dossier de presse La Nuit des Rois - Théâtre de Saint-Malo
Transcription
dossier de presse La Nuit des Rois - Théâtre de Saint-Malo
La Nuit des Rois LA PRESSE Nous gardions un souvenir enchanté de La Nuit des rois de Shakespeare, en juin dernier, dans le cadre du Festival d'Angers, devant la façade du château du Plessis-Macé. Repris au Théâtre Comédia, à Paris, il se révèle un délicieux et remarquable spectacle. Cette comédie lyrique et romantique est sans doute la plus gracieuse et la plus achevée de celles laissées par Shakespeare. Sa liberté est prodigieuse, on a même souvent parlé d'anarchie à propos de sa construction : aucun souci d'unité ; un va-et-vient joyeux entre l'intrigue amoureuse et la farce, la poésie et la bouffonnerie ; une vivacité et une élégance d'écriture éblouissantes, dont la traduction de Jean-Michel Déprats donne toute la mesure. On est dans un rêve d'amour d'une immense tendresse. Les sentiments y bondissent comme des danses du coeur, ils sont graves et fragiles, la sagesse et la folie s'y mêlent, la douceur et l'énergie, dans des situations cocasses où tout est surprise, méprise, caprice, malice et, en fin de compte, bonheur. Toute la légèreté douloureuse de Shakespeare s'y donne libre cours, cette générosité mélancolique, ce regard sans illusion sur les passions et les jeux du coeur, et toujours cette joie irréductible, cet appétit de jouissance qui vient apaiser les blessures de l'âme. Cette fantaisie d'amour est inondée de jeunesse, c'est-à-dire de grâce, de sincérité et de vitalité. La mise en scène de Nicolas Briançon est exactement à ce diapason. Un mariage parfait de délicatesse et d'audace. La poésie des scènes romanesques revient à Sara Giraudeau, dont l'innocence, la fraîcheur et le charme sont merveilleux, et à l'exquise Chloé Lambert, l'une et l'autre confrontées à l'excellent Yannis Baraban dans un savoureux imbroglio amoureux. Quant à la farce, que Briançon a poussée à son extrême, parfois jusqu'au délire, dans un mouvement étourdissant, elle est assurée par un trio irrésistible, rompu à tous les secrets du genre : Yves Pignot, Jean-Paul Bordes et Henri Courseaux. Arié Elmaleh les accompagne d'une très jolie manière dans le beau rôle du bouffon Feste. On ne saurait trop louer l'unité du spectacle et la qualité de sa réalisation - on pense au décor élégant de Pierre-Yves Leprince, à l'humour des costumes de Michel Dussarat, à la chorégraphie de Karine Orts, à la musique de Jean-Claude Camors. Bref, une réussite totale, une joie, un enchantement intact. Philippe Tesson 3 La Nuit des Rois Pour mettre en scène la brillante comédie de Shakespeare, Nicolas Briançon dit s’être inspiré de Lubitsch, Capra, mais aussi de Wilde et Shaw… Humour et humeur festive sont bien au rendez-vous, avec l’accent mis sur la bouffonnerie et la farce quand est déclinée et multipliée l’ombre d’un Falstaff paillard et rubicond en kilt écossais. Ce joyeux parti pris à l’emporte-pièce occulte certes la poésie, le romantisme, l’ambiguïté des sentiments mais sans trahir l’auteur. Le dessin précis des personnages les fait ressembler à ceux d’une BD dans les costumes de Michel Dussarat. L’interprétation, enlevée, est excellente : Sara Giraudeau, sûre et sensible, Chloé Lambert, piquante, Arié Elmaleh, également musicien, et Henri Courseaux, Yves Pignot, Jean-Paul Bordes dont les numéros comiques sont irrésistibles. Un spectacle tout public. Ceux qui trouvent Shakespeare rébarbatif changeront d'avis en allant voir cette comédie joyeusement folle. Des histoires d'amour contrariées où l'humour a son mot à dire. Servie par une distribution inattendue, notamment Sara Giraudeau travestie en garçon, Arié Elmaleh en bouffon et Chloé Lambert dans la robe d'une comtesse. Sans oublier un duo clownesque craquant : Henri Courseaux et Yves Pignot. Un ravissement pour les yeux et les oreilles. 