TA Montpellier 3.8.2016 Ordo L.313-11 6° doute sérieux

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TA Montpellier 3.8.2016 Ordo L.313-11 6° doute sérieux
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE MONTPELLIER
REPUBLIQUE FRANÇAISE
N°1603643
___________
M. Maoulida CHOUHOULI
___________
Mme Crampe,
Juge des référés
___________
Ordonnance du 3 août 2016
___________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif de Montpellier
Le juge des référés
C
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2016, M. Maoulida Chouhouli, représentée par
Me Gillioen, demande au tribunal :
1°) de prononcer la suspension de la décision implicite du préfet de l’Aude portant refus
de renouvellement de son titre de séjour ;
2°) d’enjoindre au préfet de l’Aude, à titre principal, de lui délivrer une autorisation
provisoire de séjour sous 15 jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard en attendant
qu’il soit statué sur le fond de sa requête, et à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision
sous 15 jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l’Etat au versement d’une somme de 1 000 euros au titre des
dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les deux conditions cumulatives de l’article L. 521-1 du code de justice
administrative sont remplies, et que :
Sur l’urgence :
- il est maintenu dans une situation administrative précaire alors qu’il a à sa charge trois
enfants et sa concubine, et ne peut travailler ni disposer d’une pleine couverture sociale ;
Sur le doute sérieux :
- ressortissant comorien entré à Mayotte en 1996 à l’âge de 19 ans, il vit avec sa
concubine dont il a trois enfants et l’aîné est devenu français par déclaration en 2011 ; il a obtenu
un titre de séjour en sa qualité de parent d’enfant français en 2013 ;
- il s’est rendu en métropole le 19 juillet 2015 pour y trouver un emploi, et alors qu’il
avait demandé le renouvellement de son titre de séjour le 23 août 2015 auprès de la préfecture de
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l’Aude, s’est vu verbalement informer que la préfecture de Mayotte s’opposait à ce que le titre de
séjour lui soit délivré ;
- il a saisi la préfecture de l’Aude d’une demande de motifs du refus implicite opposé à sa
demande, demeurée sans réponse ; la décision implicite, dépourvue de motivation, méconnait
ainsi les dispositions de l’article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- sa demande n’a pas été instruite, sa situation personnelle n’a pas fait l’objet d’un
examen comme le préfet y était tenu ;
- les dispositions du 7° de l’article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales sont méconnues, eu égard à l’implantation de sa vie
privée et familiale à Mayotte depuis 1996, à la scolarisation de ses enfants depuis qu’ils y sont
nés, alors qu’il participe à l’entretien des enfants et au loyer de la chambre occupée par sa
famille, et qu’il disposait d’un titre de séjour délivré sur le fondement du 6° de l’article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en sa qualité de parent
d’un enfant français ;
- la décision porte atteinte à l’intérêt supérieur de ses enfants mineurs, qui ont intérêt à ce
que leur père séjourne régulièrement sur le territoire sans être exposés au traumatisme d’une
mesure de retenue pour vérification du droit au séjour, à laquelle sa situation actuelle l’expose
puisqu’il est même dépourvu d’un récépissé valide ; il est dans une situation de précarité
administrative et financière préjudiciable aux enfants.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du
code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Crampe pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus à l’audience publique du 2 août 2016 :
- le rapport de Mme Crampe, juge des référés,
- les observations de Me Gillioen, représentant M. Chouhouli, qui soutient, outre les
moyens de la requête, que M. Chouhouli remplit les conditions du 6 de l’article L. 313-11 du
code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour voir renouveler son titre de
séjour en qualité de parent d’enfant français.
La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.
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1. Considérant que M. Chouhouli demande au juge des référés d’ordonner, sur le
fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de
la décision implicite par laquelle le préfet de l’Aude a refusé de faire droit à sa demande, formée
le 23 aout 2015, de renouvellement d’un titre de séjour délivré à Mayotte en qualité de parent
d’enfant français ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou
en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension
de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il
est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la
légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en
annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin
au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision » ;
En ce qui concerne l’urgence :
3. Considérant que, eu égard à son office, le juge des référés est tenu d’examiner s’il
satisfait ou non à la condition d’urgence posée par l’article L. 521-1 du code de justice
administrative et que même si la condition d’urgence est en principe constatée dans le cas d’un
refus de renouvellement du titre de séjour comme dans le cas d’un retrait de celui-ci, il lui
appartient d’apprécier l’urgence objectivement compte tenu de l’ensemble des éléments de droit
et de fait qui lui sont soumis ; qu’en l’espèce, le refus opposé à M. Chouhouli de renouveler le
titre de séjour dont il disposait en qualité de parent d’enfant français le place dans une situation
précaire ; que sa requête remplit en conséquence la condition d’urgence exigée par les
dispositions précitées de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ;
En ce qui concerne l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la
légalité de la décision :
4. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 313-11 du code de l'entrée et
du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour
l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est
délivrée de plein droit : / (…) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou
mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer
effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par
l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans
que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (…) » ; que d’autre part, l’article L. 111-3
du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse, dispose qu’« Au
sens des dispositions du présent code, l'expression "en France" s'entend de la France
métropolitaine, des départements d'outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon de SaintBarthélemy et de Saint-Martin » ;
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5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. Chouhouli, ressortissant comorien, a
déposé le 23 août 2015 une demande de renouvellement de son titre de séjour délivré par le
préfet de Mayotte en sa qualité de parent d’enfant français, son fils Ansifidine étant alors âgé de
17 ans ; qu’il n’a pas obtenu de décision expresse sur sa demande, et soutient sans être contredit
qu’il lui a été indiqué verbalement le 9 septembre 2015 par les services de la préfecture de
l’Aude que le préfet de Mayotte s’opposait au renouvellement de son titre de séjour ; que M.
Chouhouli soutient sans être contredit qu’il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation
de son fils Ansifidine, lequel est de nationalité française, et vit à Mayotte, soit en France au sens
des dispositions de l’article L. 111-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit
d'asile ; que M. Chouhouli établit en effet qu’il adresse de l’argent à sa famille de façon
régulière ; que dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6 de
l’article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est, en l’état de
l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision implicite attaquée ;
qu’il convient, dans ces conditions, d’en prononcer la suspension et d’enjoindre au préfet de
l’Aude de réexaminer la situation de M. Chouhouli dans un délai d’un mois à compter de la
notification de la présente décision et dans l’attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de
séjour ; qu’il n’y a pas lieu en revanche d’assortir cette injonction d’une astreinte ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
« Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie
perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non
compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la
partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire
qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
7. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de
l’Etat une somme de 1000 (mille) euros à verser à M. Chouhouli au titre des dispositions de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ORDONNE:
Article 1er : La décision implicite de rejet de la demande de renouvellement du titre de séjour de
M. Chouhouli est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l’Aude de procéder dans un délai d’un mois à un examen de
la demande de M. Chouhouli et dans l’attente de lui délivrer une autorisation provisoire de
séjour.
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Article 3 : L’Etat versera une somme de mille (1 000) euros à M. Chouhouli.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Maoulida Chouhouli et au préfet de l’Aude.
Fait à Montpellier, le 3 août 2016.
Le juge des référés,
S. CRAMPE
La République mande et ordonne au préfet de l’Aude en ce qui le concerne et à tous
huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties
privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Montpellier le 3 août 2016.
Le greffier,
F. BALICKI