« Visite active » : Une visite de la bibliothèque sur tablettes pour

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« Visite active » : Une visite de la bibliothèque sur tablettes pour
« Visite active » : Une visite de la bibliothèque sur tablettes
pour tous les étudiants de Licence
Jennifer WOLFARTH
Ingénieur d’études
Service Médiation Documentaire
Département des services à la formation
Service Commun de la Documentation
Université Toulouse 1 Capitole
[email protected]
Isabelle KAWA-TOPOR
Enseignante de Français Langue Etrangère
Département des Langues et Civilisations
Université Toulouse 1 Capitole
[email protected]
Depuis 2008, dans le cadre du Plan Réussite en Licence, les bibliothèques de l’Université
Toulouse 1 Capitole proposent aux primo-entrants de licence une « visite active » de la bibliothèque
de l’Arsenal. Ce dispositif a pour objectif de faire découvrir les espaces, les collections et les services
de la bibliothèque. Avec le développement du numérique et des supports mobiles, les visites actives
sont réalisées sur tablettes (iPad) depuis 2013. Plus de 2000 étudiants entrant en L1 participent à ce
dispositif innovant développé grâce à la collaboration des bibliothèques et du service TICE.
A la rentrée 2015, cette « visite active » sera déclinée pour les étudiants internationaux en
collaboration avec les enseignants de Français Langue Etrangère du département des langues et
civilisations. Il s’agit ainsi de toucher un public d’étudiants étrangers qui ne bénéficiaient jusqu’à
présent que rarement des visites découvertes de la bibliothèque.
Cette présentation a pour objectif de faire un retour d’expérience sur les visites actives et sa
déclinaison pour les étudiants internationaux. Nous aborderons le projet, ses évolutions, son évaluation
ainsi que le travail mené pour adapter le dispositif à un public spécifique.
Mots-clés : Bibliothèque universitaire, formation à la recherche documentaire, tablette, documentation,
Moodle, licence, étudiants internationaux, service numérique, FLE, Français Langues Etrangères,
compétence documentaire, compétence linguistique, adaptation, besoins du public.
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Le dispositif et ses évolutions
Le dispositif des visites actives est créé en 2008 par le service de la Formation des usagers des
bibliothèques de l’Université Toulouse 1 Capitole. L’objectif est de faire découvrir aux étudiants
de licence, les ressources de la bibliothèque de l’Arsenal ainsi que les services utiles à leurs
premières années d’études.
1.1 Le principe
Ce dispositif ambitieux mobilise 20 bibliothécaires, 10 tuteurs pendant deux semaines avant le
début des cours (fin août, début septembre). Plus de 130 séances d’une heure trente sont ainsi
organisées pour accueillir tous les étudiants (entre 2000 et 2500 selon les années) convoqués à la
bibliothèque par la scolarité générale. Ces visites constitueront le premier TD noté de ces primoentrants.Deux groupes de 25 étudiants sont accueillis en parallèle par un bibliothécaire et deux
tuteurs.
1.2 Du papier…au numérique
Dans le dispositif originel, le bibliothécaire faisait une présentation des bibliothèques en utilisant
un diaporama puis les étudiants répondaient à un questionnaire papier. Les étudiants « actifs »
devaient utiliser les postes publics pour effectuer leur recherche et circuler dans la bibliothèque
pour répondre aux questions. A la fin de la séance, les questionnaires complétés étaient récupérés,
corrigés a posteriori, et les notes transmises aux composantes. Dans le cadre du plan Réussite en
licence, ces notes devaient permettre aux composantes de détecter les étudiants en difficulté.
Le service responsable de la formation des usagers décide d’étudier, pour la rentrée 2013 la
faisabilité d’un passage à une version numérique du questionnaire, à compléter sur tablette, à la
fois pour des raisons :
- d’usage : les étudiants peuvent être mobiles et connectés, consulter les catalogues et les bases
de données, répondre à des questions, se déplacer dans la bibliothèque et ne pas utiliser les
postes publics très demandés pendant la période de rentrée.
- d’efficacité : le passage d’un questionnaire papier à un test sur Moodle permet un traitement
automatisé des résultats.
