Intégrabilité dans les théories de Yang-Mills
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Intégrabilité dans les théories de Yang-Mills
A-PDF MERGER DEMO BASSO Benjamin M2 Physique – Année 2005-2006 Ecole Normale Supérieure de Lyon Rapport de Stage M2 Physique Intégrabilité dans les théories de Yang-Mills Maître de Stage : Gregory Korchemsky Laboratoire de Physique Théorique Bâtiment 210 Université Paris-Sud 11 91405 Orsay Cedex Table des matières 1 Introduction 1 2 Théories de Yang-Mills dans la jauge de ’t Hooft 2.1 Présentation des théories de Yang-Mills et invariance de jauge . . . . . . . 2.2 Jauge de ’t Hooft et élimination des degrés de liberté non-physiques . . . . 2 2 2 3 Renormalisation d’une chaı̂ne d’opérateurs sur le cône de lumière et équation d’évolution 3.1 Développement perturbatif et régularisation dimensionnelle . . . . . . . . . 3.2 Renormalisation de la chaı̂ne de longueur deux et équation d’évolution . . 3.2.1 Variation du schéma de renormalisation et équation d’évolution . . 3.2.2 Intérêt physique des équations d’évolution . . . . . . . . . . . . . . 3.3 Diagonalisation de l’Hamiltonien d’évolution de la chaı̂ne de longueur deux 3.3.1 Position du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.2 Symétrie sl(2, R) de l’Hamiltonien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.3 Décomposition en opérateurs conformes irréductibles et solution de l’équation d’évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 6 9 9 10 11 11 12 14 4 Intégrabilité de la chaı̂ne de longueur N 15 4.1 Construction d’une famille complète et abélienne d’opérateurs . . . . . . . 16 4.2 Diagonalisation de l’opérateur de transfert et ansatz de Bethe algébrique . 18 4.3 Opérateur R fondamental et Hamiltonien des chaı̂nes de spin intégrables . 20 5 Conclusion et perspective 22 A Conventions et règles de Feynman 24 A.1 Conventions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 A.2 Règles de Feynman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 B Terme de Wilson et propriété génératrice des chaı̂nes d’opérateurs 26 B.1 Terme de Wilson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 B.2 Propriété génératrice des chaı̂nes d’opérateurs . . . . . . . . . . . . . . . . 27 C Régularisation dimensionnelle des intégrales de Feynman 27 C.1 Une formule bien utile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 C.2 Régularisation dimensionnelle des contributions connectées et déconnectées 30 D Invariance conforme et symétrie sl(2, R) 30 D.1 Transformations conformes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 D.2 Sous-goupe collinéaire et symétrie sl(2, R) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 i 1 Introduction Les théories de Yang-Mills sont un ingrédient essentiel de notre description actuelle des interactions microscopiques. Aux côtés de la matière fermionique, apparaissent, dans le modèle standard de la physique des particules, des bosons médiateurs des intéractions. La dynamique individuelle (en l’absence de toute matière fermionique) de ces bosons est celle d’une théorie de Yang-Mills. L’enchevêtrement des différentes interactions éloigne bien souvent la dynamique de ces bosons de celle que leur aurait conféré une théorie de Yang-Mills. Dans le secteur électrofaible, par exemple, certains bosons médiateurs acquièrent une masse, par le mécanisme de Higgs, absente de leur dynamique individuelle. Il existe, cependant, un secteur du modèle standard où la dynamique de Yang-Mills s’affirme dans toute sa singularité, celui de la chromodynamique quantique (QCD), dont l’objet d’étude est l’interaction nucléaire forte. La phénoménologie de la QCD est des plus riches. Les deux aspects qualitatifs les plus prononcés sont le confinement des degrés de liberté fondamentaux à basse énergie et la liberté asymptotique de ces derniers à haute énergie. La liberté asymptotique à courte distance est une caractéristique majeure des théories de Yang-Mills et la QCD hérite ce comportement de la dynamique individuelle de ses bosons de jauges. La présence de matière fermionique en QCD ne peut en aucunes manière s être considérée comme essentielle à ce comportement, au contraire s’oppose-t-elle à la liberté asymptotique du terme de Yang-Mills, tant et si bien que la QCD en serait privée si le nombre de fermions était supérieur à une certaine valeur. Qui plus est, les simulations sur réseaux montrent que, comme en QCD, les degrés de liberté fondamentaux des théories de Yang-Mills sont confinés à basse énergie. La considération des théories de Yang-Mills semblent donc une démarche légitime pour mieux comprendre et appréhender la dynamique de la QCD. Dans ce mémoire, seule la dynamique des bosons de jauge sera considérée. En QCD, il n’est toujours pas possible de calculer les amplitudes des processus physiques, en raison du confinement. Cependant, il est possible de calculer leur evolution, dans l’ultra-violet, sous une dilatation commune des impulsions en jeu dans le processus. En effet, la liberté asymptotique autorise le développement perturbatif, en la constante de couplage renormalisée, des observables dans l’ultra-violet et les équations du groupe de renormalisation (ou équations d’évolution sous variation du point de renormalisation) permettent de relier entre elles ces observables, sous une dilatation. Pour ces raisons, notre étude s’intéresse à la résolution des équations d’évolution de certaines observables. En plus de la constante de couplage, l’étude générale des théories de Yang-Mills introduit un paramètre adimensionné, le nombre de couleurs Nc , qui permet un développement perturbatif d’un type nouveau. La dynamique des théories de Yang-Mills, en effet, se simplifie dans la limite de grand nombre de couleurs Nc → +∞. Le développement des amplitudes en puissances de l’inverse du nombre de couleurs, permet alors de tirer profit de cette simplification. Nous nous placerons donc dans le cas général d’un nombre de couleurs quelconque, en vue d’aborder, le moment venu, la limite de grand nombre de couleurs. Dans un premier temps, nous présenterons les théories de Yang-Mills au niveau classique, et détaillerons leur qualité principale, l’invariance de jauge. Nous discuterons de la question délicate de la quantification de ces théories et motiverons le choix de la jauge de ’t Hooft. Nous commencerons ensuite l’étude perturbative d’une certaine famille d’observables, dont l’introduction relève de sa pertinence dans l’approche du comportement asymptotique de certaines amplitudes physiques. La renormalisation de ces observables nous conduira à l’étude de la dynamique d’une chaı̂ne de spin, dont le caractère intégrable constitue le résultat principal de ce mémoire. En conclusion, nous tâcherons d’indiquer en quoi cette intégrabilité pourrait servir à mieux comprendre le mécanisme du confinement. 