4 La Nuit des Rois God Save the Kings. Nicolas Briançon n'est pas allé chercher « minuit » à 14 heures. Sa « Nuit des rois », de Shakespeare, qu'il met en scène dans un des temples des boulevards parisiens, le Théâtre Comédia (ex-Eldorado), est menée tambour battant, comme un vaudeville joyeux. La pièce est brillante, légère, traduite admirablement par Jean-Michel Déprats. Briançon colle à ses mots, à son rythme d'enfer, la tirant presque vers Feydeau. Ce n'est pas seulement à cause du lieu : le metteur en scène, directeur du Festival d'Anjou (où le spectacle a été créé cet été), semble s'être amusé à marier les traditions du « public » et du « privé » - tant dans l'esthétique du spectacle, stylisée mais un brin clinquante, que dans le jeu des acteurs. Ainsi François Siener (Antonio, sauveur d'un des jumeaux, héros de la pièce), semble sorti d'un « Roi Lear » austère ; tandis qu'Emilie Cazenave (Maria, suivante machiavélique de la belle comtesse Olivia) semble échappée d'un Labiche débridé. « La Nuit des rois » - dont le titre évoque sans doute la douzième nuit après Noël de 1601 où la pièce fut créée - est un savant méli-mélo comique. Les jumeaux Viola et Sébastien sont dans un bateau. Une tempête… et les deux tombent à l'eau, à proximité d'un pays imaginaire L'Illyrie. Chacun est sauvé de son côté, mais croit l'autre mort. Déguisée en valet, Viola-Cesario va jouer les entremetteurs du duc Orsino (qu'elle aime en secret) auprès de la comtesse Olivia. Cette dernière, insensible aux avances du duc, tombe amoureuse de la jeune travestie. Sur cet imbroglio sentimental se greffe une autre intrigue : l'entourage de la comtesse, Maria sa suivante et de joyeux lurons portés sur la boisson, décident de se venger de l'intendant puritain Malvolio, qui régit la place, en le faisant passer pour fou. L'arrivée de Sébastien à la fin de la pièce va résoudre (presque) tous les problèmes, non sans avoir provoqué de nouveaux quiproquos. Pour tenir le rythme imposé par Briançon, fait de brèves cassures, de gags et de gigues, il fallait une troupe émérite. Les treize acteurs remplissent leur contrat Sara Giraudeau en tête, énergique, pétillante, claire comme de l'eau de roche, très crédible en vrai-faux garçon (Viola-Cesario). Yves Pignot (sir Toby) JeanPaul Bordes (sir Andrew), Henri Courseaux (Malvolio) composent un trio burlesque irrésistible. Chloé Lambert, incarne avec subtilité la belle Comtesse, d'abord hautaine, puis délicieusement folle d'amour. Arié Elmaleh, en revanche, est encore un peu fragile dans le rôle délicat du bouffon Feste. Le spectacle n'est certes pas sans défaut : la lecture enthousiaste de Briançon a tendance à gommer le mystère du texte, la drôlerie l'emportant sur la magie et la folie. …Mais l'essentiel est sauf. Shakespeare, plus Déprast, plus Briançon : la formule fait rire et trépigner le public des boulevards. « God save the kings ! ». Philippe Chevilley 5 La Nuit des Rois Une impériale et joyeuse «Nuit des rois». Coup d'envoi du 60e Festival d'Anjou avec la comédie de Shakespeare jouée par Sara Giraudeau et Chloé Lambert. Un parfum d'herbe fraîchement coupée, mêlée à l'humidité des pierres anciennes du château de Plessis-Macé, près d'Angers, accueille les amateurs de spectacles en plein air. Cet exemple de gothique flamboyant est le haut lieu du Festival d'Anjou qui a ouvert sa 60e édition avec La Nuit des rois de Shakespeare. «Il va bien ici», observe l'écrivain Florian Zeller venu par amitié pour Chloé Lambert, l'une des héroïnes de ce qui est peut-être la comédie la plus aboutie du dramaturge. «En France, on a trop longtemps intellectualisé Shakespeare, mais il est très drôle. La plus grande difficulté, c'était d'être lisible», estime Nicolas Briançon. À 21 h 30, en préambule, devant la façade du château, sur une simple scène composée de planches en bois, le responsable rendra hommage aux «pères» du Festival d'Anjou : René Rabault qui avait monté Roméo et Juliette au château de Brissac, en 1950, Albert Camus, Jean-Claude Brialy et Francis Perrin. Distributions de bonbons, mouchoirs en papier, cirés