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• co 8 Cent dix-huitième année Numéro 864 ,juillet-Septembre 2008 (\J ~ .0 E 2a. Q) (J) ~:; -, !tb ico z l: administration et la direction de la société anonyme de type nouveau issue de la réforme du droit ·des sociétés commerciales applicable dans la zone OHADA lindemnisation des victimes d'accidents de la circulation en République du Congo au regard du Code CIMA l:inamovibilité de l'Exécutif dans les communautés économiques d'Afrique francophone : De la maîtrise politique au respect du droit la nature juridique de l'acte additionnel dans le système juridique de I'UEMOA, à la. lumière de I'AFF.-.irni' ,, ' " 292 L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS DE LA CIRCULATION EN REPUBLIQUE DU CONGO AU REGARD DU CODE CIMA par Gaétan Alexandre PUATI, Assistant à l'Université Marien Ngouabi de Brazzaville INTRODUCTION Dans le système classique de la responsabilité civile, la détermination de la personne responsable à qui rattacher les dommages subis par une autre est primordiale. La faute qui est le fondement de ce système est un élément clé pour l'indemnisation de la victime. Pour apprécier ou établir cette faute, les juges doivent avôir uhe connaissance parfaite des circonstances exactes de l'accident. F9rce êst de constater que les procès verbaux établis par la police et la gendarmerie pour cette fin, sont souvent dressés en retard et après que les traces des accidents aient disparu. Dans ces conditions, la détermination du responsable, débiteur de l'indemnité, devient difficile et aléatoire. Ce qui aboutit inéluctablement à un retard dans le règlement des sinistres, quand ce règlement n'est pas tout simplement compromis. Cette situation est très préjudiciable pour les victimes et leurs ayants droit. 1 En outre, eu égard aux nombreuses causes d'exonération (force majeure, fait d'un tiers ou de la victime), certains accidents restaient sans responsable désigné, et les victimes évidemment sans indemnisation. 1 Il y a enfin les difficultés dans lesquelles se trouvaient les compagnies d'assurance de verser les indemnités dues, dans la mesure où celles-ci étaient souvent sans commune mesure avec leurs possibilités financières. A ce propos,« des sonnettes d'alarme ont été tirées, beaucoup moins pour décrier les défectuosités du système d'indemnisation des préjudices corporels résultant de l'application du Code civil de 1804 que pour réprouver la générosité du juge dans la fixation du montant des dommages et intérêts alloués aux victimes directes et aux ayants droit en cas d'accident de circulation >> (1). il,, l' DOCTRINE DOCTRINE Quant à l'indemnisation proprement dite, le principe fondamental caractérisant ce système de la responsabilité civile est celui de la réparation intégrale du préjudice causé. Et à défaut d'un accord entre les parties, les juges procèdent de manière souveraine à l'évaluation des dommages et 293 intérêts corporels subis. Or, l'indemnisation est sous-tendue par deux sortes de préjudices : un préjudice économique correspondant aux pertes pécuniaires subies par la victime et un préjudice moral qui ne correspond pas à des Pt<rt~ fin.ancières, mais à un préjudice causé par la douleur, à un préjudice·estflë~ique, à un préjudice d'agrément. .. Si l'évalll"ation àu-préjudice économique ne pose généralement pas trop de difficultés étant donné que les bases de son calcul sont normalement connues (factures des frais médicaux et hospitaliers, revenus de la victime, durée de l'incapacité temporaire, taux de l'incapacité permanente), il en va tout autrement pour le préjudice moral. Les bases de son indemnisation sont du domaine où règne encore une certaine forme d'incertitude, et son évaluation est laissée à la libre appréciation des juges. Ceux-ci disposent d'un pouvoir souverain et, d'ailleurs, ils n'y vont généralement pas de main morte. Ce qui aggrave davantage le niveau d'appréciation du préjudice moral, c'est-à-dire qui augmente de façon disproportionnée l'importance des sommes allouées par les juges au titre du préjudice moral, c'est la taille de la famille africaine et son caractère très extensible. Les accidents de la circulation constituent, de nos jours, un véritable fléau social (2). En effet, la circulation automobile cause tous les jours des dizaines de morts, de centaines de blessés et des dégâts matériels importants. Un tel drame ne pouvait laisser les autorités dans l'indifférence. Aussi se devaient-elles d'organiser un régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation tendant à l'amélioration de leur situation et à l'accélération des procédures d'indemnisation: le Code CIMA (3) (I). Ce régime consacre une procédure essentiellement transactionnelle pour la mise en œuvre du droit à indemnisation, la procédure contentieuse n'intervenant qu'à titre exceptionnel (II). 1.- LE REGIME D'INDEMNISATION INSTITUE PAR LE CODE CIMA Le Code CIMA est venu bouleverser le droit de la responsabilité civile en ce sens qu'il consacre l'autonomie du droit à l'indemnisation des victimes des accidents de la circulation. La comparaison du Code civil notamment des articles 1382 et suivants avec le Code CIMA est particulièrement éclairante sur l'esprit d'une évolution. Alors que le texte du Code civil est centré sur le responsable et la victime méconnue. Le Code ( l) Auguste llo ki, << L'évaluation du préjudice corporel >>, Revue Penant, octobre-décembre 1990, n° 804, p. 442. (2) Victor Emmanuel Bokalli, « L'indemnisation des victimes d'accident de la circulation en droit camerounais>>, Revue Penant, janvier-avril 1993, no 811, p. 27. (3) La Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance, en abrégé CIMA, est un traité signé à Paris (France) le 22 septembre 1992 entre le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Mali, le Tchad, le Togo, la Guinée Equatoriale, la République Fédérale et Islamique des Comores, la Centrafrique, le Niger et le Sénégal. Penant 864 Penant864 294 DOCTRINE DOCTRINE CIMA s'intéresse quant à lui à la victime, et le responsable éludé. Comme l'écrit Christian Larroumet, le Code CIMA« a modifié considérablement les principes qui gouvernent la réparation des dommages subis par les victimes d'accidents de circulation» (4). Il y a lieu d'examiner les conditions du droit à indemnisation, les différentes parties concernées par la procédure d'indemnisation, ainsi que les règles relatives à l'ouverture du droit à indemnisation. corder une indemnisation à la presque totalité des victimes des accidents de la circulation, il est dès lors permis de penser qu'une conception extensive des lieux de circulation irait dans le sens de cet objectif. A. Les conditions du droit à indemnisation 1 1 ~ Pour se prévaloir du Code CIMA il faut être victime d'un accident de la circulation causé par un véhicule terrestre à moteur auquel le dommage est imputable. 295 Pour être.,.çpnsiàéré comme accident de la circulation routière, celui-ci doit être sur~nù sur une voie. On peut toutefois se demander si la nature de la voie eSt-tJri'se" en considération. Le code reste muet sur ce point. Toutefois une voie routière étant tout lieu où un véhicule peut circuler, nous pensons que l'application de la nouvelle législation ne nécessite pas la distinction entre voie publique et voie privée. 2) L'exigence d'un lien de causalité entre l'accident et la circulation L'article 225 alinéa 1" du Code CIMA précise que la nouvelle législation ne concerne que les accidents de la circulation routière causés par des véhicules terrestres à moteur. On•peut se demander si cet article ne s'applique qu'aux véhicules en mouvement. Selon Jean Carbonnier, « l'accident de circulation ne signifie pàs forcément que le mouvement doit en être la cause ; même le stationnement fait partie des conditions de la circulation routière » (5). La question du lien entre l'accident et la circulation peut se poser par exemple en cas de survenance d'un incendie lors d'un accident de la circulation qui cause des dommages aux personnes transportées. En principe, les dommages causés par des incendies sont régis par l'article 1384 al. 2 du Code civil. D'après cet article, il faut, pour être indemnisé, démontrer la faute de l'auteur ou la faute des personnes dont il est responsable. Néanmoins, certains auteurs proposent dans ce cas de faire une distinction entre le véhicule en mouvement et le véhicule immobilisé. Lorsqu'un incendie survient dans le premier cas, on appliquerait le régime favorable parce que l'assurance incendie est obligatoire. Dans le deuxième cas, le régime favorable ne s'applique pas. S'agissant des véhicules immobilisés, la jurisprudence française estime qu'il y a accident de la circulation lorsque l'immobilisation n'est pas réellement voulue, c'est-à-dire lorsqu'elle est imposée par les circonstances de la circulation (6). Bien que le Code CIMA date de 1992, nous ne disposons pas de décisions pouvant nous permettre de cerner le contenu que les juges entendent donner à la notion de circulation. Il convient de