Morgane LERVILLE - Sciences Po Service Carrières

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Morgane LERVILLE - Sciences Po Service Carrières
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SOMMAIRE
I.
L’heure de vérité
A. Stage ou Université : un choix déterminant____________________ p4
B. Formulation de mon projet professionnel _____________________ p6
C. Recherche de stage : l’épreuve du feu_______________________ p6
II.
Les stages
A. Journalisme
1. Une journée type_____________________________________ p9
2. Tâches principales____________________________________ p10
3. Apprentissages_______________________________________ p12
B. Bureau Régional de l’UNESCO pour l’Amérique Latine et les Caraïbes
1. L’UNESCO et le Bureau Régional à Montevideo______ p15
2. « Qu’est-ce donc que la bioéthique ? »1 ____________ p17
3. Mes missions_______________________________________ p18
4. Apprentissages____________________________________ p21
III.
La vie rioplatense2
A. Un dépaysement total ?__________________________________ p23
B. Tango, gauchos, mat, y voseo : des symboles disputés_____ p24
C. La buena onda et la farniente____________________________ p25
D. Situation politique et économique _______________________ p25
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IV.
Bilan ______________ p28
V.
Annexes___________ p30
« ¿Qué es esto de la bioética ? », S. Vidal
De part et d’autre du Rio de la Plata, qui sépare l’Argentine de l’Uruguay
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3A.
1. Déf. officielle
«Terme utilisé par les élèves de Sciences Po pour faire référence à leur année passée à
l’étranger dans une université, en stage ou en projet personnel, qui permet de découvrir une nouvelle culture,
de parler une autre langue, et de prendre son indépendance. Désigne aussi dans sa version masculine un
élève actuellement à l’étranger ».
2. Déf. officieuse «Enfin
une année loin de France et de toute pression universitaire ou familiale, passée à 40%
en voyage, 50% avec ses 30 colocataires, et 10% sur les bancs de l’université à rédiger son rapport de
séjour ».
3. Déf. réelle
«Expérience unique pour enfin commencer à faire son chemin, et construire son futur. Voie
minée, faite de montagnes rocheuses et de dunes de sable chaud, de pentes abruptes et d’ascensions
vertigineuses ».
Synonymes :
voyages, découverte, apprentissage, autonomie, débrouille, prise de risque, futur, auberge
espagnole.
Antonymes :
fermeture d’esprit, France, casanier.
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« La troisième année : le stage, l’université … ou le tour du monde à vélo ». Si cet article publié par la
Péniche en 20123 a retenu mon attention de jeune 2A, c’est pour la connotation symbolique de son titre.
Amoureuse de l’Angleterre et de sa littérature, quelque peu frustrée de ne pas suivre de cours sur ce thème à
l’université, je ressentais le besoin de parler la langue de Shakespeare autrement qu’avec des professeurs
français à l’accent souvent à couper au couteau. Mon chemin semblait tout tracé vers les universités
anglaises que je connaissais bien pour avoir sérieusement considéré traverser la Manche après mon
baccalauréat.
Pourtant, je me suis vite rendue compte que si cette voie était la plus confortable, ce n’était pas forcément
celle qui me convenait en termes stratégiques. C’est alors que devant mes yeux, les deux premières
définitions de la fameuse « 3A » évoquées ci-dessus se sont petit à petit érodées, et que son synonyme est
devenu « prise de risque ». C’est ainsi que je définirais mon année et demie passée entre l’Argentine et
l’Uruguay, au sein de l’Amérique Latine, continent blagueur, séduisant et surtout débordant de chaleur4.
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Article en question
Voir Latinoamérica, hymne du célèbre groupe Calle 13 à leur terre.
I.
L’heure de vérité
A. Stage ou Université : un choix déterminant
Mon premier contact avec la 3A ne laissait pas l’ombre d’un doute : j’allais opter pour l’option université.
L’heure passée dans l’amphi Boutmy en compagnie de représentants de Sciences Po Avenir avait achevé de
me convaincre que le stage ne correspondait pas le moindre du monde à mon profil et que le projet
personnel était à proscrire à tout prix.
Le stage, pourquoi pas ? Cette interrogation est venue après avoir épluché les différentes universités, discuté
avec quelques 3A et surtout après les rendez-vous avec les fameux (et redoutés) responsables de la DAE. Ils
me faisaient presque tous comprendre que malgré un dossier acceptable (environ 13-15 à toutes les
matières), je n’étais pas au niveau de prétendre aux très bonnes universités en Angleterre ou aux Etats-Unis.
Or, je n’avais aucune envie de prendre le risque de passer une année dans une université moyennement
connue qui n’aurait pas de valeur ajoutée sur mon CV. J’étais moi-même plus ou moins convaincue par le
niveau général des cours, au vu de nombreux récits d’anciens 3A aux quatre coins du globe. Mon
raisonnement ne conviendra peut-être pas à tout le monde, mais il se résume à la pensée suivante : je n’ai
pas une année à « perdre », et si je veux voyager – et j’ai bien l’intention de le faire - pendant un an, je peux
très bien en prendre l’initiative une fois mes études terminées et sans en imposer le coût à mes parents.
Le déclic du stage au lieu à la suite d’une rencontre peu agréable avec la personne en charge des séjours en
université en Amérique Latine. C’est toute hésitante que je me suis rendue au rendez-vous Rue de
l’Université. Selon mon interlocutrice je n’avais aucune chance d’avoir les universités demandées pour
cause de mon faible niveau d’espagnol. Je me suis alors sérieusement mise à reconsidérer l’option stage.
Ayant énormément de mal à choisir entre l’un et l’autre, j’ai finalement mis mes idées par écrit et ai réalisé
un calcul avantages – inconvénients que je formulerai rapidement ici, à destination des futur 3A qui
pourraient se poser les mêmes questions.
ℵ Le séjour en université :
o
Avantages :
Il permet de découvrir un nouveau pays, sa culture et son histoire, grâce aux cours choisis ; de suivre des
matières que nous n’avons pas l’occasion d’aborder à Sciences Po ; d’avoir un point de vue différent sur
certaines théories et expérimenter une autre méthode d’apprentissage ; d’acquérir une « expérience
universitaire » qui pourrait permettre de faire mon master ou une thèse à l’étranger plus facilement ; d’avoir
du temps libre pour s’impliquer dans des associations étudiantes, pour voyager, et pourquoi pas pour avoir
un petit boulot.
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o
Inconvénients:
L’on reste dans le petit moule de l’université, et beaucoup d’étudiants avec qui j’avais discuté, mais aussi
avec qui j’ai ensuite vécu, étaient assez déçus par les cours et faisaient primer leur vie nocturne et leurs
voyages sur leurs études. Comme je l’ai mentionné auparavant, ceci me paraissait une perte du peu de temps
qu’il me reste pour décider de mon projet professionnel, et surtout de mon master.
ℵ Le stage:
o
Avantages:
Le stage présente l’opportunité de confronter son projet professionnel à la réalité du monde du travail ; il
impose de s’y adapter, ce qui n’est pas si facile que l’on pourrait imaginer à première vue. Il permet
d’acquérir des compétences techniques et personnelles indéniablement utiles dans n’importe quelle future
carrière : avoir des responsabilités, prendre des initiatives, mener à bien un projet, savoir travailler en équipe
mais aussi se créer un nid pour éviter de se retrouver à la place du stagiaire-secrétaire qui apporte le café.
Par ailleurs, le processus de recherche de stage est lui aussi essentiel. C’est grâce à lui que je sais désormais
quelles sont les erreurs à éviter lors de la potentielle recherche d’un emploi ; et j’ai maintenant une petite
idée de la manière de s’y prendre. Enfin, un ou plusieurs bon(s) stage(s) pèsent énormément sur un CV, que
ce soit pour le master -et je peux en témoigner-, ou lors de la recherche d’un futur stage payé ou d’un
premier emploi.
o
Inconvénients:
Les risques sont gros en choisissant de réaliser un stage – encore faut-il réussir à en trouver un dans un
domaine qui nous intéresse ; avoir la chance de ne pas tomber sur un stage-café ou pire, un stageimprimante. Mais l’enjeu en vaut la peine. Pour sûr, quitter le monde finalement doré et dorloté de
l’université n’est pas chose facile : il faut se prendre en charge et évoluer dans un monde qui n’est pas à
notre avantage en tant qu’étudiants de licence avec en règle générale une expérience professionnelle assez
pauvre. Par ailleurs, l’idée de devoir rechercher un stage (non rémunéré, bien sûr…) est assez rebutante, et
beaucoup moins confortable que celle de se laisser guider par le choix que la DAE fera pour nous dans le
cadre d’un séjour en université. Un stage laisse également beaucoup moins de temps libre qu’une année
d’étude, et il est assez frustrant de voir que tous ses compagnons visitent la moitié de l’Amérique Latine
tandis que l’on reste sagement au bureau. Depuis mai dernier, date de mon départ en Argentine, je n’aurai
finalement eu que 3 semaines de vacances, ce qui ne m’a pas laissé pas le temps de voyager autant que je
l’aurais aimé. Enfin, à première vue le stage rend la vie sociale plus difficile puisque les collègues sont
souvent plus âgés que nous. Ce dernier inconvénient était une de mes grandes peurs, ce qui, à la lumière de
mes expériences, n’a absolument pas lieu d’être.
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C’est après de longs mois de questionnement, non dépourvus de stress, que j’ai pris au dernier moment la
décision de m’orienter vers l’option stage. Un tel choix est tout sauf neutre sur mon parcours universitaire et
personnel.
B. Formulation de mon projet professionnel
Une fois la décision prise, et c’était déjà un saut significatif, il m’a fallut formuler un projet afin de savoir ce
que j’attendais de ma 3A, et de pouvoir me « vendre » à un potentiel maître de stage. Autre décision
cruciale m’attendait : réfléchir sur quels pays orienter mes recherches, et surtout dans quels domaines.
Le choix de la région a finalement été assez naturel. La majeure partie de l’Asie ne m’intéresse pas
énormément, je n’étais pas prête à passer un an en Afrique, et l’Amérique du Nord, surtout les Etats-Unis,
sont pour moi à l’antipode même de la découverte culturelle. Restait la Russie, où je ne m’imaginais pas
rechercher du travail dans le futur bien que je rêve d’y voyager, et l’Inde, dont j’étais tombée sous le charme
mais où je ne me sentais pas encore capable d’affronter la place la place des femmes dans la société.
L’Amérique Latine s’est imposée d’elle-même ; j’aime à penser qu’il s’agissait du destin, mais il s’agit en
réalité d’une décision personnelle : il fallait absolument que je règle son affaire à mon niveau d’espagnol
assez médiocre malgré cinq ans d’apprentissage.
C’est ainsi que mon attention s’est déportée de l’Angleterre, mon pays bien-aimé (dont je raffole des scones
et du carrot cake), vers son grand ennemi l’Argentine, dont je ne connaissais absolument rien, dont je
n’aimais pas la langue, et dont j’exécrais le plat national : l’asado (ou barbecue de viande rouge). Ne pas
rester sur ses acquis et se lancer des défis, voilà ma définition de la 3A et mon conseil à tous les futurs
voyageurs.
C. Recherche de stage : l’épreuve du feu
La recherche de stage est une réelle épreuve qu’il ne faut surtout pas sous-estimer, d’autant plus avec un
profil peu séduisant au premier abord : Sciences Po est une université très peu connue par les employeurs en
Amérique Latine, et un étudiant étranger de 20 ans sans expérience professionnelle de longue durée, ce n’est
pas l’idéal. Il faut être conscient qu’en commençant un stage « nous ne savons rien », mais nos études nous
donnent les outils nécessaires pour apprendre rapidement et s’adapter aux diverses exigences.
