolation permanente et
directe. Enfin, l'ADEME conduit des actions de recherche tout en étant impliquée dans plusieurs programmes du
plan des investissements d'avenir.
Comment illustrer le cheminement que nous avons conduit sur les particules diesel dernièrement ? Dès lors que les
données du CIRC ont été rendues publiques, nous avons souhaité étudier en détail la problématique du diesel en
France et établir des dispositifs d'information et d'action. Nous avons utilisé les données d'observation produites par
les ASPA sur le terrain et les données disponibles de la recherche. Aujourd'hui, nous dépassons les limites des
seuils de particules fines sur certaines zones du territoire. Des enjeux sanitaires sont relevés, mais également des
enjeux réglementaires et législatifs. Si les valeurs limites ne sont pas respectées, des enjeux financiers affleurent.
Nous sommes aujourd'hui sous le coup d'un contentieux avec la directive de 2008, nous conduisant à payer des
sommes importantes si nous ne rétablissons pas l'équilibre.
A partir des données d'observation, nous devons nous assurer de disposer de tous les éléments de connaissance
scientifique et technologique. Le diesel pose problème, mais nous devons nous interroger sur les problèmes posés
par les technologies actuelles. La question de la limite des savoirs est posée ainsi. Nous sommes obligés d'agir en
étant conscients que nous ne savons peut-être pas tout aujourd'hui. Nous avons donc réfléchi à la réorientation de
nos actions de R&D pour obtenir des résultats plus rapidement.
A partir de ce corpus d'observation, de connaissances et d'incertitudes, nous devons définir comment communiquer
et comment agir en collaboration avec la société, les ONG, les acteurs de terrain, les scientifiques et les
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professionnels. Comment partager l'information ? Comment partager l'action ? Comment passer à l'acte ?
Sur le sujet des particules fines, tout est organisé autour de l'action finale. Le premier outil pour comprendre est le
programme de recherche Primequal conçu avec le ministère de l'Ecologie. Nous avons besoin de réponses rapides.
Dans ce contexte, nous lançons des appels à projets dans lesquels nous posons des questions très précises pour
obtenir des réponses dans un délai court (1 à 2 ans).
De plus, nous organisons l'information descendante pour la rapprocher de l'action et sensibiliser. Nous avons
organisé des journées thématiques sur les particules fines, ce qui a permis une communication large. Nous avons
produit un avis sur le diesel compte tenu de tous les éléments que nous avons rassemblés. La confrontation aux
médias s'avère difficile, car nous devons amener des éléments qui soient bien repris.
Sur le sujet du diesel, l'avis de l'ADEME fait consensus, car nous avons travaillé avec la majorité des acteurs
concernés par la problématique. Nous y affirmons que le diesel pose problème dans certaines catégories de
véhicules, à savoir ceux n'étant pas équipés de filtre à particules, car les technologies actuelles permettent d'avoir
des véhicules limitant fortement les émissions des particules.
Nous nous interrogeons aujourd'hui sur les dispositifs à mettre en place pour limiter la circulation des véhicules les
plus polluants. Aujourd'hui, plusieurs grandes villes européennes ont interdit la circulation de ces véhicules sur leur
territoire, mais nous n'arrivons pas à mettre en oeuvre une telle réglementation en France. Nous avons insisté sur la
création des ZAPA (zones d'actions prioritaires pour l'air), mais leur mise en place pose un problème sociétal. En
effet, les véhicules polluants sont souvent détenus par des populations ne disposant pas des ressources nécessaires
pour changer de véhicule.
La question s'étend également sur le développement des mobilités nouvelles et sur l'accompagnement du passage à
l'acte. L'air étant un réceptacle de nos actions quotidiennes, nous devons nous interroger sur nos actions à la source
avec les différents acteurs. Nous devons anticiper, afin de ne pas agir en bout de course lorsque les problématiques
sont avérées.
