Introduction à la psychologie cognitive

Transcription

Introduction à la psychologie cognitive
-1-
Introduction à la psychologie cognitive (ou d'apprentissage)
et aux techniques d'enseignement qui s'en inspirent
André QUINTON
Heureux l'enseignant enthousiaste dont les élèves sont avides d'apprendre ! Cette situation n'est
pas due au hasard, elle résulte d'une organisation d'enseignement créant les conditions favorables à ce
que les élèves mettent en jeu tous leurs processus mentaux pour construire leurs représentations
mentales. La psychologie cognitive (ou d'apprentissage) explique en partie pourquoi un enseignement
réussit ou échoue dans son ambition d'aider les étudiants à construire les représentations mentales dont
ils auront besoin dans leur exercice professionnel. Chaque technique pédagogique présentée dans le
DU de Pédagogie applique un ou plusieurs principes de psychologie cognitive.
Plan:
1ère partie: Notions de psychologie cognitive et les principes pédagogiques qui en découlent
- Les représentations mentales
- Le fonctionnement du cerveau humain dans son environnement
- Le désir d'apprendre: les motivations
- Perception et interprétation
- La mémoire à long terme
- La mémoire de travail
- Le raisonnement
- Stratégies et techniques d’apprentissage
- Le stress.
2ème partie: Présentation des techniques pédagogiques et des principes qu'elles appliquent.
1ère partie: Notions de psychologie cognitive
et les principes pédagogiques qui en découlent
1– Les représentations mentales
C'est grâce à nos représentations mentales que nous évoluons dans notre environnement,
raisonnons, résolvons des problèmes, construisons de nouvelles représentations mentales et
remanions celles que nous avons déjà en mémoire.
Qu'entend-on par représentations mentales ? Quelques exercices de productions de
représentations mentales éclaireront plus qu'une longue définition.
- Pour débuter, représentez-vous mentalement un point rouge de 1 mm de diamètre, un carré
bleu de 1 cm de côté, une lettre de l'alphabet, le chiffre sept ; c'est simple ;
- puis représentez-vous votre environnement de travail, votre bureau, votre lampe de travail,
vos dossiers ; représentez-vous une séquence d'activité de votre vie quotidienne chez vous
ou dans le cadre de votre travail (une consultation, un soin, une intervention): voici plus
élaboré et personnel ;
- jouer à suivre la piste des sens des mots suivants avocat, élan, pile, mine, c'est à dire
produisez les différentes représentations mentales rattachables à un même mot1;
1
- Avocat (le fruit et le défenseur au tribunal), élan (l'animal et l'élan avant de faire un saut), pile (pile électrique,
pile de pont, pile-ou-face), mine (de crayon, de fer ou de charbon, bonne ou mauvaise mine).
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-2- continuez en vous représentant mentalement un des événements qui font l'actualité du
moment, un match de foot, la guerre dans une ville, une inondation. Voici des
représentations mentales particulièrement complexes ;
- terminez en pensant aux mots courage, vérité, chance, justice ; vous constatez qu'ici ce ne
sont plus des images que va produire votre esprit, mais des définitions apprises dans un
dictionnaire ou des explications étayées par des exemples… volontiers illustrés d'images
concrètes ou de symboles.
Eveillé, vous reconnaissez la plupart des éléments de votre environnement grâce aux
projections de vos représentations mentales et vous êtes intrigué par ce que vous ne
reconnaissez pas. Dans vos rêves vous projetez pour vous-même des représentations mentales.
D'où viennent les représentations mentales ?
De la mémoire à long terme où elles sont "encodées", c'est à dire représentées par des
agencements physiques et biochimiques au sein des neurones.
Comment se sont-elles formées ? Grâce à l'apprentissage.
A quoi servent-elles ?
Nos pensées, nos raisonnements, toutes nos activités procèdent d'une succession de
représentations mentales. Si nos représentations mentales sont correctes nous raisonnons vite et
efficacement ; si nos représentations sont médiocres ou fausses, nous raisonnons avec difficulté,
ne pouvons résoudre correctement des problèmes, sommes inefficace voir nuisible.
Enseigner est aider les étudiants à construire leurs représentations
mentales.
2 - Le fonctionnement du cerveau humain dans son environnement.
Voici un schéma du fonctionnement du cerveau humain dans son environnement.
Environnement
Récepteurs
sensoriels
Emetteurs
Réponses "automatiques"
- motrices, gestes
- émotions
Réponses "réfléchies"
Force du désir
- actions (gestes)
Mémoire de
travail
Générateurs de
réponse
Mémoire à long terme
Figure 1 - Schéma d'après M.R. GAGNÉ
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-3- Nous percevons le monde qui nous entoure par nos organes des sens ;
- grâce à notre mémoire de travail dans laquelle s'imposent des données de notre mémoire à
long terme,
- soit nous reconnaissons ce que nous percevons,
- soit nous l'interprétons ou tentons de l'interpréter ;
- ensuite nous trions parmi les données nouvelles perçues celles que nous allons mémoriser.
- nous réagissons toujours à notre environnement par une émotion et éventuellement une
action.
- Tout raisonnement fait appel à des connaissances en mémoire.
Le désir d'apprendre (schématisé par le rond ocre dan la figure 1) est le moteur de
l'ensemble ; c'est la force du désir d'apprendre qui régule le flux d'apprentissage. Tout part du désir,
de la curiosité : commençons donc par là.
3 – Le désir d'apprendre (ou motivation) parmi les besoins humains.
· Les besoins sont représentés dans la figure 2 librement inspirée de la théorie de MASLOW.
Le désir d'apprendre s'exprime par tous les actes visant à satisfaire la curiosité. Il est un
besoin vital au même titre que respirer, manger, boire, éliminer, maintenir sa température
corporelle ; un nourrisson dépérit, meurt ou acquiert un déficit psychomoteur grave dans un
environnement où sa curiosité ne peut être satisfaite
Le besoin d'apprendre est en étroite corrélation avec les autres besoins, que ceux-ci le
renforcent, le concurrencent, voire le contrecarrent. Qui est en bonne santé, entouré, à l'abri de
tout danger et sans difficultés financières, sûr de lui, peut être aisément accaparé par son désir
d'apprendre. Apprendre est plus difficile pour qui connait des difficultés, qu'il s'agisse de gérer
un handicap physique ou social, vivre sous la menace ou manquer de moyens, d'être isolé, ou
d'avoir une histoire qui conduise à ne pas avoir confiance en soi.