et polaires, l'intéressé chasse moustiques et autres insectes volants non identifiés, avant de se concentrer. «Je suis venue voir mon amoureux, il est accessoiriste», confie Claire, une jeune femme brune. Virginie Ledoyen aussi : son compagnon, Arié Elmaleh, campe le bouffon d'Olivia (Chloé Lambert, elle même soutenue par Raphaël Enthoven). À 22 heures, un orage éclate, mais pour les besoins de la pièce et le naufrage du navire des jumeaux, Viola (Sara Giraudeau) et Sébastien (Thibaut Lacour), échoués en terres d'Illyrie, auxquels le destin joue un tour facétieux. Travestie, la première devient le messager de l'amour du comte Orsino (Yannis Baraban) pour Olivia qui lui préférera le jeune page. La Nuit des rois (Twelfth Night) est la nuit des fous où les coeurs déraisonnent, les sentiments s'envolent, se déguisent et où «ce qui est n'est pas». Les chevaliers, - irrésistibles Yves Pignot et Jean-Paul Bordes - rivalisent de pitreries tandis que les demoiselles désespèrent de trouver leur âme soeur. Signalons encore Henri Courseaux, l'intendant d'Olivia, aux faux airs de Jacques François, détonant avec ses jarretières croisées et ses bas jaunes. Durant deux heures trente, sur un rythme effréné, Nicolas Briançon offre un divertissement royal, une fête pour les sens, qui mêle allégrement la farce loufoque et le romantisme propres à l'esprit shakespearien. Sa troupe a droit à une standing ovation. «C'est formidable, c'est moderne !» lance Virginie Ledoyen au metteur en scène soulagé. Chloé Lambert verse une larme, Sara Giraudeau, sensationnelle dans un rôle double, et modeste, prend déjà la résolution de «s'améliorer.» Nathalie Simon 6 La Nuit des Rois Le théâtre est à la fête dans cette comédie de Shakespeare mise en scène avec une belle intelligence par Nicolas Briançon. Il se passe plein de choses dans cette pièce. Shakespeare s'est amusé à tricoter plusieurs intrigues. Il y a celle du duc Orsino, amoureux éconduit de la belle et riche comtesse Olivia. Orsino, magnifiquement interprété par Yannis Baraban, vêtu d'une chemise blanche, clame sa douleur. Olivia est incarnée subtilement par Chloé Lambert, belle comme un cœur. Là, nous sommes dans le drame romantique. Il y a l'histoire des jumeaux séparés lors d'un naufrage. La fille, Viola, prenant l'identité d'un garçon, entre au service du duc dont elle est amoureuse. Sara Giraudeau est parfaite dans son rôle de jeune homme malhabile et loyal. Tout se corse lorsqu'Olivia tombe amoureuse de celle qu'elle prend pour un gentil homme. Là, nous passons dans la comédie des sentiments qui bascule dans le vaudeville quand surgit le frère jumeau (Thibaud Lacour). Et comme souvent chez Shakespeare, les personnages secondaires ont une place importante et nous glissons alors dans la farce. Dans cette pièce, nous sommes gâtés car l'auteur ne les a pas ratés. On trouve un fou, génial Arié Elmaleh, un bon vivant, prodigieux Yves Pignot, un benêt, irrésistible Jean-Paul Bordes, un dindon de la farce, incroyable Henri Courseaux, et une comploteuse, fabuleuse Emilie Cazenave. C'est un véritable travail de troupe où chacun a sa place, il faut donc aussi citer François Siener, Pierre-Alain Leleu, Aurore Stauder et Sophie Mercier. L'interprétation des comédiens est des plus réjouissante. Quant à la mise en scène de Nicolas Briançon, elle est d'une élégance digne des grandes comédies américaines. C'était son objectif, il l'a brillamment atteint. Marie-Céline Nivière 7 La Nuit des Rois Le théâtre est parfois simple comme une addition. Ainsi, en subsumant le comique lunaire d’Henri Courseaux, celui, onctueux, de Jean-Paul Bordes, l’énergie pimpante de Sara Giraudeau et l’incandescence amoureuse de Chloé Lambert, Nicolas Briançon assure la réussite de cette Nuit des Rois joyeuse et juvénile. Shakespeare l’a conçue ainsi, farandole de saynètes tendres ou drôles, fantaisie brodée sur une trame coutumière : le travestissement, l’androgynie, le trouble des sens et le chassé-croisé