Un outil manquait à l'ADEME. Nous menons des actions pilotes, mais il nous manquait un outil de liaison entre la
recherche et les acteurs de terrain. Nous avons lancé un appel à projets « AACT-AIR » pour aider les collectivités à
agir dans le domaine de l'air. Les projets sont portés par des collectivités et des équipes de recherche pour faire
avancer les connaissances en même temps.
José Cambou - point de vue de France Nature
Environnement
Je m'exprime au nom de France Nature Environnement (FNE), qui est un mouvement citoyen de protection de
l'environnement. Nous regroupons environ 3 000 associations en métropole et en Outre-Mer. Je suis dirigeante
bénévole à l'échelle nationale et régionale. Je reviendrai sur ma région dans des cas concrets.
Nous nous intéressons à la pollution de l'air sous trois angles : par rapport à la problématique de santé
humaine, par rapport à l'environnement (végétation spontanée, forêts et cultures) et par rapport au milieu urbain
(impacts sur le bâti, les bâtiments publics et le patrimoine historique). Ces angles doivent être pris en considération
dans leur intégralité, surtout dans les discussions avec les élus. Notre objectif est de faire bouger les lignes au
travers d'approches diverses, mais je me concentrerai sur le transport. Pour nous, le diesel présente de multiples
intérêts pour parler d'une réalité sur les questions de santé ainsi que sur les questions de transport de personnes et
de marchandises.
Madame la directrice de l'IHEST nous a adressé une série de questions, dont l'une portait sur les experts. A nos
yeux, il existe trois types d'expertise :
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"la démarche d'expertise collective ;
"les experts auprès des tribunaux ;
"l'expertise sociale pouvant prendre des formes variables.
Nous nous situons dans ce dernier cadre. Notre mouvement se positionne clairement comme acteur du débat
environnemental. Nous avons des relations fréquentes avec des experts, par exemple dans le cadre de l'ANSES
(agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) et de la SFSE. Nous avons
d'ailleurs conclu un partenariat avec la SFSE, considérant que leur expertise les amène à être des formateurs
évidents de nos cadres associatifs. Avec les élus, nous entretenons des rapports fréquents et divers selon leur
niveau de compétences : nous avons des relations avec des élus de collectivité territoriale et des parlementaires.
Les discussions avec les élus portent sur nos revendications et sur l'accompagnement au changement en
sensibilisant des publics variés.
Sur le diesel, nous allons demander aux parlementaires de faire évoluer la fiscalité sur les carburants. Avec l'élu
local, nous allons discuter des questions de transport des personnes et des marchandises. Par exemple, dans le
cadre de plans de déplacements urbains (PDU), des politiques sont appliquées localement. Nous pouvons aussi
aborder nos questions de manière différente avec les élus ou les acteurs socio-économiques. J'illustre ces
approches par trois exemples concrets dans ma région.
Au printemps dernier, j'ai mis en place un séminaire sur la logistique urbaine, rassemblant des élus et des
professionnels du secteur, pour dégager des pistes d'avancement d'une part et pour maîtriser une argumentation
visant à faire accepter des évolutions en la matière d'autre part.
Je suis rapporteure d'un avis en cours d'élaboration au Conseil économique, social et environnemental de ma région.
D'ailleurs, j'ai fait auditionner hier Monsieur Bernard Marquié, élu responsable du transport à Toulouse. Toulouse est
aujourd'hui à la pointe sur les questions de logistique urbaine, développant une approche très intéressante. Nous
allons auditionner dans les prochains temps un représentant du ministère de l'Environnement.
Le mois prochain, j'organise en Midi-Pyrénées les Assises régionales de la mobilité, sous-titrées « se déplacer
moins, mieux et autrement ».
Certains considèrent que la concertation revient à accepter n'importe quoi. Des oppositions violentes sont entendues
quant aux espaces de concertation. Au contraire, pour la FNE, le dialogue et la concertation permettent la
co-construction de solutions écologiquement, économiquement et socialement acceptables. Ces trois aspects sont
toujours recherchés dans les usages de la FNE.