Besoin de
s'accomplir
Besoin
d'identité
d'être reconnu
Besoin d'avoir
confiance en soi
Besoin
d'appartenance
Besoin de sécurité
Besoin d'amour
Besoins vitaux
Curiosité, besoin d'apprendre
Respirer, boire, se nourrir,
équilibre thermique,
Figure 2 : Les divers besoins des humains
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-4L'objet du désir d'apprendre évolue dans le temps. "Tout l'intéresse" dit-on d'un bébé
éveillé; "il touche à tout" s'énerve-t-on du bambin dont les mains happent tout ce qui est à sa portée.
Puis eu cours de la scolarité de l'enfant, les propos deviennent du genre "il est bon en math, mais le
français n'est pas son fort" : une étape est franchie, le désir d'apprendre n'est plus le désir
d'apprendre n'importe quoi.
Adolescent, puis adulte, l'étudiant devient exigeant. Lorsqu'il suit un enseignement son désir
d'apprendre vise à acquérir des connaissances qui ont pour lui du sens, et c'est dans la mesure où
il est satisfait qu'il accepte les contraintes de l'enseignement. En revanche si l'enseignement l'ennuie,
ne fait pas écho à ses désirs, soit il "décroche", soit, si le type d'études suivies mène vers le métier qu'il
veut exercer, il persiste en développant deux stratégies parallèles: d'un côté il fait les efforts juste
nécessaires pour réussir des examens, de l'autre il se forme plus ou moins en autodidacte allant
chercher des connaissances ailleurs que dans l'enseignement qu'on lui fait subir.
Les étudiants peuvent à un moment s'engager dans des études qui ne les attirent guère, qu'ils y
aient été poussés par leur entourage ou les circonstances ; c'est alors aux enseignants que revient la
lourde tâche de susciter leur désir d'apprendre.
Principes pédagogiques à retenir du désir d'apprendre et des autres besoins
humains
- connaître les attentes des étudiants et faire en sorte que les objectifs d'enseignement
soient partagés par les étudiants et les enseignants ;
- donner aux étudiants une autonomie d'apprentissage, ce qui les responsabilise en
les valorisant, mais implique de:
- limiter les cours à ceux dont la dynamique est une forte aide à l'apprentissage,
- laisser du temps aux étudiants pour acquérir des connaissances, aux moments
et dans les conditions qui leur conviennent le mieux, dans les livres, les
polycopiés, en recourant à des moyens audio-visuels,
- donner le maximum d'interactivité aux séances d'enseignement dirigé et de
travaux pratiques pour permettre aux étudiants de mobiliser les connaissances
qu'ils auront apprises par eux-mêmes ;
- respecter les étudiants
- si possible les connaitre par leurs noms,
- leur faire confiance mais en se donnant les moyens de s'assurer qu'ils atteignent
les objectifs assignés, faire des examens pertinents avec les objectifs et les
modalités d'enseignement
- critiquer le mauvais travail d'un étudiant mais ne jamais remettre en cause sa
personnalité: dire "votre travail est insuffisant, vous avez mal fait" et non "vous
êtes nul, vous êtes un imbécile etc.",
4 – Percevoir et interpréter.
Nous percevons le monde qui nous entoure par nos organes des sens ; la mémoire
permet, soit de reconnaitre ce que nous percevons, soit de l'interpréter ou tenter de
l'interpréter ; ensuite nous trions dans les données nouvelles perçues celle que nous estimons
devoir mémoriser. Les phases de ce processus sont si rapides que nous avons un sentiment
d'instantané.
L'essentiel est dit.
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-5Nos organes des sens perçoivent les caractéristiques des choses et des êtres qui constituent notre
environnement. La mémorisation n'est pas spontanée: dans un train le seul fait de voir défiler le
paysage ou d'entendre une conversation ne conduit pas à mémoriser l'un ou l'autre si on n'y porte pas
attention.
- Ce que nous avons déjà vu, entendu, senti, gouté, touché, nous le reconnaissons par sa
plus ou moins grande similitude avec nos représentations mentales et ressentons une
émotion plus ou moins marquée.
- Ce qui est nouveau nous intrigue et nous cherchons à l'interpréter, le comprendre, en
nous référant d'abord aux représentations mentales que nous avons en mémoire, puis en
raisonnant. Ce processus d'identification aboutit ou échoue, nous y reviendrons.
Quand le processus d'identification aboutit on peut schématiser deux possibilités. Si l'objet
perçu est du "déjà vu, entendu, senti, gouté, touché" il y a un renforcement de l'encodage de sa
représentation mentale ; si l'identification retient un changement il l'intègre dans la représentation
mentale. Si le processus d'identification échoue, soit l'objet est oublié, soit il est gardé en attente en
mémoire.
Seul ce qui est considéré comme intéressant peut être mémorisé de façon durable. Il y a
toujours un effort, volontaire ou subi, dans un acte de mémorisation.
Enseigner est aider l'étudiant à percevoir et interpréter ce qui implique une
réflexion sur la forme du message d'enseignement (voir les principes qui en découlent p 8).
5 – Mémoriser: la mémoire à long terme
5.1 - La mémoire à long terme, ses divers "registres".
La mémoire à long terme est un processus mental riche et complexe ; on parle des
différentes mémoires ou des différents registres de la mémoire
Le schéma de la figure 3 présente l'ensemble des composants de la mémoire à long terme.
C'est un schéma parmi d'autres, aucun ne peut avoir l'ambition de représenter une réalité
complexe comportant encore beaucoup d'inconnues.