relever que le Code CIMA exclut expressément de son domaine d'application les occidents causés sur le chemin de fer et les tramways (7). Il peut arriver qu'un accident de la circulation routière soit qualifié d'un accident du travail. Les occupants du véhicule qui a été à l'origine de cet accident peuvent-ils demander l'indemnisation de leurs dommages sur le fondement du nouveau régime '1 Des problèmes sont susceptibles de se poser quant aux circonstances de la venue de l'accident, en particulier sur le lieu de sa survenance et le fait de la circulation. Les lieux de circulation posent la question de savoir si les juges adopteront une conception restrictive ou extensive~ Devra-t-on par exemple tenir compte uniquement des seuls accidents survenus sur les voies ouvertes à la circulation publique en laissant de côté de multiples espaces et voies privées où des véhicules peuvent occasionner des accidents ? Le code est muet sur ce point. S'il est trop tôt pour préjuger de la conception qu'adopteront les juges, le souci du Code CIMA étant d'ac- Le Code CIMA n'a pas prévu cette situation, mais normalement, l'indemnisation des préjudices résultant des accidents du travail incombe à la caisse nationale de sécurité sociale, tandis que ceux résultant d'accidents de la circulation routière sont pris en charge par l'assureur de responsabilité. Etant donné que le régime des accidents de travail et celui d'accidents de la circulation causés par un véhicule terrestre à moteur constituent aujourd'hui des régimes favorables pour les victimes, celles-ci peuvent lorsqu'elles t_(pnt pas été indemnisées sur le terrain du premier régime, se reporter sur celui du second. (4)Christian Laroumet, <<L'indemnisation des victimes d'accidents: l'amalgame de la responsabilité civile et de l'indemnisation automatique >> Dalloz Sirey, 1985, Chronique, p. 237. (5) Jean Carbonnier, Droit civil, Les obligations, Paris, Editions Presses universitaires de France, 14' édition, 1990, p. 481. (6) Cour de Cassation, 2' chambre civile, 5 mars 1986, Dalloz 1987, Sommaire p. 1987~ 3) L'implication dans l'accident d'un véhicule à moteur 1) La nécessité d'un accident de la circulation Penant864 Dans le régime de la responsabilité civile, lorsque la victime veut prétendre à l'indemnisation, il ne suffit pas d'établir le fait générateur du dommage, il faut encore établir le lien de causalité entre ce fait et le dom(7) Code CIMA, art. 203~ Panant 864 296 DOCTRINE DOCTRINE mage. En revanche, l'auteur du dommage peut repousser l'action de la victime en prouvant l'absence de ce lien de causalité, notamment en évoquant l'une des causes d'exonération de la responsabilité. La notion de causalité est également utilisée par le Code CIMA qui n'en donne aucune indication. Cette notion est pourtant indispensable pour la détermination du champ d'application du régime d'indemnisation qu'il a institué. La deuxième donnée permettant de circonscrire le domaine d'application de la nouvelle législation sur l'indemnisation des préjudices corporels résultant d'un accident de la circulation, c'est la qualité des victimes et des débiteurs. _ Il résulte de l'article 225 du Code CIMA que pour l'application des règles relatives à l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation, il doit exister un lien de causalité entre l'accident et le véhicule. Dans ces conditions, il suffit pour la victime de prouver que l'accident a été causé par un véhicule terrestre à moteur et que le préjudice résulte de cet accident Si le code vise la catégorie de véhicules concernés par 1' application de la nouvelle législation, elle n'en donne pas une définition. Ce sont les véhicules terrestres à moteur ainsi que leurs remorques ou semiremorques qui sont concernés. Selon Yvaine Buffelan-Lanore, il s'agit de tout véhicule destiné au transport de choses ou de personnes circulant sur le sol et mû par une force motrice quelconque (8). En revanèhe, le Code CIMA donne la définition de la remorque ou semi-remorque en son article 202. Selon cette disposition, il faut entendre par remorque et semi-remorque, les véhicules terrestres construits en vue, d'être attelés à un véhicule terrestre à moteur et destinés aux transport de personnes ou de choses ; tout appareil terrestre attelé à un véhicule à moteur. La démarche adoptée jusqu'alors consiste à déterminer le champ d' application du nouveau régime à partir des notions nouvelles introduites par l'article 225 alinéa l". C'est ce que nous avons fait avec les notions d'accident de circulation et de véhicule terrestre à moteur. Or entre ces deux notions se trouve le terme« causé>>. Nous savons qu'elle n'est pas propre au régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation. C'est en premier les articles 1382 et suivants du Code civil qui l'ont utilisé. Mais celle de l'article 225 al. l" du Code CIMA a t-elle une fonction dans la détermination du champ d'application des dispositions visées par ce même texte ? Si 1' on raisonne par analogie, on dira que le terme « causé >> n'étant pas une notion propre au régime d'indemnisation des dommages causés par les accidents de la circulation, il ne peut avoir en lui-même une fonction dans la détermination du domaine d'application de ce régime. C'est seulement en l'associant à la formule « véhicule terrestre à moteur >> qu'il aura un rôle, pour indiquer que l'instrument du dommage corporel doit être un véhicule. 297 '"''Ç... _. ..... \.,.... B. Les différentes parties concernées par la procédure d'indemnisation ~ Un lien d'obligation suppose un créancier et un débiteur. l) Les créanciers du droit à indemnisation La qualité de victime est reconnue à toute personne ayant subi un dommage à l'occasion d'un accident défini à l'article 225 al. l" du Code CIMA. Cet article vise les victimes contractuelles ou délictuelles. En spécifiant expressément que les dispositions relatives à l'indemnisation des victimes de la circulation s'appliquent aux victimes délictuelles ou contractuelles, le Code CIMA a entendu mettre sur un même pied d'égalité ces deux catégories de victimes. Cette assimilation entraîne àvec elle les conséquences autres que celles qui découleraient de la distinct-ion entre les deux domaines de responsabilité. En effet, l'assimilation de ces deux domaines de responsabilité est venue enlever, du moins en matière d'indemnisation des dommages causés par un accident de la circulation, tout intérêt à la distinction entre ces deux domaines. Désormais, toute victime d'un accident de la circulation défini à l'article 225 al. l" du Code CIMA est en droit d'invoquer le régime favorable prévu par ledit code sans que l'on puisse préalablement rechercher s'il y avait ou non contrat de transport, l'existence de ce contrat étant sans incidence sur l'indemnisation de la victime. La distinction entre la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle avait été à l'origine de la notion de transport bénévole, notion qui indique le cas où un conducteur prend gratuitement une personne soit parce qu'il est un ami ou un membre de la famille, soit parce que ce dernier veut lui rendre un service. La jurisprudence française décidait que le passager transporté gratuitement dans un véhicule, et victime d'un accident, ne pouvait invoquer contre le gardien que l'article 1384 al. l" sauf le cas oo la loi en dispose autrement, le transport bénévole n'est pas un contrat et la responsabilité doit être délictuelle (9). L'existence d'un contrat n'ayant plus de conséquences sur le régime d'indemnisation des victimes visées à l'article 225 al. l" du Code CIMA, la question du transport bénévole semble avoir perdu de son intérêt. L'unification des régimes de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle était nécessaire car aucune raison valable, pen- (8) Yvaine Buffelan-Lanore, Droit civil, 2' année, Barcelone Milan, éditions Masson, 4' édition, 1991, p. 391. Penant864 (9) Cour de Cassation, chambre mixte: 20 décembre 1968, D. 1969-37. Penant864 298 DOCTRINE sons-nous, n'imposait de traiter différemment les victimes d'accidents de la circulation selon qu'elles sont transportées à titre onéreux ou bénévolement tant il est vrai que les passagers d'un véhicule courent les mêmes risques d'accidents de la circulation qu'ils aient ou non conclu un contrat de transport. A l'intérieur de son domaine d'application, le Code CIMA vise les victimes directes ou victimes par ricochet et les victimes conducteurs ou victimes non conducteurs. La notion de victime directe n'est pas définie par le Code ; mais en observant les modalités d'indemnisation des préjudices subis par elle, on peut déduire qu'il s'agit de la personne qui a subi une atteinte à sa personne, pouvant entraîner des blessures ou son décès. Les modalités pour leur indemnisation ne sont pas les mêmes que celles prévues au profit de leurs ayants droit. Rentre dans la catégorie des victimes par ricochet toute personne qui a subi un préjudice économique ou moral du fait du décès de la victime directe. Le Code CIMA leur reconnaît le droit d'invoquer le bénéfice de cette législation. Le Code CIMA vise d'abord toute personne qui établit être en communauté de vie avec la victime directe de l'accident et qui peut avoir un droit à réparation en cas,de blessures graves réduisant totalement la capacité de la victime, ou en cas de décès de la victime de tous les bénéficiaires énumérés aux articles 265 et 266 du même code. La question du fondement de la responsabilité civile consiste à se demander pourquoi faut-il réparer les dommages causés à autrui ? La réponse varie selon que les justifications sont recherchées du côté de l'auteur du dommage ou du côté de la victime ou encore par la combinaison des deux premières solutions. La solution qui justifie la réparation du côté de l'auteur du dommage présente la réparation comme une obligation, tandis que celle qui cherche à justifier la réparation du côté de la victime considère la réparation comme un droit. Au lieu de consacrer l'obligation de réparer, le Code des assurances consacre un droit à indemnisation sur la tête de la victime. 