Jean Lesne : Merci. Je souhaite que vous apportiez un point d'éclaircissement. Les actions aux mains de l'élu sont
la restriction de la circulation automobile, en mettant en place des zones de basses émissions. Cette action, prévue
par la réglementation, se met en oeuvre très discrètement. Par ailleurs, la question de l'équipement du parc de
transports en commun de l'agglomération relève de décisions de l'élu.
José Cambou : Ce n'est pas tout. Un élu peut complètement réglementer la gestion de la livraison en ville, des
véhicules autorisés et des horaires de livraison. L'éventail est bien plus complet que les deux exemples que vous
donnez. Très souvent, un élu local ne s'approprie pas l'éventail de toutes les possibilités. Par conséquent,
régulièrement, je travaille avec de jeunes stagiaires pour proposer à nos associations un éventail de cartes à jouer
dans les PDU. Nous sommes souvent à l'origine de propositions qui n'émanent pas spontanément.
Jean Lesne : Pouvez-vous approfondir vos propos sur les PDU ?
José Cambou : Dans une zone urbaine conséquente, la collectivité (souvent le regroupement de communes) a la
compétence du plan de déplacements (PDU), qui sera renommé prochainement « plan de mobilité ». En effet, il ne
s'agit pas de générer du transport, mais de répondre à des besoins de mobilité. Plus nous travaillerons sur la
mobilité, plus nous disposerons de solutions pertinentes, intelligentes et adaptées. L'hypercentre et la périphérie
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urbaine n'ont pas les mêmes besoins de mobilité. Les réponses apportées seront donc diversifiées. Parfois, la
réponse à la mobilité ne concerne ni la voirie, ni le transport collectif. Elle peut concerner des supports permettant
que la pensée ou les mots transitent virtuellement. Une réponse peut consister en la création de lieux de télétravail
ou de téléconférence.
Un projet porte sur un changement de paradigme. Les autorités organisatrices des transports deviennent des
autorités organisatrices de la mobilité. Cette évolution est intéressante. Les autorités aborderont des solutions
différentes : ramassage scolaire à vélo, développement du covoiturage, etc. Or formellement, ces solutions ne sont
pas du champ de leurs compétences actuelles.
Joëlle Colosio : Dans le travail autour de la mobilité, une action phare consiste à accompagner les collectivités via
la mise en place de conseillers en mobilité. Ils interviennent auprès des entreprises, pour les aider à établir des plans
de déplacements dans l'entreprise ou interentreprises. Les plans de déplacements scolaires sont aussi étudiés sous
cet angle. De plus, les conseillers en mobilité peuvent agir auprès de particuliers pour les aider à changer leurs
modes de déplacements. Concrètement, la mobilité n'est pas nécessairement physique. Elle peut être virtuelle, ce
qui implique une évolution des comportements.
Avec le dépassement du seuil limite, nous sommes en butée avec la réglementation. Nous devons donc prendre des
mesures dans l'urgence, malgré tout. Les ZAPA ne visent pas exclusivement à limiter la circulation des individus,
mais elles demandent aussi à revoir l'organisation de la livraison des marchandises. L'urgence est toujours complexe
à mettre en oeuvre pour les scientifiques et les acteurs de terrain. Par conséquent, il est toujours nécessaire
d'anticiper les décisions.
Jean Lesne : Quelles anticipations le constructeur automobile réalise-t-il en la matière ?
Nicolas Le Bigot : Le CCFA est le syndicat professionnel des constructeurs automobiles, regroupant Renault, PSA
et Renault Trucks. Je suis chargé des questions techniques et environnementales, que l'on peut résumer par les
questions de la mobilité durable, au sein de l'organisation. Je m'occupe des questions techniques et
environnementales sur l'ensemble du cycle de vie du produit automobile, depuis sa phase d'ingénierie, de
conception, de production et de consommation à sa fin de vie.