L’usage des tablettes pour les visites actives prend tout son sens mais le simple transfert du
questionnaire papier sur Moodle n’est pas satisfaisant. Le dispositif manque de pédagogie active
désormais possible avec les tablettes.
Le service responsable de la formation des usagers décide, pour la rentrée 2014, de créer un
module pédagogique destiné à remplacer le diaporama et d’autre part, de modifier la phase de
correction.
Les étapes sont désormais les suivantes : Les étudiants sont regroupés en salle de formation pour
être uniquement informés sur les objectifs et le déroulement de la séance. Avec les tablettes, ils
consultent un module pédagogique (développé par une société faute de compétences en interne) et
se déplacent dans la bibliothèque pour obtenir des informations sur les services et les collections.
(http://visite-active.ut-capitole.fr/). A la fin du module, les étudiants basculent sur Moodle pour
faire le questionnaire. Le questionnaire est organisé en « missions » (trouver un livre dans la
bibliothèque, trouver un article de revue numérique, emprunter un livre…). Chaque mission
commence par un tutoriel vidéo permettant d’expliquer comment utiliser les outils de recherche.
A la fin de la visite, les étudiants sont regroupés et obtiennent immédiatement leur note, ainsi
qu’un feedback en fonction du pourcentage des bonnes réponses apportées. Les bibliothécaires
peuvent ainsi très rapidement évaluer les questions pour lesquelles les étudiants se sont trompés et
réexpliquer les notions importantes.
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L’évaluation du dispositif
Chaque année, un bilan des visites actives est mené par le service responsable de la formation
des usagers. Ce bilan permet de connaître de façon quantitative les résultats des étudiants au
questionnaire et de recueillir les besoins de modifications auprès des personnels (bibliothécaires
et tuteurs) qui ont suivi les visites actives.
2.1 Les étudiants
Les notes obtenues aux visites actives sont transmises aux composantes qui, dans le cadre du Plan
Réussite en Licence, peuvent ainsi détecter les étudiants en difficulté. Une note inférieure de
quelques points à la moyenne peut être considérée comme le signe d'une difficulté d'orientation, de
compréhension des consignes. Le questionnaire doit donc être réfléchi pour ne pas sanctionner
mais être suffisamment pertinent pour que les résultats puissent être analysés.
La moyenne obtenue au questionnaire chaque année est très satisfaisante (supérieure à 16/20). Les
bibliothécaires ont noté que l’adaptation aux tablettes a été rapide pour la majorité des étudiants
même si beaucoup ne connaissaient pas l’usage des tablettes. En 2014, une étude a été menée sur
les étudiants dits « en difficulté » dont la moyenne était inférieure à 13. A la question « qu’est-ce
qui vous a posé des difficultés dans ce TD visite active ? », c’est « le temps imparti » qui arrive en
premier, puis « la connexion wifi », « les questions posées », « le travail à deux ou trois » et en
dernier lieu « l’utilisation des ipad ». Suite à cette enquête, le service chargé des visites actives
arepensé le TD en diminuant le nombre de questions et en les reformulant.
Le module pédagogique et l’obtention de la note à la fin du TD sont très appréciés par les
étudiants. Il a été noté une amélioration de leur attention lors de la phase de correction, sans doute
due au feedback leur permettant de constater les bonnes et mauvaises réponses.
2.2 Les personnels
La participation des personnels bibliothécaires fonctionne sur le volontariat. Un appel à
candidature est lancé en juin pour connaitre les agents intéressés pour participer à ce dispositif qui
suscite l’enthousiasme.Une organisation rigoureuse est mise en place et la formation des
personnels est un point important.
Avec l’utilisation des tablettes et le passage du questionnaire sur Moodle, différentes formations
sontorganisées pour permettre :
- aux personnes qui réalisent techniquement les visites actives d’acquérir des compétences
sur Moodle et sur la gestion du parc de tablettes.
- aux bibliothécaires et aux tuteurs participant aux visites actives de savoir se servir des
tablettes et de connaître le déroulé de la visite active.