1 2 Théories de Yang-Mills dans la jauge de ’t Hooft 2.1 Présentation des théories de Yang-Mills et invariance de jauge Le champ fondamental d’une théorie de Yang-Mills est un champ vectoriel à valeurs dans l’algèbre de Lie su(Nc )1 . Étant donnée une base {ta }a de cette dernière2 , on peut développer chaque composante de Lorentz du champ de Yang-Mills sur cette dernière Aµ = Aaµ ta , a = 1, ..., Nc2 − 1. La dynamique de cette théorie est spécifiée par la densité lagrangienne 1 Fµν = ∂µ Aν − ∂ν Aµ − ıg [Aµ , Aν ] , (1) L = − Tr{Fµν F µν }, 2 avec l’introduction du tenseur de Faraday Fµν et de la constante de couplage g, la trace portant sur l’espace interne su(Nc ). Les équations du mouvement sont données par Dµ F µν = ∂µ F µν − ıg [Aµ , F µν ] = 0, (2) avec Dµ la dérivée covariante dans la représentation adjointe de l’algèbre su(Nc ). Ces équations sont invariantes sous les transformations locales (transformations de jauge) ı Aµ (x) → AUµ (x) = U (x)Aµ (x)U + (x) − ∂µ U (x)U + (x), (3) g Q où U est un élément du groupe x SU (Nc ), des fonctions différentiables quelconques définies sur Q l’espace-temps et à valeurs dans le groupe SU (Nc ). Le groupe x SU (Nc ) est appelé groupe de jauge. Une conséquence immédiate de cette invariance est le caractère non-déterministe de la dynamique du champ de Yang-Mills Aµ (x). La solution à ce manque de prédictivité est le principe d’équivalence, qui identifie deux configurations du champ de Yang-Mills qui diffèrent par une transformation de jauge comme physiquement équivalentes3 . Les composantes du champ de Yang-Mills sont, en quelque sorte, redondantes par rapport aux degrés de liberté physiques de la théorie. Il est possible de profiter de cet arbitraire, dans le choix d’un représentant physique, en ajoutant des équations supplémentaires, dites conditions de fixation de jauge4 , de sorte à simplifier la résolution des équations (2). Le choix de la condition de fixation de jauge (ou choix de jauge) est souvent dicté par son utilité à simplifier le calcul de l’évolution d’une observable physique donnée. Le choix que nous allons faire est adapté aux observables que nous allons introduire et étudier dans le chapitre suivant. Ce choix de jauge est appelé jauge de ’t Hooft. C’est un cas particulier de jauge axiale n.A = 0, pour lequel le quadrivecteur n est choisi du genre lumière n2 = 0. 2.2 Jauge de ’t Hooft et élimination des degrés de liberté non-physiques Commençons par nous assurer que la condition de jauge de ’t Hooft est compatible avec les équations de Yang-Mills. Pour ce faire, vérifions que pour toute solution A des équations de YangMills (2) il existe au moins un élément U , du groupe de jauge, tel que AU (3) satisfasse à la condition de jauge de ’t Hooft. L’équation aux dérivées partielles que doit satisfaire l’élément U est n.AU = 0, soit n.∂U = −ıgU n.A. 1 (4) Il est possible de définir des théories de Yang-Mills pour des algèbres autres que celles que nous considérons. Néanmoins, dans l’étude de la QCD (Nc = 3), la considération des théories de Yang-Mills qui ne diffèrent que par la valeur du paramètre entier Nc , appelé nombre de couleurs, semble suffisante. 2 Les conventions sur le choix de cette base sont introduites dans l’appendice A. 3 Cette équivalence est une solution car l’évolution des quantités invariantes de jauge est parfaitement déterminée par les équations de Yang-Mills. 4 Ces équations supplémentaires peuvent ou non éliminer complètement l’invariance de jauge du système d’équations ainsi défini. Seule est exigée leur compatibilité avec les équations de Yang-Mills. 2 Pour A suffisament régulier, cette équation admet toujours une solution globale. Remarquons que l’élément U est loin d’être unique puisque tout élément W , du groupe de jauge, qui satisfait n.∂W = 0 défini une nouvelle solution Ũ = W U de l’équation (4). En conséquence, la jauge de ’t Hooft ne fixe pas complètement la liberté de jauge. Au niveau classique et dans une approche lagrangienne, la fixation de la jauge est un outil de résolution pratique mais non nécessaire. Cependant, la construction d’une formulation quantique, que ce soit à l’aide du formalisme canonique ou de l’intégrale de chemins, est plus exigeante. La formulation de l’intégrale de chemins nécessite5 de pouvoir définir l’inverse de l’opérateur −1 cinétique Dµν = (ηµν − ∂µ ∂ν ), correspondant à la partie libre de la densité lagrangienne (1), ce qui −1 est incompatible avec la contrainte ∂ µ Dµν = 0, conséquence de l’invariance de jauge. Le formalisme canonique singularise une coordonnée de l’espace-temps, appelée ”temps” 6 , par rapport à laquelle la dynamique est retranscrite sous la forme d’un système d’équations aux dérivées partielles d’ordre un en cette dernière. La démarche est d’introduire la notion de variables canoniques, auxquelles sont associés des moments conjugués, qui s’obtiennent en dérivant la densité lagrangienne par rapport à la dérivée temporelle (vitesse) des variables canoniques. La réussite de la construction canonique exige que le changement de variables vitesses-moments soit régulier. L’aspect non-déterministe des équations (2), pour les composantes du champ de Yang-Mills, interdit une telle formulation avec pour variables canoniques ces composantes. Cela se traduit alors par l’existence de contraintes 7 entre les variables canoniques et leurs moments conjugués. Que ce soit dans la formulation de l’intégrale de chemins ou du formalisme canonique, la quantification des théories de Yang-Mills se traduit par une restriction de l’espace des phases de la théorie. La quantification n’impose pas que cette restriction soit complète8 , mais suffisante. La restriction à un espace des phases physique, ou en d’autre terme l’élimination totale des degrés de libertés nonphysiques, a cependant des avantages, comme l’absence de fantôme de Faddeev-Popov 9 ou encore la construction d’un espace de Hilbert avec une métrique définie positive10 . La quantification (formelle) que nous allons présenter intègre la jauge de ’t Hooft comme condition auxiliaire. Notre intention est de construire une densité lagrangienne effective exprimée uniquement en fonction des degrés de liberté physiques de la théorie. Cette quantification est appelée, dans la littérature, quantification sur le cône de lumière11 . Le choix de la jauge de ’t Hooft n.A = A+ = 0 simplifie considérablement l’une des équations (2) δL = Dµ F µ− = 0, δA− (x) 2 soit ∂+ A− = ∂+ ∂j Aj − ıg [Aj , ∂+ Aj ] , j = 1, 2. (5) En conséquence, en choisissant la jauge de ’t Hooft pour restreindre le domaine d’intégration dans la formulation en intégrale de chemins, il est possible d’intégrer sur la composante A− , si tant est que −1 l’on puisse donner un sens à l’opérateur ∂+ . Le choix de cet opérateur traduit celui des conditions aux + limites x → ±∞ de la composante A− . L’ignorance de ces conditions aux limites s’exprime alors par −1 notre incapacité à déterminer la prescription à suivre pour intégrer le pôle k + , associé à l’opérateur −1 ∂+ , en représentation de Fourier. L’ensemble des calculs faits dans ce mémoire repose sur l’utilisation de la prescription de Mandelstam-Leibbrandt (ML), qui fixe un contour d’intégration calqué sur celui 5 Du moins dans son approche perturbative, au voisinage d’une intégrale gaussienne. Qui ne se confond pas nécessairement avec la variable de Minkowski x0 . 