La recherche est ainsi un processus à long terme, et elle doit donc commencer au moment même où l’on
coche la case « stage » dans notre espace étudiant.
Voici un petit planning indicatif de ce qui me semble être le calendrier idéal de la recherche de stage :
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1 Octobre
2 Oct.-Nov.
3 Déc.-Janv.
4 Janv.-Fév.
5 Mars -Juin
6 Mai
Prise de décision
Activation
Préparation
Sélection
Envoi et suivi
Si pas de
Définition projet
réseau
candidature
contacts
candidatures
résultat,
personnel
élargir son
champ de
recherche
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Pourquoi ai-je choisi l’option stage? Qu’est-ce-que j’en attends? Quel type de stage est-ceque je recherche, et où ? Quels sont mes critères de choix ?
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Faire la liste des personnes de son entourage qui auraient des contacts utiles (famille, amis de
la famille, parents de nos amis, professeurs, anciens 3A qui auraient fait un
stage…).N’attendez pas beaucoup d’aide de la part de Sciences Po Alumni, mais il est
toujours intéressant d’explorer la piste. Glisser le thème dans les conversations : dans l’idéal,
tout le monde doit être au courant de votre projet.
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Bien que l’envoi des candidatures commence rarement avant Février-Mars, la préparation en
aval de la candidature est cruciale : CV, lettres de motivation types, modèle d’e-mails de
présentation … Au retour des vacances d’hiver, Sciences Po propose des ateliers de CV et de
lettre de motivation, qui se sont révélés très utiles pour moi. Il est en tout cas nécessaire de
faire relire sa candidature par plusieurs personnes qui se trouvent sur le marché du travail et
qui savent comment se vendre puisqu’elles ont elles-mêmes recherché un emploi. Bien sûr,
l’idéal serait que votre relecteur travaille dans les ressources humaines.
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Rechercher des entreprises/ institutions à contacter et se renseigner sur elles. Dans mon cas,
j’ai envoyé mon CV à la liste des organisations internationales et ONGs qui m’intéressaient
en Amérique Latine (sauf Mexique, Colombie et Cuba, car pour des raisons infondées,
j’avais peur de l’insécurité dans ces pays). Petit conseil : les chambres de commerce
françaises à l’étranger et les ambassades ont souvent des listes pour aider dans les recherches
de petits boulots et de stages. Elles peuvent être un intermédiaire précieux. Bien surveiller
également le site du Ministère des Affaires Etrangères, qui propose lui aussi des stages même
si le système resterait très pistonné.
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Ne pas hésiter à appeler ou faire des relances par e-mail après l’envoi de sa candidature.
C’est une étape que je n’ai pas suffisamment menée à bien, car les barrières de la langue et
de la timidité m’en ont empêchée. Mais au cours de mes stages je me suis rendue compte
que les non-réponses peuvent être aussi bien dues à un oubli ou un manque de temps qu’à un
manque d’intérêt. Il faut donc prendre confiance en soi, et ne pas se contenter d’attendre.
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Mon but était de « remplir » au maximum mon année de stage, et de partir fin mai 2014 pour
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ne rentrer que fin août 2015. J’avais donc mis une limite « d’alerte » fin avril- début mai dans
le cas où je n’avais rien trouvé. J’ai personnellement commencé par envoyer ma candidature
aux seules organisations qui collaient parfaitement à mon goût, avant de me rendre vite
compte qu’il fallait élargir mon champ de vision.
Le plus grand défi de la recherche de stage est ne pas se perdre dans l’immensité des possibilités. C’est
pourquoi la première étape est peut-être la plus importante. Sans projet clair en tête, impossible de savoir
vers quel secteur pointer, ni dans quel pays. L’absence d’un projet bien délimité m’a fait perdre beaucoup de
temps dans ma recherche, qui n’est devenue efficace qu’à partir du moment où je me suis orientée vers les
institutions internationales et le secteur du droit ; plus particulièrement des Droits de l’Homme, dont je
pensais vouloir faire mon métier.
Pour terminer, il me semble important de m’attarder sur deux erreurs à éviter à tout prix : premièrement,
choisir un stage sans savoir avoir auparavant convenu son périmètre, et le cadre de ses responsabilités. Je
suis en effet arrivée sur le sol argentin fin mai avec un stage au sein de la Ligue Argentine pour les Droits de
l’Homme, une des plus vieilles ONG argentines qui suit notamment les procès de la dictature. J’avais reçu
l’offre de stage à travers de Sciences Po Avenir, et ai foncé les yeux fermés après avoir un court entretient
avec mon futur maître de stage par Skype, au cours duquel il m’avait informée que je passerais deux
semaines à découvrir les différents branches de l’ONG avant de choisir ma spécialisation. En arrivant,
mauvaise surprise : les avocats ayant tous un travail rémunéré, les portes n’ouvraient qu’à 16h et fermaient
vers 20h. Bien que très impliqués dans leurs dossiers respectifs, les volontaires n’étaient pas organisés et
quatre à cinq stagiaires se bousculaient entre les murs étroits de l’association. Résultat : peu d’horaires, peu
de travail, et des tentatives pour prendre des initiatives qui restent sans échos. Les trois mois que j’aurai
passés dans cette ONG n’ont heureusement pas été vains, puisque j’ai pu rencontrer des personnalités très
chaleureuses et convaincues dans la lutte pour les Droits de l’Homme ; et j’ai aussi pu assister aux
témoignages de témoins dans la cadre de deux grands procès postérieurs à la dictature, ESMA5 et Opération
Condor6. Pour autant, il aurait été très frustrant de passer six mois au sein d’une structure en tant que simple
« témoin » et sans possibilité d’y être acteur. Par chance, je me suis vite rendue compte de la situation et ai
cherché très activement un autre stage. Cette fois-ci, pas d’autre choix que d’appeler directement et de taper
aux portes…
C’est ici que j’en arrive à la deuxième erreur à éviter : choisir un pays sans s’être auparavant renseigné sur
sa législation quant aux stages. Ceci ne me serait jamais venu à l’idée si je n’avais pas été contrainte de
chercher un nouveau stage en Argentine. En effet, je me suis vite rendue compte que ce pays a l’une des
législations les plus restrictives : hormis entrer par « piston », une entreprise ne peut pas nous recevoir faute
d’être inscrit dans une université sur place, ce que Sciences Po ne permet pas. Par ailleurs, même en
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ancienne école militaire qui a servi de camp de détention ainsi que de torture des prisonniers de la dictature
coopération organisée des dictateurs du Chili, d’Argentine et d’Uruguay, dans la lutte « anti-guérilla » et la disparition de nombreux
opposants au régime
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remplissant cette condition, les horaires de travail d’un stagiaire sont très limités et l’entreprise est obligée
de rémunérer ses jeunes recrues, ce qui rend le profil de stagiaire tout sauf attractif… Il ne faut donc pas
hésiter à glaner des informations sur internet, auprès d’anciens stagiaires, ou sur les groupes Facebook de
français à l’étranger.
II.
Les stages
Bien que j’ai en réalité réalisé trois stages, ma troisième année ne sera jugée que sur les deux principaux : un
stage de 7 mois avec le correspondant de Radio France Internationale, La Tribune et TV5 Monde, en
Argentine ainsi qu’un stage de 6 mois à l’UNESCO en Uruguay dans le Programme de Bioéthique. Je ne
m’attarderai donc pas sur le premier stage au sein de la Ligue Argentine des Droits de l’Homme, même si
cette expérience aurait malgré tout mérité un meilleur traitement.
A. Journalisme : Vivacité, Curiosité, Découverte de soi et des autres
Du droit, j’en suis finalement arrivée au journalisme, une expérience inattendue. Elle m’a conduite à
révolutionner la conception que j’avais de mon futur métier, et la perception du monde qui m’entoure : ni
plus ni moins ! C’est grâce à la chambre de commerce française à Buenos Aires que je suis rentrée en
contact avec M. Jean-Louis Buchet, correspondant franco-argentin de Radio France Internationale, La
Tribune et TV5 Monde. Né à Buenos Aires, M. Buchet est revenu dans son pays natal en 2001 après avoir
vécu une trentaine d'années en France.
Bien que le métier de journalisme ne me laissait à ce moment-là pas indifférente et que j’admirais
particulièrement la figure du grand reporter, le manque de débouchés m’avait depuis longtemps découragée
de suivre cette voie. Malgré tout, ce stage me semblait être une opportunité parfaite pour m’aider à
déchiffrer la culture, le monde politique, ainsi que les problématiques économiques et sociales de
l’Argentine, ce pays si mystérieux à mes yeux. Lors de ce stage, notre « équipe » était formée du maître de
stage, mais aussi de deux autres stagiaires de Sciences Po Lille.
1. Une journée type
Le journalisme, bien que métier imprévisible du fait du caractère urgent et imminent de l’information,
demande pour autant une grande rigueur et des « routines » quotidiennes bien ancrées (c’est comme cela que
nous les appelions).
C’est ainsi que, pour notre plus grand malheur lors des semaines de fatigue, nous devions à tour de rôle
écouter l’émission matinale de RFI en sa version espagnole, retransmise à 7h sur Radio Cultura, FM 97.9, et
en faire un résumé concis sans oublier les informations les plus importantes ainsi que les noms des
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journalistes mentionnés. Ce travail est finalement devenu un automatisme, et il nous permettait ensuite de
discuter en réunion de la robustesse des informations, ainsi que de leur urgence et de leur priorité. Nous
étions tout à coup plongées pour quelques instants dans le monde des rédacteurs en chef.
L’autre routine quotidienne consistait à réaliser une revue de presse des principaux journaux argentins,
classés tout d’abord par thèmes puis ordonnés par pertinence. Très exigeante à ses débuts, cette tâche
s’acquiert naturellement et donne très vite goût au suivi et à l’approfondissement de l’information, ainsi qu’à
la recherche de thèmes originaux. Comme le disait très justement mon maître de stage, « un journaliste se
lève tôt », car comme chacun sait, l’information a une durée de vie limitée à quelques jours, voir quelques
heures, et en tant que correspondant l’on ne peut se permettre d’être pris au dépourvu.
Autre routine systématique, l’envoi avant 7h d’un agenda du jour réalisé à partir de deux sites précieux7
destinés aux journalistes. Celui-ci vient compléter l’agenda de la semaine réalisé le dimanche soir, par jour
et par thèmes. Enfin, nous disposions d’un calendrier organisé en différents onglets (politique, société,
culture, sports, économie…), afin de ne pas perdre de vue les évènements importants et de prévoir les
accréditations. Bien réalisé, un agenda permet de mettre un certain cadre à un métier qui surfe souvent sur
l’imprévu, parfois sur l’urgence, et qui force à l’adaptation permanente.
Une fois terminées les routines du matin, vers 9h pour Radio Cultura et 10h30/11h pour la revue de presse,
nous nous attelions souvent à l’édition de reportages de M. Buchet diffusés dans l’édition française ou
espagnole de RFI, et plus rarement de TV5 Monde. Ces derniers étaient destinés à être mis en ligne sur le
blog personnel du journaliste8.
Enfin, nos semaines étaient ponctuées de réunions, plus ou moins nombreuses en fonction des besoins, mais
généralement au nombre de trois. Malgré un encadrement et un contact permanent avec notre maître de
stage par courrier électronique ou par SMS lors de nos déplacements sur le terrain, les réunions sont
importantes puisque majoritairement dédiées à l’analyse de notre travail, de l’actualité, et à la révision des
grands sujets en cours. Très utiles pour améliorer notre travail et comprendre les qualités attendues d’un
apprenti journaliste, le plus passionnant de ces réunions reste sans aucun doute l’analyse de l’information,
qui permet à M. Buchet de nous apporter un éclairage de fond de certains sujets, et de nous transmettre les
outils nous permettant d’interpréter certaines informations.