Pénétrez-vous de ce schéma avant d'aller plus loin…
Mémoire déclarative
(explicite) savoir que …
Mémoire des
émotions
Mémoire épisodique
(des événements datés
– autobiographique)
M. sensorielles
Visuelle
Olfactive
Gustative
Auditive
Tactile
Mémoire sémantique
(faits, définitions, règles,
formules, algorithmes)
Proprioceptive
Kinesthésique
Mémoire non déclarative
(implicite) savoir agir …
Mémoire procédurale de
l'exécution des gestes (boire,
marcher, faire du vélo, écrire, tenir un
tournevis)
Activée
- soit par la volonté,
- soit par un stimulus naturel,
- soit par un stimulus "conditionnel"
(conditionnement pavlovien)
Apprentissage non associatif
Habituation - sensibilisation
Figure 3: Mémoire à long terme
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Ces notions sur l'organisation de la mémoire à long terme permettent d'appréhender son
potentiel et de réfléchir à sa meilleure utilisation possible. D'emblée soulignons que beaucoup
d'enseignements scolaires et universitaires gavent la mémoire sémantique des élèves en
négligeant leurs autres mémoires.
5.2 - Mémoire sémantique
Qu'est donc cette mémoire sémantique sollicitée en permanence dans l'enseignement ?
C'est le lieu de mémorisation des mots et de la syntaxe de notre langue maternelle, des autres
langues que nous avons pu apprendre, de tout ce que nous appris, l'histoire, la géographie, la
physique, la chimie, les mathématiques, les codes de la vie sociale et familiale et bien sûr le
code de la route, les règles des sciences et des croyances, les procédures et protocoles et leurs
séquences, etc., sans fin.
Sur chaque connaissance tous les humains sont capables de discourir… mais pas tous
d'écrire, quoiqu'il en soit cette mémoire sémantique est déclarative.
Organisation de la mémoire sémantique
Elle stocke, catégorise et hiérarchise des milliers de concepts.
· La mémoire sémantique stocke des milliers de concepts Nous entendons par
concepts les idées, plus ou moins générales ou précises sur des mots concrets (ce qui va de
l'idée d'arbre à mon cerisier, de celle de voiture à la Clio de Pierre), sur des mots abstraits (de
l'idée de courage à celle du courage du pompier entrant dans le feu), sur des verbes d'action (de
l'idée d'écrire à celles de cet auteur écrit…ou ma fille commence à écrire) etc.
· La mémoire sémantique classe et hiérarchise les concepts.
- Initialement le processus est intuitif, empirique, à partir de caractères physiques
(chaud/froid, grand/petit, bleu/vert/rouge, vole/nage/rampe, etc.), de l'intérêt
immédiat et du ressenti (intéressant/ennuyeux, plaisant/déplaisant, dangereux/sans
danger etc.). Point important classements et hiérarchies initiaux, surtout à partir
du ressenti, restent fortement ancrés, encodés, en mémoire.
- Ensuite les connaissances sont classées et hiérarchisées de façon raisonnées en
fonction de la science ou des croyances ; ces classements et ces hiérarchies se
substituent aux classements et hiérarchies intuitives, mais cette substitution n'est
réellement assurée que si l'individu se les approprie.
- Dans chaque domaine les différentes connaissances sont liées entre elles formant
un réseau de connaissances (encore appelé réseau conceptuel).
- Le puissance de l'ancrage joue aussi pour ces classements et hiérarchies
raisonnées qui, une fois appropriés, sont difficiles à remettre en cause. Telle est
la raison principale de ce qu'on appelle la résistance au changement observable
dans tous les domaines, dans tous les milieux et à tous les niveaux de la société.
Enseigner c'est aider les étudiants à organiser rationnellement leurs
connaissances en mémoire sémantique.
5.3 - Mémoire épisodique
La mémoire épisodique garde les souvenirs inoubliables d'évènements que nous avons
vécus intensément, c'est-à-dire auxquels ont été associée une émotion. Il peut s'agir d'épisodes
de durées variables, quelques instants à quelques heures. On peut raconter ses souvenirs, "écrire
ses mémoires", la mémoire épisodique est aussi déclarative. Dans l'enseignement il faut
savoir utiliser cette mémoire épisodique, sans toutefois en abuser, confondant épisodique et
permanent.
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-75.4 - Les mémoires sensorielles, visuelle, olfactive, gustative, auditive, tactile.
Ces mémoires, archaïques, très solides, stockent les informations fournies par nos organes
des sens, ces outils de la vigilance indispensable à la survie ; à ces connaissances est toujours
rattachée une émotion (voir ci-dessous)..
5.5 - La mémoire des émotions.
Aux 6 émotions de base: joie, peur, tristesse, colère, dégout, surprise, furent ajoutés
l'intérêt et la honte. Chez l'homme on parle globalement de mémoire affective.
Les émotions participent aux mémoires sensorielles et assurent le caractère inoubliable
des souvenirs en mémoire épisodique.
Des réactions émotionnelles végétatives (sueurs, tremblement, malaise) ou motrices
(fuite, agression, peur, joie, colère) peuvent surgir dans des situations où rien ne semble les
justifier (c'est le cas des phobies). Il s'agit de manifestations isolées de la mémoire émotionnelle
d'événements dont le souvenir n'est pas accessible en mémoire déclarative, soit enfouis dans
l'inconscient, soit survenus dans la petite enfance avant l'entier développement du cortex.. On
rejoint là le conditionnement.
Des marqueurs somatiques des émotions (enregistrement du pouls, de la pression
artérielle, la sudation cutanée, l'électro-encéphalogramme et l'imagerie en résonance magnétique
nucléaire) permettent de déceler l'existence de minimes réactions émotionnelles dans tous les
actes de la vie, dont la prise de décision.
5.6 - La mémoire procédurale de l'exécution des gestes (non déclarative).
Se lever, marcher, monter ou descendre un escalier, parler, rire, prendre un objet, ouvrir
la radio, tenir son équilibre à vélo, shooter dans un ballon, faire des points de suture, intuber,
faire un prélèvement: voici des actes moteurs dont la procédure d'exécution parfaitement
automatisée est en mémoire procédurale. Il est impossible d'expliquer, "de déclarer" dans le
détail l'exécution d'un geste… à moins d'être un physiologiste spécialisé dans le mouvement.
Au cours d'une réunion entendre son portable sonner, le prendre, regarder de qui vient
l'appel, l'accepter, se lever et se mettre à l'écart pour répondre: voici une séquence d'actions
parfaitement automatisée. L'automatisation donne l'illusion de ne faire aucun effort de mémoire;
or les automatismes sont en mémoire procédurale, permettant une économie de moyens et
libérant la pensée pour d'autres opérations. Lors de la perte de ces automatismes, fait d'un
accident ou d'une maladie, on découvre la difficulté de la rééducation pour les retrouver.