7 Equations n’impliquant pas la dérivée temporelle. 8 Fixation d’un représentant unique pour chacune des classes d’équivalence. 9 Ce qui, d’un point de vue calculatoire, se traduit par un nombre moindre d’intégrales de Feynman. 10 Ce qui rend l’unitarité de la théorie plus facile à établir, du moins formellement à partir de l’apparente hermiticité de l’Hamiltonien. 11 L’ensemble des conventions utilisées dans cette partie, que ce soit le choix du vecteur n, des constantes de structures fabc de l’algèbre su(Nc ), ou encore la définition des composantes physiques A et Ā et des opérateurs différentiels ∂ et ¯ sont données dans l’annexe A. ∂, 6 3 de la prescription de Feynman pour l’opérateur ( + m2 )−1 . Elle s’exprime par −1 ∂+ f (x) = −ı Z R4 d4 k k− f˜(k) ık.x e , (2π)4 k+ k− + ı f˜(k) = Z R4 d4 xf (x)e−ık.x , (6) avec la limite → 0+ sous-entendue. Une fois cette intégration effectuée, on obtient une densité lagrangienne effective pour les composantes transverses A1,2 (identifiées aux degrés de libertés physiques de la théorie) en remplaçant, dans la densité lagrangienne de Yang-Mills (1), A− par son expression en fonction de ces dernières et en posant A+ = 0. En résolvant (5) avec la prescription ML −1 −2 A− = ∂ + ∂j Aj − ıg∂+ [Aj , ∂+ Aj ] , j = 1, 2, (7) on obtient la densité lagrangienne effective [3] ¯ −1 Ac + Āa ∂+ Ab ∂∂ −1 Āc Lef f = −Āa Aa − 2gfabc Aa ∂+ Āb ∂∂ + + −1 c −1 −2g 2 fabe fcde ∂+ Aa ∂+ Āb ∂+ Ā ∂+ Ad . (8) Signalons que la dérivation de la densité lagrangienne effective (8) reste formelle car elle nécessite l’abandon de termes de surface de la forme −1 −1 ∂+ ∂+ A(x)∂+ B(x) , −1 , ne peut pas être à priori légitimé par les qui, du fait du caractère non-local de l’opérateur ∂+ hypothèses habituelles de décroissance des champs à l’infini. Ces termes ignorés, il est alors possible d’utiliser −1 −1 A(x)∂+ B(x) = −∂+ A(x)B(x). Peut-être cette astuce est-elle légitimée par la prescription ML et/ou en théorie des perturbations. Durant le stage, j’ai essayé de reproduire la prescription ML en construisant un formalisme canonique pour la quantification de la dynamique de Yang-Mills linéarisée (QED) dans la jauge de ’t Hooft. Pour se faire, j’ai suivi une procédure, similaire à celles exposées dans la référence [2], qui consiste à modifier les équations de la théorie (suspension de la contrainte de Gauss ∂ µ F µ0 = 0) pour permettre un formalisme canonique. L’étape suivante est la résolution de la dynamique (définition des opérateurs de créations et d’annihilations, construction de l’espace de Fock...). La contrainte de Gauss est ensuite rétablie au sens faible, c’est à dire entre éléments d’un sous-espace dit physique (cette démarche s’inspire beaucoup du traitement canonique de la QED dans la jauge de Lorentz, telle que formulée par Gupta et Bleuler). Une fois le tout établi, il devient possible de calculer les fonctions de Green de cette théorie et ainsi vérifier ou non la prescription ML dans les propagateurs qui impliquent la composante A− du champ de Yang-Mills. Mon travail sur ce point est loin d’être achevé, mais les premiers calculs que j’ai entrepris semblent fournir une prescription différente de celle de Mandelstam-Leibbrandt. Mon espoir était de voir cette prescription émerger de la formulation canonique comme c’est le cas pour la prescription de Feynman pour le choix de l’inverse de l’opérateur différentiel cinétique. Signalons qu’à ce jour il n’existe pas vraiment de consensus sur le choix de la prescription. La prescription ML permet, quant à elle, de reproduire les résultats obtenus en jauge de Feynman et ce jusqu’à un nombre élevé de boucles d’intégration. 4 3 Renormalisation d’une chaı̂ne d’opérateurs sur le cône de lumière et équation d’évolution L’étude perturbative de la QCD est dominée par le calcul du comportement asymptotique d’amplitudes physiques dans certaines limites cinématiques. Cette étude se traduit par la considération de la dépendance, en l’échelle de renormalisation, d’observables locales qui apparaissent dans le developpement OPE (Operator Product Expansion) de corrélateurs12 , pertinents pour le calcul de certains processus physiques. Ces observables locales se présentent sous la forme de produits de champs évalués au même point et sont appelées opérateurs composites. Le sens à donner à de tels produits n’est pas immédiat, en raison du comportement singulier de la théorie à courte distance. Il est néanmoins possible, en théorie des perturbations, de régulariser puis renormaliser ces opérateurs composites de sorte à en permettre l’utilisation dans des fonctions de Green. Ces opérateurs peuvent être vu comme de nouveaux vertex, dont la régularisation et la renormalisation suivent les méthodes habituelles. La considération des chaı̂nes non-locales d’opérateurs, que nous allons introduire, est toute indiquée dans cette perspective, car elles permettent un traitement simultané de la renormalisation d’une famille infinie de produits d’opérateurs locaux. Introduisons le produit non-local d’opérateurs suivant nµ1 ...nµN Tr{Fµ1 ⊥ (nz1 )[z1 , z2 ]Fµ2 ⊥ (z2 )[z2 , z3 ]...FµN ⊥ (zN )[zN , z1 ]}, ⊥ = 1, 2. Ce dernier se présente sous la forme d’une chaı̂ne d’opérateurs de Faraday alignés le long d’une direction du cône de lumière et connectés les uns aux autres par des termes de Wilson13 intégrés le long de la dite direction. Cette chaı̂ne, ainsi définie, est une quantité invariante de jauge. Une fois développée en puissance des abscisses (Annexe B) Tr{F+⊥ (nz1 )[z1 , z2 ]...F+,⊥ (nzN )[zN , z1 ]} = ∞ X i1 ,...,iN iN z1i1 . . . zN iN i1 F+⊥ (0) . . . D+ Tr{D+ F+⊥ (0)}, i ! . . . i ! 1 N =0 elle se conçoit comme la fonction génératrice des opérateurs composites iL i1 Tr{D+ F+⊥ (0) . . . D+ F+⊥ (0)}. Ces produits locaux de champs sont bien invariants de jauge, en raison de la dérivation covariante. Ils disposent, qui plus est, des nombres quantiques donnés initialement à la chaı̂ne. La renormalisation de la chaı̂ne entraı̂ne alors la renormalisation simultanée de ces opérateurs locaux. Par la suite, un développement équivalent, sur une base plus adaptée que celle des monômes, permettra de générer des opérateurs locaux, toujours invariants de jauge, dont l’évolution sous changement de renormalisation est simplement multiplicative. L’expression non-triviale de cette chaı̂ne en fonction des composantes du champ de Yang-Mills en complique l’étude perturbative. Dans le cas de la jauge de ’t Hooft, cependant, elle prend la forme simplifiée Tr{∂+ A⊥ (nz1 )...