2) Les débiteurs du droit à indemnisation La notion d'obligation peut être définie comme un lien de droit par lequel une personne, le créancier peut contraindre 1' autre, le débiteur à exécuter une prestation. Transposée dans le domaine spécial de la réparation des dommages causés par un accident de la circulation, la notion peut être définie comme le lien de droit en vertu duquel la victime peut contraindre le conducteur à réparer son préjudice corporel. Généralement, l'obligation de réparer découle de la responsabilité de l'auteur du dommage, mais dans le Code des assurances cette obligation semble être remplacée par l'assurance obligatoire. Le régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation institué par le Code CIMA fonctionne à travers une certaine collectivisation du risque automobile. A cet effet, le Code des assurances a posé le Penant864 DOCTRINE 299 principe de l'assurance obligatoire qui aura pour but de couvrir la responsabilité de l'auteur du dommage. Parlant des personnes astreintes à l'assurance obligatoire, l'article 200 du Code C~A prescrit qu'il doit s'agir de toute personne physique ou morale aûtre}IÙ<: X.Etat, au sens du droit interne, c'est-à-dire les particuliers pour la ctrtégone des personnes physiques et les personnes morales de droit privé et assimilées. Les véhicules de l'Etat ne sont pas assujettis à l'obligation d'assurance; leur régime est prévu à l'article 224 du Code CIMA qui dispose que« les véhicules utilisés par l'Etat doivent être équipés lorsqu 'ils ne font pas l'objet d'une immatriculation spéciale, d'un certificat d'assurance spécifique dont les caractéristiques sont fixées par le ministre en charge du secteur des assurances ». Le principe de l'assurance obligatoire s'applique à toute personne physique ou morale dont la responsabilité civile peut être engagée pour des dommages dans la réalisation desquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur. Alors que dans les règles relatives à l'ouverture du droit à indemnisation on ne trouve aucune référence à la notion de responsabilité civile, ici elle n'intervient que pour rappeler aux conducteurs que la col" lectivisation du risque automobile est indispensable pour le dédommagement effectif des victimes et aussi pour éviter la ruine de ceux dont la responsabilité civile peut être engagée. Bien qu'ayant pour but de garantir la responsabilité civile des véhicules terrestres à moteur, l'obligation d'assurance ne garantit pas tous les dommages. L'obligation d'assurance s'applique, aux termes de l'article 205 du Code CIMA à la répâration des dommages corporels ou matériels résultant des accidents, incendies ou explosions causés par le véhicule, accessoires et produits servant à son utilisation, les objets et substances qu'il transporte, de la chute de ces accessoires, objets, substances ou produits. De son côté, l'article 206 du même Code énonce que l'obligation d'assurance ne s'applique pas à la réparation des dommages subis par lapersonne conduisant le véhicule, pendant leur service, par les salariés ou préposés de 1'assuré responsable du dommage, du dommage atteignant les immeubles, choses ou animaux loués ou confiés au conducteur à n'importe quel titre. Elle ne s'applique pas non plus du fait des dommages subis par les personnes transportées à titre onéreux, sauf en ce qui concerne les cantrats souscrits par des transporteurs des personnes pour les véhicules servant à l'exercice de leur profession. L'assurance obligatoire est ainsi exclue pour les dommages causés par le véhicule, lorsqu'il transporte des matières inflammables, explosives, corrosives ou carburants et à l'occasion desquels lesdites matières auraient provoqué ou aggravé le sinistre, toutefois la non-assurance ne saurait être invoquée du chef de transport d'huiles, d'essences minérales ou de produits similaires, ne dépassant pas 500 kilogrammes ou 600 litres, y compris l'approvisionnement de carburant liquide ou gazeux nécessaire au moteur. Penant 864 300 DOCTRINE DOCTRINE En couvrant la responsabilité civile du conducteur ou du gardien, l'assurance obligatoire fait de l'assureur le débiteur de l'indemnité due à la victime. L'assurance obligatoire des véhicules a pour but de couvrir la responsabilité civile de toute personne physique ou morale de droit privé pour des dommages dans la réalisation desquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur. Elle doit également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite même non autorisée du véhicule, à l'exception des professionnels de la réparation, de la vente et du contrôle de l'automobile, ainsi que la responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l'assurance. Toutefois, l'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue à l'insu ou contre le gré du propriétaire (10). L'assurance obligatoire doit couvrir en plus, la responsabilité civile du souscripteur du contrat et du propriétaire (11). Si le contrat d'assurance responsabilité constitue une importante garantie pour le responsable dans la mesure où les sommes qui pourraient être mises à sa charge seront payées non pas par lui mais par son assureur, la caractéristique de l'assurance o'bligaloire est qu'elle est tournée vers l'indemnisation de la victime qu~a un droit à indemnisation automatique. C'est le principe posé dans le régime d'indemnisation qui prescrit que les victimes sont indemnisées sans que puissent leur être opposés la force majeure, le fait d'un tiers et leur propre faute sous réserve des moyens de défense non supprimés. Mais comment expliquer qu'une personne soit obligée de réparer un dommage dont elle peut démontrer que la cause ne résulte ni dans son fait personnel, ni dans le fait de la chose dont elle a la garde ? Certains auteurs expliquent cette solution par le fait que 1' on recherche non un responsable, mais un débiteur d'indemnité, lequel n'est autre que la compagnie des assurances, mais comme le financement de l'indemnisation doit peser sur ceux qui créent les risques d'accidents, un rapport doit exister entre la survenance du dommage et le système d'indemnisation, d'où l'exigence d'un véhicule qui permet tout à la fois de déterminer les dommages couverts et l'assureur chargé de les indemniser (12). Afin de rendre plus efficace le système de garantie des victimes, le Code CIMA donne à la victime une action directe. D'abord, il est énoncé que l'assureur n'est tenu que si à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l'assuré par les tiers lésés. Cela suppose que c'est contre les conducteurs ou gardiens des véhicules terrestres à moteur et par conséquent contre leurs assureurs que l'action en responsabilité doit être dirigée. (10) Code CIMA, art. 200, al. 4. (ll) Code CIMA, art. 200, al. 3. (12) François Terre, Philippe Simler et Yves Lequette, Droit civil, Les obligations, Paris, Editions Dalloz, 5' Edition 1993, p. 684. Pènant864 301 Ensuite, pour être certaine d'être indemnisée sans risque d'être impayée par l'assuré ou d'être en concours avec ses créanciers, la victime dispose d'une action directe contre l'assureur. Elle décW\e de l'article 54 du Code CIMA qui dispose que« l'assureur ne p~ùt {!..