des désirs. On peut regretter que l’addition ne le cède jamais à la multiplication, qu’aucun crescendo ne vienne entraîner la pièce vers les hauteurs. Mais on peut aussi se régaler de chacun de ces morceaux de bravoure et festoyer à ce buffet de théâtre. suppl. ParisObs Une jeune naufragée qui se déguise en homme pour séduire le prince qu’elle convoite, et se trouve si jolie en garçon qu’elle rend folle d’amour la dame convoitée par le prince. Un fou aux formules brillantes et à la voix d’or. Et quelques compères viveurs et gaillards qui rythment le tout de leurs bouffonneries désopilantes. « La Nuit des rois » est la plus échevelée, la plus brillante, et la plus aimée sans doute, des comédies de Shakespeare. Quel bonheur de la voir ici montée avec cette fougue, cette drôlerie. Tout est bien dans ce spectacle généreux, la mise en scène de Nicolas Briançon, le jeu des treize comédiens. Il rendra joyeux les mélancoliques, émouvra les cœurs tendres et montrera à tous le plaisir que l’on peut prendre à goûter un grand texte, quand il est bien servi. Courez-y ! 8 La Nuit des Rois C’est la comédie des travestis. Shakespeare s’en donne à cœur joie, et Nicolas Briançon, l’inventif metteur en scène, aussi, et Jean-Michel Desprats, le traducteur, qui ont transposé l’action dans une Angleterre du début du XXème siècle, quelque prt entre Lubitsch, Frank Capra ou le Billy Wilder de « Certains l’aiment chaud ». C’est une variante hilarante sur l’amour, le désir, le mensonge, l’ivresse, l’illusion : un tourbillon. Un bal des débutantes où l’on se tromperait volontiers de sexe, histoire de multiplier les hypothèses. Il suffit d’un naufrage pour amorcer les pirouettes, sur les côtes d’une Illyrie de fantaisie qui ressemble plus à l’Ecosse du Sud avec ses robustes chevaliers aux genoux nus sous le tartan qu’à la côte de Trieste ou d’Istrie sur l’Adriatique. Sur ce pays règne Orsino (Yannis Baraban), au cœur sensible, qui en pince pour la belle et riche comtesse Olivia (Chloé Lambert), laquelle ne veut rien savoir. Elle va en échange devenir folle dingue de la naufragée Viola (Sara Giraudeau, un joli fruit acide), qui s’est habillée en gentilhomme Cesario pour avoir la paix avec le sexe fort. D’où pour elle des avanies à répétition à mesure que cette « transsexuée » met son ardeur à plaider la cause de son maître ducal dont elle est en secret éprise. A l’autre bout de l’île, son frère jumeau Sébastien (Thibaud Lacour), qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, pose cependant le pied sur cet aimable rivage en folie, sauvé de la fureur des flots par Antonio (François Siener). Mais Shakespeare se le garde pour la bonne bouche. Pour l’heure, les palais seigneuriaux sont agités par les beuveries retentissantes de l’inénarrable Toby (Yves Pignot s’éclate), parent de la comtesse Olivia, tombé dans un fût de pinard, et que suit comme son ombre un Matamore à l’ahurissant béret vert, sir Andrew (Jean-Paul Bordes), plus le fort, actif et remarqué Feste, fouffon de la même Olivia (Arié Elmaleh), champion de la vanne et du tambourin. Entre ce trio infernal de trublions professionnels et Malvolio l’épatant (Henri Courseaux), intendant puritain, arrogant pisse-vinaigre de la comtesse, les simples piques virent au jeu de fléchettes empoisonnées grâce à Maria (Emilie Cazenave), suivante de la patronne, fine mouche au dard vicieux qui, imitant l’écriture de sa maîtresse, fait parvenir au dédaigneux majordome une pseudo-lettre d’amour où il lui est conseillé de faire en tout point ce qu’elle exècre. Par bonheur, le vrai Sébastien apparaît enfin, permettant à sa jumelle de vaquer à ses amours hétérosexuelles tandis qu’il convole de son côté avec Olivia, qui s’était éprise de sa frangine à défaut du même modèle en mâle. Peut-être aurait-on pu gagner un bon quart d’heure du côté de l’heureuse issue de ce texte déjà amplement coupé. Mais il y a tant de moments de jubilation dans ce spectacle tant de trouvailles, d’insolence