Pour l’ensemble des bibliothécaires participant à ce dispositif, le passage au numérique présente
plusieurs avantages : l’appropriation des nouvelles technologies, la motivation des apprenants, la
fin de l’utilisation des postes publics fortement sollicités à cette période de rentréeet le temps
gagné dans le traitement des résultats. En revanche, ils alertent sur la nécessité d’un
accompagnement et d’une attention supplémentaires pour ce dispositif plus complexe sur le plan
technique et le problème des déconnexions wifi, ainsi que sur la difficulté liée à l’animation de la
séance de correction.
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Adaptation des visites actives à un public spécifique : les étudiants internationaux
Les visites actives s’adressent à tous les étudiants primo-entrants de l’universitésauf les étudiants
internationaux qui ne sont pas intégrés à la chaine d’inscription de l’Université.
Le service formation de la bibliothèque chargé des visites actives souhaitait intégrer les étudiants
internationauxdans ce dispositif, une bonne utilisation de la bibliothèque universitaire
constituantun atout pour la réussite des études 1.
Un travail collaboratif avec une enseignante de Français Langue Etrangère du département les
Langues et civilisations a été mené dans ce sens.
3.1 Objectifs
L’adaptation de la visite active de la bibliothèque aux étudiants internationaux comporte
plusieurs objectifs. Si l’objectif principal est de permettre aux étudiants internationaux de
s’approprier les services et ressources de la bibliothèque, il s’agit également de :
- participer à l’accueil de ces étudiants en leur donnant des supports d’information destinés
à faciliter leurs études en France.
- contribuer à l’amélioration de leurs compétences en français en s’appuyant sur leurs
compétences en TICE.
Notre travail s’est donc inscrit dans cette triple perspective qui nécessitait de concilier: objectifs
de formation documentaire, d’accueil, et linguistiques.
3.2 Démarche : S’adapter aux besoins
On peut s’interroger sur l’opportunité d’une adaptation de ce dispositif : en effet, la version
actuelle de la visite active avait été ponctuellement utilisée pour un public d’étudiants étrangers
qui avaient pu mener à bien les missions à réaliser. Si le niveau linguistique des étudiants avait pu
se révéler insuffisant pour permettre aux étudiants de comprendre certaines informations et
consignes, il avait été compensé par une maîtrise technologique. Notre motivation s’appuie sur le
souci d’offrir des dispositifs adaptés aux besoins spécifiques des étudiants internationaux.
3.2.1 Adapter la formation documentaire
La visite active dans sa version initiale s’adresse à des étudiants inscrits dans les différentes
facultés de l’université (Droit, Economie-Gestion ou Administration Economique et Sociale) et
ainsi propose des missions correspondant aux différentes spécialités et aux besoins des étudiants :
savoir chercher un livre de Droit,savoir chercher une revue numérique en économie, savoir
retrouver un article dans une revue académique....
Or, les besoins des étudiants internationaux primo-entrants sont différents. Ils peuvent, en effet,
concernés dans un premier temps, leur étude du Français Langue Etrangère et l’appropriation des
services communs de la bibliothèque (emprunter, rechercher).
C’est pourquoi nous avons souhaité modifier les missions proposées pour nous concentrer sur des
objectifs liés à la découverte des généralités :chercher un livre, chercher dans un dictionnaire,
découvrir et utiliser la presse francophone, connaître les services du Centre de Ressources en
Langues.
Pour cela, nous avons remodelé le questionnaire sur Moodle : réduit le nombre de missions et
proposé des missions adaptées aux besoins de ce public. Par exemple : pour la mission « trouver
un livre dans la bibliothèque »les étudiants doivent chercher des ouvrages dans les généralités
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http://bibliotheques.univ-toulouse.fr/actualite/usage-de-la-documentation-et-reussite-en-licence
(dictionnaire, que sais-je) puis trouver un livre au CRL (Centre de Ressources en Langue) et
indiquer les services disponibles dans cet espace.
3.2.2 Adapter le niveau linguistique
L’étude du vocabulaire utilisé fait apparaître des champs lexicaux spécifiques : vocabulaire des
bibliothèques (emprunter, une cote, prolonger, un périodique…), vocabulaire liés à la localisation
(au rez-de chaussée, au-dessus de..), expression de l’injonction (veuillez choisir une réponse, allez
chercher, vous repérez..), vocabulaire de spécialité (cliquer, tablette, numérique).