~Y.e!. 1{]'1 autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tarit que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu 'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré». Le code confere à cette action une assez grande autonomie par rapport au contrat liant l'assuré à son assureur. Il est prévu qu'aucune déchéance motivée par un manquement de l'assuré à ses obligations commis postérieurement au sinistre ne sera opposable aux personnes lésées ou à leurs ayants droit (13 ). L'examen du mécanisme de l'assurance obligatoire laisse apparaître une course ouverte entre l'assurance et la responsabilité, le développement de l'assurance fait reculer la responsabilité. La tentation est grande d'affirmer qu'il s'agit désormais d'une responsabilité du véhicule représenté par l'assureur ou tout au moins une responsabilité de l'assureur du fait d'un véhicule. Lorsque la réparation des dommages est transférée de la responsabilité à l'assureur, elle est dans une certaine mesure collectivisée. Les auteurs sont très partagés sur cette situation. Pour les uns, les mécanismes d'ordre collectif tels que l'assurance et la sécurité sociale détachent la réparation de la responsabilité et donnent à penser qu'il y a un déclin d,e la responsabilité individuelle. Situation non regrettable pourvu qu'elle garantisse aux victimes, une réparation rapide, certaine, équitable (14). Pour les autres en revanche, l'assurance obligatoire risque de faire perdre à l'assuré la conscience de sa propre responsabilité, pour cela, il est nécessaire de prévoir parallèlement une véritable sanction des actes illicites, par exemple par 1' interdiction de 1' assurance des fautes graves ou plutôt par le recours~ ouvert à l'assureur contre le responsable en cas de faute grave (15). Il reste que dans le régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, l'obligation de réparer découle non de la responsabilité de l'auteur, mais elle est déduite du mécanisme de l'assurance obligatoire. L'auteur du.<Wmmage est tenu non parce qu'il est responsable mais parce qu'il est assuré. En réalité le nouveau régime consacre un droit à indemnisation et non une obligation de réparer. è (13) Code CIMA, art. 52. (14) François Terre, Philippe Simler et Y\'es Lequette, op. cit., p. 507. (15) Yvaine Buffelan-Lanore, op. cit .. p. 266. Penant 864 11 302 DOCTRINE C. Les règles relatives à l'ouverture du droit à indemnisation 1 l§:i : 1i ' 1 ~. 1 i l! ~~ '! Le régime de responsabilité civile pose en principe les conditions de la responsabilité de l'auteur avant d'énoncer les moyens de défense qui peuvent paralyser l'action de la victime. Mais cette démarche classique n'a pas été adoptée par le Code des assurances dans la mesure où son régime porte essentiellement sur les causes d'exonération. Alors que plusieurs d'entre elles ont été supprimées. Les autres causes d'exonération restent opérantes. 1) La réparation de la force majeure et du fait de tiers La réparation de la force majeure dans le Code CIMA introduit un bouleversement supplémentaire dans le schéma classique de la responsabilité civile. Selon les principes traditionnels, la force majeure est une cause d'exonération du responsable. Caractérisée par l'imprévisibilité et surtout par l'irrésistibilité de l'événement, la force majeure constitue une cause étrangère qui vient rompre totalement.le lien de causalité nécessaire entre le présumé responsable et le dommage subi par la victime, qu'il s'agisse d'un cas fortuit, du fait d'un tiers ou d'une faute de la victime. La cause étrangère est généralement constituée par la force majeure, le fait d'un tiers, le cas fortuit ou la faute de la victime. Lorsque la cause étrangère réside dans la force majeure, elle doit, pour être exonératoire, un événement imprévisible et insurmontable. Imprévisible parce que l' événement ne devait pas pouvoir être prévu à cette époque et en ce lieu, insurmontable pour celui qui l'invoque. Le Code CIMA introduit un bouleversement dans ce schéma classique de responsabilité civile. Il exclut expressément la possibilité d'opposer la force majeure et le fait d'un tiers à des victimes y compris les conducteurs. Afin d'améliorer la situation des victimes d'accidents de la circulation routière, le Code CIMA a expressément exclu la possibilité d'opposer la force majeure et le fait d'un tiers à des victimes conducteurs et non conducteurs. Il est permis de se demander si la force majeure prévue par l'article 226 du Code CIMA est similaire à celle prévue par le Code civil ? Le Code CIMA n'en donne aucune indication. La Cour de Cassation a, interprétant l'article 2 de la loi du 5 juillet 1985 qui est, du reste, l'équivalent de l'article 226 du Code CIMA, décidé que la force majeure dont il est question était bel et bien celle extérieure aux parties (16). De plus, au sens étroit, la force majeure s'oppose au cas fortuit, c'està-dire lorsque l'impossibilité d'exécuter une obligation tient à des causes internes. Il en est ainsi de l'accident dû à un vice du véhicule. Il est à noter que l'inopposabilité de la force majeure ne joue que lorsque la victime invoque les dispositions du Code CIMA relatives à l'indemnisation des dommages causés par des accidents de la circulation. (16) Cour de Cassation, 2' chambre civile, 2 juillet 1986, Bull. Il, n" 101. Penant864 DOCTRINE 303 Mais, si au lieu de choisir cette voie, elle s'engage sur le terrain de l'article 1384, al. l" la force majeure reste exonératoire. Le fait d'u~n tiers peut être défini comme un acte, fautif ou non, émanant d'une .if~r&onne autre que le défenseur, connue ou inconnue, et présentant un caract~re.. imprévisible et irrésistible. Il est assimilé à la force majeure. Le üût d'un tiers, dans le régime de la responsabilité civile de droit commun, est une cause d'exonération. Le régime d'indemnisation des victimes des accidents de la circulation exclut toute possibilité pour le conducteur ou le gardien à opposer à la victime le fait d'un tiers. Le conducteur ou gardien est condamné sans qu'on ait cherché à savoir que le dommage est également dû au fait d'un tiers. La question que l'on doit se poser est celle de savoir si le Code CIMA laisse au moins au conducteur condamné la possibilité de se retourner contre son ou ses coauteurs ? Cette possibilité n'en est pas exclue. Le Code CIMA a, en effet, prévu un recours après paiement pour compte. Le recours incombe à la personne qui est chargée de payer l'indemnité: l'assurance. On peut relever qu'à propos de l'inopposabilité du fait d'un tiers, le Code des assurances semble créer une discrimination dans la mesure où la faute d'un tiers, en l'occurrence la faute du conducteur peut être opposée au propriétaire pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule. Si cette solution peut paraître raisonnable lorsque le conducteur est préposé du propriétaire, elle devient dramatique pour le propriétaire lorsque le conducteur est un voleur, Doit-on laisser le propriétaire assumer les conséquences du vol ? Il convient, concernant cette question, de distinguer selon que ce conducteur est préposé ou voleur du véhicule. On observe que les victimes, non-conducteurs, sont dans le régime d'indemnisation édicté par le Code CIMA des victimes surprotégées. Concernant l'indemnisation des atteintes à leur personne, elles bénéficient d'un droit presque absolu, la faute de la victime n'a plus un effet exonératoire. Cette solution place cette catégorie de victimes dans une situation meilleure que celle qui découlait de l'application de l'article 1384, al. l". En effet, dans le régime de la responsabilité, c'est pour les gardiens, un moyen de défense efficace entre leurs mains pour prétendre à un partage de responsabilité. Le gardien de la chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité s'il prouve que la faute de la victime a contrititlé au dommage (17). La diminution de l'indemnité de la victime pour motif résultant de sa propre faute n'emporte pas la conviction de tout le monde. Certains auteurs estiment qu'il paraissait normal que la victime supporte, en raison d'une faute d'imprudence ou de négligence, une diminution d'indemnité, alors que la charge de la réparation ne pesait pas au moins en matière d'accidents de la circulation sur l'auteur du dommage (18). (17) Cour de Cassation, 6 avril 1987, JCP, 1987, IL 20828. ( 18) François Terre, Philippe Simler et Yves Lequette. Of'. cit.. p. 707. Penant 864 11· { 1 \ 304 DOCTRINE L'inopposabilité de la faute de la victime ne concerne pas tous les dommages pouvant résulter d'un accident de la circulation. Elle ne vise que les dommages résultant des atteintes à la personne. La notion de dommage n'est pas définie par le Code CIMA. Nous pensons qu'elle englobe tout à la fois des dommages corporels, économiques et moraux dont peuvent subir les victimes directes et les victimes par ricochet. Il faut souligner que le régime de faveur qui consiste à ne pas opposer à la victime non-conducteur sa propre faute, bien que concernant l'indemnisation des dommages à la personne, a été étendu à certains biens. L'article 228 du Code CIMA, après avoir prononcé en son alinéa l" l'inopposabilité de la faute de la victime pour les dommages à la personne, ajoute que « les fournitures et appareils délivrés sur prescription médicale donnent lieu à indemnisation selon les mêmes règles ». S'agissant de l'indemnisation des dommages aux biens, l'article 228 du Code CIMA énonce que la faute commise par la victime a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation. Nulle part, il n'est donné la définition des dommages aux biens, ni même une énumération des biens susceptibles d'être endommagés lors d'un accident de circulation. 