2. Tâches principales
Le reste de la journée est réparti entre les différentes activités en cours, que je résumerai en trois grands
types : le terrain, les reportages blancs, la veille d’informations.
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Mariapress et Télam
http://juanbuchet.bandcamp.com/audio
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ℵ Le terrain
Pour notre plus grand bonheur, une grande partie de notre travail consistait à être présents sur le terrain en
compagnie de notre précieux enregistreur : conférences, manifestations, évènements sportifs, discours
politiques… Même si le travail diffère en fonction du type d’évènements, la base reste la même : il faut
savoir repérer les personnes importantes, prendre leur contact, réaliser quelques interviews sur place,
enregistrer des sons d’ambiance et les réactions du public. Nous nous répartitions les différents évènements
entre stagiaires afin de ne pas être surchargées, car le terrain oblige à préparer des informations sur les
participants et sur l’évènement lui-même, travail que nous réalisions sous forme de mémo mis en ligne sur
un compte Google Drive partagé. A la suite d’un déplacement sur le terrain, nous nous précipitions chez
nous ou dans le café le plus proche afin de rédiger un compte-rendu, exercice central du stage. Il consiste en
un récit précis et original de ce qui s’est dit durant l’évènement, une description de l’ambiance et des détails
qui permettent de donner vie à un reportage radio, faute d’images. Ces CR, de deux pages Word environ et
rédigés de façon informelle, sont certes consommateurs de temps mais réellement importants pour notre
travail, tant immédiat (afin que toute la petite équipe ait accès à l’ensemble des informations récoltées
pendant l’évènement), que futur (lors de la réalisation des reportages). Une fois ce passage obligé accompli,
reste le plus long : éditer les sons. Ceci signifie éliminer les apostrophes intempestives telles que les
nombreux et redoutés « euuuuuuh », les silences, les bruits indésirables, et les questions du journaliste.
Réalisées à l’aide d’Audacity, logiciel simple d’utilisation, ces éditions sont envoyées dans les plus brefs
délais à M. Buchet.
Il serait inutile de faire une liste exhaustive de tous les évènements auxquels j’ai participé, mais pour donner
une idée de la diversité à laquelle j’ai été exposée durant mon stage, j’ai pu couvrir : un séminaire sur le
tourisme LGBT (Lesbiens, Gays, Bisexuels et Transsexuels) en Argentine, une exposition du voyage du
Général De Gaulle en Argentine, plusieurs conférences sur le narcotrafic, la création d’un « Quartier du
Design » (Distrito de Diseño) dans le sud de Buenos Aires, une conférence de la présidente Cristina
Kirchner, le festival international de Tango, quelques étapes du Rallye Dakar… Ces deux dernières
expériences ont d’ailleurs été les plus marquantes.
ℵ Les reportages blancs
Ces travaux que nous réalisions en un temps limité à l’aide de nos interviews, de sons d’ambiance, de
musiques ou d’extraits de discours, doivent prendre la forme de reportages radio prêts à être envoyés à la
rédaction et diffusés. Ils doivent ainsi respecter certains critères : la durée (maximum 15 minutes pour un
reportage long et entre 1 et 5 minutes pour un reportage court. Elle est spécifiée à la seconde près et dépend
du média), le format (papier, Questions&Réponses, enrobé…), la date et l’heure de livraison. Pour ma part,
j’ai réalisé des reportages blancs sur six à sept thèmes différents environ, à raison de deux ou trois
reportages différents par thèmes, parfois plus. Ces reportages blancs sont envoyés à toute l’équipe et
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accompagnés de leur script complet, avant d’être analysés par chaque stagiaire. Quel est le temps
d’interview ? Quelle est la durée du papier9 ? Combien d’intervenants et de sons d’ambiance le reportage
comporte-t-il ? Quelles sont les différences / ressemblances entre les reportages ? Comment les améliorer ?
Voici les différentes questions que nous nous posions et dont nous analysions les réponses une fois en
réunion, avec comme référence le reportage réalisé par M. Buchet et diffusé par RFI.
ℵ La veille d’information
J’entends par veille d’information le suivi d’un évènement à distance, sans présence directe sur le terrain.
C’est à posteriori que je me rends compte de l’importance de cette tâche : le journaliste se doit d’être
constamment au fait des différentes informations, opinions et réactions sur un sujet qu’il prétend couvrir.
Certains thèmes impliquent une remise à jour constante de l’information, comme par exemple la mort du
procureur Nisman qui a provoqué une grande commotion dans le pays. Lors de cette affaire, informations,
opinions politiques, rapports d’experts, témoignages, fusaient et se contredisaient sans cesse. Dans ce cas il
est nécessaire, afin d’être au plus près de l’information, de se tenir au courant de tous les détails de l’affaire.
Parfois, la veille d’information peut aussi consister en un enregistrement d’extraits de discours politiques sur
internet, en un suivi de résultats lorsqu’il s’agit d’un tournoi de sport par exemple… Il s’agit d’un travail
souvent pesant, mais finalement très important pour tout bon journaliste.
3. Apprentissages
ℵ Apprentissages techniques et journalistiques
C’est dans le brouhaha et le chambardement du conflit entre l’Argentine et les fameux fonds vautours qu’a
commencé mon stage, un début assez impressionnant et au rythme plutôt effréné : le pays était dans la
confusion, des articles, analyses et autres opinions se multipliaient dans la presse argentine et internationale.
Faire le tri des informations, comprendre un système financier plutôt complexe et l’expliquer à ses auditeurs,
demande du temps ainsi qu’un suivi complet de l’information, outils que je ne maîtrisais pas dès le premier
jour. A défaut, j’ai commencé par réaliser les éditions des papiers diffusés par notre maitre de stage sur TV5
Monde et sur RFI, en s’efforçant de les télécharger et de les éditer dans l’ordre. C’est ainsi que j’avais accès
à une information déjà « mâchée » par M. Buchet, tout en apprenant à manier le logiciel d’édition Audacity :
couper un son, améliorer la qualité, savoir éditer d’une manière pertinente sans que le reportage ne perde de
son sens : voilà les premiers apprentissages techniques que nous avons réalisés au cours de ce stage. En
discutant avec les journalistes qui m’entouraient, je me suis rendue compte que tout professionnel doit
désormais savoir faire bon usage des outils informatiques et technologiques à sa disposition: filmer, prendre
des photographies de qualité, faire des montages son et audio….
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Temps de parole du journaliste
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Beaucoup plus délicat, l’aptitude à enregistrer un son de bonne qualité et non saturé lors d’une interview, ou
encore des sons d’ambiance utilisables dans un reportage. Ce savoir-faire me prendra beaucoup plus de
temps à acquérir, et reste encore largement à améliorer.
Pour réaliser un bon reportage, avoir des interviews pertinentes et un bon son ne suffisent pas : encore faut-il
pouvoir produire un reportage parfaitement écrit, et répondant aux besoins du média et de son public.
L’écriture d’un reportage radio de 3’30 minutes n’a absolument rien à voir avec celui d’un article de 3
pages, et un auditeur du journal des sports n’attend pas la même dynamique que celui d’un reportage de fond
sur le narcotrafic ou sur la Rural, nom donné au Salon de l’Agriculture annuel à Buenos Aires. Par ailleurs,
le journalisme implique une précision sans faille et une explication toujours claire des termes utilisés, qui
peuvent nous être inconsciemment familiers mais qui ne le sont pas toujours pour notre public. La radio,
c’est aussi l’art de jouer avec les sons, les couleurs et même les goûts tout en restant très concis dans son
écriture : un minimum de mots pour un maximum d’informations claires et précises, voilà le défi auquel je
m’attelais dans mes reportages blancs. Très rigoureuse, la rédaction journalistique demande beaucoup plus
de pratique que ne m’y autorisent sept mois de stages, mais en ce peu de temps j’ai tout de même senti un
petit changement dans mon écriture, et je suis désormais plus attentive à ma rédaction.
ℵ Apprentissages personnels
Si ce stage m’a apporté des compétences professionnelles journalistiques, il m’a surtout été bénéfique sur le
plan personnel. Une de mes motivations était mon désir d’apprendre à avoir une démarche « réseau » et une
certaine dose de confiance en soi, qualités que je sais essentielles dans le monde du travail mais dont je ne
dispose pas naturellement. Demander des cartes de visites ou aborder les personnes essentielles à nos
reportages est beaucoup moins intimidant lorsque l’on est épaulé par notre maitre de stage, au nom duquel je
pouvais me présenter, mais aussi auquel je devais en quelque sorte rendre des comptes: impossible de
rentrer bredouille d’un évènement, sans interview ni carte de visites ou récits dignes de remplir un CR. Cette
démarche est devenue beaucoup plus naturelle au fur et à mesure des mois de stage, et je pense pouvoir la
mobiliser désormais plus facilement pour ma propre carrière et mon futur.
Aucune autre expérience que mon stage en compagnie de M. Buchet n’aurait pu me pousser à m’intéresser à
absolument tout, et à redécouvrir une vision curieuse et presque enfantine de mes alentours. Le
correspondant a la responsabilité de couvrir les évènements majeurs de son pays ou de sa région, mais aussi
de proposer des sujets qui lui semblent importants ou intéressants. Il aborde donc tous les thèmes, de la
politique à l’économie en passant par le sport ou les pratiques culturelles. Au cours de ces sept mois dans la
peau d’un correspondant, je me suis réellement sentie au plus proche de la culture argentine, que ce soit lors
du festival de Tango, d’une exposition dédiée à la célèbre Mafalda, ou de la conférence sur le tourisme
LGBT. Tout est digne d’intérêt, même les journaux sportifs, dont je n’avais absolument jamais lu un seul
article. J’ai eu l’occasion de mettre cette devise en pratique lors de la couverture du rallye Dakar.
13
/34
ℵ Mon stage illustré : la couverture du Rallye Dakar
Le rallye Dakar est une de mes dernières couvertures mémorables. J’ai choisi de prendre cet exemple pour
illustrer mes propos, puisque j’en ai suivi tous les processus abordés précédemment : la préparation, la
présence sur le terrain, la veille d’informations, et le reportage blanc.
« Un défi pour ceux qui partent. Du rêve pour ceux qui restent ». Au départ de l’Argentine, l’un des rallyes
les plus exigeants du monde attire chaque année des millions de spectateurs, d’autant plus qu’en Amérique
Latine les sports mécaniques sont très populaires. C’est quelques jours avant le départ que j’ai fait mes
premiers pas dans le monde des sports à moteur, dans un rallye que j’ai toujours considéré comme absurde
et dont le côté aventurier m’a finalement passionné. Les premiers contacts avec les pilotes favoris,
notamment les « héros » de l’équipe Peugeot ; la récolte des réactions du public ; les sons d’ambiance ; la
prise de photos représentent trois jours de travail intense qui précèdent le départ officiel du rallye. Me voilà
finalement en plein soleil sur la place de Mai qui fait face au Palais Présidentiel, courant pour entrer dans
l’espace presse à temps pour interviewer un participant important, tout en récoltant des interventions de
personnes du public. Le travail sur le terrain se fait difficile, car il y a beaucoup de monde, de bruit, de
nombreux autres journalistes (eux professionnels !) en quête d’interview ; et bien sûr l’équipe d’organisation
du Dakar veille à ce que l’on ne s’approche pas trop des concurrents. Dans ces circonstances, il est crucial
de savoir faire jouer ses relations avec ses pairs, sa capacité d’adaptation et sa débrouille. Après quatre jours
de terrain, et puisque je n’allais pas pouvoir couvrir d’autre étape avant la dernière ligne droite de Rosario à
Buenos Aires, la récolte de l’information en direct laisse place à la veille d’information : prise de sons sur
internet, écoute de radios de sport qui retransmettent les résultats en direct… Tout cela fait partie de la
préparation de notre journée dans l’impressionnant campement du Dakar deux semaines plus tard, pour la
dernière étape du Rallye au départ de Rosario toujours sous l’acclamation du public.
