Bulletin du 13 mai 2013

Transcription

Bulletin du 13 mai 2013
Impossible de trouver
dans Metz une personne
parlant slovène et
français. C’est à peu
près aussi introuvable
qu’une personne parlant
télougou et français. A
l’heure du débat avec
la troupe du théâtre
Mladinsko au Saulcy, une
biélorusse s’est proposée
pour la traduction. Elle
ne parle pas slovène mais
serbo-croate comme
la plupart des acteurs
slovènes nés à l’époque
de l’ex- Yougoslavie.
Ça tombait bien : leur
spectacle questionne
l’identité dont la langue
est partie prenante. Radio
Passages a également
été le témoin d’un
phénomène rare, celui
de la traduction auto
simultanée dans les deux
sens. Une invention du
grand metteur en scène
Matthias Langhoff et
un phénomène étrange.
Matthias Langhoff parle
en effet simultanément
le français et l’allemand.
Dans la même phrase
il ménage des silences
pour se traduire
immédiatement dans
l’autre langue, il parle
littéralement le Lang-hoff.
L’étranger du jour
‘‘
‘‘
Radio Passages
internationale
Ô bel ange qui me conduit/Déjà je me sens
bien moins/Etranger au paradis/Et si tu veux
bien de moi/L’étranger dans ton paradis/Alors
nous irons je crois/Plus loin que la vie
Luis Mariano
LE BULLETIN n°10
DU FESTIVAL PASSAGES
Les coulisses de Passages
Florian Micheli, l’interprète qui speak de théâtre
Avant même l’ouverture du Festival, Florian Micheli
était déjà là pour aller chercher les Indiens du théâtre
Surabhi à leur descente d’avion à Roissy. Il ne parle
par télougou mais anglais comme quelques membres
de la troupe. Dans le car qui les emmenait à Metz, il
leur a distribué les pulls (fournis par un sponsor) et
leur a tout expliqué. « Pour le Festival Passages, je fais
les traductions de l’anglais au français. J’accompagne
aussi les artistes durant leur séjour. Surtout la troupe
indienne du Théâtre Surabhi et les deux troupes
slovènes. Il y a des changements d’accent selon les
artistes mais je m’y fais plutôt bien. Quand ils passent
à Radio Passages, il faut attraper les mots mais surtout
les expliquer, les rattacher aux différentes cultures.
Les slovènes parlent beaucoup de Tito, je dois tout
connaître sur lui. Pour les Indiens, je dois savoir que
lorsqu’ils cassent une noix de coco avant leur spectacle,
c’est une manière pour eux de convoquer un dieu
pour qu’il bénisse la représentation. Comprendre et
traduire les mots c’est une chose, mais les retranscrire
dans leur contexte en est une autre ».
Florian, 23 ans, entend se vouer au théâtre. « J’ai fait
la démarche pour entrer à Passages car je compte
effectuer un master de dramaturgie. Voir tous ces
théâtres différents, ça m’intéressait. J’avais déjà
fait un séjour en Inde et de fil en aiguille j’ai eu ce
rôle d’interprète. Ça pose la question des nouvelles
compétences, la maîtrise de l’anglais est un bagage en
plus, de nouveaux horizons s’ouvrent. Je ne sais pas si
on doit écrire pour le théâtre ou faire du théâtre que
l’on écrira plus tard ».
Bulletin conçu et réalisé par Cyndie Fornaciari, Jordan Muller, Jean-Pierre Thibaudat et avec la
collaboration de Radio Passages (Francis Kochert et Thierry Georges pour l’entretien).
Hier soir, sous une ciel à fendre l’âme, l’entrée du public sous le chapiteau AgiT pour
voir «Quand j’étais mort». De rire.
Le journal du Festival Passages
du 4 au 18 mai 2013
Tous les jours sur www.festival-passages.fr,
retrouvez :
- Les bulletins du jour
- Le magazine vidéo
Tous les jours sur http://passages.theatre-video.net
retrouvez Radio Passages en direct live vidéo de 17h à
19h et en archives dès le lendemain
Et bien plus encore sur : blog.festival-passages.fr
et facebook.com/festivalpassages
Bulletin n°10 - lundi 13 mai 2013 -
Entretien avec Jean De Pange :
être(s) « d’ailleurs » et d’ici
Son théâtre est le reflet de réalités opaques. Metteur en scène et directeur de
la compagnie Astrov, Jean de Pange s’immerge, pour le Festival Passages, dans
le quotidien d’étrangers qui vivent à Metz. « C’est un travail que Jean-Pierre et
Charlie m’ont demandé bien longtemps avant le début du Festival. Travailler avec
des étrangers qui vivent ici, à Metz. On a réfléchi longuement au projet. On s’est
arrêté sur quelque chose de singulier ». Sous le titre générique « D’Ailleurs », six
formes particulières. « C’est du théâtre documentaire. Je mets en scène six étrangers
qui, pour la plupart, ont été demandeurs d’asile ou le sont encore. Ils acceptent de
se prêter au jeu le temps du Festival, d’être mis en scène par moi et mon équipe. Je
souligne ce point car c’est très complexe pour eux de réaliser une telle chose avec
autant de pudeur. Avant tout chose, il a fallu trouver ces six personnes. Ça n’a pas
été simple, il nous a fallu beaucoup de temps au mois de janvier pour rencontrer
un maximum de personnes. Se faire une idée de ce qu’était le quotidien de ces
réfugiés politiques, ces sans-papiers. J’ai effectué beaucoup d’entretiens avec des
femmes, des hommes de différents pays. Il n’y a eu que très peu de volontaires
pour s’engager plus avant dans le projet. La dimension la plus compliquée était de
trouver ces personnes qui acceptent de jouer le jeu. ».