∂+ A⊥ (nzN )}. Les opérateurs composites associés sont représentés diagrammatiquement par des vertex à N pattes externes. 12 Comme des corrélateurs courant-courant dans l’étude de la diffusion profondément inélastique d’une sonde leptonique sur un nucléon. 13 La définition des termes de Wilson et les preuves de certains résultats, non détaillées dans ce paragraphe, peuvent être trouvées dans l’annexe B. 5 Commençons donc l’étude de la renormalisation de ces chaı̂nes par la plus simple d’entre elle, la chaı̂ne de longueur 2, avec les composantes A du champ de Yang-Mills14 O(z1 , z2 ) = Tr{∂+ A(nz1 )∂+ A(nz2 )}. 3.1 (9) Développement perturbatif et régularisation dimensionnelle Pour étudier les propriétés sous changement de schéma de renormalisation de la chaı̂ne (9), considérons le développement perturbatif en la constante de couplage g d’un de ces éléments de matrice15 G(z1 , z2 ) = hO| T [O(z1 , z2 )] Tr{a+ (p1 )a+ (p2 )} |Oi , (10) avec |Oi le vide de la théorie et a+ (p) l’opérateur de création d’un quanta (d’impulsion p) de la composante A du champ de Yang-Mills. Considérons la densité lagrangienne (8) comme somme d’une densité libre (terme quadratique) et d’une densité d’interaction (terme cubique et quartique) et utilisons la formule de Gell-Mann et Low G(z1 , z2 ) = ∂z1 ∂z2 R +∞ hO| T [Tr{A(z1 )A(z2 )}S] Tr{a+ (p1 )a+ (p2 )} |Oi , hO| T [S] |Oi 4 avec la matrice S = eı −∞ Lint (x)d x et avec des champs évoluant librement16 . Le développement perturbatif souhaité s’obtient alors en développant la matrice S en série de puissances en la constante de couplage g. En vue d’établir l’équation dévolution de la chaı̂ne (9), nous procéderons à une renormalisation en le point p21 = p22 = −µ2 . Pour ce faire, nous prolongeons l’élément (10) pour des impulsions hors de la couche de masse, p21 6= 0 et p22 6= 0. Nous faisons néanmoins le choix d’une partie transverse nulle p1⊥ = p2⊥ = 0, pour simplifier les calculs. Les diagrammes de Feynman qui contribuent jusqu’à l’ordre deux en la constante de couplage sont z1 p1 A z2 z1 p2 p1 B z2 z1 p2 p1 C z2 z1 p2 p1 D z2 z1 p2 p1 z2 E p2 Chaque diagramme est doublé par la permutation des impulsions, ou, ce qui est équivalent, par la permutation des abscisses. Notons φ(z1 , z2 ) la contribution du diagramme A, sans mentionner en arguments les impulsions qui ne sont pour nous que des intermédiaires de calcul. Le terme de Born Φ(z1 , z2 ) (ou d’ordre g 0 ) s’écrit alors Φ(z1 , z2 ) = φ(z1 , z2 ) + φ(z2 , z1 ), (11) 14 Le cas des composantes Ā est équivalent pour des raisons de symétrie. Le cas des chaı̂nes mixtes ne sera pas considéré. Étant donnés les résultats obtenus pour les chaı̂nes homogènes, on peut craindre la brisure de l’intégrabilité dans le cas inhomogène, l’interaction n’étant plus identique entre tous les voisins. 15 L’évolution (sous changement de schéma de renormalisation) d’un opérateur composite est une caractéristique de cet opérateur, elle ne dépend pas du choix particulier des impulsions qui circulent sur ces pattes externes. 16 Le développement des champs libres sur la base des opérateurs de création et d’annihilation est donné dans l’appendice A. 6 avec Nc2 − 1 −ı(p1+ z1 +p2+ z2 ) e . (12) 4 Les diagrammes suivants sont appelés diagrammes à une boucle et se scindent en deux classes, celle des diagrammes connectés (B et C) et celle des diagrammes déconnectés (D et E)17 . La renormalisation des contributions connectées est à l’origine du mélange sur le cône de lumière de la chaı̂ne avec ellemême18 , alors que la renormalisation des contributions déconnectées est simplement multiplicative et s’exprime à l’aide du paramètre de renormalisation (dimension anormale) de la composante A du champ de Yang-Mills qui compose la chaı̂ne. La contribution du diagramme connecté B est donnée par la somme des intégrales de Feynman Z d4 k e−ız1 (p1 +k)+ −ız2 (p2 −k)+ k k̄ p2+ Nc2 − 1 2 (−)4ıg Nc (p1 + k)2+ . (13) −p1+ p2+ 2 4 2 2 2 4 (2π) (p1 + k) k (p2 − k) k+ p1+ φ(z1 , z2 ) = −p1+ p2+ et N2 − 1 (−)4ıg 2 Nc −p1+ p2+ c 4 Z d4 k e−ız1 (p1 +k)+ −ız2 (p2 −k)+ k k̄ 2 p1+ (p − k) , 2 + 2 (2π)4 (p1 + k)2 k 2 (p2 − k)2 k+ p2+ (14) qui proviennent des deux sens possibles donnés à la ligne interne. Le diagramme C fournit le troisième Z d4 k e−ız1 (p1 +k)+ −ız2 (p2 −k)+ (p1 + k)2+ 2 Nc2 − 1 2 (−)2ıg Nc k (p2 − k)+ (15) −p1+ p2+ 2 4 (2π)4 (p1 + k)2 k 2 (p2 − k)2 p1+ k+ Z d4 k e−ız1 (p1 +k)+ −ız2 (p2 −k)+ (p2 − k)2+ 2 Nc2 − 1 2 (−)2ıg Nc k (p1 + k)+ . (16) −p1+ p2+ 2 4 (2π)4 (p1 + k)2 k 2 (p2 − k)2 p2+ k+ Pour établir ces résultats, on a utilisé l’absence de composantes transverses pour les impulsions p 1 et p2 . Pour le diagramme C, seule une partie du vertex à quatre pattes a été retenue (celle indiquée dans l’annexe A). La contribution totale de l’interaction quartique est restaurée une fois la permutation des abscisses considérée. Sommons les intégrales (13) et (15) d’une part et (14) et (16) d’autres part. En omettant le facteur de normalisation du terme de Born, le premier groupe se somme en Z d4 k e−ız1 (p1 +k)+ −ız2 (p2 −k)+ (p1 + k)2+ 2 2 −2ıg Nc k (p2 − k)+ + 2k k̄p2+ . 2 4 2 2 2 (2π) (p1 + k) k (p2 − k) p1+ k+ Seule la partie divergente de ces intégrales nous intéresse, on retient donc de l’intégrale précédente seulement la contribution Z d4 k e−ız1 (p1 +k)+ −ız2 (p2 −k)+ (p1 + k)2+ 2 , (17) 2ıg Nc (2π)4 (p1 + k)2 k 2 p1+ k+ qui correspond au premier terme de l’identité k 2 (p2 − k)+ + 2k k̄p2+ = −k+ (p2 − k)2 + k+ (p22 − 2k+ p2− ), le second donnant lieu à une intégrale finie. Similairement, le second groupe se somme en Z d4 k e−ız1 (p1 +k)+ −ız2 (p2 −k)+ (p2 − k)2+ 2 2 −2ıg Nc k (p + k) + 2k k̄p , 1 + 1+ 2 (2π)4 (p1 + k)2 k 2 (p2 − k)2 p2+ k+ et si on n’en retient que la contribution divergente, l’intégrale à considérer est Z d4 k e−ız1 (p1 +k)+ −ız2 (p2 −k)+ (p2 − k)2+ 2 −2ıg Nc . (2π)4 k 2 (p2 − k)2 p2+ k+ 17 (18) Pour obtenir, des diagrammes B, D et E, les bonnes intégrales de Feynman, il faut mettre des flèches sur les lignes n’en présentant pas, dans tous les sens autorisés par les règles de Feynman données dans l’annexe A. 18 Comme on le verra, la chaı̂ne forme un ensemble clos sous renormalisation. 