Mais toute action automatisée a nécessité un effort d'apprentissage conscient,
réfléchi avant d'être encodée en mémoire procédurale. On a montré en IRM fonctionnelle
que l'aire préfrontale du cerveau (celle du raisonnement) est active en début d'apprentissage,
puis qu'elle s'éteint progressivement au fur et à mesure de l'automatisation de l'action.
L'action fait directement appel à la mémoire procédurale, et indirectement, à la
mémoire affective par le biais de la motivation.
L'action en mémoire procédurale va être exécutée en réponse :
- soit à une décision volontaire après réflexion (faire démarrer sa voiture),
- soit à un stimulus naturel (tourner la tête vers qui nous appelle)
- soit à un conditionnement (le chien de Pavlov avait été conditionné à saliver et
secréter du suc gastrique au son d'une cloche).
"C'est en forgeant qu'on devient forgeron". Il faut enseigner les gestes en les
faisant exécuter ; ensuite parvenir à la maîtrise, ou exécuter des gestes en grande
partie de façon automatique, nécessite d'abord un entrainement, puis une pratique
régulière.
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-85.7 - L'expression apprentissage non associatif correspond à deux notions:
- L'habituation, mémoire qui nous protège de réagir constamment aux stimuli de notre
environnement qui ne sont pas menaçants,
- la sensibilisation qui nous maintient vigilant et prêt à réagir à une menace par
l'agression ou la fuite.
5.8 - Des liens doivent être établis entre les connaissances pour constituer des réseaux
(réseaux conceptuels)
Bien connaître un pays est avoir appris ses caractéristiques humaines (population,
sociologie, cultures, langue, coutumes, croyances, etc.), sa géographie, son histoire, son
économie, tous domaines constituant autant de réseaux de connaissances reliés entre eux. De là
il est possible d'appréhender que les liens entre les réseaux de connaissances peuvent se faire:
- spontanément, sans effort, lors de la lecture attentive de documents sur ce pays ; ce sont
alors les mémoires sémantique et visuelle qui sont les plus sollicitées
- spontanément, sans effort, sur le terrain: mettre trois heures pour faire une centaine de
kilomètres dans un bus brinquebalant enseigne sur la situation économique, l'état des
routes, la géographie et le climat d'une contrée ; ici la mémoire sémantique alimentée par
l'éventuelle lecture d'une carte ou du descriptif du parcours est fortement renforcée par les
sensations perçues tout au long du voyage ;
- en croisant progressivement les informations des différents registres de la mémoire, ce
qui nécessite d'autant plus du temps et d'efforts que les choses sont complexes.
Tout enseignement doit viser à aider les étudiants, non seulement à acquérir des
connaissances, mais aussi à établir des liens entre elles pour constituer des réseaux de
connaissances. Les étudiants doivent construire leurs représentations mentales.
Principes pédagogiques à retenir des processus de perception, interprétation
et mémorisation
- rendre compréhensible et interprétable, ce qui est dit, montré, manipulé ; tout
nouvel apport de connaissances doit pouvoir être rattaché par l'étudiant aux
représentations mentales qu'il a en mémoire ;
- organiser tout enseignement de telles façons que l'étudiant puisse mobiliser tous ses
registres mémoires pour apprendre ;
- l'enseignement doit aider l'étudiant à construire ses représentations mentales en
montrant les liens entre les connaissances de disciplines complémentaires,
- pour aider les étudiants à construire leurs représentations mentales il faut leur
permettre de confronter la théorie à la pratique, leur transmettre non seulement des
connaissances mais aussi des expériences.
6 – La mémoire de travail
C'est l'espace de pensée, situé dans la région pré-frontale du cerveau, qu'occupent à un
moment donné les représentations mentales indispensables pour accomplir une activité.
A ce niveau
- les données de l'environnement sont interprétées en les comparant aux représentations
mentales enregistrées dans les mémoires, sémantique, épisodique, sensorielles,
- d'autres représentations mentales de connaissances en mémoire (dont les protocoles)
sont mobilisées pour raisonner,
- sont lancées des actions qui seront exécutées automatiquement à partir de la mémoire
procédurale
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-9Prenons un exemple dans le domaine de la pâtisserie: faire des gaufres. Il faut disposer
des ingrédients, du matériel et de la recette.
Dans un premier temps il faut se procurer la recette, c'est-à-dire la procédure. Soit elle est
déjà dans notre mémoire sémantique, ce qui simplifie les choses. Soit "on ne l'a pas en tête" et il
faut la chercher dans une source externe de données ; lors de cette étape la mémoire de travail
n'est pas surchargée, elle comporte simplement les mots "recette" et "gaufre", éventuellement
"pâtisserie" qu'on cherche à trouver dans un livre en passant par son index, ou encore plus
simplement en attendant que Google livre une liste de recettes.
Puis on doit rassembler les ingrédients et le matériel. A ce moment se trouvent, en
mémoire de travail la liste de ce qu'on doit rassembler, les images des éléments recherchés
(œufs, beurre, farine, sucre, lait, levure chimique, récipient, bols, batteur, gaufrier). et les
endroits où les trouver
Puis on passe aux étapes de la préparation dont chacune comporte les ingrédients et les
actions qu'on fait sur eux pour obtenir un résultat intermédiaire ; au moment même de lancer les
actions chaque étape occupe totalement la mémoire de travail ; une fois l'action enclenchée sa
poursuite est automatisée, libérant la mémoire de travail pour autre chose, écouter la radio ou
discuter. La mémoire de travail est-elle totalement libérée par les automatismes ? Non, elle se
recentre régulièrement sur la préparation pour apprécier le résultat de l'action en cours.
Cet exercice de démontage appliqué à n'importe quel type d'activité permet de repérer ce
qui a chaque instant est en mémoire de travail.
Mais cette mémoire est saturable. Pensez à ce qui se passe si vous ne savez pas "par
cœur" la recette des gaufres ; en cours de préparation vous vous reportez de nombreuses fois au
texte de cette recette, votre mémoire de travail n'ayant pu retenir les détails de toutes les étapes.