Le metteur en scène français avait présenté « Understandable ? » dans le cadre de
Passages, il y a deux ans, avec une troupe mixte française et japonaise : comment
se comprendre quand on ne parle pas la langue de l’autre. C’était du théâtre à
part entière. Cette fois, Jean de Pange emprunte des voies de traverse. « Il ne
m’appartient pas de dire si c’est un spectacle ou pas. La singularité aussi c’est
que toutes ces performances ne se jouent qu’une seule fois. Elles sont toutes
très différentes. Parfois, je pense que certaines sont peut-être du théâtre, pour
d’autres je n’en suis pas sûr. La thématique reste toujours la même. C’est toujours
un instantané consacré à un étranger, qui vit ici et qui nous fait part d’un récit de
vie. Ils sont Afghans, Serbes, Algériens, Congolais... Les participants ont désormais
tous le statut de réfugié politique. La galère est un peu derrière eux. Il n’était pas
envisageable de travailler avec des gens dans une situation de précarité absolue.
J’avais fait ça il y a une douzaine années, ça avait été très dur. »
L’une des six personnes manque à l’appel. Au micro de Radio Passages, Jean de
Pange a raconté cette absence « Cette personne dont je tais évidemment le nom
(je vais l’appeler François) s’est désistée à quelques semaines du Festival. J’avais
très longuement espéré, pendant des semaines, qu’elle accepte de jouer le jeu. Je
ne présente donc que cinq représentations au lieu de six. Mais j’avais tenu un petit
journal des échanges que j’avais eus avec François. Pour moi, c’est une bonne idée
de faire la lecture de ce journal sur Radio Passages ».
Suite à écouter-voir sur http://passages.theatre-vidéo.net
Quand les
gestes ont la
parole
Ne cherchez pas à lire
les surtitres du spectacle
« Quand j’étais mort »,
il n’y en a pas mais tout
est dit. Autrement. Le
scénario du spectacle est
calqué sur un film muet
d’Ernst Lubitsch réalisé
en 1916. Il fallait toute la
curiosité et l’espièglerie
de Diego de Brea, un
jeune metteur en scène
slovène, pour adapter au
théâtre ce film oublié un
siècle après. La troupe
du théâtre national de
Ljubljana ne pipe pas un
mot, du moins de mots
articulés. Tout passe par
les gestes, les mimiques,
les grimaces. L’absence de
texte dialogué donne une
liberté totale au geste. Et
les acteurs se font plaisir,
débordant d’humour. A
la fois fin et salace. Si la
pièce n’a pas besoin de
mots pour être comprise,
les spectateurs n’ont plus.
Leurs applaudissements
interminables à la fin
du spectacle, le soir de
la première, sont la plus
éloquente des réponses.
« C’est juste à mourir de rire »
Des éclats de rire du début à la fin. Isabelle était dans
les gradins du chapiteau AgiT pour la première de
« Quand j’étais mort », le second spectacle slovène.
A la sortie, elle était encore hilare. « La belle-mère
est juste géniale, c’est mon personnage préféré. Ses
grimaces immondes, sa mauvaise foi, les coups qu’elle
donne à sa fille avec plus ou moins de discrétion. Le
fait qu’aucun acteur ne parle, étrangement ça les
rend plus expressifs, plus humains. Ça fait plaisir de
voir un spectacle étranger sans être obligé de lire
tous les surtitres pour comprendre l’histoire, hormis
quelques informations ». La jeune femme se souvient
du bouchon et en rit encore. « Ce qui est dingue aussi
c’est qu’ils font des trucs très pervers, notamment
avec le bouchon. L’absence de la parole leur permet
de faire ça très vite et de manière naturelle, sans
aucune vulgarité. C’est juste à mourir de rire. Il n’y
a que du comique de geste ou de situation, Quand
ils faisaient n’importe quoi en passant par la porte
blanche, j’avais un fou rire. La forme de ce théâtre est
très simple mais c’est la plus efficace pour l’humour.
De ce côté-là, c’est mon spectacle préféré depuis le
début du Festival ».
Il jouait du piano de dos
Il vous tourne le dos. On ne voit jamais de face le
visage de Jože Salej pendant la représentation de
« Quand j’étais mort ». Il se tient sur le côté, derrière
un piano. Ses notes servent de fil rouge au spectacle.
Omniprésente tout au long de la représentation, sa
musque accompagne le jeu des acteurs. Tous leurs
mouvements sont calqués en fonction des notes
jouées par le pianiste. Grace à la complicité des
deux, pianiste et acteurs, une simple partie d’échec
se transforme en une scène épique. Servir un verre
de vin devient un charivari. Dans ce spectacle inspiré
d’un film muet les acteurs ne parlent pas, la musique
s’en charge.
Bulletin n°10 - lundi 13 mai 2013 -