et de richesses qu’on se console vite de cette faiblesse d’un instant, les moments les plus extravagants, dans les beaux décors simplifiés à l’extrême de Pierre-Yves Leprince, demeurant ceux où s’escriment parmi les filles à moustache les seniors poilus aux genoux dénudés. Bernard Thomas 9 La Nuit des Rois Deux intrigues s’entrelacent dans cette pièce ainsi nommée parce que créée le jour de l’Epiphanie. La comédie sentimentale où Viola, déguisée en garçon, se voit chargée par le duc, dont elle est secrètement amoureuse, d’exposer pour lui sa passion à Olivia. (Catastrophe ! Celle-ci s’éprend du messager et non de l’auteur du message). Et puis la farce : le canular dont Malvolio est victime quand ses ennemis jettent sous ses pas une fausse lettre d’amour d’Olivia. Déjà vaniteux de nature, l’intendant se met à faire la roue, à se pavaner devant sa patronne qui le croit frappé de folie. Henri Courseaux (Malvolio), Yves Pignot (sir Toby) et JeanPaul Bordes (sir Andrew, le snob froussard), à qui le kilt sied à merveille, font de brillants numéros de clowns ; dans le genre mutin, le ton de Sara Giraudeau vaut le minois… Jacques Nerson Emmenée sur un rythme échevelé par quatorze comédiens éclatants, la célèbre pièce de Shakespeare tend, sous la baguette de Nicolas Briançon, vers la pure comédie. Une façon de renouer avec l’esprit du maître. Une vraie réussite. De toutes les comédies shakespeariennes, La Nuit des rois n’est pas seulement la plus célèbre : elle est certainement la plus enlevée. Autour d’une intrigue naviguant allégrement en pleine invraisemblance, Shakespeare déploie son génie littéraire avec une fougue irrésistible. Echoués sur les côtes d’Illyrie, Viola et son jumeau Sébastien ont tous les deux survécu à la tempête qui fit chavirer leur navire. Mais, le naufrage les a séparés, laissant chacun persuadé que son jumeau a disparu. Désespérée par la mort de son frère, Viola trouve refuge à la cour du duc Orsino, seigneur d’Illyrie, en se travestissant en homme. Elle devient son page et, secrètement amoureuse de son nouveau maître, elle doit chaque jour plaider la cause du duc auprès de la belle Olivia. Mais, refusant obstinément les avances d’Orsino, Olivia cède aux charmes de cet étrange messager. Quand Sébastien fini par ressurgir, son extraordinaire ressemblance avec Viola sème encore un peu plus le trouble dans les esprits d’Illyrie. Shakespeare décline toutes les figures emblématiques de son théâtre. La différence tient à ce que les châteaux aux tours crénelées, les naufrages, les guerres, les trahisons et les amours contrariées, sont ici au service du pur divertissement. Il n’en fallait pas plus pour séduire Nicolas Briançon. Fidèle à l’esprit du texte, le metteur en scène rend ses lettres de noblesse au genre comique. Surtout, il embarque dans l’aventure une troupe remarquable où Sara Giraudeau, Chloé Lambert et Arié Elmaleh s’affirment au milieu de seconds rôles extraordinaires. La Nuit des rois ou l’expérience du théâtre total. Charles Saacy 10 La Nuit des Rois ENTRETIEN avec Nicolas Briançon Rappels. Il est très rare ces dernières années de voir un Shakespeare se monter dans un théâtre privé. Comment votre choix s’est-il porté sur La Nuit des rois ? Le spectacle a été monté dans le cadre du Festival d’Anjou dont j’assure la direction artistique et qui, il y a soixante ans, s’ouvrait avec un Shakespeare : La nuit des rois était donc une façon de boucler la boucle en célébrant cet anniversaire. Mais en fait, ça faisait longtemps que j’avais envie de me frotter à Shakespeare et cette pièce a toujours été la comédie de lui que je préfère. C’est assez rare, mais c’est une pièce dont j’ai su très rapidement ce que j’allais en faire, comment je voulais la monter. En général je choisis des textes instinctivement, sans trop savoir par quel bout je vais les prendre. Là, non, j’avais des idées très précises de ce vers quoi le spectacle allait tendre. Ces idées se sont elles confirmées sur