Autre élément à prendre en compte, la pression venant de France qui est d’autant plus contraignante qu’avec
5 heures de décalage horaire, il faut envoyer les reportages en milieu ou fin d’après-midi heure argentine,
afin qu’ils puissent être retransmis le matin. C’est pourquoi il faut être capable de réaliser un travail de
bonne qualité en peu de temps, et surtout connaître ses priorités. Avoir une petite idée à l’avance de la
construction de ses reportages et interviewer directement les personnes stratégiques est crucial lors de la
couverture d’un évènement de telle ampleur. Se débattre au milieu des quelques 1800 journalistes et leurs
équipes à suivre l’aventure10 ; capter au vol les paroles des participants fatigués après de longues et rudes
étapes ; réaliser son travail d’écriture ou d’édition sous pression et dans une ambiance parfois peu studieuse ;
avoir une bonne endurance pour ne pas céder à la fatigue malgré les maigres heures de sommeil, voilà les
principaux défis auxquels j’ai été confrontée lors de la couverture du Rallye Dakar 2015. A la suite de la
couverture de la dernière étape, et de deux ou trois jours au rythme effréné, il a encore fallu réaliser
10
http://www.dakar.com/dakar/2015/fr/espace-media.html
14
/34
plusieurs reportages blancs sous de courtes deadlines. Etre productif dans l’urgence et faire face à l’inconnu
(impossible de connaître l’issue des épreuves du Dakar, par exemple), tout en arrivant à garder le contrôle,
sont des qualités qui s’acquièrent principalement sur le terrain.
B. Bureau Régional de l’UNESCO pour l’Amérique Latine et les Caraïbes :
dans le ventre d’une organisation internationale
1. L’UNESCO et le Bureau Régional à Montevideo
ℵ L’UNESCO
Tout au long de ses 70 ans d’existence, l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour la Science,
l’Education et la Culture) n’a eu de cesse de rechercher la paix et le dialogue entre les peuples, en menant un
combat avant-gardiste pour l’inclusion sociale à travers l’éducation, le dialogue interculturel, la protection
du patrimoine mais aussi la coopération scientifique. « L’organisation intellectuelle » du système des
Nations Unies fête cette année en grande pompe ses 70 ans, et ce dans la quasi-totalité des quelques 195
11
Etats membres . De sa création en 1945 dans un monde bipolaire et marqué par un sentiment de domination
de l’occident face aux pays dits « sous-développés » à ses objectifs premiers de « développement durable »
et « Culture de Paix », en passant par le tournant des années 1960 qui voient s’affirmer le thème de la
diversité culturelle ; l’UNESCO est un acteur de référence, à l’intermédiaire entre le monde de la diplomatie
et celui des ONG. Jean Monnet a dit « Ah, si j’avais su, j’aurais commencé par la culture » : c’est bien le
but des spécialistes mobilisés par l’UNESCO sur le terrain. L’ensemble du personnel que j’ai pu rencontrer
au cours de mon stage, bien que loin du siège parisien, est incroyablement imprégné des idéaux de
l’organisation et contribue, à la hauteur de ses possibilités, à son action sur le terrain. Je ne m’étendrai pas
sur le débat du bilan positif ou négatif des actions de l’UNESCO, même s’il me semble important de le
mentionner, mais je n’hésiterai pas à porter un regard critique sur les situations que j’ai pu observer ou
auxquelles j’ai pris part lors de mes six mois de stage dans le Bureau Régional pour l’Amérique Latine et les
Caraïbes de l’UNESCO à Montevideo.
ℵ Le Bureau Régional pour l’Amérique Latine et les Caraïbes de l’UNESCO à Montevideo
Inauguré en 1949, le Bureau Régional pour l’Amérique Latine et les Caraïbes de l’UNESCO à Montevideo,
comme l’indique son nom à rallonge, a pour rôle la planification, la coordination et le suivi des projets dans
les pays du MERCOSUR (Argentine, Uruguay, Paraguay, Chili, Brésil) ainsi que la représentation de
11
http://www.unesco.org/new/fr/member-states/countries/
15
/34
l’UNESCO auprès de l’Uruguay, du Paraguay et de l’Argentine. Etant donné la prépondérance des bureaux
de l’UNESCO au Chili et au Brésil, son action se concentre en réalité sur trois pays voisins : l’Argentine,
l’Uruguay et le Paraguay. Composé d’une directrice et de six spécialistes, le Bureau emploie une vingtaine
de personnes. C’est ainsi que les programmes de sciences sociales et humaines ; de sciences naturelles ; de
politique scientifique ; d’hydrologie et de la culture, se partagent le deuxième étage de l’edificio12 Mercosur
au centre de Montevideo, capitale de la République Orientale de l’Uruguay. Chaque Programme a droit à un
bureau face au fameux Rio de la Plata, fleuve le plus large du monde qui sépare l’Uruguay de l’Argentine.
Bien que le personnel du Bureau de Montevideo soit plutôt réduit, son importance n’est pas des moindres
puisqu’il couvre trois pays. Les réunions de coordination entre spécialistes sont par conséquent assez
nombreuses et permettent d’assurer le travail de groupe. En effet, même si chacun a un « terrain de chasse »
défini, les thèmes abordés se regroupent souvent et se superposent parfois, ce qui demande une écoute
constante de l’autre. Ceci était surtout le cas dans le secteur des sciences sociales, composé de ma maître de
stage, Mme Susana Vidal, spécialiste de bioéthique, et deux consultants. A titre d’exemple, le consultant de
sciences sociales réalisait des projets en coopération avec tous les autres secteurs, à l’exception de
l’hydrologie.
Comme mentionné ci-dessus, les spécialistes travaillent par projets, qui dépendent des stratégies
développées par l’organisation dans chaque secteur. Ceux-ci sont donc des ambassadeurs de l’UNESCO à
travers le monde, et bien qu’éloignés géographiquement du siège à Paris ils en dépendent très étroitement à
tous les niveaux : stratégique, administratif et surtout budgétaire. Le Bureau symbolique de Fontenoy à Paris
est donc le noyau d’une grosse organisation à ramifications dans le monde entier. Le contact est maintenu
par des visites de terrain, telle que celle de la Secrétaire Générale de l’UNESCO en 2012, ainsi que de
nombreuses conférences sous forme dématérialisées, comme j’ai pu en être témoin au cours de mon stage.
Bien que directement sur le terrain, il est donc difficile d’échapper à la vue de « Big Brother », le siège de
l’UNESCO à Paris, un principe qui permet de maintenir une unité et une structure au sein d’un organisme
tentaculaire, mais qui impose une dose de bureaucratie peu adaptée à un Bureau d’une petite vingtaine de
personnes, comme en témoignent quotidiennement nombre de mes collègues. Deux jours de stage m’ont
suffit pour formuler ma principale critique, qui porte sur les processus administratifs de l’Organisation des
Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture. Réaliser un projet, parvenir au moindre
changement, cela demande presque autant de temps, d’efforts et de polémique que d’engager en France une
réforme des retraites du secteur public. Après avoir obtenu le feu vert de Paris avant même d’avoir fait un
pas, encore faut-il être sûr de ne pas marcher sur les plates-bandes d’un collègue, beaucoup plus complexe
que ce qu’il n’y parait, puis rentrer son projet sur deux ou trois plateformes internes à l’organisation, avoir
l’accord de l’administration, réussir à signer les contrats après en avoir réalisé trois ou quatre versions
12
« bâtiment » en espagnol
16
/34
différentes, et enfin commencer l’organisation. Ce système de bureaucratie entretient une contradiction avec
les revendications de transparence et d’accessibilité de l’UNESCO, mais permet de maintenir une certaine
coordination au sein d’un organisme qui couvre tout de même 195 pays. Par exemple, le siège a fait circuler
en juin 2015 un document contenant des règles précises d’utilisation des réseaux sociaux. Bien que devoir
passer par Paris pour ouvrir un compte Facebook ou Twitter de son Bureau Régional paraisse inutilement
complexe, cette norme permet également d’assurer la cohésion du message de l’organisation sur les réseaux
sociaux. C’est donc un équilibre délicat auquel l’UNESCO doit parvenir entre d’un côté indépendance et
créativité ; de l’autre contrôle et homogénéité.
2. « Qu’est-ce donc que la bioéthique ? »13
Bonne question, à laquelle je n’étais honnêtement pas à la hauteur de répondre avant d’avoir commencé ce à
l’UNESCO, et sur laquelle je vais devoir m’attarder afin de retransmettre au mieux mon expérience de
stagiaire. Excepté lors des cours d’Humanité Scientifique de première année que j’ai abandonnés après la
troisième séance, je n’avais pas vraiment investigué ce thème que je considère pourtant aujourd’hui comme
central afin de nous permettre de faire face aux défis du futur. La bioéthique ne se limite pas aux grandes
découvertes scientifiques telles que le clonage de la brebis Dolly ou aux découvertes sur le génome humain.
C’est un réel modèle de société inclusive, multiculturelle, et respectueuse de toutes ses espèces. La
bioéthique peut se définir comme « une réflexion critique sur les conflits éthiques émergeant de la vie et de
la santé humaine »11.
Les interrogations de la bioéthique prennent racine dans le monde de l’après Seconde Guerre Mondiale, sous
le choc provoqué par les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, et à la suite du révolutionnaire Code de
Nuremberg de 194714 qui rompt avec le principe de la neutralité scientifique. La volonté de construire la
paix dans le monde conduit à l’apparition d’une bioéthique globale15 , qui recherche l’inclusion et le bienêtre des générations présentes, futures, et de tous les êtres vivants à la surface de la planète. Les
préoccupations bioéthiques sont donc contemporaines à la création de l’UNESCO, et le monde intellectuel
se rend vite compte du besoin d’inclure le « S » de Science au nom de la nouvelle organisation, qui a dès
lors donné une place importante à la bioéthique dans sa stratégie mondiale. Grâce à son initiative, a été crée
un Comité International de Bioéthique16, et un cadre juridique international a été donné à la Bioéthique
grâce à la Déclaration universelle sur le génome humain et les Droits de l'Homme adoptée en 199717 ainsi
que la Déclaration universelle sur la bioéthique et les Droits de l'Homme signée en 200518.
13
« ¿Qué es esto de la bioética ? », S. Vidal
Code de Nuremberg
15
Global bioethics, V.R. Potter, 1988
16
http://www.unesco.org/new/fr/social-and-human-sciences/themes/bioethics/international-bioethics-committee/
17
http://www.unesco.org/new/fr/social-and-human-sciences/themes/bioethics/human-genome-and-human-rights/
18
http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=31058&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
14
17
/34
Le terme « bioéthique » est pourtant assez récent, puisque sa première utilisation est attribuée au biochimiste
et cancérologue américain Van Rensselaer Potter, qui en 1970 a tiré la sonnette d’alarme et contribué à la
prise de conscience des avancées incontrôlées de la science 19 . La discipline nait aux Etats Unis, où
l’idéologie de la liberté et de l’individualisme à tout prix fait de ce pays une terre particulièrement fertile.