Le CCFA n'est pas du tout opposé à la mise en place de politiques de gestion des transports. Au contraire, nous
pensons que la fluidification du trafic est un moyen important pour améliorer la qualité de l'air. Au-delà de la
logistique urbaine, nous mettons en place la gestion dynamique des feux de circulation. De plus, aux Pays-Bas, il
existe des incitations à décaler l'horaire de départ des personnes pour éviter les pics de circulation, et donc les pics
de pollution. Nous sommes tout à fait favorables à ces mesures. Nous avons travaillé sur ces points en partenariat
avec l'ADEME et sur la mise en oeuvre des ZAPA. Ce travail nécessite encore des réflexions.
En particulier sur la question du diesel, nous sommes intéressés au premier chef, car le produit automobile est un
émetteur de particules. Je suppose que j'interviens aujourd'hui en regard de la polémique sur ce sujet durant toute
l'année 2012. Les constructeurs automobiles ont subi une campagne anti-diesel violente menée par les ONG
environnementales et par des représentants politiques. Cette campagne comportait de nombreuses contre-vérités et
des amalgames. En 2012, nous ne disposions pas encore d'un document de synthèse, comme celui produit par
l'ADEME, ce qui a laissé libre cours aux médias pour relayer des bribes d'informations construites sur des
approximations.
Nous avons des difficultés à objectiver le débat sur le diesel. A ce titre, nous avons fait appel aux experts en leur
présentant nos vérités. Tout d'abord, il est indispensable de distinguer les anciens véhicules et les nouveaux, ces
derniers ayant fait l'objet d'améliorations en matière d'émissions polluantes grâce à la technologie. De nombreux
experts n'ont pas souhaité s'exprimer sur le sujet, certainement par crainte de se positionner de façon très proche au
secteur automobile et de prendre sa défense, dans un contexte où la simple objectivation du débat pouvait laisser
percevoir une association au secteur automobile. Madame Colosio a aussi affirmé la nécessité de faire la distinction
entre les anciens et les nouveaux véhicules.
Nous avons essayé de nous exprimer dans cette campagne, mais avec difficultés. Nous souffrons d'une perception
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de parti pris dans le débat. La crédibilité de notre parole a été largement remise en cause. L'opinion ne nous accorde
pas de crédibilité en tant qu'industriels sur les améliorations technologiques que nous avons apportées sur nos
véhicules. Pourtant, en particulier sur la question des particules, le problème est réglé sur les véhicules neufs.
Globalement, le débat scientifique ne s'est pas tenu. Nous remercions toutefois l'ADEME d'avoir produit une
synthèse sur le plan technologique, à laquelle une synthèse portant sur la santé devrait être ajoutée pour aborder le
problème des particules intégralement. Les décideurs disposeraient ainsi d'éléments complets pour se positionner.
Je vous présente quelques informations que nous aurions souhaité inclure tôt dans le débat. Comme le disait
Madame Marano, le transport routier n'est responsable qu'en partie des émissions de particules. Par exemple,
seules 14 % des émissions de PM 2,5 sont produites par le transport routier. Bien évidemment, outre les émissions
globales en France, il est intéressant d'étudier la question de l'exposition des citoyens. Pour cela, il faut se
rapprocher des voies de circulation. Airparif a correctement caractérisé la situation : seules 50 % des émissions de
particules mesurées à proximité du périphérique proviennent directement des véhicules qui y circulent, le reste étant
issu de pollutions secondaires et de la pollution importée.
Nous avons aussi relevé une diminution de l'ordre de 50 % des émissions du trafic automobile en 20 ans, alors que
le nombre de véhicules dans le parc français a augmenté de 40 % sur la même période. Cette évolution est le fruit
du progrès technologique et de la réglementation européenne, puisque les véhicules mis en circulation font l'objet
d'une réglementation très sévère construite par les Etats membres au regard des études d'impact, notamment des
impacts sur la qualité de l'air. Nous répondons à cette réglementation, qui est devenue considérablement plus stricte
au fil des ans. En ce qui concerne les particules, la réglementation a imposé une réduction de 96 % des limites
d'émissions entre 1992 et le projet de 2014. Ainsi, en 2014, les normes relatives aux limites des émissions de
particules seront identiques pour les véhicules diesel et les véhicules essence.