7 La somme de (17) et (18) se simplifie en Z d4 k e−ız1 (p1 +k)+ −ız2 (p2 −k)+ p2+ k+ 2 −2+ −2ıg Nc (2π)4 k 2 (p2 − k)2 k+ p2+ Z k+ d4 k e−ız1 (p1 −k)+ −ız2 (p2 +k)+ p1+ 2 −2+ −2ıg Nc . (2π)4 k 2 (p1 − k)2 k+ p1+ (19) Considérons maintenant les diagrammes déconnectés et notons la présence d’un diagramme de type tadpole. C’est assez inattendu que la contribution d’un tel diagramme soit considérée, sa renormalisation étant usuellement effectuée à tout ordre par la prescription d’ordre normal. La renormalisation du tadpole, dans les théories de Yang-Mills et dans la jauge de ’t Hooft, est rendue non-triviale par la présence d’interactions non-locales. Cette non-localité introduit une dépendance en l’impulsion externe dans le tadpole. En conséquence, une renormalisation en un point quelconque p2 = −µ2 ne les élimine pas complètement de la partie finie. Reste une dépendance logarithmique en l’impulsion, comme dans le cas générique des diagrammes renormalisés, qui s’ajoute à celles des autres diagrammes. En suivant la même démarche que pour les diagrammes connectés et en étant prudent en ce qui concerne le facteur de symétrie, qui apparait dans le calcul du diagramme E en raison de lignes internes équivalentes, on obtient la contribution19 ı ı φ(z1 , z2 ) 2 Σ(p1 ) + 2 Σ(p2 ) , p1 p2 avec 2 Z 2 2 2 k⊥ p+ k+ p+ d4 k 1 2 2 p+ (p − k)+ Σ(p) = 2g Nc + 2 2 + 2k . (20) 2 2 (2π)4 k 2 (p − k)2 2(p − k)2+ k+ p+ k+ Les intégrales ainsi obtenues sont affligées de divergences ultra-violettes. Il nous faut, dans un premier temps, les régulariser pour leur définir un sens. La régularisation que nous allons utiliser consiste en un prolongement de ces intégrales vers d’autres valeurs de la dimension de l’espace-temps D, appelée régularisation dimensionnelle. Pour certaines dimensions, les intégrales de Feynman précédentes acquièrent un sens et admettent un prolongement analytique, en la dimension, vers le plan complexe. Le comportement divergent de ces intégrales pour la dimension D = 4 se présente alors sous la forme d’un pôle dans l’expression analytique obtenue. Ce prolongement nous permet alors d’approcher la dimension D = 4 et ainsi de caractériser la démarche à suivre pour soustraire les infinités. Deux des nombreux avantages de la régularisation dimensionnelle sont de préserver manifeste l’invariance de Lorentz et de conserver la structure originelle des intégrales de Feynman. La régularisation dimensionnelle des intégrales (19) et (20) est effectuée en annexe. Les séries de de ces dernières s’obtiennent à partir des relations (67) et (68) de cette annexe. Laurent en η = 4−D 2 Soit finalement Z g 2 Nc 1 dα 2 2 (1 − α) φ ((1 − α)z + αz , z ) + (1 − α) φ (z , (1 − α)z + αz ) − 2φ(z , z ) + O(η 0 ) 1 2 2 1 2 1 1 2 8π 2 η 0 α (21) pour la contribution connectée (19), et Σ(p) = − 11 ıp2 g 2 Nc + O(η 0 ) 3 η 16π 2 (22) pour la contribution déconnectée (20). Il nous est maintenant possible de conclure sur la régularisation de l’élément (10). En n’oubliant pas de tenir compte des contributions qui se déduisent de celles que nous avons calculées par la permutation des abscisses z1 et z2 , on obtient l’expression G(z1 , z2 ) = Φ(z1 , z2 ) + η −1 (H · Φ)(z1 , z2 ) + O(η 0 , g 2 ) 19 Une intégrale de type tadpole usuel n’a pas été retenue car sa régularisation dimensionnelle est nulle. 8 (23) pour l’élément (10) régularisé en D = 4 − 2η, avec les notations 2 11 g 2 Nc g Nc H + 2γ , γ = − , H = −1/2 4π 2 3 8π 2 Z (24) 1 dα 2φ(z1 , z2 ) − (1 − α)2 φ ((1 − α)z1 + αz2 , z2 ) − (1 − α)2 φ (z1 , (1 − α)z2 + αz1 ) α 0 (25) Pour établir ce résultat, on a tenu compte de l’invariance sous permutation de l’opérateur H (H · φ)(z1 , z2 ) = (H · φ)P = H · φP , φP (z1 , z2 ) = φ(z2 , z2 ). Nc est connu de tous les amateurs des théories de Yang-Mills et a valu Le coefficient βo = − 11 3 à Gross, Politzer et Wilczek un prix nobel de physique en 2004. Il correspond au premier ordre du βo d 3 20 g(µ) = 16π , dont le signe négatif est respondéveloppement de la fonction β(g(µ)) = µ dµ 2 g(µ) + ... sable de la liberté asymptotique des théories de Yang-Mills. Cette coı̈ncidence, à l’ordre considéré, entre la dimension anormale du champ de Yang-Mills et la renormalisation de la constante de couplage, est en fait valable à tout ordre de la théorie des perturbations. Ce résultat est aussi connu en QED, mais dans les théories de Yang-Mills il n’est pas valable dans toutes les jauges. 3.2 3.2.1 Renormalisation de la chaı̂ne de longueur deux et équation d’évolution Variation du schéma de renormalisation et équation d’évolution Notre intention étant de construire une chaı̂ne génératrice d’opérateurs composites renormalisés, il est nésessaire de procéder à la soustraction de la partie divergente de l’élément (10). Cette procédure de renormalisation consiste en la donnée d’un point p21 = p22 = −µ2 , en lequel l’élément (10) est écrit sous la forme G(z1 , z2 ) = (Zµ · Gµ )(z1 , z2 ), Gµ (z1 , z2 ) = Φ(z1 , z2 ), (26) où Zµ est un opérateur (sans dimension) sur les abscisses uniquement21 , dans lequel est absorbé le terme divergent en η −1 . En d’autres termes, l’élément Gµ (z1 , z2 ) admet le developpement en série de Laurent Gµ (z1 , z2 ) = O(η 0 ). Nous définissons alors la chaı̂ne renormalisée Oµ (z1 , z2 ), pour une dimension physique de l’espacetemps (η → 0), par ses éléments Gµ (z1 , z2 ) = hO| Tr [Oµ (z1 , z2 )] Tr{a+ (p1 )a+ (p2 )} |Oi , (27) p1 et p2 n’étant plus maintenant assujettis à satisfaire p21 = p22 = −µ2 . Notre intérêt porte sur le comportement sous dilatation (p1 , p2 ) → λ(p1 , p2 ) de l’élément renormalisé (27). Revenons momentanément à la dimension D = 4 − 2η et considérons l’effet d’une telle dilatation sur l’une des intégrales de la contribution (19) régularisée dimensionnellement Z 20 21 d4−2η k e−ız1 (λp1 +k)+ −ız2 (λp2 −k)+ λp2+ = λ−2η (2π)4−2η k 2 (λp2 − k)2 k+ = 1 − 2η ln λ + O(η 2 ) Z Z d4−2η k e−ıλz1 (p1 +k)+ −ıλz2 (p2 −k)+ p2+ (2π)4−2η k 2 (p2 − k)2 k+ d4−2η k e−ıλz1 (p1 +k)+ −ıλz2 (p2 −k)+ p2+ . (2π)4−2η k 2 (p2 − k)2 k+ g(µ) est la constante de couplage effective renormalisée au point µ. En particulier, Zµ ne dépend pas des impulsions p1 et p2 . 