informations sur les bacteries hautement resistantes aux antibiotiques
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informations sur les bacteries hautement resistantes aux antibiotiques
INFORMATIONS SUR LES BACTERIES HAUTEMENT RESISTANTES AUX ANTIBIOTIQUES (ENTEROCOQUES RESISTANTS AUX GLYCOPEPTIDES (ERG) ET ENTEROBACTERIES PRODUCTRICES DE CARBAPENEMASES (EPC)). Version 1 – Mars 2013 DE QUOI PARLE-T-ON ? Les entérocoques et les entérobactéries sont des bactéries commensales du tube digestif, c'est-à-dire des bactéries qui se trouvent dans la flore intestinale normale de tout individu. Ces bactéries sont des êtres vivants qui évoluent continuellement sous l’influence de contraintes extérieures. Parmi ces contraintes, la pression de sélection exercée par les antibiotiques joue un rôle majeur. Sous cette pression, certaines de ces bactéries se défendent en développant des mécanismes de résistance. Ce faisant, elles deviennent résistantes à des antibiotiques auxquels elles étaient jusque-là sensibles. Si ces bactéries hautement résistantes aux antibiotiques sont majoritairement importées en France métropolitaine à l'occasion de rapatriement sanitaire de patients en provenance de l'étranger, leur émergence et leur diffusion sont facilitées en France par deux phénomènes : ème • l’usage excessif des antibiotiques, notamment les céphalosporines de 3 génération, les fluoroquinolones et les carbapénèmes à l’hôpital, mais aussi céphalosporines de 3ème génération orale, les fluoroquinolones et les aminopénicillines en ville, • la transmission croisée de ces bactéries liée au respect insuffisant des règles d’hygiène de base. Le risque de transmission est majoré à l’hôpital : • dans les services où la charge en soins est importante, • dans les services où les patients pris en charge présentent des facteurs de risque qui les rendent susceptibles d’être colonisés (c'est-à-dire porteurs) par ces bactéries. Ces facteurs de risque sont : o Patients ayant séjourné dans un établissement de santé à l’étranger : patients rapatriés d’un établissement de santé étranger patients ayant des antécédents récents (dans l’année) d’hospitalisation à l’étranger o Patients provenant d’un établissement français métropolitain touché par une épidémie liée à ces bactéries o Patients « contacts », c'est-à-dire les patients qui sont pris en charge par la même équipe soignante qu’un patient chez lequel ce type de bactérie a été identifié soit dans un prélèvement clinique soit dans un prélèvement de dépistage o Patients ré-hospitalisés ayant dans leurs antécédents la notion d’une colonisation/infection avec ces bactéries. 1/4 POURQUOI EST-IL IMPORTANT DE METTRE EN ŒUVRE LES MOYENS DE LUTTE POUR MAÎTRISER L’EMERGENCE ET LA DIFFUSION DE CES BACTERIES ? Ces bactéries hautement résistantes aux antibiotiques ne sont ni plus virulentes (elles ne donnent pas de tableau clinique plus grave) ni plus pathogènes (elles ne donnent pas plus d’infection) que leurs homologues sensibles. Dans la plupart des cas, si la résistance aux antibiotiques n’émerge pas directement chez les bactéries pathogènes, le risque est que, dans un avenir proche, les mécanismes de résistance diffusent largement parmi les bactéries responsables d’infection. La conséquence est qu’en cas d’infection, cette dernière est plus difficile à traiter car l’arsenal thérapeutique disponible est restreint et le risque d’impasse thérapeutique majeur. Le risque in fine est le retour à l’ère pré-antibiotique. En Europe, on estime que 25000 décès par an sont liés à des infections à des BMR ayant débouché sur une impasse thérapeutique (ECDC/EMEA Joint Technical Report. The bacterial challenge: time to react. 2009 EMEA/576176/2009. http://www.ema.europa.eu/docs/en_GB/document_library/Report/2009/11/WC500008770.pdf). COMMENT MAÎTRISER L’EMERGENCE ET LA DIFFUSION DE CES BACTERIES ? La stratégie de prévention repose sur la mise en place d’une politique globale de contrôle des bactéries multi-résistantes à transmission oro-fécale : Lutte pour un usage raisonné des antibiotiques : l’utilisation rationnelle et raisonnée des antibiotiques est plus que jamais un challenge pour tenter de maîtriser l’émergence des bactéries hautement résistantes aux antibiotiques. Lutte contre le péril fécal où l’hygiène des mains, la gestion des excrétas et le bionettoyage sont les points critiques. La promotion des bonnes pratiques en hygiène, le respect des précautions standard et des précautions complémentaires sont donc les mesures barrières attendues pour maîtriser la diffusion des bactéries hautement résistantes aux antibiotiques. Ces 2 volets sont incontournables et indissociables. Des recommandations spécifiques ont été publiées au niveau national pour encadrer à l’hôpital et dans les établissements médico-sociaux la prise en charge des patients/résidents colonisés/infectés par ces bactéries. POURQUOI NE DEPISTE-T-ON PAS LES SOIGNANTS ? Les personnels soignants qui prennent en charge des patients colonisés/infectés par une bactérie hautement résistante aux antibiotiques interrogent de manière récurrente leur équipe opérationnelle en hygiène pour connaître les arguments qui justifient qu’aucun dépistage ne leur est proposé alors que dans le même temps, le dépistage des patients « contacts » est organisé. Pour comprendre pourquoi ce dépistage des soignants n’est pas indiqué, il est nécessaire de revenir sur quelques notions d’épidémiologie. 