Après s’être exportée, la bioéthique a suivi différents chemins en fonction des régions du monde où elle s’est
développée, et a pris un caractère interdisciplinaire.
En Amérique Latine tout particulièrement, tout un mouvement œuvre pour une nouvelle définition de la
bioéthique multiculturelle, inclusive et attentive aux besoins régionaux tels que l’inégalité, la pauvreté, le
pouvoir des entreprises pharmaceutiques, ou encore l’injustice. Comme l’a souligné l’italien Giovanni
Berlinguer décédé en avril de cette année, la bioéthique a été créée au Nord pour se consacrer aux problèmes
du Sud. C’est cet axe que suit le Programme de Bioéthique de l’UNESCO en Amérique Latine et aux
Caraïbes, et ce grâce à de grandes lignes d’action :
o
La Redbioética 20 : « espace d’échange interdisciplinaire, pluriel et participatif » 21 crée en
2003, en charge des thèmes de Bioéthique en Amérique Latine et aux Caraïbes sous la
coordination du Bureau de l’UNESCO à Montevideo.
o
L’Ethics Teachers Training : programme de formation des professeurs et universitaires en
enseignement de la bioéthique
o
Le Programme ABC d’Aide aux Comités Nationaux de Bioéthique : organisation d’ateliers
de formation des membres des Comités Nationaux de Bioéthique, plateformes indépendantes
de délibération conçues dans le but d’assister les politiciens et les individus en charge de
prendre des décisions à caractère éthique.
o
Le Programme d’Education à Distance22 : programme universitaire de bioéthique interactif en
ligne.
3. Mes missions
Une des raisons pour lesquelles j’ai accepté l’offre de stage de l’UNESCO est la quantité réduite d’employés
du Bureau Régional. Une petite structure peut offrir plus d’occasions de prendre des initiatives, et il me
semble, encourage la créativité et l’intégration au sein de l’équipe. Je dois reconnaitre avoir eu énormément
de chance d’avoir collaboré au secteur bioéthique, car ma maitre de stage est en effet très ouverte à toutes les
propositions et accepte de donner sa chance à chacun. Il m’a donc été possible dans une certaine mesure de
19
Bioethics: The science of survival, V.R. Potter, 1970
http://redbioéticaunesco.org
21
Définition officielle de l’UNESCO
22
http://www.redbioetica-edu.com.ar/
20
18
/34
modeler le stage en fonction de mes intérêts, et de limiter les tâches seulement administratives auxquelles se
dédiaient de nombreux malheureux stagiaires d’autres secteurs.
Cette ouverture a été renforcée par le fait qu’il reste beaucoup à faire sur le plan de la communication et de
l’organisation au sein de l’UNESCO à Montevideo. En effet, les réductions budgétaires drastiques depuis la
sortie des Etats-Unis et d’Israël de l’UNESCO pour protester contre la reconnaissance de la Palestine23 ont
tout d’abord touché le secteur de la communication, qui demeure encore un champ de bataille : tout le
monde touche un peu à tout, sans bien savoir faire des montages vidéo ou se servir des réseaux sociaux, et
encore plus grave, sans stratégie définie. Dans un tel paysage, il est pourtant plus facile de prendre des
initiatives et de changer quelques éléments à son niveau ; dans mon cas dans le secteur de la bioéthique.
Mes missions lors du stage ont donc été assez variées en fonction de mes propositions et des besoins
immédiats.
ℵ Organisation et promotion d’évènements
C’est par des tâches assez administratives que j’ai commencé mon stage, et plus précisément par
l’organisation d’un séminaire de bioéthique à Cordoba, troisième ville d’Argentine. Cette activité fait partie
du Ethics Teachers Programme (voir ci-dessus) et était donc destinée à des professeurs de bioéthique en
Amérique Latine et dans les Caraïbes. Tout au long des 4 jours de séminaires, 47 professeurs provenant de
11 pays différents se sont rassemblés pour partager leurs expériences et approfondir leur formation, grâce à
la présence de spécialistes reconnus de la bioéthique dans la région. Organisé par l’UNESCO, j’ai eu la
chance de participer à cet évènement du début jusqu’à la fin, ce qui a rendu la tâche beaucoup plus
intéressante.
L’organisation d’un évènement implique naturellement la réalisation d’une liste de participants potentiels ;
l’envoi et le suivi d’invitations ; la transmission d’informations logistiques ; la coordination avec l’équipe
qui participe à l’organisation à Cordoba ; la formation d’un budget ; la réserve d’hôtels et de billets d’avion ;
la préparation du matériel pédagogique ; le contact avec les médias ; l’aide logistique une fois sur place…
Heureusement, je travaillais en binôme avec une collègue en charge des éléments administratifs qui réalisait
le plus gros de cette besogne. Le côté le plus inventif, si je puis dire, est la partie communication : réaliser
une note de presse pour le site internet, s’occuper des relations avec la presse, prendre des photographies et
des vidéos lors de l’évènement… Cette tâche est assez stimulante, car elle laisse réellement place à un
processus de créativité, et il est nécessaire de faire une « stratégie de communication » à petite échelle afin
de décider du message à faire passer ou de l’angle à adopter.
Même si la formation de Cordoba est le seul évènement auquel j’ai participé sur le terrain, ce processus a par
la suite été répété pour la formation d’un Comité National de Bioéthique en Equateur, une rencontre entre
23
http://blogs.mediapart.fr/blog/eric-freymond/060314/retrait-des-etats-unis-et-d-israel-l-unesco-se-remplume
19
/34
universités en Colombie, une réunion Régionale de Comités Nationale de Bioéthique au Salvador, et j’en
oublie sûrement quelques-uns. Le travail administratif n’a donc par chance pas été étouffant, mais il m’aura
suivi tout au long du stage.
ℵ Projet d’investigation
Si l’UNESCO est surnommée « l’organisation intellectuelle » du système des Nations Unies, ce n’est pas
sanas raison. Je suis en effet rentrée dans un monde de spécialistes ayant pour la plupart réalisé une thèse ou
du moins travaillé de manière approfondie sur leur champ de connaissances.
Avoir en face de soi des individus formés et passionnés par sur leurs domaines respectifs est une opportunité
très intéressante d’approfondir certains sujets, comme j’ai eu l’occasion de le faire en bioéthique. L’un des
buts de mon stage est en effet l’écriture d’un article d’investigation, en suivant la méthodologie de la
Planification stratégique24 défendue par ma maitre de stage. Il s’agit concrètement de planter la situation de
départ, de définir le problème sur lequel porte son investigation, avant d’en expliciter et d’en défendre les
méthodes suivies, puis d’offrir une analyse des résultats.
Pour ma part, le problème initial est l’évaluation de l’impact des activités éducatives en Amérique Latine et
aux Caraïbes, sujet que nous avons choisi d’investiguer à travers les méthodes quantitatives et qualitatives,
grâce à une évaluation du programme d’enseignement à distance en bioéthique à travers de la réalisation
d’une enquête destinée aux anciens élèves et mesurant l’impact de leur projet de fin de cursus ; d’interviews
en profondeur des responsables universitaires ayant signé avec l’UNESCO un Mémorandum pour
l’application du Programme de base en Bioéthique conçu par l’UNESCO ; et enfin d’une enquête réalisée
auprès des professeurs présents à la formation de Cordoba. La rédaction de ce projet est bien sûr une
réalisation de long terme, et l’objectif final est d’en présenter les résultats au congrès universitaire d’octobre
prochain en Colombie. C’est ce projet qui encadre et donne du sens aux activités que je réalise pendant mes
six mois à Montevideo.
ℵ Evaluation du programme d’enseignement à distance en bioéthique
Dans la droite ligne de mon projet d’investigation, l’évaluation du programme d’enseignement à distance en
bioéthique occupe une grande partie de mes deux derniers mois de stage. Il consiste en l’analyse de la base
de donnée des alumni, et en la réalisation d’une enquête envoyée aux 1300 anciens élèves ayant réalisé un
travail final afin de valider leur cursus. L’esquisse de projet réalisée sur un thème précis en groupe de trois
ou quatre se concrétise parfois en une action à plus grande échelle, qui permet par exemple la création d’un
Comité National de Bioéthique ou la remise à jour du code éthique dans le milieu hospitalier. Evaluer
l’impact des travaux finals des élèves du Programme permet de mesurer le public touché par l’intervention
24
“La planificación estratégica en Salud” in Programa de Educación Permanente en Bioética, S. Vidal
20
/34
de formation de l’UNESCO, et quelles sont les répercutions réelles de celle-ci. Les résultats permettront de
recentrer la formation, mais aussi de démontrer ses forces à un moment où les fonds de financement se font
rares, comme je l’ai déjà abordé auparavant.
Pour mener à bien cette mission, il m’a fallu nettoyer la base de données des 1784 anciens élèves avant
d’uniformiser les informations telles que le pays d’origine ou la profession, et pouvoir analyser les données
plus facilement. J’ai rassemblé et croisé les données ainsi que réalisé des graphiques en fonction de plusieurs
critères : l’âge, le résultat obtenu au cursus (approuvé ou non), le pays de provenance, la profession, le
genre. En parallèle, j’ai dû réaliser l’enquête et l’envoyer à la totalité des contacts, avant d’en éplucher les
résultats et d’en faire les analyses, dernière étape sur laquelle je terminerai sûrement mon stage en août.
4. Apprentissages
ℵ Savoir faire
D’une façon assez inattendue, le premier savoir-faire que j’ai acquis est la « communication diplomatique »,
c’est-à-dire le respect des règles et codes lors de la communication avec des ministres, des membres de
l’UNESCO à Paris, et autres personnes haut placées. Pour quelqu’un qui a toujours détesté les relations
hiérarchiques et les formalités, je considère cette confrontation à la réalité du monde professionnel comme
un atout qui me servira constamment dans ma future carrière.
Autre savoir-faire d’ordre technique loin de me passionner, mais qui me sera utile dans le futur, est
l’utilisation d’Excel et surtout la gestion de données. Comment traiter une base de données, l’analyser et
recouper les informations sont des outils que j’ai désormais acquis.
Ces six mois au sein de l’unité de Sciences Sociales et Humaines m’auront aussi appris à savoir travailler en
équipe, que ce soit grâce à ma communication constante avec ma collègue et Mme Vidal, mais aussi grâce à
l’observation des relations entre membres de l’équipe. Le manque de coopération que j’ai souvent ressenti
entre les deux consultants et ma maitre de stage est simplement dû au désir de garder ses idées pour soi et
être le seul à briller lorsqu’elles ont du succès. Ironiquement, il est pourtant presque toujours impossible de
mener à bien un projet sans la coopération ou le conseil de ses collègues, constat que je m’efforcerai de
garder toujours en mémoire. Même au sein d’une petite structure, les relations de pouvoir sont fortes et il est
important de savoir les dépasser afin d’en faire bénéficier ses projets, qui seront d’une beaucoup plus grande
qualité lorsqu’ils sont issus de la coopération entre différents membres de l’équipe. Ensuite, à chacun de
savoir se faire remarquer… Le bénéfice du travail de groupe peut également être considéré comme un savoir
être, mais dans le cas de mon stage je le placerais plutôt dans le savoir-faire : comment encourager le travail
de groupe, dans une équipe traitant des projets en apparence éloignés les uns des autres, mais avec des
ambitions semblables ?