La mémoire de travail est l'outil et le lieu du raisonnement.
7 – Raisonner: les trois types de raisonnement, par déduction, par analogie, le
raisonnement hypothético-déductif.
Raisonner consiste à mobiliser des représentations mentales pour construire, conduire des
expériences, diagnostiquer, réparer, etc.
Alors que la théorie distingue le raisonnement logique, par déduction, et le raisonnement
analogique, par reconnaissance, en pratique tout raisonnement combine les deux processus.
7.1 - Le raisonnement par déduction, logique
La déduction est
- "une démarche intellectuelle partant de prémisses et aboutissant à une conclusion"
(Larousse),
- "un procédé de pensée par lequel on conclut de propositions prises pour prémisses, à
une proposition qui en résulte en vertu de règles logiques" (Le Robert 1992).
Quelques exemples:
- ayant pour prémisses un achat de deux bouquins coûtant respectivement 10 et 15
euros, la dépense est de 25 euros en vertu de la règle logique de l'addition ;
- ayant pour prémisses que la loi oblige tout conducteur de véhicule à stopper à un feu
rouge, qu'à certains feux de croisement sont installés des radars, celui qui grille un
tel feu rouge est sanctionné selon les modalités prévues par la loi ;
- ayant pour prémisses que tout homme doit boire et se nourrir, qui fait la grève de la
faim s'expose à la mort en vertu des règles de la physiologie ;
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- 10 Les règles logiques sont d'abord celles identifiées par les hommes de façon scientifique
dans les domaines des mathématiques, de la physique, de la chimie, de la biologique. Ce sont
aussi celles qu'ils ont établies plus ou moins arbitrairement en fonction d'idéologies et de
croyances, portant sur les relations qu'ils ont entre eux (commerce, droit, justice, politique, etc.)
et celles qu'ils ont avec leur environnement (exploitation des ressources de tous ordres).
7.2 – Le raisonnement analogique
L'analogie c'est la ressemblance. Le raisonnement analogique est reconnaitre et/ou
estimer approximativement
• On reconnait ou on pense approcher de la reconnaissance chaque fois qu'on emploie une
des expressions suivantes:
" C’est… Ça ressemble… Il me semble que… C’est comme…On dirait que
c’est…Ce pourrait être… "
• On raisonne par analogie lorsqu'on estime approximativement des grandeurs
numériques, c'est-à-dire qu'on emploie une des expressions suivantes
" Il y en a environ… Ça doit peser…Ça doit mesurer….C’est plus grand que…Ça
doit coûter dans…Vous en aurez pour environ …"
• Le raisonnement analogique est le premier mode de raisonnement dans la vie. Les
enfants reconnaissent très tôt les visages, les voix, les éléments de leur environnement. Vers
deux ans ils ont déjà la capacité d'estimer des grandeurs.
• Le raisonnement "diagnostique" analogique est celui qui permet de reconnaître
automatiquement les objets de notre environnement dans leurs formes les plus variées (visages,
animaux, arbres, voitures, téléphones portables etc.). Le diagnostic analogique est
particulièrement performant dans la reconnaissance des visages.
Dans toutes les activités humaines il y a une plus ou moins grande part de reconnaissance,
de diagnostic analogique. Le niveau de reconnaissance peut atteindre la certitude (tel
reconnaître une crise d'asthme) ou permettre seulement d'avancer des hypothèses (j'hésite
entre…).
7.3 -Le raisonnement hypothético-déductif
Le raisonnement hypothético-déductif combine les deux processus de raisonnement. C'est
celui qui est utilisé dans la plupart des évènements de la vie, dans tout diagnostic, médical ou
autre.
Il se déroule en deux temps
- d'abord une reconnaissance: en mémoire de travail, s'imposent automatiquement,
sans effort, des représentations mentales, riches et complexes, de situations ayant
une analogie, similitude ou ressemblance, avec la situation problématique (qui pose
problème), et les façons dont elles ont été ou non résolues. Formalisées, explicitées,
ces représentations mentales sont alors appelées hypothèses.
- ensuite déduction : les hypothèses sont soumises au raisonnement logique.
Dans les cas où "on ne reconnait rien" on peut être totalement bloqué, aucun
raisonnement déductif ne permettant d'aboutir.
"Pour résoudre adéquatement un problème, la personne doit nécessairement
avoir dans sa mémoire à long terme les connaissances nécessaires pour traiter d'une
façon significative les données du problème soumis" (TARDIF).
Dans les années 1970, des chercheurs travaillant sur l'intelligence artificielle visant à
créer des machines reproduisant le raisonnement humain, ont analysé le raisonnement de
professionnels, ingénieurs, économistes, joueurs d'échecs, et médecins.
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- 11 Les constats ont été les suivants:
- tous procédaient de la même façon pour résoudre des problèmes: d'abord ils
formulaient des hypothèses qui s'imposaient à leur esprit, ensuite ils raisonnaient sur
ces hypothèses ;
- la qualité du résultat de leur raisonnement était liée à leurs connaissances et non à
une maîtrise particulière du raisonnement ;
- devant un problème relevant de leur domaine les experts sont assaillis par un petit
nombre d'hypothèses (entre 3 et 7), toutes pertinentes ; par contre les experts d'un
domaine différent produisent plus d'hypothèses, dont certaines ne sont pas
pertinentes. Ainsi les cardiologues étaient plus performants devant un problème de
cardiologie que les endocrinologues, et inversement ces derniers étaient plus
performants que les cardiologues devant un problème d'endocrinologie.
Ces constats trouvent un écho particulier avec la définition de la compétence de Jacques
TARDIF :"Savoir agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison d’une
variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations." Les
représentations mentales en mémoire correspondent aux ressources internes et, en quelque sorte,
à des index de ressources externes (livres, experts, etc).
7.4 - Le raisonnement expérimental. Le raisonnement scientifique.
· Le raisonnement expérimental
- On part d'une hypothèse ;
- Pour la confirmer ou l’infirmer on établit un protocole expérimental en tentant d'avoir le
contrôle de plusieurs facteurs pour introduire le moins de variables dans l'étude ;
- On effectue l'étude,
- On analyse les résultats et on tire des conclusions.