9 Il en va similairement pour les autres contributions. La présence du pôle en η −1 extrait du facteur η ln λ un comportement anormal sous dilatation. Le développement en série de Laurent devient alors Gλ (z1 , z2 ) = λ2 G(λz1 , λz2 ) − 2λ2 ln λ(H · G)(λz1 , λz2 ) + O(η, g 2). La régularisation dimensionnelle a donc corrigé le comportement canonique Gλ (z1 , z2 ) = λ2 G(λz1 , λz2 ), donné par le terme de Born, par l’addition d’un terme inhomogène dans le comportement sous dilatation de l’élément non-renormalisé (10). A l’ordre considéré, le même résultat vaut pour l’élément renormalisé (26). Il est alors possible de prendre la limite η → 0 Gλµ (z1 , z2 ) = λ2 Gµ (λz1 , λz2 ) − 2λ2 ln λ(H · Gµ )(λz1 , λz2 ) + O(g 4 ), soit i d h λ z1 z2 2 (28) Gµ ( , )/λ = −2 (H · Gµ ) (z1 , z2 ) + O(g 4 ). d ln λ λ λ L’échelle de renormalisation µ étant l’unique échelle de masse de notre théorie, on en déduit que la dilatation λ peut-être compensée par une renormalisation en p21 = p22 = −λ2 µ2 . En tenant compte de la dimension canonique égale à deux de notre élément renormalisé (27), on en déduit Gλλµ ( z1 z2 , )/λ2 = Gµ (z1 , z2 ), λ λ d’où λ soit Gλµ ( z1 z2 , )/λ2 = Gµ/λ (z1 , z2 ), λ λ i d h λ z1 z2 d λ Gµ ( , )/λ2 Gµ (z1 , z2 ) λ=fixé . = −µ dλ λ λ dµ µ=fixé (29) En comparant les relations (29) et (28) en λ = 1, on obtient l’équation d’évolution µ d Gµ (z1 , z2 ) = 2(H · Gµ )(z1 , z2 ), dµ ou en terme de la chaı̂ne renormalisée et en développant H g 2 Nc d + 2γ Oµ (z1 , z2 ) = − 2 (H · Oµ )(z1 , z2 ). µ dµ 4π (30) La chaı̂ne est dite stable sous renormalisation, car son équation d’évolution ne fait appel qu’à ses valeurs en d’autres abscisses et ne nécessite donc pas l’introduction de nouveaux opérateurs. L’opérateur H, qui a pour origine les diagrammes connectés, est responsable du mélange sous renormalisation des opérateurs composites (sur lesquels la chaı̂ne se développe) avec eux-mêmes. Le coefficient de renormalisation γ, originaire des diagrammes déconnectés, est la dimension anormale de la composante A du champ de Yang-Mills. Comme l’opérateur O(z1 , z2 ) compte deux composantes A, la dimension anormale apparaı̂t multipliée par deux. 3.2.2 Intérêt physique des équations d’évolution Précisons maintenant l’intérêt des équations d’évolution que satisfont ces opérateurs composites renormalisés. Considérons l’exemple particulier d’une observable O(x)22 , scalaire sous les transformations de Lorentz, qui, pour certaines raisons, est indépendante du choix de l’échelle de renormalisation 22 Notons qu’en pratique cette observable n’est pas locale. Elle s’exprime plutôt sous la forme d’un produit non-local d’opérateurs locaux distant de x l’un de l’autre, O(x) = O1 (x)O2 (0). 10 µ23 . Admettons qu’il soit possible de développer les composantes de Fourier de cette observable sur un ensemble d’opérateurs composites renormalisés On,µ Z X Õ(q) = d4 x e−ıq.x O(x) = C̃n (q 2 , µ2 )On,µ , (31) R4 n avec C̃n de simples fonctions, dites fonctions de structure. Et supposons qu’il soit possible de choisir cet ensemble de telle sorte que l’évolution sous renormalisation de ces opérateurs soit simplement multiplicative dOn,µ = −γn On,µ , γn ∈ R, (32) µ dµ Alors en factorisant le comportement canonique de Õ(q) et On,µ , on peut définir de nouvelles fonctions de structure, sans dimension de masse, C̃n (q 2 , µ2 ) = q 2 d−4−d n 2 Cn (q 2 /µ2 ), avec d la dimension canonique de l’observable O(x) et dn celle de l’opérateur composite On,µ . L’indépendance en l’échelle de renormalisation de l’observable O(x) se traduit par la relation µ dO (q) = 0, dµ qui, en supposant que la base {On,µ }n est libre, engendre les équations µ dont la solution24 est dCn 2 2 (q /µ ) = γn Cn (q 2 /µ2 ), dµ −γn /2 α Cn (α) = Cn (β). β En conclusion, le comportement sous la dilatation q → λq de la composante de Fourier Õ(q) est complètement caractérisé par les paramètres de renormalisation γn de ses opérateurs composantes, puisque C̃n (λ2 q 2 , µ2 ) = λd−4−dn −γn C̃n (q 2 , µ2 ). Tout se passe comme si l’opérateur On,µ avait une dimension dn + γn , c’est la raison pour laquelle le paramètre de renormalisation γn est appelé dimension anormale de l’opérateur On,µ . Nous comprenons donc l’importance de la résolution de l’équation d’évolution de notre chaı̂ne, car elle nous donne accès aux comportements sous dilatation d’opérateurs composites, qui peuvent être pertinents pour déterminer celui d’observables physiques. 3.3 3.3.1 Diagonalisation de l’Hamiltonien d’évolution de la chaı̂ne de longueur deux Position du problème La renormalisation de la chaı̂ne (9), nous a conduit à l’étude de l’équation d’évolution (30) qui se réduit essentiellement à dχ µ (z1 , z2 ) = (Hχ)(z1 , z2 ), dµ 23 Un traitement plus générale existe cependant, nos hypothèses ont pour but d’en simplifier l’exposition. En réalité, γn dépend de la constante de couplage g(µ) et donc de µ indirectement. À l’ordre considéré, g 2 = g(µ)2 + o(g(µ)2 ) et donc la dépendance en µ est négligeable. 24 11 avec H l’opérateur intégral et linéaire donné par (25). La similarité de cette équation avec celle de Schrödinger nous rappelle que sa résolution peut-être menée à bien s’il est possible de donner une solution générale du problème spectral Hχ = Eχ, (33) pour χ dans un certain espace vectoriel et E, à priori, dans C. Cette similarité nous inspire d’ailleurs l’appelation d’Hamiltonien pour l’opérateur intégral H, d’états pour les fonctions χ et d’énergies pour les valeurs spectrales E. Gardons en mémoire, néanmoins, que notre intention est de définir un nouveau développement de la chaı̂ne renormalisée en opérateurs composites dont l’évolution est simplement multiplicative (32). Le spectre de l’Hamiltonien H collecte l’ensemble des dimensions anormales de ces opérateurs. Nous nous proposons de résoudre le problème (33) sur l’espace de PHilbert nh12 = h1 ⊗ h2 , avec hi ' l2 (C), P l’espace de Hilbert des séries de puissances de zi , χ(zi ) = +∞ n=0 χn zi , de carrés pondérés +∞ 2 n n sommables n=0 |an | hzi |zi i < ∞, muni d’un produit scalaire que nous préciserons plus loin. L’étude du problème spectral (33) est considérablement simplifié par l’existence d’une symétrie sl(2, R) 25 . 3.3.2 Symétrie sl(2, R) de l’Hamiltonien La résolution que nous allons présenter est valable pour la généralisation Z 1 dα {2χ(z1 , z2 )−(1−α)2s−1 χ ((1 − α)z1 + αz2 , z2 )−(1−α)2s−1 χ (z1 , (1 − α)z2 + αz1 )}, (Hs χ)(z1 , z2 ) = α 0 (34) avec 2s > 0, dont (25) est le cas particulier s = 3/2. Nous continuerons notre étude avec ce nouvel Hamiltonien. Définissons le produit scalaire26 de l’espace de Hilbert hi sur les éléments de la base des monômes {zin , n ∈ N}, puis sur des éléments quelconques par linéarité, Z Z 2s − 1 z̄ m z n Γ(n + 1)Γ(2s) m n hzi |zi i = dxdy , z = x + ıy. = δ mn π [1 − z̄z]2−2s Γ(2s + n) x2 +y 2 <1 Introduisons les opérateurs Si,o = zi ∂zi + s, Si,+ = zi2 ∂zi + 2szi , Si,− = −∂i , avec i = 1, 2. Comme on peut le voir, Si,+ augmente le degré d’homogénéité d’un élément de la base d’une unité, Si,− le diminue d’une unité et Si,o le mesure, en quelque sorte. Ces derniers commutent pour des valeurs différentes de l’indice de site i et sinon satisfont à l’algèbre sl(2, R) [Si,o , Si,± ] = ±Si,± , [Si,+ , Si,− ] = 2Si,o . Sur hi , Si,o est auto-adjoint, alors que Si,+ et −Si,− sont conjugués hzim |Si,o zin i = hSi,o zim |zin i , hzim |Si,+ zin i = − hSi,− zim |zin i . Chaque espace hi est un espace de représentation irréductible de cette algèbre27 . L’opérateur de 2 Casimir Ci = Si,o + 12 (Si,+ Si,− + Si,− Si,+ ) commute avec l’algèbre et doit donc être proportionnel à 25 Cette symétrie est une conséquence de l’invariance conforme des théories de Yang-Mills au niveau classique (Annexe D). On peut être étonné de la pertinence d’une telle symétrie au niveau quantique, étant donnée la procédure de renormalisation qui instaure la présence d’une échelle de masse. Ce phénomène est appelé anomalie conforme. Cependant, cette anomalie ne se fait sentir qu’à partir des contributions à deux boucles. La symétrie conforme acquiert donc le statut d’une symétrie à une boucle de la théorie. 