De plus, l'analyse en nombre de particules est intéressante. La technologie du filtre à particules permet de filtrer les
très petites particules. Les mesures en sortie de pot d'échappement équipé d'un filtre à particules sont sensiblement
similaires aux mesures des particules dans l'air ambiant. Les émissions de diesel filtré se situent entre le niveau de
particules dans l'air propre en montagne et celui de l'air propre d'une pièce.
Enfin, en analysant le parc automobile diesel français, les véhicules construits avant 1993 représentent 29 % du
potentiel d'émissions en masse alors qu'ils ne représentent que 10 % du parc.
Discussion / questions aux participants :
Jean Lesne : Il est temps que nous procédions à un échange de vues avec la salle. Les examens de la
problématique ont été très détaillés. Nous ne souhaitons pas que les questions se centrent sur les aspects
techniques du débat, mais sur les actions possibles de l'élu local et sur l'implication des scientifiques dans ces
actions. L'ADEME et la FNE ont apporté des éléments sur ces aspects.
Francelyne Marano : Monsieur Le Bigot regrettait une certaine défection des experts pour défendre les
constructeurs automobiles. La position du scientifique dans une situation de controverse est toujours très difficile.
Nous avons un devoir de respect et nous ne devons pas prendre parti. Si nous sommes sollicités par les médias, nos
interventions se concentrent sur notre cadre strict d'expertise et de connaissances scientifiques. En situation
d'incertitudes, il est difficile de donner des messages.
Une intervenante : Ma question s'adresse à Monsieur Le Bigot. Quelle est la nature des interactions que vous
entretenez avec les élus locaux ? Vous n'avez pas évoqué cet acteur dans votre présentation. Bien entendu, le lobby
s'inscrit dans l'action des différents porteurs d'enjeux, que ce soient les ONG ou les entreprises. Quel est votre
regard sur ce point ?
Nicolas Le Bigot : Nous regrettons que les élus n'aient pas mis en place de table ronde de concertation dès le
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début de la polémique pour que nous puissions nous exprimer sur le sujet. Nous avons essayé d'intervenir auprès
des responsables politiques et des cabinets ministériels. Cependant, nous n'avons jamais été sollicités officiellement
pour apporter notre vision, ce que nous regrettons largement. Je suis heureux que l'ADEME nous ait sollicités
naturellement pour recueillir nos informations avant la rédaction de son rapport.
Nous regrettons qu'aucune mission gouvernementale n'ait été mandatée pour établir la synthèse sur les aspects
technologiques et les aspects de santé associés. Les questions concernant le cancer sont un faux débat dans la
problématique posée.
Francelyne Marano : On ne peut pas remettre en question le travail mené par le groupe international d'experts, mis
en place à la demande de l'OMS. Cette expertise collective a été construite à partir des éléments publiés sur les
questions. Ces études sont fiables. La décision de reclassement des particules diesel du Centre international de
recherche sur le cancer a été prise en toute connaissance de cause. Je conçois que des évolutions technologiques
aient eu lieu, mais le groupe a étudié les effets du diesel sur la santé, à partir de données objectives.
Anne Perrin : J'appuie ces propos. Lorsque la classification de « cancérigène avéré » est donnée sur un élément, il
n'existe plus aucun doute sur le caractère cancérigène du produit. Par ailleurs, la place du scientifique est l'aide à
l'expression du niveau environnemental ayant permis la classification. Il est possible de relativiser les problématiques
en fonction des situations. Cette ambiguïté est très présente sur la question des antennes relais et des téléphones
mobiles. L'exposition environnementale à des antennes est très différente de l'exposition environnementale aux
téléphones. Nous sommes sollicités, car les décideurs ne disposent pas d'informations claires en matière de niveaux
d'exposition et de dangerosité.