le plateau pendant le travail avec les comédiens ? Ce sont en tout cas celles qu’on a mises en œuvre : en terme de rythme, de transposition, de clarté du propos. Je savais ce que je voulais faire des personnages et ce que je voulais éviter : ça a permis de gagner un temps considérable avec les comédiens. On verra, à l’épreuve du public, si ces idées étaient bonnes ! Au festival d’Anjou, votre mise en scène a remporté un véritable triomphe. Redoutez-vous l’accueil parisien ? Pas particulièrement. Parce que, entre le festival et la première parisienne, nous avons eu plus d’un mois de travail. Mais je sais que c’est un pari risqué : quand je cherchais une salle à Paris pour ce projet, j’en ai parlé à plusieurs directeurs qui levaient les yeux au ciel en disant que c’était impossible. Il n’y a que Maurice Molina (directeur du Théâtre Comedia) qui soit assez fou pour accepter une aventure pareille. Il a été immédiatement intéressé et il a mis tout son enthousiasme, toutes ses ambitions dans le projet. C’est un véritable passionné de théâtre. La troupe de cette nuit des rois est exceptionnelle, pas seulement parce qu’elle est très nombreuse, mais parce qu’elle réunit des personnalités très fortes… Oui, c’est l’autre grande raison pour laquelle j’ai choisi cette pièce : j’aime travailler avec une troupe nombreuse et je savais que La nuit des rois serait un excellent prétexte pour rassembler une équipe extraordinaire. Une équipe qui a justement cette inventivité que j’aime tant. 11 La Nuit des Rois J’aime les acteurs, peut-être parce que j’en suis un aussi. Je les aime même quand ils sont chiants, même quand ils se perdent dans leurs peurs, dans leurs angoisses idiotes. Cet amour des comédiens m’aide beaucoup dans le travail de mise en scène : en l’occurrence, je les ai vraiment poussés à tirer le texte à eux. Chacun d’entre eux est, pour moi, l’interprète idéal de son personnage : je le leur ai dit immédiatement, pour les libérer. Ensuite ils ont pu s’approprier leur personnage avec beaucoup d’invention, de liberté et de simplicité. Cette façon de donner le pouvoir au comédien est très frappante dans votre mise en scène. Vous laissez la part belle au jeu … C’est un peu une tarte à la crème de dire que la simplicité est difficile à obtenir, mais c’est vrai. Ma direction d’acteur consiste justement à chercher le geste le plus simple et le plus proche de l’auteur : pour les comédiens c’est un travail qui suppose une adhésion totale au texte. Avec une pièce aussi géniale et aussi compliquée à déchiffrer que La nuit des rois, dont la langue n’est pas si facile à manier, il est absolument nécessaire de chercher la simplicité. Pendant les premières lectures, dans ce moment où chacun tente des choses alors que tout le monde n’est pas encore bien accordé, j’ai vraiment eu l’impression qu’on ne comprendrait rien ! Le besoin de simplicité était évident… Mais c’est vrai de toutes les grandes pièces : tout ce qui, dans le jeu, est superflu est en trop ! Cette pièce joue sur plusieurs registres, depuis le drame jusqu’à la comédie la plus débridée. Comment avez-vous trouvé l’équilibre ? C’est ce qui est fantastique dans Shakespeare : sa liberté. Il adopte des tons différents, il change de lieux ou d’époque avec une virtuosité étourdissante. Il a une confiance absolue en la convention théâtrale : rien n’est vraisemblable, mais il sait que le public va le suivre partout, dans tous ses rebondissements. Pour un metteur en scène, c’est pareil : il suffit de se laisser guider par Shakespeare. Dans la seconde partie, il va même très loin dans la comédie. Ça semble presque aberrant, mais il y a quelque chose d’assez proche de Feydeau dans cette histoire qui va trop vite pour les personnages, dans l’accumulation de quiproquo qui s’enchaînent. Le rythme de la pièce s’est finalement imposé assez naturellement : très vite on s’est mis d’accord autour de l’idée de personnages embarqués dans un rythme qui les dépasse. David Roux 12