1 \ tl ;j Peuvent être considérés com~e biens endommagés lors d'un accident de la circulation, les vêtements, objets personnels, animaux ou marchandises transportés, ainsi que ceux qui seraient rendus inutilisables ou perdus en raison de l'accident alors qu'ils n'auraient pas été endommagés par le choc, mais parce que la perte serait la conséquence de l'accident. 1: 1: l i lî 2) La perte du droit à indemnisation S'il résulte du régime d'indemnisation du Code CIMA une importante restriction des possibilités d'exonération des gardiens ou des conducteurs, ceux-ci conservent encore la faculté d'invoquer la faute commise par le conducteur et la faute intentionnelle de la victime. De plus, tous les moyens de défense opposables à la victime directe peuvent l'être contre les victimes par ricochet. Aux termes de l'article 227 du Code CIMA,« la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages corporels et matériels qu'il a subi». Cette disposition fait de la faute du conducteur victime un moyen de défense susceptible d'être soulevé par le conducteur, auteur du dommage. Mais qu'est-ce que l'on entend par conducteur? La notion de conducteur peut être vue sous deux angles : matériel et temporaire. Le conducteur est au point de vue matériel la personne qui accomplit les gestes matériels nécessaires à la conduite d'un véhicule terrestre à moteur ou qui tout au moins en conserve la maîtrise. Ce qui suppose également l'accomplissement de certains de ces gestes. Il peut, toutefois, arriver que le véhicule ne soit pas en marche et généralement à ce moment le conducteur n'accomplit pas les gestes matériels. 'Penant 864 DOCTRINE 305 Pourra-t-il pour bénéficier du régime de faveurs des victimes obtenir qu'il n'était plus conducteur en ce moment? Il convient en ce qui concerne le véhicule à l'arrêt, de faire une distinction.s~.qu'il est en panne ou non. La qualité oo •çonducteur suppose également que celui-ci soit resté dans le véhiêule depuis le moment où il y est monté jusqu'à celui de sa descente. Le juge refuse de donner la qualité de conducteur à tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre seraient descendus de leur véhicule. Quant à l'étendue de l'indemnité, l'article 227 al. l" énonce que la faute du conducteur a pour effet de limiter ou d'exclure son indemnisation. Reste à connaître dans quels cas l'indemnité peut être entière, limitée ou au contraire exclue. La victime conducteur aura droit à une indemnité entière en cas d'absence de faute de la victime. L'indemnité pourra au contraire être limitée en cas de concours de faute. Toutefois, il pourrait arriver que les circonstances d'un accident et spécialement celles d'une collision entre deux ou plusieurs véhicules ne permettent pas d'établir les responsabilités encourues ; quel sera le sort du conducteur victime ? " L'hypothèse est prévue à l'alinéa 2 de l'article 227 du Code CIMA. :Aux termes de cette disposition, chacun des conducteurs ne reçoit de la part du ou des auteurs conducteurs que la moitié de l'indemnité du dommage corporel ou matériel qu'il a subi. L'indemnité de la victime conductrice pourra enfin être exclue en cas de faute exclusive du dommage. C'est au défenseur qu'il appartient, s'il veut se dégager, de rapporter la preuve de la faute du conducteur. Même si la loi n'exige pas un lien de causalité entre cette faute et le dommage, en bonne logique, \'exclusion totale de l'indemnisation suppose que la faute a été la cause exclusive de l'accident. La faute du conducteur a une emprise un peu large dans la mesure où nous l'avions déjà signalé, elle a aussi pour effet de limiter ou exclure l'indemnisation du propriétaire du véhicule pour les dommages causés à son véhicule. Toutefois, le propriétaire dispose d'un recours contre le conducteur (19). La possibilité d'opposer à la victime n'ayant pas la qualité de conducteur sa faute intentionnelle est une exception qui résulte de l'article 228, al. 1" du Code CIMA. La recherche volontaire du dommage est une notion complexe dans la mesure où un accident de la circulation est presque inconciliable. avec cette hypothèse, qu'il s'agisse du côté du conducteur ou de celui de la victime. Selon Alex Weil et François Terre, la recherche volontaire du dommage était le fait d'une tentative de suicide (20). Pour la Cour de Cassation, il y a recherche volontaire du dommage en cas de suicide de la victime (21) ou de comportement suicidaire (22). (19) Code CIMA, art. 227, aL 3. (20) Alex Weil et François Terre, Droit des obligations, Paris, Editions Dalloz, 4' édition 1982, p. 550. (21) Cour de Cassation, 2' chambre civile, 24 février 1988, Bull. civ. II, 49. (22) Cour de Cassation, 2' chambre civile, 21 juillet 1992, Bull. ci>: II. 218. Penant864 306 [l- " )!,, f,i il :1 '~ ,:i ,J ~· 1 l 11 [! li i·\ l' 11 li 'l lt l 1 il \1 ~ 1 DOCTRINE Tout se passe comme si c'était 1' assureur et non le conducteur qui oppose à la victime l'exception opposable à l'assuré. En effet, un risque ne peut faire l'objet d'une assurance que s'il satisfait à certaines conditions juridiques. Mis à part les conditions relatives à l'objet du contrat et à sa cause, la survenance du sinistre ne doit pas dépendre exclusivement de la volonté de l'assuré. Cette exclusion de tous les dommages liés à un acte intentionnel à l'origine de l'accident est en principe opposable à l'assuré dans l'assurance vie. Or cette assurance se distingue de l'assurance de responsabilité. L'assurance vie est une assurance de personnes qui prévoit des prestations en cas de réalisation des risques qui menacent lapersonne même de l'assuré, tels que l'infirmité accidentelle. L'assurance de responsabilité a, en revanche, pour objet de réparer le préjudice subi par le patrimoine de l'assuré comme suite à l'action en responsabilité exercée contre lui par un tiers auquel il a causé un dommage. La recherche volontaire du dommage qui est souvent une exception de garantie dans l' assurance vie semble avoir été transposée dans l'assurance de responsabilité. Yvonne Lambert-Faivre pense que« les règles sur le suicide dans l'assurance sur la vie ne sont pas ~pplicables aux accidents corporels, la notion d'accident étant exclusivè de tout caractère intentionnel est antinomique de celle de suicide >> (23}. Le Code CIMA est muet sur l'incidence de la recherche volontaire du dommage, notamment sur le sort de la victime non-conductrice lorsque cette faute a été retenue contre elle. Etant donné que les sanctions prévues à l'encontre des victimes conducteurs consistent en l'exclusion ou la limitation de l'indemnité, on peut ainsi déduire qui a volontairement recherché son dommage. Dans tous les cas, la recherche volontaire du dommage sera pour le conducteur ou le gardien comme une arme sans munition dans la mesure où il est rare de trouver des hypothèses de tentative de suicide par le biais d'un accident de la circulation, celui qui veut mettre fin à sa vie choisira certainement une autre voie que de venir se jeter devant un véhicule. Lorsque l'on parle des victimes par ricochet, il ne s'agit plus de définir cette notion mais de rappeler leur possibilité d'invoquer le régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, il s'agit plutôt de se demander si les limitations ou l'exclusion d'indemnité prévues à l'encontre des victimes directes peuvent leur être étendues. Le code ne répond pas à cette question. Il n'a prévu que les modalités de leur indemnisation sans poser les règles d'ouverture de leur droit à indemnisation. Les seules limitations prévues par le code ne concernent que l'indemnisation des personnes qui établissent une communauté de vie avec la victime directe. Lorsque tous ces préalables sont remplis, restent à déterminer les modalités de mise en œuvre du droit à indemnisation. (23) Yvonne Lambert-Faivre, Droit des assurances, Paris, Editions Dalloz, 4' édition 1982, p. 550. Penant 864 DOCTRINE 307 II- LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT A INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS DE LA CIRCULATION L' objectif.-Rl'ursuivi par le Code CIMA est de permettre une indemnisation rapiàe dés' dommages survenus en cas d'accident de la circulation. Celle-ci est essenfi'elleÏnent transactionnelle, mais exceptionnellement, elle pourra être judiciaire. A. La consécration d'une procédure essentiellement transactionnelle Le Code CIMA, en son article 231 al. l", oblige l'assureur à présenter à la victime une offre d'indemnité dans un délai de douze mois à compter de l'accident. Ce faisant, la nouvelle législation fait du règlement amiable un préliminaire obligatoire. 