Le produit est avéré cancérigène. Cependant, cette affirmation ne prend pas en compte les personnes. Sont-elles en
conditions d'exposition à ce produit ? Cette question est difficile à régler pour des non-spécialistes.
Francelyne Marano : Les experts étant intervenus dans les médias sur la question du diesel ont relativisé les
données de cette manière. D'une part, il existe une classification avérée. D'autre part, le niveau d'exposition et les
mélanges chimiques sont pris en considération.
Denis Despréaux : Cette intervention est pertinente, car elle permet le basculement spontané entre le scientifique et
l'expert. L'expert exprime une opinion. En revanche, on ne demande pas une opinion au scientifique. Le scientifique
réalise une expérimentation renouvelable qui lui permet d'affirmer que dans telles conditions tel phénomène se
produit avec telle probabilité. Si on lui demande quel est le seuil d'un risque avéré, il n'exprime plus un avis
scientifique, mais son opinion par rapport aux données scientifiques : il devient expert. Il est très difficile de gérer
cette frontière entre les deux fonctions. C'est là toute la question de l'objectivité et de l'indépendance de l'expertise.
Le panel de cette table ronde est très représentatif des interactions avec un élu. Un scientifique donne des résultats
d'études scientifiques, avérés en matière de dangerosité. Le fait d'être avérés ne change pas systématiquement
l'opinion. Par exemple, les fumeurs sont nombreux alors que les effets néfastes du tabac sont avérés. Le tabac n'est
pas interdit, car cette interdiction n'est pas jugée nécessaire socialement. Ensuite, nous avons deux groupes de
pression revendiquant des intérêts. Dans mon opinion, le décideur est seul devant ces trois regards différents. Les
scientifiques ne peuvent pas accompagner la décision. Ils peuvent aider la décision en donnant les états de leurs
connaissances et leurs incertitudes par rapport aux conséquences des décisions. Toutefois, les décisions ne sont
pas partagées.
José Cambou : Lorsque vous utilisez le terme « scientifique », il semble que chaque scientifique a une
connaissance exhaustive du domaine de ses compétences. Or la plupart des scientifiques n'ont pas cette vision
exhaustive du domaine. Les scientifiques connaissent avant toute chose les résultats de leurs travaux. Pour le reste,
ils n'ont pas le temps de mener des études poussées de la bibliographie internationale. De plus, certains
scientifiques ont le plaisir de s'exprimer dans leur champ d'incompétence.
A mes yeux, la référence est l'expertise collective, car cette démarche permet un travail de fond et des éclairages
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pluridisciplinaires. Les analyses disposent ainsi d'une consistance réelle et d'une robustesse. Dans un
fonctionnement de bonne foi, les synthèses font d'ailleurs apparaître les points de dissensus.
Les risques avérés sont présentés avec des nuances. Les risques probables, suspectés et émergents existent
également. Pour autant, l'action est nécessaire sur ces risques. Le principe de précaution n'est pas un principe de
gel, mais un principe d'action qui sera revu et actualisé avec les données nouvelles.
Enfin, des espaces de débat ont été ouverts sur la problématique du diesel, par exemple en novembre 2012. A cette
occasion, les avancées technologiques ont été énoncées. Cependant, il a été prouvé que les avancées (notamment
les filtres) génèrent des pollutions d'autre nature. Quand je soutiens la nécessité de mettre en place des espaces
pluridisciplinaires et pluri-acteurs pour construire des conclusions partagées, ces espaces de débat sont une
excellente démonstration.
Francelyne Marano : Je souhaite revenir sur la question des actions du scientifique et de l'expertise collective. La
vision est totalement différente. Mon expérience est formée par de nombreuses recherches. Ensuite, l'expertise
collective ouvre une nouvelle dimension permettant d'examiner des éléments nouveaux. En tout état de cause, je
rejoins Monsieur Despréaux. Au final, le décideur est seul face aux opinions exprimées. Toutefois, l'expertise
collective construit une opinion d'un style différent : lorsque toutes les connaissances scientifiques convergent vers
un seuil en dessous duquel aucun effet n'est observé, il s'agit plus d'un état des connaissances que d'une opinion.