21
/34
Enfin, un savoir-faire auquel j’accorde beaucoup de valeur est la rédaction et la réalisation d’un projet
d’investigation, qu’il touche au domaine social ou scientifique. Cette introduction à la recherche, bien
qu’elle reste encore balbutiante, m’a permis d’avoir une idée des différentes méthodes et critères
d’investigation ; de m’atteler à la rédaction d’un « pré-projet », si je puis dire, et finalement d’assister à la
création d’un « CAP », nom du document produit par un spécialiste qui explicite son projet et prévoit sa
méthode de recherche ainsi que les coûts qui y sont liés, avant de le présenter à de potentiels donneurs.
Toujours hésitante sur la direction à suivre après mon master, cette expérience m’aidera énormément une
fois le moment venu de prendre une décision. Par ailleurs, avoir rédigé un projet d’investigation me sera
surement d’une grande utilité lors de mes futurs travaux une fois de retour à Sciences Po.
ℵ Savoir-être
Après réflexion, le premier savoir être qui me vient à l’esprit est l’apprentissage des relations hiérarchiques
avec Mme Vidal et mes autres collègues, situation à laquelle je n’avais pas été réellement confrontée lors de
mon stage de journalisme. Savoir-faire un juste dosage entre le respect des demandes du maitre de stage et
les propositions d’amélioration ou d’idées innovantes n’est pas une aptitude si simple à acquérir, et ce stage
m’aura permis de savoir formuler mes opinions, tout en restant à ma place lorsque cela est nécessaire. Avoir
une maitre de stage compréhensive et ouverte m’a permis d’accepter de recevoir des « ordres » qui me
semblaient parfois peu pertinents ou ne rentrant pas dans mes compétences ou dans le cadre de mon stage,
concessions que j’aurai surement souvent à faire dans le futur.
Être entourée de collègues et pouvoir observer les relations entre eux mais aussi avec le personnel du siège à
Paris, est une activité passionnante et quelque peu effrayante. Cela m’a rappelé que je devrai moi aussi me
« battre » dans mon futur métier, quel qu’il soit. Particulièrement dans une organisation au caractère
diplomatique, la recherche du pouvoir ou de la reconnaissance est constante de la part de certains employés
et donne parfois lieu au déploiement de stratégies pour décrocher un poste haut placé dans la région, ou
encore mieux au siège de Paris. S’agissant de ma première expérience professionnelle au sein d’une
structure qui offre de réelles perspectives d’évolution, j’ai tout d’abord été quelque peu dérangée par ces
attitudes, mais j’ai pu dépasser ce rejet de la « recherche du pouvoir » pour me contenter d’observer les
différents comportements, en essayant d’en tirer un maximum d’apprentissage pour le futur.
Enfin, ce stage m’a appris l’importance de l’écoute et de l’attention envers autrui, qualités cruciales au sein
d’une équipe. Être capable de connaitre assez rapidement ses collègues, se rendre compte de leurs besoins et
parfois les anticiper, mais surtout ne pas faire de faux pas qui pourraient les déranger, implique une grande
attention et une bonne communication, ce qui n’est pas automatique même lorsque l’on travaille en face l’un
de l’autre. De fait, le siège de l’UNESCO a récemment fait circuler des outils d’auto-évaluation de ses
capacités de travail en équipe et d’écoute de l’autre, suivi de documents de formation à ce propos.
22
/34
La vie rioplatense25 :
III.
Je définirais l’Uruguay et l’Argentine comme deux frères de sang mais ennemis de cœur. Leur identité est en
effet très proche, que ce soit dans le mode de vie, les symboles nationaux ou le sport national, le football.
Pourtant, les Uruguayens ont une très mauvaise image de leurs voisins de l’autre côté du fleuve, qui les
observent il est vrai d’un air parfois hautain. Le poète argentin Borges dessine la proximité des deux pays
dans sa fameuse Milonga para los Orientales :
Hombro a hombro o pecho a pecho,
cuántas veces combatimos.
¡Cuántas veces nos corrieron,
cuántas veces los corrimos!
(…)
Milonga para que el tiempo
vaya borrando fronteras;
por algo tienen los mismos
colores las dos banderas.
23
/34
1. Un dépaysement total ?
La préparation de ma troisième année, hormis la recherche de stage à laquelle j’avais consacré beaucoup de
temps, s’est limitée à un rendez-vous à la banque pour être sûre que ma carte fonctionne à l’étranger, et à la
réservation d’une nuit d’hôtel à mon arrivée. Mon but était en effet de partir le plus tôt possible, soit le jour
suivant mes examens à Sciences Po, et de rentrer le plus tard possible, afin d’avoir le plus de temps possible
pour découvrir mes deux pays d’accueil.
N’ayant lu aucun rapport de stage par manque de temps et consulté aucun guide de voyage, je n’avais
absolument aucune idée de ce qui m’attendrais en Argentine. Le plus important pour moi était d’avoir de
bons stages en Amérique Latine, dans un pays où la sécurité n’était pas un problème : j’avais confiance en
ma capacité d’adaptation à quelque environnement que ce soit, du moment que la culture n’était pas
étatsunienne ou européenne. Manque de chance, Buenos Aires est « le petit Paris » de l’Amérique Latine.
Dans certains quartiers tels que San Telmo et Palermo, ou dans la rue Caseros, pas besoin de fermer les
yeux pour se croire dans la capitale française ou même à Aix-en-Provence. Ayant récemment voyagé en
Inde ou au Cambodge, je recherchais le même sentiment de dépaysement. Au sortir de l’aéroport, je me suis
25
De part et d’autre du Rio de la Plata, qui sépare l’Argentine de l’Uruguay
vite rendu compte de ma grave erreur : comme le disent mes nombreuses connaissances colombiennes,
Buenos Aires est peut-être la ville la moins latino-américaine de la région.
Si le mode de vie parait assez européen, si les liens artistiques et culturels notamment avec la France sont
très étendus, et que divers architectes européens ont contribué à la construction de nombre de bâtiments de la
capitale, le dépaysement vient de la population et de l’activité culturelle abondante. En effet, l’Argentine
attire nombre de communautés de la région grâce à son bon niveau d’éducation gratuite, et qu’on le veuille
ou non, ses opportunités professionnelles. C’est ainsi que malgré le peu de pays visités pendant mes treize
mois d’expérience en Amérique Latine, je pense tout de même avoir une assez bonne vision des
particularités culturelles et des richesses de nombreux pays tels que la Colombie, le Pérou, le Paraguay,
l’Uruguay ou le Brésil. La société porteña est fortement multiculturelle26, à l’image de l’Argentine ellemême, et c’est ce qui a permis d’assouvir mon désir de dépaysement. Chacun apporte son accent, sa
gastronomie et sa culture, que les immigrés conservent beaucoup plus qu’en France à mon goût.
L’expérience d’un mélange culturel et je dirais même linguistique opposé au modèle d’assimilation sociale
de la France est d’autant plus intéressante qu’en Europe celui-ci crée de nombreuses tensions.
Cette diversité est le reflet du territoire argentin lui-même. Que ce soit pour sa géographie ou sa population,
la traversée des différentes régions du pays révèle des territoires et des pratiques culturelles toutes aussi
spécifiques les unes que les autres. Le nord du pays, la région de Salta et de Jujuy jusqu’à la frontière du
Brésil est par exemple beaucoup plus pauvre et ressemble plus à son pays voisin qu’au riche Buenos Aires.
La capitale de l’Uruguay est elle aussi très diverse, peut-être même plus qu’à Buenos Aires puisque sa
population « afro » est beaucoup plus conséquente, comme en témoignent les rythmes traditionnels du
candombe 27 , patrimoine de l’humanité de l’UNESCO, et la passion pour les tambores. La rivière des
oiseaux colorés (signification d’ « Uruguay » en guarani 28 ) regroupe pour des raisons géographiques
beaucoup moins de diversité géographique que son voisin, mais la côte atlantique est un lieu hors du temps,
préservé de toute intrusion technologique et de pollution. En effet, à Cabo Polonio par exemple, pas
d’électricité, de gaz ni de grandes constructions. La ville, est construite sur des dunes de sable et seule une
petite centaine de personnes y vivent à l’année29.
2. Tango, gauchos, mate, y voseo : des symboles disputés
Les origines du Tango, la figure du gaucho, la consommation quotidienne de mate et l’accent sont des
éléments qui font de ces deux pays des frères de sang.
26
même s’il y a très peu de citoyens d’origine africaine
http://www.candombe.com.uy/
28
Langue parlée au Paraguay
29
http://www.lanacion.com.ar/1565236-cabo-polonio-el-refugio-natural-y-bohemio-de-uruguay
27
24
/34
Le Tango, comme je l’ai si souvent entendu lors du Festival et Mondial de Buenos Aires, est indéniablement
rioplatense, et nombre de figures de la musique ou de la danse sont issues de ces deux pays. Pourtant, c’est
bien l’Argentine qui est connue mondialement pour sa culture du Tango, tandis que l’Uruguay est plus
fameux pour le candombe et le carnaval le plus long du monde, qui met en scène de fameuses murgas,
formations de musique, de danse et de théâtre aux textes satiriques. La figure du gaucho, quant à elle,
caractérise autant l’Uruguay que l’Argentine, deux pays où l’agriculture et le monde rural regroupent
toujours une grande partie de la population. Asado, musique et vêtements traditionnels sont à l’honneur lors
des nombreuses célébrations dédiées aux gauchos, vraies fêtes populaires. Autre trait commun et
symbolique, le mate, boisson amère qui se consomme dans un petit récipient rempli de yerba mate que l’on
arrose d’eau chaude, et que l’on boit à l’aide d’une bombilla. C’est la boisson nationale de l’Uruguay – bien
que la yerba soit importée du Brésil -, pays où personne ne se déplace sans son thermo et son équipement à
mate. Pour finir, impossible de ne pas mentionner le fameux vos, deuxième personne du singulier qui
remplace le « tu » en Argentine et en Uruguay. Si l’accent est dans l’ensemble très compréhensible, il faut
aussi quelques jours pour s’habituer au « sh », son peu esthétique qui remplace le « y » ou le « ll ».
3. La buena onda et la farniente
Si vous envisagez d’aller vivre en Amérique Latine, préparez-vous : avant de monter dans l’avion,
abandonnez tout habit de couleur grise et enterrez votre triste mine parisienne. L’Amérique Latine, c’est la
région de la joie, - du moins en apparence -, de la bonne humeur, et l’on vous y accueillera presque toujours
les bras ouverts (hormis au Chili). L’ouverture et la curiosité sont caractéristiques de nombre de pays en
Amérique Latine, et cette caractéristique est d’autant plus vraie en Uruguay, dont la population est d’une
hospitalité incroyable. Petit pays peu influent sur le plan international, les uruguayens sont fiers de présenter
leur pays aux étrangers et de partager leur très cher mate. Vivre en Uruguay, c’est oublier sa culture
individualiste et s’initier au partage et à la découverte de l’autre.
Cette jovialité est selon moi inséparable d’un mode de vie beaucoup plus relâché qu’en Europe où le rythme
est effréné, une différence qui se traduit jusque dans la vitesse de déplacement : impossible de presser un
argentin, ce qui est tout d’abord assez frustrant pour qui est habitué à faire un slalom dans le métro. La
liberté que procure ce mode de vie est une de mes principales découvertes cette année. Les règles sont
beaucoup moins strictes et envahissantes, que ce soit dans le contact avec des inconnus que l’on tutoie
presque automatiquement ou dans les codes vestimentaires par exemple. Même au travail, le strict costardcravate n’est pas obligatoire et les révérences entre collègues ou avec la directrice ne sont pas de mise.