1) Le caractère obligatoire de la transaction préalable La procédure d'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation commence par une transaction préalable obligatoire. La transaction suppose en premier lieu la présentation d'une offre d'indemnité et par la suite l'accord de la victime aboutissant à la transaction. Cette exigence est clairement énoncée à l'article 231 du CIMA lorsqu'il dispose que: « indépendamment de la réclamation que peut faire la victime, l'assureur qui garantit la responsabilité civile d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximum de douze mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses ayants droit tels qu'ils sont définis aux articles 265 et 266 ». Le mécanisme énoncé donne à l'offre d'indemnité un caractère obligatoire, et détermine les parties à la transaction. Par ailleurs, l'assureur esttenu à certaines obligations quant au contenu de l'offre. En obligeant l'assureur de présenter une offre d'indemnité, l'article 231 enferme cette obligation dans un délai impératif. Il découle de ce texte que l'offre doit être présentée dans un délai de douze mois à compter de l'accident. Ce~ndant, si l'état de la victime n'est pas de nature à s'améliorer le plus tôt possible, il devient difficile de respecter ce délai. Dans l'hypothèse où la consolidation pourra se faire après plusieurs mois, le Code CIMA précise en son article 231 al. 3 que lorsque l'assureur n'a pas, dans les six mois de 1' accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime, l'offre peut d'abord avoir un caractère provisionnel. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de six mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. Pour renforcer l'obligation de l'offre d'indemnité le Code CIMA prévoit des sanctions lorsque l'assureur laisse s'écouler le délai à lui imparti Penant 864 308 sans pouvoir présenter à la victime directe ou à ses ayants droit une offre de transiger (24). Cette disposition s'explique dans le souci d'éviter les manœuvres dilatoires de l'assureur. Il convient de souligner que l'offre obligatoire d'indemnité ne concerne qu'une catégorie de dommages, en l'occurrence les dommages à la personne, les dommages aux biens étant exclus (25). L'initiative de l'offre d'indemnité revient normalement à l'assureur du véhicule. Mais le Code CIMA prévoit deux cas de figure dans le cas où un seul véhicule à moteur a été la cause de l'accident, l'initiative de procédure de transaction revient comme l'indique 1' article 231 à l'assureur qui garantit la responsabilité civile du véhicule. En revanche, en cas de pluralité de véhicules et s'il y a plusieurs assureurs, l'offre est faite par l'assureur désigné dans la convention d'indemnisation pour compte d'autrui visée aux articles 267 et suivants (26). Il ressort des articles 267 et 268 du Code CIMA, relatifs au choix du meneur de la procédure, que lorsque plusieurs véhicules participent à la survenance d'un accident à conséquences corporelles, l'offre d'indemnisation aux victimes intervient s;lon les modalités ci-après : -vis-à-vis des personnes transportées, à l'assureur de responsabilité du véhicule dans lequel les victimes ont pris place ; -à l'égard des piétons, par l'assureur du véhicule qui a heurté la victime. Si ce véhicule n'est pas identifié, l'offre est présentée par l'assureur du véhicule dont le numéro de la plaque d'immatriculation est le plus faible; - à tout moment l'assureur, qui estime que la responsabilité de son assuré est prépondérante, peut revendiquer la gestion du dossier. Dans le cas spécial des rapports entre conducteurs notamment pour l'indemnisation de leurs dommages corporels ou matériels, la procédure d'offre incombe, s'il y a lieu en cas de collision entre deux véhicules, à l'assureur désigné par le barème de responsabilité annexé au code des assurances, et en cas d'accident mettant en cause plus de deux véhicules par l'assureur du véhicule dont le numéro de la plaque d'immatriculation est le plus faible (27). Le Code CIMA n'interdit pas à la victime la possibilité d'initier la transaction. En effet l'article 231 stipule : « indépendamment de la réclamation que peut faire la victime ». Mais à la différence de l'initiative de l'assureur, celle de la victime n'a pas un caractère contraignant. Concernant les accidents causés par les véhicules de l'Etat, l'article 238 du Code CIMA indique que pour l'application des articles 231 à 236 relatifs à la procédure d'offre, l'Etat est assimilé à un assureur. En conséquence, il est tenu comme assureur de responsabilité à l'obligation de pré- (24) Code CIMA, (25) Code CIMA, (26) Code CIMA, (27) Code CIMA. DOCTRINE DOCTRINE art. art. art. art. 233. 231, al. l. 231, al. 4. 269. ·Penant864 309 senter une offre d'indemnité. Ce que l'on peut craindre dans l'application de cette procédure spéciale aux accidents causés par les véhicules publics par les fonctionnaires de mauvaise foi qui pourraient initier des dossiers fictifs. . ..,:ttr". ' L'oblig'atiari èle faire une offre d'indemnité mise à la charge de l'assureur subsiste ffiê:ffiè• ~ ëe.dernier invoque une exception de garantie, il est tenu de satisfaire aux prescriptions des articles 231 à 236 du Code CIMA pour le compte de qui il appartiendra. L'offre d'indemnité est présentée dans le cas de blessures, à la victime directe et en cas de décès de celle-ci, à ses ayants droit définis aux articles 265 et 266 du Code CIMA. Afin de protéger les mineurs et les incapables, tout projet de transaction les concernant doit être soumis pour autorisation au juge des tutelles ou au conseil de famille. De plus, doit être déclarée nulle toute clause par laquelle le représentant légal se porte fort de la ratification par le mineur ou le majeur en tutelle de la transaction faite en son nom (28). Pour justifier leur qualité, les victimes sont tenues de donner à l' assureur un certain nombre de renseignements. Lorsque le destinataire de l'offre est la victime directe, il est tenu de fournir à l'assureur les renseignements ci-après : nom et prénoms, date et lieu de naissance, activité professionnelle, adresse de son employeur, montant de ses revenus professionnels, le certificat médical initial et autres pièces justificatives en cas de consolidation, le dommage causé à ses biens, etc. (29). Lorsque les destinataires de l'offre sont lt:s ayants droit de la victime, chacun d'eux est tenu, à la demande de 1' assureur de lui fournir certains renseignements tels que ses liens avec la victime, son activité professionnelle et l'adresse de son employeur, le certificat de décès de la victime, le jugement d'hérédité non frappé d'appel et le certificat de vie des ayants droit. L'assureur est également tenu de fournir à la victime certaines indications dans son offre. Aux termes de l'article 243 du Code CIMA,« L'offre d'indemnité doit indiquer, outre les mention exigées par L'article 231, L'évaluation de chaque chef de préjudice et les sommes qui reviennent au bénéficiaire ». L'article 231 prévoit en effet que « l'offre comprend tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris tous les éléments relatifs aux dommages, aux bi.e,.ns lorsqu'ils n'ont pas fait L'objet d'un règlement préalable». L'offre d'indemnité précise, le cas échéant, les limitations ou exclusions d'indemnisation, l'assureur n'est pas tenu, dans sa notification, de fournir les indications et documents prévus au premier alinéa de l'article 243 du Code CIMA. L'offre d'indemnité doit aussi indiquer les créances de chaque tiers payeur et les sommes qui conviennent au bénéficiaire. Elle est accompagnée des décomptes produits par les tiers payeurs (30). (28) Code CIMA, art. 234. (29) Code CIMA, art. 240. (30) Code CIMA, art. 246. Penant864 3!0 DOCTRINE Les mentions indiquées ci-dessus doivent être complétées par la reproduction par l'assureur, en caractère très apparent des dispositions de l'article 235 reconnaissant à la victime la faculté de dénoncer la transaction dans les quinze jours de sa conclusion, et frappant de nullité toute clause de la transaction par laquelle la victime abandonne son droit de dénonciation. La reproduction en caractère très apparent des dispositions sus énoncées est exigée tant dans 1'offre de transaction que dans la transaction elle-même à peine de nullité relative à cette dernière (31 ). 2) La mise en œuvre de la transaction La rencontre des volontés entre 1' assureur et la victime est constatée en pratique par la signature d'un protocole d'accord entre les parties, dans lequel elles reconnaissent d'avoir retenu et accepté le montant de l'indemnité. L'aboutissement de la transaction amène également la victime à signer une quittance d'indemnité dans laquelle elle reconnaît avoir reçu une somme à titre d'indemnité totale. La signature de la victime peut être faite sous réserve ou non. L'article 235 du Code Clrvk<\ reconnaît à la victime la faculté de dénoncer la transaction. Selon cet article la transaction peut être dénoncée lorsque le montant de l'indemnité n'a pas .