26 L’intérêt de ce produit scalaire est de permettre aux variables Si,+ et −Si,− d’être conjuguées l’une de l’autre. Notons que sa représentation intégrale n’est définie que pour 2s > 1 et sinon par son expression avec la fonction d’Euler. 27 effet, un sous-espace invariant V doit nécessairement être orthogonal à la base des monômes, zik |V = k En l l zi |Si,+ V = (−)l Si,− zik |V = 0 pour l > k, ce qui pour un espace de Hilbert implique V = 0. 12 l’identité. Son évaluation sur le vide de la représentation (vecteur annihilé par l’opérateur S i,− ) donne Ci = s(s − 1). Du fait de l’isomorphisme entre l’algèbre sl(2, R) et l’algèbre su(2) donné par Si,z = Si,o , Si,x = Si,+ + Si,− , 2 Si,y = Si,+ − Si,− , 2ı [Si,x , Si,y ] = ıSi,z , plus permutations circulaires, s est appelé le spin de la représentation et on note h1 ' h2 ' [s]. Par analogie avec les chaı̂nes de spin de Heisenberg, construites à partir de représentations irréductibles et unitaires du groupe compact SU (2), on donne aux modèles que nous considérons le nom de chaı̂nes de spin non-compact, car construits à partir de représentations irréductibles et unitaires du groupe non-compact SL(2, R) (dans le cas 2s ∈ N∗ ). L’Hamiltonien Hs commute avec l’algèbre S = S1 + S2 . Disposant de deux observables So et C = (S1 + S2 )2 commutantes et conservées, en nombre égal au nombre de degrés de liberté de la chaı̂ne S1,o et S2,o , nous allons procéder à la diagonalisation de l’Hamiltonien Hs , indirectement, en résolvant le problème spectral auxiliaire So χl,n = (2s + l + n)χl,n , Cχl,n = (2s + l)(2s + l − 1)χl,n . Pour résoudre la seconde de ces équations, on utilise la formule de décomposition en représentations irréductibles du produit tensoriel de deux représentations irréductibles identiques [s] ⊗ [s] = +∞ X [2s + l], (35) l=0 soit le spectre {(2s+l)(2s+l−1), l ∈ N} pour le Casimir C. Sur chaque sous-espace irréductible [2s+l], le spectre de So est donné par {2s + l + n, n ∈ N}. Sur le sous-espace [2s + l], Hs est proportionnel à l’identité, puisqu’il commute avec l’algèbre S et que la représentation irréductible [2s + l] n’apparaı̂t qu’une seule fois dans la décomposition (35). Reste, pour déterminer l’énergie du sous-espace [2s + l], à appliquer l’Hamiltonien sur un élément quelconque de ce sous-espace. Le vide χl,0 = ωl de chaque représentation étant le plus simple à caractériser, nous cherchons alors à determiner sa dépendance en les variables z1 et z2 pour pouvoir calculer l’action de Hs sur celui-ci. L’action de So sur le vide ωl est donnée par (2s + l)ωl . ωl est donc d’homogénéité l. Par définition, il satisfait à l’équation S− ωl (z1 , z2 ) = −(∂z1 + ∂z2 )ωl (z1 , z2 ) = 0. Donc ωl (z1 , z2 ) ∝ (z1 − z2 )l . La determination du spectre de Hs est alors immédiate. On l’obtient en considérant l’action de l’Hamiltonien sur l’ensemble des vides possibles Hs ωl = 2[ψ(2s + l) − ψ(1)]ωl , d avec ψ(x) = dx ln Γ(x) la dérivée logarithmique de la fonction d’Euler. En introduisant l’opérateur positif J12 solution de C = J12 (J12 − 1), on obtient la représentation Hs = 2 [ψ(J12 ) − ψ(1)] , pour notre Hamiltonien Hs . Une base de vecteurs propres est donnée par {χl,n = S+n ωl , ωl (z1 , z2 ) = (z1 − z2 )l , l ∈ N, n ∈ N}. Le problème spectral (33) est ainsi complètement résolu par l’utilisation de la symétrie de rotation sl(2, R). 13 3.3.3 Décomposition en opérateurs conformes irréductibles et solution de l’équation d’évolution Il est possible de développer tout élément χ ∈ h12 sur la base des états propres de Hs . Notre intérêt portant initialement sur l’élément renormalisé28 Tr{∂+ A(nz1 )∂+ A(nz2 )} = ez1 ∂u1 +z2 ∂u2 Tr{∂+ A(nu1 )∂+ A(nu2 )} u1 =u2 =0 = +∞ X k,l=0 S+k ωl (z1 , z2 )Pkl (∂u1 , ∂u2 )Tr{∂+ A(nu1 )∂+ A(nu2 )} u1 =u2 =0 , nous nous occupons donc de la décomposition φ[q1 , q2 ](z1 , z2 ) = e z1 q1 +z2 q2 = +∞ X S+k ωl (z1 , z2 )Pkl (q1 , q2 ), k,l=0 soit la détermination des polynômes Pkl (q1 , q2 ). Ce calcul est considérablement simplifié si on utilise l’orthogonalité de la base propre D E 0 0 S +k ωl S +k ωl0 ∝ δ kk δll0 . La solution est donnée en fonction des polynômes de Gegenbauer par (l) (τs ) Pkl (q1 , q2 ) = (q1 + q2 )k+l γ(τs ) Cl (τs ) avec Cl ( q1 − q 2 ), q1 + q 2 le polynôme de Gegenbauer d’indice τs et de degré l et 1 τs = 2s − , 2 (l) γ(τs ) = Γ(4s + 2l) Γ(τs ) . Γ(4s + 2l + k)k! Γ(τs + l)4l Introduisons les composantes Okl = Pkl (∂u1 , ∂u2 )Tr{∂+ A(nu1 )∂+ A(nu2 )} u1 =u2 =0 . (36) Ces dernières sont non-nulles que pour une valeur paire de l et satisfont Okl=2n k+2n X j (−)n Γ(4s + 4n)Γ(τs + n) 1+j 1+k+2n−j C Tr{∂+ A(nu1 )∂+ A(nu2 )}. = n 16 k!n! Γ(4s + 4n + k)Γ(τs + 2n) j=0 k+2n On obtient alors le développement de la chaı̂ne renormalisée (27) O(z1 , z2 ) = +∞ X S+k ωl (z1 , z2 )Okl , (37) k,l=0 dans lequel chaque composante Okl renormalise individuellement µ d l O = −γkl Okl , dµ k 2 avec la dimension anormale γkl = 2γ + g2πN2c [ψ(2s + l) − ψ(1)]. Les transformations conformes collinéaires sur les composantes (36) étant duales à celles de l’algèbre des observables de spin S sur 28 Nous omettons temporairement d’indiquer la dépendance en l’échelle de renormalisation µ pour alléger les notations. 14 les polynômes S+k ωl (z1 , z2 ) (Annexe D), ce développement est appelé décomposition en opérateurs conformes irréductibles. En conclusion, la symétrie sl(2, R) nous permet de donner une solution générale à notre problème d’évolution (30) sous la forme du développement Oµ (z1 , z2 ) = +∞ X S+k ωl (z1 , z2 ) k,l=0 4 µo µ γkl l Ok,µ . o Intégrabilité de la chaı̂ne de longueur N Nous souhaiterions maintenant discuter la résolution de l’équation d’évolution d g 2 Nc µ + N γ Oµ (z1 , ..., zN ) = − 2 (HN · Oµ ) (z1 , ..., zN ), dµ 8π de la chaı̂ne renormalisée de longueur N Oµ (z1 , ..., zN ) = Tr{∂+ A(nz1 )...∂+ A(nzN )}µ . A l’ordre g 2 considéré, l’Hamiltonien d’évolution HN de la chaı̂ne de longueur N = 3 se scindent en une somme d’interactions, identiques, entre deux sites voisins HN =3 = 3 X Hn,n+1 , n=1 avec Hn,n+1 défini à partir de H1,2 = H2,1 et HN =2 = H1,2 + H2,1 , et avec, sous-entendue dans tout ce chapitre, des conditions aux limites périodiques pour toutes les observables X...,n±N,... = X...,n,...