· Le raisonnement scientifique
Le raisonnement scientifique est un raisonnement logique à partir de connaissances
scientifiques. Dans les domaines permettant l'expérimentation les connaissances scientifiques
sont issues d'études expérimentales, là où toute expérimentation est éthiquement impossible les
connaissances sont issues d'observations objectives.
Les connaissances scientifiques sont évolutives, discutables, contestables, réfutables.
Toute connaissance scientifique n’est vraie que tant qu’elle n’a pas été réfutée (Karl
Popper).
Principes pédagogiques à retenir de la connaissance des processus de
raisonnement: organiser tout enseignement en sorte que
- l'étudiant raisonne, c'est-à-dire mobilise et "manipule" ses représentations
mentales, ce qui implique
- pour l'enseignant de demander à l'étudiant d'expliquer, justifier, les résultats de
ses raisonnements, et non simplement de juger leur validité,
- pour l'étudiant de savoir qu'il devra expliquer, justifier, argumenter, ses
raisonnements
- l'étudiant enrichisse ses représentations mentales en se familiarisant avec des
situations concrètes.
Introduction à la Psychologie cognitive et aux techniques d'enseignement qui s'en inspirent – Juillet 2014
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8 – Stratégies et techniques d’apprentissage.
Il y a deux stratégies générales :
- une stratégie visant à une mémorisation durable des connaissances ou des
compétences ; elle recourt à l'apprentissage significatif qui met l’accent sur la
compréhension et l'intégration des nouvelles connaissances à un ou plusieurs réseaux de
connaissances déjà acquises. Ce qui est appris de cette façon est plus ou moins durablement
mémorisé… à condition toutefois d’être révisé.
- la stratégie de l’apprentissage machinal qui consiste à travailler pour juste mémoriser
temporairement les connaissances nécessaires pour réussir un examen ou un concours, sans
avoir l’intention de mémoriser durablement. On utilise alors son cerveau comme un simple
support physique de données qui s’effaceront plus ou moins vite (on peut faire l’analogie
avec des pages manuscrite ou un enregistrement sur disque de mauvaises qualités)2 ; il n’y
a pas de réflexion sur ce qu’on apprend. C’est habituellement une stratégie d'économie
des efforts)
L’enjeu visé et les modalités du contrôle des connaissances interviennent dans le choix de
la stratégie
¨ Il y a trois type d’enjeux : devenir compétent dans un domaine (professionnel ou de loisir),
obtenir la moyenne à un examen, obtenir le meilleur rang dans un concours.
· Pour devenir compétent dans un domaine on recourt à la stratégie d'acquisition
durable des connaissances et des capacités
Il s'agit d'un travail de fond associant un encodage régulier de données ayant un
sens, des révisions régulières à un rythme qui doit être trouvé pour chaque matière qu'on
doit mémoriser, l'établissement de liens entre différents réseaux de connaissance.
Volontaire cette stratégie peut se développer en l’absence même de tout examen.
· Stratégie pour réussir un examen
On développe une stratégie de mémorisation durable si la matière intéresse, en
ne ménageant pas ses efforts faisant plus que nécessaire par plaisir.
Si la matière est estimée sans intérêt3 on adopte une stratégie d'économie des
efforts, celle de l’apprentissage machinal, visant à mémoriser pour le temps nécessaire
de l'examen. Plus on est rodé aux examens mieux on sait estimer les probabilités pour que
des sujets "tombent" (gestion des impasses) ; de même là où une moyenne générale
synthétise les notes de différentes épreuves on apprend rapidement à compenser les
mauvaises notes par les bonnes, et à tenir compte des coefficients.
· Stratégie pour réussir un concours
Un concours fait développer une stratégie de mémorisation des connaissances
jusqu'au jour J. Pour les concours dont les modalités sont précises, le niveau cognitif
centré sur la mémorisation (et non sur la réflexion), le champ des questions attendues
relativement délimité le bachotage superficiel est plus efficient que l'approfondissement
des connaissances. De même une absence de délimitation des sujets possibles (type une
épreuve de connaissances générales) incite à acquérir le plus de connaissances
superficielles dans divers domaines pour "ne pas rester sec". De la préparation de telles
épreuves on ne garde souvent que la technique de travail.
2
Les travaux d’Ebbinghaus en 1885 avaient étudié ce type de mémoire ; apprenait des séries de syllabes sans
signification, il avait chronométré le temps d’apprentissage, le taux de rétention au cours du temps (et en
corollaire la courbe de l’oubli), la durée de ré-apprentissage épargnée en fonction du temps de révision.
3
On dit que la matière « ne fait pas sens pour l’étudiant », c’est-à-dire qu’à tort ou à raison, il n’en perçoit pas
l’intérêt à long terme.
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- 13 ¨ Les modalités des épreuves induisent la stratégie d’apprentissage.
Des épreuves n’explorant que la mémoire induisent tôt ou tard à recourir à la
stratégie d’apprentissage machinal, alors que des épreuves reposant sur la réflexion et la
pratique imposent une stratégie recourant à l’apprentissage significatif.
Pour que les étudiants développent une stratégie d’apprentissage visant à mémoriser
durablement, il est nécessaire de mettre en place:
- des contenus et des modalités d’enseignement qui donne un sens à ce qui est enseigné,
- de faire des épreuves privilégiant la réflexion à la simple mémorisation.
9 – Stress des étudiants
Nous n’avons ici en vue que l’aspect négatif du stress, celui qui est susceptible de retentir
fâcheusement sur l’équilibre psychique des étudiants et leurs performances intellectuelles.
Parmi les facteurs de stress des étudiants, les uns sont communs à tous les individus, les
évènements de vie et les tracas quotidiens, d’autres leurs sont propres, au début le passage du lycée
à l’université et l’absence d’encadrement, et tout au long d’un cursus, la difficulté de certaines
matières, souvent le flou des objectifs, la compétition, l’appréhension des examens, etc.
L’organisation d’un enseignement doit viser à éviter les facteurs de stress :
- en fixant des objectifs précis,
- en donnant un cadre de travail permettant à l’étudiant de prendre ses repères,
- en fixant de façon explicite les modalités des épreuves,
- en entrainant les étudiants aux épreuves.