4. Situation politique et économique : deux modèles progressistes
25
/34
ℵ L’Argentine
C’est en découvrant la situation Argentine que mes cours de sciences politiques ont pris tout leur sens.
Hormis l’étude des soi-disant régimes socialistes et communistes chinois, je n’avais jamais eu l’occasion de
visiter un pays dont la situation politique est aussi éloignée du modèle occidental que l’Argentine. Incapable
de saisir la situation politique, les rassemblements en masses de citoyens en liesse lors des discours de la
présidente, ou les slogans si exagérés contre les fonds vautours, je me suis petit à petit rendue compte que je
transportais malgré moi une petite graine d’eurocentrisme.
La situation politique en Argentine a longtemps été conflictuelle et très mouvementée, que ce soit lors du
retour du Général Perón en 1973, de la prise de pouvoir par les Militaires, ou de la crise de 2001 qui a
conduit Nestor Kirchner et le Frente para la Victoria (FpV) au pouvoir. Celui-ci a finalement cédé les rênes
du pays à sa femme Cristina Kirchner qui quittera le pouvoir en octobre prochain, après deux mandats à
poursuivre ce qu’elle aime appeler le « Projet » du peuple. Si l’Argentine est indéniablement un régime
démocratique depuis sa sortie de la dictature militaire, certaines de ses caractéristiques continuent à
interpeller mon regard d’européenne, habituée à un modèle politique et nourrie au sein des médias
occidentaux qui dessinaient un portrait de Cristina, comme l’appellent ses militants, très peu flatteur.
Difficile donc de comprendre comment une partie des argentins peuvent vouer une telle admiration à leur
présidente et à son défunt mari, ou comment de jeunes adolescents peuvent connaitre par cœur des chants du
FpV qu’ils comprennent à peine. Difficile également de saisir les raisons d’un tel clivage entre les médias
proches du gouvernement et ceux qui soutiennent l’opposition, ou encore entre citoyens lors de la mort du
désormais fameux procureur Nisman. Cette division se retrouve d’ailleurs dans la présente campagne
présidentielle, où les trois principaux candidats sont Mauricio Macri, de sensibilité de droite, et Sergio
Massa pour le centre et Daniel Scioli pour le kirchnerismo.
Deux « modèles de pays »30 sont ainsi opposés par les candidats en Argentine, l’un dirigé à la population
défavorisée (citoyens aux revenus modestes, homosexuels, retraités) et optant pour la souveraineté
économique du pays (entendre indépendance de l’occident et des Etats-Unis, grand ennemi) ; l’autre dédié à
se positionner clairement sur le chemin du libéralisme31 afin de retrouver la croissance, plutôt rabougrie
depuis 2011 après des sept années de forte croissance (environ 8% en moyenne depuis 2003). L’Argentine
est ainsi aujourd’hui un des pays d’Amérique Latine avec la croissance la plus faible, et ce malgré ses
nombreuses ressources. Les grands thèmes économiques qui concentrent les désaccords sont les
négociations avec les fonds vautours, l’agriculture et les exportations, la nationalisation de la ligne d’avion
Aerolineas Argentinas par la présidente alors qu’elle était en faillite, l’expropriation d’YPF. Au niveau
social, ce sont les thèmes de l’insécurité, du narcotrafic, de l’inégalité et des hauts taux de pauvreté dans
certaines régions, qui sont principalement sur la scène politique.
30
31
Expression utilisée par Daniel Scioli lors de son passage à l’émission 678 le 21/06/2015
Fin des restrictions à l’importation, privatisation de certaines entreprises étatiques…
26
/34
Dernier thème que je ne peux éviter d’aborder en ce qui concerne l’Argentine : la religion catholique. Le
Pape, argentin, est extrêmement respecté par l’ensemble de la population tout comme par les figures
politiques qui ne peuvent se permettre de le contredire ouvertement sous peine de nuire gravement à leur
image. Ses rencontres avec la présidente sont hautement médiatisées et retransmises en direct ; ses actes et
gestes suivis à la trace par les journalistes et les croyants. Cette influence de la religion se retrouve dans la
politique nationale : si les homosexuels sont très aidés par le gouvernement, l’avortement reste interdit.
ℵ L’Uruguay :
Face à l’Argentine hyperactive, se trouve un Uruguay qui à mon arrivée m’a semblé réellement endormi en
matière de politique. La transition de la dictature militaire a fait monter au pouvoir le Frente Amplio, parti
du fameux « Pepe » Mujica, dont l’on oppose souvent l’humilité et la simplicité face à un François Hollande
qui se veut être le « président normal ». Réélu cette année avec environ 54% des voix, cette coalition de
partis de gauche persiste au pouvoir en la personne de Tabaré Vazquez, déjà président entre 2005 et 2010.
La campagne politique n’avait pas mobilisé les foules de citoyens qui dans de nombreux cas se rendent aux
urnes plus par obligation que par réel intérêt.
Malgré les grandes avancées dont a bénéficié le pays ces dernières années telles que le mariage homosexuel,
l’écologie, l’avortement ou la légalisation du cannabis (dont je ne rentrerai pas dans le débat), certains
thèmes demeurent conflictuels et provoquent surtout ses derniers temps de nombreuses manifestations et de
grèves : la santé, et surtout l’éducation. Le manque de professeurs et de moyens est évident, et à la rentrée de
nombreux cours n’ont pas pu avoir eu lieu, tandis qu’aujourd’hui le pays se mobilise pour que 6% du PIB
soit dédié à l’éducation grâce à une grève nationale32.
ℵ Les Droits de l’Homme :
Depuis les dictatures en Uruguay et en Argentine, ce thème mobilise toujours des milliers de personnes lors
de marches en l’honneur des disparus comme la Marcha del Silencio en Uruguay, où le pays se rassemble
pour une marche dont les seuls bruits sont le nom des disparus qui défilent en boucle. En Argentine, le
kirchnerismo supporte activement le thème des Droits de l’Homme – parfois un peu trop, d’ailleurs-, et les
jugements de militaires sont nombreux et surtout inédits dans la région. Les Grands-Mères de la Place de
Mai, par exemple, et la figure médiatique d’Estela de Carlotto qui a retrouvé l’identité de son petit-fils cette
année, sont très proches du pouvoir et assistent à presque tous les discours de la présidente. Dans les deux
pays, le thème des Droits de l’Homme est très sensible et fait partie de l’identité politique et sociale de ces
pays fraichement sortis de la dictature.
32
http://www.elpais.com.uy/informacion/sepa-cuales-son-servicios-afectados.html
27
/34
IV. Bilan
Cette année a été tellement riche en découvertes, en connaissances et en apprentissages qu’elle a
littéralement changé la conception que j’ai de mon futur, au niveau personnel et professionnel.
Les stages que j’ai effectués ainsi que les pays dans lesquels j’ai vécu ces 15 moi, m’ont permis de
m’intégrer à une culture que je me suis efforcée d’accueillir à bras ouverts, et qui m’a appris beaucoup de
choses sur moi, ce à quoi je ne m’attendais pas du tout. Sur le plan linguistique, j’ai bien sûr énormément
progressé en espagnol, même si mon accent français est toujours très perceptible, ce qui est assez frustrant.
Ce séjour m’a également donné envie d’apprendre le portugais afin de pouvoir également découvrir le Brésil
et travailler un temps dans les pays lusophones en Afrique.
Sur le plan professionnel, ayant toujours placé le travail avant tout le reste, j’étais convaincue que je serais
prête à aller à peu près n’importe où du moment que je décrochais le poste qui me conviendrait. C’est
d’ailleurs ce que j’ai fait lors de ma recherche de stage : mes critères étaient seulement professionnels et
aucunement liés au mode de vie du pays où j’allais m’installer pendant plus de six mois. Grave erreur. Bien
qu’ayant eu l’opportunité de beaucoup voyager et de vivre plusieurs échanges au collège et au lycée, je n’ai
jamais ressenti qu’un pays me correspondait autant que l’Argentine, que ce soit sa capitale ou les autres
régions que j’ai eu l’occasion de découvrir pendant mon séjour. Après avoir expérimenté cette joie de vivre
dans un lieu que l’on a réellement choisi et qui offre le mode de vie que l’on recherche, je me rends enfin
compte que le travail n’est en réalité qu’une petite composante de notre vie future. Je suis désormais
convaincue qu’il faut modeler son projet professionnel en fonction des expériences que l’on veut vivre, et
non le laisser nous modeler. La diversité des rencontres que j’ai pu faire au cours de ma 3A m’a également
convaincue d’une chose : rien n’est définitif, et l’on est le seul à décider du chemin à prendre. Contrairement
à ce que j’imaginais, il est toujours possible avec un peu d’invention de se reconvertir dans un secteur qui
nous attire, et rompre avec un mode de vie qui ne nous conviendrait plus à un moment de notre existence.
Par ailleurs, moi qui pensais être une personne très studieuse et peu créative, m’imaginant continuer mes
études pendant encore plusieurs années, je me suis en fait rendue compte que j’avais besoin d’expériences
concrètes, et que ce qui me correspondait n’était pas un métier sédentaire et « purement intellectuel »,
m’obligeant à passer mes journées dans un bureau ou une bibliothèque. Le rythme du journalisme, bien que
beaucoup plus stressant et moins confortable, me motive énormément, tandis que celui de mon second stage
était trop monotone à mon goût, et parfois même étouffant.
Mon projet professionnel a lui aussi énormément évolué. Lors de ma recherche de stage, je m’étais
concentrée sur le monde du droit et le milieu diplomatique, deux voies qui ne me correspondent finalement
pas du tout. Le milieu du droit m’enfermerait trop à mon goût, et la diplomatie, du moins dans les
ambassades, est tout ce que je déteste : des enjeux d’égos constants, la hiérarchie à l’exagération, le milieu
28
/34
des expatriés qui ne se mélangent pas avec la population locale. Lors de mon stage de journalisme, il était
toujours très intéressant d’observer les différents environnements que je côtoyais: les politiques (diplomates
et Hommes politiques), les entrepreneurs, les médias, et marginalement les artistes. Sans aucun doute, ce
dernier était celui qui me correspondait le plus, grâce à la diversité des thèmes traités, à l’éthique du
journaliste, qui m’est très chère, et au degré de liberté et d’indépendance que permet le métier. Bien que je
ne sois pas encore sûre du métier auquel j’aimerais me consacrer, je sais désormais ce que je recherche
d’une activité professionnelle. La liberté, la recherche du changement social et la possibilité de voyager sont
des critères essentiels de mon futur métier, c’est pourquoi j’aimerais dans l’idéal me diriger vers le
journalisme, les représentations de l’Union Européenne à l’étranger ou le conseil, à l’image des consultants
de l’UNESCO, qui réalisent des missions pour une organisation internationale, une ONG ou un
gouvernement ; peuvent être amenés à dispenser des cours dans des universités et à être consultés par les
médias.
Encore hésitante sur mon projet de carrière, j’ai décidé de rester généraliste en master tout en recherchant à
apprendre une nouvelle langue et à m’internationaliser. J’ai donc choisi le double diplôme avec l’université
suisse de St Gallen en Affaires Internationales, qui me donner une bonne base d’économie, de droit,
m’initiera à l’allemand, langue cruciale pour qui veut travailler en Europe, et me permettra de garde une
vision internationale. Vous en conviendrez, rien à voir avec l’Amérique Latine – mais je ne perds pas de vue
que j’aimerais y vivre à nouveau dans quelques années.
29
/34
Annexes
V.