Joëlle Colosio : Dans tous les cas, le décideur se retrouve seul. A l'ADEME, nous rencontrons des difficultés quant
au partage de l'expertise collective. Nous essayons de mettre autour de la table l'ensemble des acteurs concernés
par une problématique, mais ces réunions sont difficiles. Selon Monsieur Le Bigot, notre synthèse ne prend pas en
compte des avis sanitaires, mais cette affirmation lui appartient. Notre synthèse intègre des éléments sanitaires, car
nous avons interrogé tous les acteurs dans une certaine neutralité, afin de mettre à disposition des décideurs tous
les éléments du débat.
Nous avons accompagné la rédaction de notre synthèse par l'organisation de deux journées de débats. Or peu de
décideurs se sont joints à ces réunions. Il est complexe de faire le lien avec les décideurs et de leur amener tous les
éléments de la connaissance. Sur la problématique du diesel, nous avons d'ailleurs élargi les informations.
Récemment, auprès d'une assemblée de parlementaires, j'ai démontré que le diesel n'est qu'une partie d'une
problématique plus générale. En effet, nous avons aussi examiné les particules émises par les véhicules essence.
Bien que les particules primaires soient filtrées à près de 99 % par les véhicules diesel, les véhicules essence
produisent des composés organiques volatils qui, à quelques mètres ou à quelques heures après l'échappement,
conduisent à la formation d'aérosols organiques secondaires, dont des particules secondaires.
J'ai vu des décideurs vouloir interdire le diesel dans les villes. Cependant, notre présentation complète des travaux
fait évoluer la perception des décideurs. Il est indispensable d'amener auprès des décideurs l'ensemble des
éléments de connaissance et les connaissances les plus actuelles. Un EPST doit publier ces travaux avant qu'une
communication puisse se faire. A l'ADEME, nous faisons travailler des chercheurs sur des durées plus courtes, afin
de mettre à disposition des connaissances même avant leur publication. J'ai été ravie que nous ayons été capables
de mener ces études sur le sujet des particules. La décision à prendre par les responsables ne devait pas prendre
exclusivement en considération le diesel, mais les particules dans leur totalité.
Nicolas Le Bigot : Je souhaite répondre.
Jean Lesne : Votre intervention devra porter sur le sujet de notre journée. Je ne souhaite pas que nous débattions
sur le diesel et la pollution atmosphérique. Nous devons nous concentrer sur le sujet des bonnes pratiques de l'élu
local par rapport à un problème pouvant être amplifié par les médias. J'ai entendu que des acteurs de la société (le
constructeur automobile ou le citoyen) ne trouvent pas de lieu pour discuter avec l'élu local des options de gestion.
José Cambou : Nous les organisons !
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Colline Salzman : Ma question d'adresse à Madame Colosio sur la mise en place des ZAPA. Dans le cadre de mes
études, j'ai travaillé pour la Mairie de Grenoble à la création de la ZAPA en réalisant notamment une étude sur les
ZAPA européennes. J'ai relevé de grands succès sur ce projet, par exemple à Londres, à Berlin et à Turin. Dans ce
contexte européen, pourquoi rencontrons-nous tant de difficultés en France sur la question ?
A Londres, j'ai constaté que des moyens considérables ont été alloués pour les études d'acceptabilité et de
communication autour de la ZAPA. En revanche, à Grenoble, l'étude d'acceptabilité et la communication ont été
confiées à des étudiants stagiaires. La carence de moyens alloués peut expliquer les échecs des ZAPA. Quels
autres motifs avez-vous relevés ?
Annie Augier : Je prends une dernière question de la salle avant de laisser la parole à nos intervenants.