Collectivement et individuellement les enseignants doivent respecter les étudiants, éviter les
humiliations, sans pour cela renoncer à la rigueur.
Dans l’organisation des enseignements et par leurs attitudes les enseignants doivent tout
faire pour ne pas créer des facteurs de stress chez leurs étudiants.
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2ème partie: Présentation des techniques d'enseignement
et des principes pédagogiques qu'elles appliquent.
1 - Voici regroupés les principes pédagogiques distillés dans les pages précédentes:
· Enseigner est aider les étudiants à construire leurs représentations mentales
· Principes pédagogiques à prendre en compte pour organiser un enseignement
► pour maintenir et stimuler le désir d'apprendre, diminuer les facteurs de stress
- définir des objectifs pédagogiques qui ont du sens pour les étudiants;
- donner aux étudiants une autonomie d'apprentissage,
- limiter les cours à ceux dont la dynamique aide à l'apprentissage,
- laisser du temps aux étudiants pour acquérir des connaissances,
- donner le maximum d'interactivité aux séances d'enseignement dirigé et de travaux
pratiques;
- respecter les étudiants
- leur faire confiance mais s'assurer qu'ils atteignent les objectifs assignés,
- commenter le travail des étudiants sans remettre en cause leur personnalité
- faire des examens pertinents avec les objectifs et les modalités d'enseignement
► pour faciliter les processus de perception, interprétation et mémorisation des
étudiants
- faire en sorte que les étudiants puissent rattacher tout nouvel apport de
connaissances à des représentations mentales qu'ils ont déjà en mémoire ;
- rendre compréhensible et interprétable, ce qui est dit, montré, manipulé ;
- faire en sorte que les étudiants puissent mobiliser tous leurs registres mémoires
(mémoires sémantique, sensorielles, émotionnelle, procédurale) ;
- pour la mémoire procédurale, enseigner les gestes en les faisant exécuter ; ensuite
faire parvenir les étudiants à la maîtrise en s'entrainant régulièrement par
l'exécution réelle, le mime, voire la simple mentalisation.
- montrer les liens entre les connaissances de disciplines complémentaires,
- pour aider les étudiants à construire leurs représentations mentales il faut leur
permettre de confronter la théorie à la pratique, leur transmettre non seulement des
connaissances mais aussi des expériences.
► pour former au raisonnement organiser tout enseignement en sorte que
- les étudiants raisonnent, c'est-à-dire mobilisent et "manipulent" leurs représentations
mentales, ce qui implique
- qu'ils doivent se préparer à expliquer, justifier et argumenter leurs raisonnements
- et que les enseignants leurs demandent ces explications et argumentations et ne se
bornent pas à simplement juger de la validité des résultats,
- les étudiants enrichissent leurs représentations mentales en se familiarisant avec des
situations concrètes.
► Pour que les étudiants développent une stratégie d’apprentissage visant à
mémoriser durablement, il est nécessaire de mettre en place:
- des contenus et des modalités d’enseignement qui donne un sens à ce qui est enseigné,
- de faire des épreuves qui privilégient la réflexion à la simple mémorisation.
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- 15 2 – Les techniques d'enseignement
2.1 – Livres, polycopiés, vidéos.
Ils donnent aux étudiants leur autonomie d'apprentissage.
Livres
Ils sollicitent les mémoires sémantiques, visuelles, émotionnelles.
Les enseignants qui conseillent à leurs étudiants des ouvrages doivent privilégier ceux qui
sont de leur niveau, intéressants dans leur contenu et séduisants par leur forme.
Si le contenu est le plus souvent théorique, des auteurs peuvent cependant faire passer
leur expérience dans leurs livres.
Polycopiés
Compléments ou substituts de cours, c'est aux enseignants de les rédiger. Les polycopiés
faits par des étudiants à partir de notes de cours sont souvent critiqués par les enseignants… qui
les considèrent volontiers comme responsables de l'absentéisme en cours et bourrés d'erreurs.
Vidéos
Si à l'occasion on peut les utiliser pour écouter une conférence leur intérêt repose
essentiellement sur les images et les actions qu'elles permettent d'observer. Il est possible
d'apprendre des gestes en imitant ceux présentés sur une vidéo.
Les vidéos peuvent donc solliciter les mémoires sémantique, visuelle, auditive,
émotionnelle et procédurale.
2.2 – Les cours
Le cours est l'exposé fait par un enseignant à des étudiants qui expriment leur intérêt, ou
désintérêt, simplement par leurs attitudes, sans poser de questions (du moins pendant le cours).
Bien fait, un cours s'adresse aux mémoires sémantique, visuelle et auditive, émotionnelle
et donc épisodique. Il peut fortement aider à la construction des représentations mentales.
Les cours doivent apporter la passion communicative d'un enseignant pour son sujet et
entrainer une dynamique des idées. Ils ne doivent être ni une dictée, ni la copie des textes de
diapositives. Il faut récuser tout cours que peut remplacer la lecture d'un livre ou d'un polycopié.
2.3 – Enseignements (travaux) dirigés (ED). Travaux pratiques (TP).
Les ED sont faits pour "manipuler" en mémoire de travail des connaissances
mobilisées de la mémoire sémantique. Les TP ont pour principe de faire manipuler des objets
au sens propre du terme, recourant aux mémoires déclaratives et procédurales.
ED et TP ont commun que les étudiants doivent avoir préalablement acquis des
connaissances théoriques, "avoir un pré-requis". "Mais vous rêvez, sauf exception les
étudiants ne préparent pas les ED ou les TP!!" : voici l'habituelle contestation de nombreux
enseignants effarés par ce qu'ils considèrent comme une utopie. La mise en application est
pourtant simple: il faut qu’il soit de règle de préparer TP et ED, de s'assurer par un bref exercice
écrit (sur QCM), éventuellement comptant pour l'examen final, que cette règle est respectée.
Sont exclus de l'ED ou du TP les étudiants qui n'ont pas préparé… et s'ils sont majoritaires
repousser à une date ultérieurs l'ED ou le TP. Si on le fait une fois, il y a peu de risques que la
situation se renouvelle.
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- 16 Apprendre çè comprendre et Raisonner: voici deux étapes de l'apprentissage;
- apprendre et comprendre est l'étape de la construction des représentations mentales,
- raisonner est celle de la "manipulation" des représentations mentales.