ℵ Buenos Aires
Population : Argentine : 41,5 millions d’habitants
Buenos Aires : Recensement 2010 Capital Federal, 2 891 000 habitants / Agglomération, 14 millions
habitants
Coût de la vie : L’Argentine est une destination considérée par de nombreux étudiants comme très peu
chère, si l’on transpose les prix en dollars ou en euros. Il est vrai qu’il existe grâce aux arbolitos 33un cours
de change « illégal », ou plutôt « non-officiel », qui permet de gagner 30 à 40% de pouvoir d’achat. Pour
autant, les prix s’adaptent à ce taux de change et augmentent naturellement, ce qui fait selon moi de Buenos
Aires une destination tout de même assez onéreuse, d’autant plus qu’elle est touristique. La seule chose
vraiment bon marché est le taxi, un peu moins cher que le nouveau système Uber en France.
Les
loyers
pour
étudiants
étrangers
se
trouvent
très
facilement
sur
des
sites
tels
que
www.compartodepto.com/ ou craiglist, mais le prix pour les étrangers est le double de celui que paierait un
argentin : 4000 ou 4500 pesos par moi est la norme. Il existe beaucoup de collocations, ce que je conseille
vivement : c’est un moyen en or pour être indépendant et faire des connaissances. J’ai pour ma part dû
changer trois fois de maison car je refusais les augmentations intempestives de loyer que nous imposent
souvent les propriétaires, avec comme prétexte l’inflation. C’est un thème assez sensible, car l’inflation est
non-négligeable en Argentine, mais cela leur permet aussi à des loueurs profiteurs de décréter des hausses de
loyer du jour au lendemain. La seule solution est d’essayer de signer un contrat où il est spécifié que pour 3
mois au moins, le prix n’augmentera pas. Mais encore faut-il que le propriétaire ait un contrat ! Beaucoup
vivent seulement des rentes de leur maison et n’en prennent pas du tout soin, donc restez sur vos gardes
autant que possible…
Coût relatif d’un restaurant : 15 euros avec plat, dessert, vin.
Prix du billet de bus : 30 cts.
Prix d’une empanada, le snack local dont vous tomberez amoureux : 1 euro.
Prix du forfait de téléphone: environ 10 à 20 euros par mois.
Quartiers idéaux pour vivre :

Palermo (assez cher et très européen)
 Villa Crespo
33
Personnes qui changent des euros ou dollars au taux non-officiel, pour la plupart dans la fameuse rue Florida
30
/34
 Almagro
(mais ne pas s’éloigner de l‘Abasto, grand centre commercial du quartier car certains
endroits sont peu recommandables)
 San Telmo
Vie culturelle et nocturne : Buenos Aires est « the place to be » ! Bienvenue dans le monde de la vie
nocturne et des manifestations culturelles gratuites. Il y en a tant qu’on ne sait plus où donner de la tête :
tango, musées tels que le MALBA ou le Museo de Bellas Artes, centres culturels comme la Usina del Arte
ou le Matienzo… Le nouveau centre culturel Nestor Kirchner vient d’ailleurs d’ouvrir ses portes – activité
impossible à manquer ! Quant aux sorties nocturnes, il y a beaucoup de boites de nuit et de concerts dans
Palermo, mais aussi sur la Costanera (le bord du fleuve). Les entrées sont assez chères mais il existe de
nombreuses listes gratuites sur Facebook, ne pas hésiter à demander. Le style de musique est plutôt
commercial et la cumbia domine, mais il existe un très bon rock argentin qui est ancré dans la culture
nationale et que la plupart, enfants ou parents, écoutent. Vous aurez très vite fait votre agenda de bonnes
adresses, mais il est toujours utile de consulter agendacultural.buenosaires.gob.ar/ qui deviendra votre
meilleur ami.
Si vous aimez le football, en Argentine vous serez servis ! Être arrivée juste au moment de la coupe du
Monde m’a donné un vif intérêt pour ce sport (et pour Boca Juniors), que je suis désormais même depuis
31
/34
l’Uruguay.
Voyager : Malgré le peu de vacances que j’ai eues puisque j’ai enchainé 3 stages, j’ai tout de même eu la
chance de pouvoir visiter plusieurs villes voir régions du pays. Le transport en bus est cher mais très
confortable, et l’Argentine renferme de vraies merveilles. Voici les destinations les plus touristiques :

Salta et sa région, jusqu’à la frontière de la Bolivie
 Iguazu et Misiones, les magnifiques chutes d’eau aux frontières du Brésil

La Patagonie, région des glaciers

Puerto Madryn pour les baleines

Mendoza et ses vignobles
 Córdoba entourée de montagnes

Rosario, au bord du fleuve
Pour se déplacer dans Buenos Aires, acheter une « carte subte » dans un kiosko, qui vous servira pour le bus
et pour le métro. Téléchargez l’application http://comollego.ba.gob.ar/ et achetez une Guía T (25 pesos
argentinos), qu’il faut apprendre à utiliser mais qui est l’élément le plus sûr : le jour où vous serez perdu
dans un endroit désert, hors de question de sortir son téléphone portable avec l’application google maps !
ℵ Montevideo
Population : Uruguay : 3,4 millions d’habitants
Montevideo : 1,3 million d’habitants (recensement 2011)
Coût de la vie : L’Uruguay est un pays très cher en comparaison à ses voisins d’Amérique Latine (sans
compter le Chili). Mon budget par rapport à l’Argentine a presque été doublé, ce qui m’a causé un grand
choc en arrivant. Les loyers pour étudiants étrangers sont souvent entre 400 et 700 dollars, même si certains
affichent des prix bien plus bas, surtout dans le centre qui est moins cher, et dans la vieille ville. Ce dernier
quartier n’est pourtant pas très recommandable, et surtout très loin de tout. En Uruguay, il peut être est très
difficile de trouver un logement ; j’ai pour ma part visité nombre de logements pendant un mois avant de
trouver. Il n’existe pas beaucoup de sites d’annonces contrairement à Buenos Aires, et le gros des recherches
se fait sur les groupes Facebook d’étudiants à l’étranger à Montevideo ainsi que grâce aux listes fournies par
les universités à leurs élèves étrangers ; n’hésitez pas à les supplier de vous les partager même si vous n’êtes
pas un de leurs élève.
Si vous voulez manger autre chose que du riz à tous les repas (je m’en pensais capable, mais je vous assure
que l’on s’en lasse assez vite…), cherchez un logement près d’une des nombreuses ferias, les marchés
locaux, où les fruits et légumes sont excellents et beaucoup moins chers. On y trouve de tout : des produits
ménagers au poisson et au fromage franchement pas mauvais, en passant par les capsules pour machines à
café ou les vélos volés.
Coût relatif d’un restaurant : 12 euros
Prix du billet de bus : 80 cts
Prix d’un chivito, la spécialité locale : 5 euros
Prix du forfait de téléphone : 5 à 7 euros
Quartiers idéaux pour vivre :
 Parque Rodó
 Pocitos
 Centro (Cordon, Palermo)
Vie culturelle et nocturne : Même si beaucoup moins diverse qu’à Buenos Aires, la vie culturelle n’est
absolument pas en reste en Uruguay qui compte d’une grande communauté artistique alternative, que ce soit
au niveau musical ou pictural. Certains centres culturels tels que l’INJU ou le Centro Cultural España
organisent régulièrement des évènements de toutes sortes, et le centre d’exposition SUBTE ou le Centro de
Fotografía de la ville laissent place aux artistes du futur.
Quant à la vie nocturne, la cumbia est toujours de mise, mais il existe aussi une très importante culture de
l’électronique, avec de nombreux DJs très talentueux. Moi qui n’écoutais pas du tout ce genre de musique
avant d’arriver, je m’y suis mise en Uruguay et ai passé mes meilleurs moments dans des soirées que je
qualifierais d’« underground ». Finalement, j’aurai plus profité de la vie nocturne à Montevideo qu’à Buenos
Aires – le plus difficile est d’être au courant des différents évènements, mais une fois rentrés dans la movida
(« ambiance ») vous n’en sortirez plus !
32
/34
Voyager : Si les trains sont abonnés absents, il existe énormément de bus, d’autant plus que de nombreux
étudiants ou jeunes actifs de l’intérieur du pays font régulièrement l’aller-retour entre la capitale et leur
village natif, les uruguayens ayant un sens de la famille très marqué. Les lieux les plus jolis - très
touristiques entre décembre et février – sont situés sur la côte : Cabo Polonio, Punta Diablo, Punta del Este,
et la région de Rochas. L’intérieur est pourtant à ne pas négliger, avec la Quebrada de los Cuervos, Salto et
ses balnéaires, les communautés « hippies » dans la région de Tacuarembo, la petite ville de Colonia…
N’hésitez pas à recourir le pays, que je n’ai personnellement pas pris le temps de bien connaître à mon grand
regret. Pour une petite introduction, lisez : La Tierra purpúrea de W. H. Hudson (1875).
Les bus partent tous de la station de Tres Cruces, et les billets peuvent être achetés directement sur place.
Pour se déplacer dans la ville, utiliser http://www.montevideo.gub.uy/aplicacion/como-ir . Je vous conseille
vivement d’acheter un vélo pour 1200 – 1500 pesos uruguayos : bien que la ville soit loin d’avoir une
géographie plane, se déplacer à vélo est un vrai plaisir et les bus, qui tardent encore plus qu’à Buenos Aires,
s’arrêtent pour la plupart à 22h !
ℵ Sécurité :
Halte aux clichés ! L’insécurité est un réel thème de débat en Uruguay et en Argentine, surtout dans les
deux capitales où les locaux eux-mêmes nous répètent sans cesse de faire attention. Les faits divers de
personnes assassinées dans les journaux pullulent, ce qui contribue sans aucun doute à créer un climat qui
peut en repousser plus d’un. Je tiens donc à certifier que comme dans toutes les grandes villes, il est crucial
de faire attention, et notamment de nuit, ainsi que d’éviter les endroits les plus dangereux, où personne n’a
de toute façon l’idée d’aller traîner. Voici quelques règles très simples et même plutôt évidentes à respecter,
et vous n’aurez aucun problème :

Ne pas traverser la ville avec beaucoup d’argent sur soi, surtout de nuit (conseil qui parait absurde,
mais combien ont perdu 300 ou 400 dollars après une nuit quelque peu alcoolisée…).
 Dans le métro et les lieux avec une grande densité de personnes, faire extrêmement attention à son
sac. Ne pas le laisser à ses pieds dans un café (ne vous pensez pas plus intelligent que des faucheurs
bien entrainés).
 Ne pas parler fort en français ou avec d’autres étrangers de nuit ou de jour, dans des endroits isolés.
Le principe est simple : moins on entend votre accent, moins on sait que vous êtes étranger, et moins
vous êtes une proie.

Ne pas avoir l’air perdu. Si l’on sort tard et que l’on rentre comme moi systématiquement en
colectivo (nom des bus de Buenos Aires qui ne passent pas avec beaucoup de fréquence34 mais qui
fonctionnent tous toute la nuit. Compter un par heure environ), repérer l’arrêt en arrivant pour ne pas
avoir à demander au premier passant.
34
Je voudrais ici citer une expression argentine dont m’a fait part mon maitre de stage, et que je n’ai jamais oubliée : « los colectivos son como
los Reyes Magos : los esperas un monton, un cuando pasan, pasan de a tres ».
33
/34
Je tiens à exprimer ma gratitude à M. Jean-Louis Buchet et
Mme Susana Vidal pour leur patience ; leur ouverture et
leur passion, qu’ils n’ont eu cesse de me transmettre.
Merci à Sciences Po pour l’opportunité
qui nous est offerte.
34
/34

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