Un participant : Un expert est appelé par un élu local confronté à des opinions n'étant pas scientifiques, celle de
l'expert ne pouvant pas non plus être qualifiée comme scientifique au titre de l'observation scientifique. L'expertise
collective n'est-elle pas un oxymore en ce sens ? En effet, l'expertise collective est encore une opinion
supplémentaire, qui se substitue à l'expertise solitaire de l'expert compétent dans son domaine. L'expertise collective
a-t-elle véritablement un sens ? N'est-elle pas la construction d'une nouvelle opinion ?
Annie Augier : Je cède la parole à Madame Colosio pour répondre à la première question.
Joëlle Colosio : De mon point de vue, confier des travaux à des universitaires est un gage de qualité qu'il ne faut
pas sous-estimer. Les agences de communication ne sont pas les seuls acteurs capables de mener de bons travaux.
J'ai suivi de près les travaux menés à Grenoble, et ils sont satisfaisants. Le problème ne concerne pas
essentiellement les moyens, mais l'appropriation politique de la décision. Décider d'interdire la circulation des
véhicules les plus polluants pénalise une population. Certes, la décision peut ne pas s'appliquer sur le parc des
véhicules privés. Nous avons défendu le fait que l'interdiction concerne tous les véhicules (livraison et fret). Dans le
contexte économique actuel, interdire la circulation de véhicules anciens revient à pénaliser des catégories sociales
particulières. La ZAPA ne se met pas en oeuvre à cause de ces difficultés précises.
Même si la ZAPA ne se met pas en oeuvre aujourd'hui, tout le travail réalisé a permis de faire prendre conscience de
la problématique. Les élus ont pris conscience des actions possibles. Les PDU ont été retravaillés et les questions
de la mobilité ont été posées. L'ADEME serait ravie que toutes les actions engagées se concrétisent, mais elles
n'aboutissent pas toujours. En tout état de cause, les travaux génèrent toujours des bénéfices.
Annie Augier : Qui souhaite répondre sur l'expertise collégiale ?
Francelyne Marano : Le sujet est très vaste. Il est évident que l'expertise collective donne une opinion, qui ne sera
pas celle de l'individu. Toutefois, cette opinion sera plus susceptible de représenter les différents aspects d'une
problématique. Les groupes d'experts rassemblent les différentes parties prenantes scientifiques. Chacun, dans son
domaine, est capable d'apporter les éléments qu'un individu seul ne peut pas avoir. Je souligne que les avis
contradictoires sont souvent cités.
Jean Lesne : Je propose qu'une dernière question soit posée avant que nous clôturions cette table ronde.
Stéphane Roy (BRGM) : Je suis biochimiste de formation et j'ai suivi le cycle de l'IHEST l'année précédente. Je suis
aussi élu local d'une petite commune. Le débat est très intéressant, car, autant j'ai compris les éléments apportés par
les uns et les autres, autant, si je devais prendre une décision ce soir en conseil municipal, j'aurais beaucoup de
difficultés.
La décision appartient désormais aux élus. Elle devra être prise en tenant compte de tous vos argumentaires, tous
très cohérents. Dans le cas présent, l'expertise collective doit amener à une décision. Bien entendu le débat est utile
et permet d'avancer, mais les élus locaux ont besoin d'orientations compréhensibles susceptibles d'être retransmises
aux concitoyens. Les élus expliquent leurs décisions aux électeurs. Ainsi, la question de la capacité à transmettre le
savoir et à l'expliquer simplement se pose. La décision sera certainement liée à cette capacité à l'expliquer.
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Joëlle Colosio : Dans notre travail de recherche Primequal, nous avons étudié la perception. Par exemple, l'un de
nos résultats était que la pollution n'était pas liée à l'individu, mais à la voiture. On passe de la science au
comportement et à la perception. Cette difficulté est majeure pour l'élu local.
Jean Lesne : Sur les aspects de gestion du risque, de nombreux scénarios sont possibles. Il n'existe pas
nécessairement d'expertise construite, ni individuelle, ni collective, sur ce point. De plus, il n'existe pas de lieu
institué pour le faire. L'acteur est placé en difficulté, car il n'a pas à appliquer des règles ou des recommandations
très précises et car il est soumis à des pressions diverses.
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