2/4 RÉSERVOIR HUMAIN TRANSMISSION Patients infectés INDIRECTE Environnement contaminé Porteurs Les patients infectés (bactériémie, infection urinaire, ...) représentent la partie émergée de l’iceberg. Le portage digestif (ou colonisation) est cliniquement inapparent et seul le dépistage permet de l’identifier. En revanche, ces deux populations (colonisées et infectées) sont des réservoirs de contamination. La diffusion dans l’environnement est majorée en cas de diarrhée. DIRECTE Mains contaminées GINET. http://www.fc-sante.fr/rfclin/congres/presentations/27-032008/SHA_GINET.pdf SUJET RÉCEPTIF Les maladies du péril fécal sont des maladies infectieuses contagieuses dues à des agents pathogènes éliminés dans le milieu extérieur à partir d’un réservoir essentiellement humain transmis habituellement par voie digestive. Dans les pays industrialisés, l’assainissement et le traitement des eaux usées ont permis de circonscrire ce fléau. En revanche, cette problématique est toujours d’actualité dans les pays en voie de développement où les diarrhées infectieuses aiguës sont un problème majeur de santé publique. La problématique des ERG et des EPC nous confronte à un nouveau péril fécal (transmission majoritairement interhumaine par manuportage, transmission directe par voie oro-fécale et transmission indirecte par l’environnement et le matériel) pour lesquels les moyens de prévention de la transmission croisée sont l’hygiène générale, l’hygiène fécale, l’hygiène des mains et l’hygiène de l’environnement. Admettons qu’un professionnel réalise ce dépistage rectal et que le résultat révèle qu’il est porteur d’une bactérie hautement résistante aux antibiotiques, qu’adviendrait-il ? • Au niveau professionnel : Le fait d’être porteur d’une bactérie hautement résistante aux antibiotiques n’est pas un argument de non aptitude à un poste. La seule chose qui serait attendue pour ce professionnel est une hygiène des mains rigoureuse pour éviter d’exposer les patients dont il assure les soins. Rappelons que l’hygiène des mains est un pilier de la maîtrise du risque infectieux, mesure attendue chaque jour par tout professionnel dans le cadre du respect des précautions standard. Donc, au final, pour la structure au sein de laquelle ce professionnel exerce, cela ne changerait strictement rien. 3/4 • Au niveau individuel : Le fait d’être porteur d’une bactérie hautement résistante aux antibiotiques ne requiert pas de traitement particulier pour décoloniser une personne colonisée par ces bactéries. La flore digestive du porteur d’une bactérie hautement résistante aux antibiotiques comme la flore de tout individu évolue et le portage est, dans la majorité des cas, transitoire. Le porteur d’une bactérie hautement résistante aux antibiotiques n’a pas plus de risque de développer une maladie ni plus de risque de développer une maladie grave qu’un individu non colonisé. Le dépistage des personnels soignants ne fait donc pas partie des recommandations de bonnes pratiques. En l’état actuel des connaissances, aucun argument scientifique n’est disponible pour le revendiquer. Alors, pourquoi dépister les patients « contacts » ? Parce que ce sont des patients et donc des personnes malades exposées à un certain nombre de contraintes liées à leur présence dans un environnement hospitalier : charge en soins importante (actes invasifs, exposés à des dispositifs invasifs (sonde urinaire, cathéter veineux périphérique ...)), prescription antibiotique fréquente, ... autant de facteurs qui ont un impact sur les opportunités d’acquisition de ces bactéries et de survenue d’une infection. Le dépistage permet d’identifier ceux qui se seraient colonisés et chez lesquels les bactéries du tube digestif pourraient traverser la barrière intestinale et aller se greffer sur un dispositif médical qui serait la porte d’entrée d’une infection. Le dépistage permet de suivre la situation épidémiologique et s’assurer de l’absence de nouveaux cas et de rappeler aux soignants les mesures barrières de prévention pour éviter toute diffusion de ces bactéries. Rédaction : Dr N. Floret (RFCLIN) Relecture : Dr P. Bailly (CHU Besançon), Me Barthod V. (CHS Novillars), Dr S. Blaise (CH Belfort-Montbéliard), Dr L. Boggini (CH Lons), Pr X. Bertrand (CHU Besançon), Dr J. Leroy (RFCLIN), Mr L. Paulet (RFCLIN), Dr F. Simonet (ARS Franche-Comté), Dr C. Slekovec (RFCLIN), Me E. Tissot (RFCLIN), Dr E. Tissot (CHS Novillars). 4/4