Par ailleurs, la lecture des consignes a révélé la difficulté de certaines structures grammaticales
utilisées.
La possibilité de la traduction étant exclue par le fait que la maîtrise de l’anglais n’est pas
commune à tous les étudiants internationaux de l’Université, nous avons adopté différents
procédés pour expliquer le vocabulaire spécifique repéré dans le module pédagogique et le
questionnaire Moodle:
- élucidation du vocabulaire des bibliothèques par une liste de vocabulaire illustré. Une fois
ce vocabulaire identifié, il a fallu modifier le code du module pédagogique pour que
l’usager puisse cliquer sur le mot et ouvrir un nouvel onglet lui proposant une
traduction (image ou autre formulation).
Exemple : quand l’étudiant clique sur le texte bleu « Les années précédentes sont sur les
étagères », on lui propose « les années avant 2015 ». Le même procédé a été retenu pour le
vocabulaire dans le questionnaire Moodle.
- transformation et simplification des structures linguistiques employées.
- maintien du vocabulaire initial même s’il était spécifique car la réalisation de la tâche était
suffisamment claire, par exemple : « glisser les étiquettes ».
Il faut noter que les interventions sur le module pédagogique, ainsi que le questionnaire
nécessitent des compétences de développeurs et un usage avancé de Moodle, compétences que
nous avions fort heureusement en interne.
Ce travail a permis de mettre en lumière certains aspects :
- La difficulté linguistique est présente pour tous les publics.
En effet, un travail de simplification lexicale à destination des étudiants français avait déjà
été réalisé par le service formation de la bibliothèque. Certains mots avaient été supprimés
tels que « parvis » ou « reprographie » ou « fonds généralités ». Toutefois, nous avons
choisi de maintenir certains éléments de vocabulaire même s’il était « difficile » car il
renvoyait à une définition spécifique. Ainsi, nous avons maintenu l’utilisation du mot
générique « ouvrage ».
- l’explication lexicale met en lumière l’objectif conjoint de ce travail collaboratif ; ainsi, le
souhait de définir le mot « emprunter » comme « emporter pour plusieurs jours »
correspond à une double motivation : sensibilisation au fonctionnement de la bibliothèque
(on emporte un livre mais…on le rapporte !) et linguistique (expression du futur par la
préposition « pour »).
- Le processus pédagogique doit parfois s’adapter aux contraintes techniques.
Par exemple, une question ouverte a du sens dans le cadre du cours de langue. Or, pour
faciliter le traitement des réponses, ici, seules des questions fermées sont possibles.
- La réalisation de ce travail invite à une exploitation pédagogique ultérieure des actes de
parole abordés (« localiser », « dire de faire ») dans le cadre du cours de Français langue
étrangère par le développement de ressources pédagogiques.
Conclusion :
Le dispositif des visites actives existe depuis 2008 dans les bibliothèques de l’Université Toulouse 1
Capitole afin d’assurer la formation à la recherche documentaire des primo-entrants. Ce dispositif a
fortement évolué avec l’introduction progressive et réfléchie du numérique en fonction des usages et
des besoins des publics. Les retours des personnels et des étudiants ont permis de modifier le dispositif
qui s’est amélioré chaque année grâce aux compétences en interne, à l’accompagnement de la dTICE
et au choix d’une solution ouverte.
La réflexion menée avec l’enseignante de Français Langue Etrangère du département des Langues et
civilisations a permis d’adapter les visites actives aux besoins d’un public étranger.
La démarche adoptée dans ce travail collaboratif « visite active adaptée » est en lien direct avec
l’approche actionnelle décrite dans le Cadre européen commun de référence en langue (CECR,
Conseil de l’Europe), qui décrit l’étudiant en situation d’apprentissage comme un acteur social « ayant
à accomplir des tâches dans des circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’un domaine
d’action particulier ». L’apprenant est ainsi caractérisé par des savoirs, savoir-faire, savoir-être et
savoir-apprendre.Nous nous appuyons, en effet, sur les compétences extralinguistiques de l’étudiant,
sur ses compétences technologiques pour atteindre un objectif « acquérir les notions de base à la
recherche documentaire », à travers la réalisation de tâches et par là-même, nous travaillons à
l’amélioration de sa compétence en langue.