été fixé conformément aux modalités d'indemnisation des préjudices subis tant par la victime directe que par les ayants droit, modalités prévues aux articles 258 et suivants. Tout abandon par la victime de son droit de dénonciation est sanctionné par une nullité. Une fois le montant de l'indemnité retenu et accepté, l'assureur devra exécuter la transaction en payant le montant convenu. A ce propos, le Code CIMA a posé, d'une part, les règles relatives à la protection des mineurs et des incapables et celles fixant le délai de paiement et les intérêts de retard, d'autre part. Le Code CIMA entend en effet protéger les mineurs et les incapables. Pour ce faire, il a posé certaines règles. En premier lieu, le paiement du premier arrérage ou une rente de toute somme s'effectue entre les mains du représentant légal de la personne protégée. Ensuite, il fait obligation à 1' assureur de donner avis, sans formalité au juge des tutelles ou au conseil de famille, quinze jours a11 moins à l'avance (32). Le paiement qui n'a pas été précédé de l'avis requis peut être annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public à l'exception de l'assureur (33). La procédure en vigueur en matière de transaction au niveau des sociétés d'assurances est qu'après avoir reçu cette somme, la victime renonce à toute action judiciaire contre l'assureur. Si la victime conteste le montant de l'indemnité, elle pourrait saisir la justice. (31) Code CIMA, art. 235, al. 3. (32) Code CIMA, art. 234, al. l. (33) Code CIMA, art. 234, al. 2. Penant 864 DOCTRINE 311 3) Les dommages réparables Lorsque la victime est considérée comme conductrice, sa propre faute a pour conséquence la limitation ou l'exclusion de l'indemnisation des ses dommages ,çgrpo~els et matériels. La formule énoncée à l'article 227 al. 1" app'ell'i'touf de même quelques observations et ceci tant sur la nature des domma~.s..à in'tiefuniser que sur l'étendue de l'indemnité. S'agissant de la nature des préjudices, le régime ne fait pas de distinction entre les dommages corporels et les dommages matériels. a) L'indemnisation des préjudices subis par les victimes directes La nouvelle législation sur l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation apparaît comme un compromis entre l'assureur de responsabilité et les victimes. D'un côté, l'assureur est tenu d'indemniser automatiquement les victimes sans tenir compte de leur conduite ainsi que de celle du conducteur, de l'autre cette indemnisation est assortie de certaines limitations. Les préjudices indemnisables à la victime directe dans le Code CIMA sont énumérés aux articles 258 à 263 dudit code. Il en résulte que la victime directe est en droit d'invoquer: les frais de toute nature, l'incapacité temporaire, l'incapacité permanente, l'assistance d'une tierce personne, la souffrance physique et esthétique et le préjudice de carrière. La fixation des taux d'incapacité ainsi que la qualification des souffrances corporelles sont fixées par un barème médical prévu par le Code CIMA. Ainsi le contrôle du1uge sur l'existence et l'importance des préjudices doit se faire conforment à l'outil de référence du médecin expert à savoir le barème médical. La fixation de l'indemnité de la victime directe obéit dans ce code à des indications précises. Aux termes de l'article 239 du Code CIMA, « lorsque l'assureur qui garantit la responsabilité civile et militaire ne sont pas parvenus à un accord dans le délai de douze mois, à compter de l'expiration du délai fixé au premier alinéa de l'article 23, l'indemnité due par l'assureur est calculée suivant les modalités fixées aux articles 258 et suivants ". Le remboursement des frais prévus à l'article 258 du Code CIMA ne peut se faire que si ces frais sont assortis de pièces justificatives. Pour éviter sans doute, que les blessés soient tentés d'abuser dans la présentation de la note toœle des frais résultant de l'accident, le problème pourrait se poser pour les blessés qui sont habitués, ou encore pour éviter de se voir reprocher de s'être fait mal soigner, se sont adressés aux cliniques et aux spécialistes les plus réputés. b) L'indemnisation des préjudices subis par les ayants droit de la victime Les modalités d'indemnisation des préjudices subis par les ayants droit de la victime prédécédée concernent d'une part l'identification des bénéPenant 864 312 DOCTRINE DOCTRINE ficiaires de l'indemnité et d'autre part la fixation du montant de l'indemnité. Les bénéficiaires de l'indemnité du préjudice moral en ce qui les concerne sont énumérés à l'article 266 aL 1 du Code CIMA. Il découle de cette disposition que « seul le préjudice moral du (des) conjoint(s), des enfants minel,lfS., des enfants majeurs, des ascendants et les frères et sœurs est indemrtisl':;;', •S'il n'exige pas de manière explicite un lien d'affection, on peut déduff.e. 'deS" tërmes de l'article 266 que seuls sont admis les parents proches et non ceux éloignés. Le préjudice subi par les enfants du fait du décès de leur père est à la fois un préjudice moral et matérieL Roger Beraud écrit à ce sujet que « dans la mesure où l'enfant a perdu l'appui de son père (voire de sa mère), de ses conseils, du fruit de son expérience, dans ses années de formation psychique, intellectuelle et professionnelle, son introduction sociale et son affirmation dans le monde du travail en ont pâti » (36). La taille de la famille africaine ayant un caractère très extensible, le Code CIMA n'a pas entendu faire bénéficier l'indemnité à tous les membres de la famille. Il présente, à l'occasion, une liste limitative des ayants droit de la victime d'un accident de la circulation pour l'indemnisation de leurs préjudices économiques et moraux. Bénéficient de l'indemnité pour préjudice économique d'après l'article 265 du Code CIMA, chaque conjoint et enfant(s) à charge. Est considéré comme enfant à charge au sens de la sécurité sociale les enfants légitimes, naturels adoptifs ou recueillis dont la charge effective et permanente ouvre droit à la personne qui la supporte aux prestations familiales. Un enfant est considéré comme tel jusqu'à l'expiration de l'obligation scolaire. Le Code CIMA fixe l'âge limite de paiement de la rente à vingt et un ans, sauf si l'enfant poursuit des études supérieures auquel cas l'âge limite est de vingt-cinq ans. En ne visant comme bénéficiaires de l'indemnité au titre du préjudice économique que le conjoint et les enfants, le Code CIMA semble formuler une présomption de préjudice à 1' égard de ceux qui sont sensés subvenir directement des ressources du prédécédé. Comme l' écnt Roger Beraud, « le défunt était animé des sentiments de bon père de famille et devait suivre ces mêmes sentiments jusqu'à sa mort naturelle, ce qui prive femme et enfants de son secours pour longtemps. Au reste, la loi est là pour obliger à l'exécution alimentaire >> (34). La Cour d'appel de Brazzaville ne semble faire bénéficier de l'indemnité du préjudice matériel que l'épouse et les enfants. C'est ce qui découle d'un arrêt du 16 janvier 1996 : « Si pour l'épouse et les enfants du de cujus, la perte du père ou de l'époux constitue un préjudice matériel, si le de cujus exerçait une activité lucrative matériel, en revanche pour les neveux et cousins, cette perte ne constitue qu'un préjudice affectif, moral notamment s'il est démontré qu'ils étaient à la charge du de cujus ou qu'ils vivaient sous son toit» (35). La question qui se pose est celle de savoir si les autres membres de la famille peuvent invoquer le préjudice économique ? Dans une société africaine où les parents, les frères et sœurs sont généralement soutenus effectivement par le fils ou frère prédécédé, ceux-ci sont-ils en droit d'invoquer le préjudice économique? L'article 229 al.! du Code CIMA le leur permet. Il dispose en effet que « le préjudice subis par les personnes physiques qui établissent être en communauté de vie avec la victime directe de l'accident peut ouvrir droit à réparation>>. (34) Roger Beraud, Comment évaluer le préjudice corporel ?, Paris, Editions Librairie du Journal des Notaires et des Avocats, 6' édition, 1971, p. 7. (35) Cour d'appel de Brazzaville, Chambre correctionnelle, 16 juillet 1996, Répertoire correctionnel, arrêt no 152, inédit. Penant864 313 On estime que n'eut été cet accident mortel, les époux seraient restés unis par un mariage heureux. L'époux survivant est, pour cette raison, admis à revendiquer l'indemnisation de ce préjudice moral. Pour ce qui est des frères et sœurs du préjudice, leur préjudice se justifie par le lien d'affection qui les unissait à ce dernier. Il est évident qu'une affection constante et réciproque a toujours existé entre eux et le prédécédé. On observe que l'importance de l'indemnité varie en fonction de l'âge. Ainsi, plus le bénéficiaire est jeune, plus son indemnité est élevée. L'on peut, cependant, constater que si l'enfant poursuit des études supérieures, le barème à prendre en considération pour déterminer la valeur de l'indemnisation est celui prévu pour cette catégorie notamment celui qui limite l'âge de paiement de la rente à 25 ans. Le Code CIMA a entendu enfermer le juge dans un plafond. L'indemnité globale au titre du préjudice économique est plafonnée à 60 fois le montant du SMIG annuel de l'Etat membre sur le territoire duquel l'accident est survenu. B. La procédure contentieuse 1. Les hypothèses de saisine du juge Le Code CIMA, en son article 239, subordonne le règlement contentieux des dommages intérêts causés par un accident de la circulation à un défaut d'accord- entre la victime et l'assureur, mais à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de l'accident. La question que l'on peut se poser ici est celle de savoir quel sera le sort de la transaction préalable et obligatoire lorsque la victime, sans attendre son aboutissement, opte pour le règlement contentieux ? Il est clair que la consécration d'une procédure essentiellement transactionnelle, qui doit nécessairement précéder le règlement conten- (36) Roger Beraud. op. cit., p. 41. Penant 864 315 DOCTRINE DOCTRINE tieux, s'explique par le souci des rédacteurs du Code CIMA d'accélérer les procédures des règlements des indemnités aux victimes d'accident de la circulation. Or, nous avons vu qu'un accident de la circulation peut être à l'origine d'une infraction pénale, très souvent un homicide ou des blessures involontaires, et par conséquent engager la responsabilité pénale du conducteur. Dans ces conditions l'action publique sera déclenchée par le Ministère public conformément à 1' article 1" du Code de procédure pénale qui dispose: «l'action publique pour l'application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats et fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi ». Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée par voie de constitution de partie civile. correctionnelle a quant à elle dans 1' affaire ayants droit de feu Bak et Louf contre L.T., après avoir statué sur l'action publique, donné acte, sur les intérêts civils, aux ayants droit de feu Bak et Louf, de leur transaction avec la compagnie à;.assu(ances (38). 314 Si cette action est exercée avant l'expiration du délai de 1' article 231 du Code CIMA, c'est-à-dire avant douze mois à compter de l'accident, quel sera le sort de l'offre d'indemnité ? Le problème ne se pose pas aujourd'hui dans la mesure où, lorsqu'une compagnie d'assurance a préalablement initié une transaction ou même à la demande de la victime, et si par la suite elle reçoit un avis d'audience, la transaction initiée est suspendue au profit de la procédure contentieuse. Mais, la question de !'incidence de la transaction préal<1ble et obligatoire sur la constitution de partie civile précoce trouve une importance particulière ici, dans la mesure ·où d'une part il est autorisé de transiger sur les intérêt civils, et d'autre part l'action civile par la voie de constitution de partie civile et la transaction visent le même but: l'indemnisation des préjudices subis par la victime. Si la victime, sans attendre l'aboutissement de la transaction, va se constituer partie civile, la nouvelle législation, en interdisant à la victime et à l'assureur de saisir l'autorité judiciaire avant l'expiration du délai de douze mois, n'oblige pas le juge de surseoir à statuer sur l'intérêt civil. Mais une fois saisi le juge pénal sera-t-il obligé de statuer uniquement sur l'action publique et laisser de côté les intérêts civils? Le Code de procédure pénale ne semble apporter une solution que du côté de la victime et non de celui du juge. L'article 360 du Code congolais de procédure pénale prévoit d'une manière générale que la victime peut se désister de sa constitution de partie civile. Elle peut le faire si elle ne comparaît pas ou n'est pas représentée à 1' audience. En jurisprudence congolaise, les solutions données jusqu'alors concernent le cas où la transaction a abouti avant le jugement. Dans ces conditions, le juge ne fait que constater la transaction intervenue. Ainsi dans l'affaire K.R.A., la première chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Brazzaville, après avoir statué sur l'action publique, constatait purement et simplement la transaction intervenue entre les ayants droit de la victime et la société des assurances et de réassurances du Congo dite ARC, quant aux intérêts civils (37). La deuxième chambre Si, au côrrt~~i~.~11!. c.onstitution de partie civile avait précédé l'offre d'indemnité, il serait opportun que la victime puisse se désister conformément à l'article 360 du Code de procédure pénale. Car si la transaction n'aboutit pas, la victime ne serait pas dépourvue de recours. En effet, selon l'article 361 du Code de procédure pénale, « le désistement de la partie civile ne fait pas obstacle à l'action civile devant la juridiction compétente ». En réalité la victime n'a guère d'intérêts pour le règlement contentieux de ses préjudices corporels car la transaction lui offre plus d'avantages. Elle est rapide et lui évite les frais de justice. De plus, le règlement de l'indemnité par la voie de la transaction ou par voie judiciaire se fait sur les mêmes bases : l'application des barèmes du Code CIMA. La juridiction saisie pour le règlement d'un contentieux des dommages causés par un accident de la circulation est tenue de fixer l'indemnité suivant les modalités prévues aux articles du Code CIMA. 2. Le pouvoir d'appréciation du juge quant à l'indemnisation des victimes Les pouvoirs d'appréciation du juge découlent des articles 143 et 144 du Code de procédure civile. En effet, selon l'article 143, «le juge est tenu de statuer dans les limites du litige, telles qu'elles ont été fixées par les parties>>. L'article 144, quant à lui, stipule qu'« en matière de réparation de dommage, le juge est tenu d'évaluer le montant dû même si la demande n'est pas chiffrée après avoir entendu le ministère public en ses réquisitions >>. Il appartient donc au juge du fond de déterminer souverainement le montant du dommage subi par la victime. Or, le Code CIMA soumet le règlement contentieux de l'indemnité au respect de certaines modalités bien définies. Ces modalités concernent la limitation des préjudices indemnisables, celle des personnes bénéficiaires de l'indemnité mais aussi la barémisation et le plafonnement des indemnités. En le faisant, la nouvelle législation sur l'indemnisation des victimes d'accidents de l~ circulation n'empiète-t-elle pas sur les prérogatives dévolues au juge? Et le juge est-il tenu de s'y conformer? Nous estimons que le rôle du juge doit s'apprécier selon les cas. _ Ainsi, dès lors que tel ou tel préjudice est reconnu indemnisable par la loi, le juge ne peut l'écarter si son existence est prouvée. En revanche, lorsque la loi a, limitativement, énuméré certains préjudices indemnisa- (37) Tribunal de Grande Instance de Brazzaville, Ire Chambre correctionnelle, 29 janvier !996, Répertoire correctionnel, no 036, inédit. (38) Tribunal de grande instance de Brazzaville, 2' Chambre correctionnelle, 3 juillet !996, Répertoire correctionnel, n° 217, inédit. Per~ant864 Penant 864 316 DOCTRINE bles à l'exclusion d'autres, ceux exclus ne peuvent pas être retenus par le juge même si leur existence est prouvée. C'est le cas aujourd'hui du préjudice d'agrément qui n'est plus indemnisable dans le Code CIMA. ·~'\::: On peut donc dire, concernant l'existence et l'étendue des préjudices reconnus comme indemnisables, que les juges disposent même avec les modalités d'indemnisation établies par le Code CIMA, d'un certain pouvoir d'appréciation grâce au barème médical. En d'autres termes, le contrôle du juge sur l'existence et l'importance des préjudices ne peut se faire que conformément à 1' outil de référence du médecin expert à savoir le barème médical. fi:"" ~ f CONCLUSION Il ressort de cette étude que le Code CIMA est venu substituer aux règles ordinaires de la responsabilité civile, des règles particulières qui confèrent aux victimes d'accidents de la circulation un droit à indemnisation autonome bouleversant à l'occasion le système traditionnel fondé sur les dispositions des articles 1382 et ~uivants du Code civil. Le droit classique de la responsabilité civile met l'accent sur les conditions de la mise en jeu d'une responsabilité et la détermination du responsable en est la démarche fondamentale (39). Dans le Code CIMA, « l'identité du responsable ne constitue plus qu'une sorte de procédure, sans effet contraire, à partir du moment où l'assureur de responsabilité se substitue au responsable pour indemniser la victime » (40). L'indemnisation des victimes se passe ainsi de responsable. Dès lors, l'on sort du domaine de la responsabilité civile pour entrer dans celui de la solidarité collective. lt ~: f j ~ ~ t Al l 1 1i Il est clair qu'aujourd'hui, la victime d'un accident de la circulation a acquis un droit à indemnisation de son dommage et que celui-ci est pris en charge par la collectivité grâce au mécanisme de l'assurance obligatoire. Ce qui conduit à l'appeler le« système de sécurité routière >>. Désormais, les victimes d'accidents de la circulation n'auront plus, en principe, à déplorer les situations inadmissibles engendrées par des dommages corporels non réparés auxquels conduisait parfois le droit de la responsabilité traditionnelle. ~. i l N'est-ce pas le but recherché par les autorités africaines en mettant en place le Code CIMA ! 1 (39) Yvonne Lambert-Faivre, « L'évolution de la responsabilité civile d'une dette de responsabilité à une créance d'indemnisation>>, Revue trimestrielle de droit civil, janvier-mars 1987, p. 7. (40) Yvonne Lambert-Faivre, op. cit., p. 7. Penant 864 • H\,. ~