Le tableau ci-dessous schématise comment ED et TP peuvent privilégier le travail sur ces
deux étapes.
Dans le DU vous aurez à rédiger des situations pour les deux types d'ED "apprendrecomprendre" et "raisonner". Une même situation peut être rédigée de deux façons différentes
pour correspondre à un des deux types d'exercices.
Enseignements
dirigés
Travaux
pratiques
Apprendre çè comprendre
Raisonner
Les étudiants sont mis en
position d'observateurs initiés.
Les étudiants sont mis en situation
d'acteurs
L'exercice consiste:
L'exercice consiste:
- pour l'enseignant
- pour les étudiants
à exposer sans explications
à résoudre une situation problématique,
l'intégralité d'une situation concrète
et ensuite à exposer comment ils ont
problématique et la façon dont on
procédé en expliquant et argumentant
la résout. Il "conte une histoire".
leur raisonnement
- pour les étudiants :
librement ou guidés par un
questionnement de l'enseignant à
montrer qu'ils ont les pré-requis
pour comprendre la situation et
expliquer, commenter, justifier, ce
qu'ils ont observé
- pour l'enseignant:
à analyser le raisonnement des
étudiants en leur posant des questions
(enseignement "socratique"), sans se
limiter à juger de la pertinence des
solutions.
La tâche apprendre et comprendre
porte essentiellement sur des gestes
et l'usage d'outils.
La tâche de raisonner se prolonge par
une réalisation technique.
L'enseignant montre les gestes, les
étudiants les reproduisent
Les étudiants doivent comprendre
ce qui va être fait, observer les gestes
effectués par l'enseignant, puis imiter
l'enseignant et enfin s'approprier la
procédure et les gestes qui la
concrétisent.
L'exercice consiste:
- pour les étudiants à résoudre une
situation problématique, puis à exposer
comment ils ont procédé en expliquant et
argumentant leur raisonnement
- pour l'enseignant à analyser le
raisonnement des étudiants en leur posant
des questions et à observer leur savoir
faire sans se limiter à juger de la
pertinence des solutions.
ED et TP sont applicables à n'importe quel niveau d'enseignement et à n'importe quel
public ; il faut s'attacher à ce que leur contenu ait du sens pour les participants et que l'ambiance
de travail soit studieuse, mais détendue et si possible donner le sentiment d'être ludique.
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- 17 2.4 – Jeux de rôles et exercices de simulation.
Ces exercices de mises en situations font appel au raisonnement, donc mobilisent des
représentations mentales riches et complexes.
Les Jeux de rôles portent sur les rapports humains dans des situations problématiques. A
condition d'être bien organisés, de porter sur des situations rencontrées dans la vraie vie, ils
sont généralement bien accueillis et riches d'enseignement. Ils font appel à toutes les mémoires
mais la mémoire émotionnelle y a une part essentielle.
Les simulations portent sur les rapports entre l'homme et les machines dans des
situations variées (simulation de vol, de prise en charge médicale sur un mannequin réactif).
2.5 – Les stages
Les stages "sur le terrain" mettent les étudiants en face de situations réelles. Suivant le
niveau d'études ils peuvent participer à l'étape apprendre-comprendre ou à l'étape raisonner.
Le stage est la technique pédagogique la plus formatrice, la plus apte à la construction
de représentations mentales adaptées à l'exercice d'une profession, à condition toutefois que les
étudiants soient accompagnés au sens "compagnonnage" du terme.
2.6 – Les examens
Que viennent faire les examens dans les techniques d'enseignement ? Si le désir
d'apprendre a été présenté au début de ce texte sous son aspect le plus noble, le plus jouissif, le
réalisme amène à constater que plus on se rapproche des examens, plus le désir d'apprendre des
étudiants est orienté sur un seul but, les réussir.
Dans un enseignement bien conçu les examens sont pertinents, ont du sens pour l'étudiant
et par rapport à leur exercice futur, sont cohérents avec les objectifs annoncés et les modalités
d'enseignement. Dans les examens privilégiant le raisonnement les étudiants peuvent disposer
de documents ; ceux qui réussissent de tels examens ont déjà des connaissances et trouvent
simplement dans les documents une aide occasionnelle à leur mémoire sémantique ; ceux qui
n'ont pas déjà de bonnes représentations mentales échouent car dans le laps de temps donné
pour l'épreuve ils n'ont pas le temps d'apprendre, faire des liens, constituer des représentations
mentales pertinentes, enfin les manipuler et répondre correctement.
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Conclusions
Un enseignement est d'autant plus proche de l'idéal qu'il applique des principes pédagogiques
issus des acquis de la psychologie cognitive.
- Le désir d'apprendre des étudiants est d'autant plus vif qu'ils éprouvent de l'intérêt pour les
objectifs fixés, ont une part d'autonomie dans la gestion de leur apprentissage, sont respectés ;
- Les objectifs visent à l'acquisition de capacités d'action, tous ces "je sais faire" qui, ajoutés les
uns aux autres, mènent progressivement à la compétence ;
- L'enseignement aide les étudiants dans leur construction de représentations mentales justes ;
- Pour laisser aux étudiants le temps d'apprendre et une part d'autonomie, le cours magistral est
réservé aux sujets difficiles dont la dynamique d'une présentation rend la compréhension plus
aisée ; pour les connaissances théoriques simples à apprendre les étudiants sont orientés vers des
ressources accessibles à n'importe quel moment (livres, polycopiés, vidéos) ;
- Les échanges entre enseignants et étudiants se font dans le cadre d'enseignements interactifs
privilégiant le raisonnement à propos de situations concrètes ; ces modalités impliquent que les
étudiants aient acquis un pré-requis de connaissance pour être actifs ;
- La réussite à des examens pertinents est la règle.
Ces principes pédagogiques peuvent toujours être respectés. Chaque école, faculté, institut, doit
les inscrire dans sa politique d'enseignement et proposer, compte tenu du contexte, les meilleures
modalités d'application possibles à ses enseignants et ses étudiants. Tout enseignant est concerné et
doit rechercher les meilleures modalités d'application de ces principes pédagogiques à son
enseignement.
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