(n = 1, ..., N ). Pour des chaı̂nes de longueur N > 3, l’Hamiltonien HN ne satisfait plus à cette réduction entre plus proches voisins, à cause de la présence d’interactions entre composantes éloignées. Cependant, dans la limite de grands nombres de couleurs Nc → ∞, apparait une hiérarchisation topologiques des diagrammes d’interaction qui rétablit la réductibilité de l’Hamiltonien HN à une somme d’Hamiltoniens Hn,n+1 entre plus proches voisins HN = N X Hn,n+1 . n=1 Nous nous plaçons donc dans cette limite et introduisons le chapitre dans lequel nous nous consacrerons à l’étude de la dynamique de ces chaı̂nes de spin. Notons que nous travaillerons avec un spin s > 0 quelconque, plutôt que dans le cas particulier s = 3/2 avec lequel nous avons débuté, car l’étude que nous allons mené ne dépend pas de ce choix particulier. P Nous allons démontrer que l’Hamiltonien HN = 2 N n=1 ψ(Jn,n+1 )−2N ψ(1) défini sur [s]1 ⊗...⊗[s]N est intégrable et nous allons procéder à sa diagonalisation. Commençons donc par préciser le sens que nous donnons au mot ”intégrabilité”. La notion de systèmes intégrables est issue de l’étude des dynamiques hamiltoniennes classiques à nombre fini de degrés de liberté. Un système est intégrable s’il existe autant de quantités conservées en involution29 que de degrés de liberté. Cette définition se généralise aux théories de champs s’il existe un nombre infini de quantités conservées. Au niveau quantique, la définition est la même avec les crochets de Poisson remplacés par des commutateurs. L’existence de quantités conservées est souvent la bienvenue dans la démarche de réduction d’une dynamique. Un exemple classique est le cas des potentiels centraux, pour lesquels l’invariance sous 29 Un ensemble d’observables est dit en involution si l’ensemble de leurs crochets de Poisson s’annule. 15 rotations permet de réduire le problème à une dynamique unidimensionnelle dans un potentiel effectif radial. Un exemple quantique est l’atome d’hydrogène, pour lequel l’invariance sous rotations (introduction des harmoniques sphériques), réduit l’équation de Schrödinger (équation aux dérivées partielles) à une équation différentielle ordinaire. Concentrons-nous sur le problème quantique de la diagonalisation de l’Hamiltonien. En pratique, l’intégrabilité se traduit par la résolution d’un problème auxiliaire, celui de la diagonalisation simultanée de la famille abélienne et complète des quantités conservées. Le spectre de l’Hamiltonien peut être ensuite déterminé, en calculant l’action de ce dernier sur la base propre des quantités conservées. Dans un premier temps, nous allons construire une famille complète et abélienne d’opérateurs pour notre chaı̂ne de spin. Puis nous procèderons à la diagonalisation simultanée des opérateurs de cette famille, à l’aide de l’ansatz de Bethe algébrique. Nous montrerons ensuite que cette famille est conservée en calculant le commutateur de cette dernière avec l’Hamiltonien. Nous indiquerons pour finir l’expression de l’énergie d’un état en fonction de ses nombres quantiques. En somme notre problème spectral initial, impliquant l’opérateur intégral HN , sera réduit à la résolution d’un système d’équations algébriques, appelé équations de Bethe. 4.1 Construction d’une famille complète et abélienne d’opérateurs Introduisons quelques notations. Soit h ' [s] l’espace de Hilbert de notre représentation irréductible de l’algèbre sl(2, R), et soit V un espace de Hibert auxiliaire isomorphe à C2 . Nous désignerons par hi ' h (i ∈ {1, ..., N }) l’espace de Hilbert des variables de spin localisées au site i, et par Va1 , Va2 ... des copies de l’espace auxiliaire V . En ces termes, l’espace de Hilbert H de la chaı̂ne de spin de longueur N est donné par le produit tensoriel H = h1 ⊗ ... ⊗ hN . Un opérateur localisé sur un certain nombre de ces espaces sera distingué par la présence d’indices relatifs à ces espaces. Par exemple, l’observable de spin localisée sur le site n sera notée S n . Introduisons l’opérateur de Lax, défini sur hn ⊗ Va par Ln,a (λ) = λ + ıSn,α ⊗ σα , (38) avec σα (α = 1, 2, 3) les matrices de Pauli et λ ∈ C, appelé paramètre spectral. Cet opérateur peut être représenté sous la forme d’une matrice 2 × 2 avec pour entrées des opérateurs sur l’espace h n λ + ıSn,o ıSn,− . (39) Ln,a (λ) = ıSn,+ λ − ıSn,o Cette représentation s’avèrera très pratique au moment de la diagonalisation simultanée de la famille d’opérateurs conservés. L’opérateur de Lax satisfait à une équation quadratique, dite relation de Yang-Baxter, qui encode les relations de commutations entre ses composantes matricielles. Cette équation s’écrit, sur h n ⊗ Va1 ⊗ V a2 , Ra1 ,a2 (λ − µ)Ln,a1 (λ)Ln,a2 (µ) = Ln,a2 (µ)Ln,a1 (λ)Ra1 ,a2 (λ − µ), (40) avec la matrice R définie sur Va1 ⊗ Va2 , en fonction de l’opérateur de permutation Pa1 ,a2 sur cet espace, par Ra1 ,a2 (λ) = λ + ıPa1 ,a2 . (41) Sa démonstration repose uniquement sur les relations de commutation des observables de spin et sur les relations 1 (42) σα σβ = δαβ + ıαβγ σγ , Pa1 ,a2 = (1 + σα ⊗ σα ) . 2 16 En particulier, elle ne présuppose pas une représentation particulière pour l’algèbre des variables de spin. L’opérateur de permutation auto-adjoint Pa1 ,a2 est une racine de l’identité, son spectre se compose donc des deux seuls éléments {−1, 1}. En conséquence, la matrice R est inversible pour toute valeur du paramètre spectral distincte de ±ı Ra−1 (λ) = 1 ,a2 1 (λ − ıPa1 ,a2 ) . 1 + λ2 Introduisons maintenant un opérateur délocalisé sur la chaı̂ne et construit à partir de l’opérateur de Lax, donc défini sur H ⊗ Va . Soit ma (λ) = LN,a (λ)...L1,a (λ), (43) l’opérateur de monodromie. Tout comme l’opérateur de Lax, l’opérateur de monodromie peut être vu comme une matrice 2 × 2, avec pour entrées des opérateurs sur la chaı̂ne complète H, A(λ) B(λ) ma (λ) = . (44) C(λ) D(λ) Nous verrons bientôt quelles significations ont ces composantes. L’opérateur de monodromie satisfait à la même relation (40) que l’opérateur de Lax, sur H ⊗ Va1 ⊗ Va2 , Ra1 ,a2 (λ − µ)ma1 (λ)ma2 (µ) = ma2 (µ)ma1 (λ)Ra1 ,a2 (λ − µ). (45) Cette relation est une conséquence immédiate de la relation (40) et de la localité des opérateurs de Lax [Ln1 ,a1 (λ), Ln2 ,a2 (µ)] = 0, si n1 6= n2 & a1 6= a2 . L’opérateur de monodromie est un polynôme en λ de degré N . On obtient une famille d’opérateurs sur la chaı̂ne, en effectuant une trace, sur l’espace auxiliaire, de l’opérateur de monodromie t(λ) = TrVa {ma (λ)}. (46) Cet opérateur sur H est appelé opérateur de transfert. Il se présente sous la forme d’un polynôme de degré N avec pour coefficients des opérateurs sur H, t(λ) = 2λN + N X Qj λN −j . n=1 Donnons quelques-uns de ces opérateurs Q1 = ı N X n=1 Sn,α Tr{σα } = 0, Q3 = −ı X n>m>l Q2 = − X n>m Sn,α Sm,β Tr{σα σβ } = N s(s − 1) − Sn,α Sm,β Sl,γ Tr{σα σβ σγ } = 2 X n>m>l N X n=1 Sn !2 , Sn . (Sm × Sl ) . Montrons maintenant la propriété fondamentale que vérifie l’opérateur de transfert, la commutativité pour deux valeurs différentes du paramètre spectral. Cette propriété repose uniquement sur la relation de Yang-Baxter (45) que satisfait l’opérateur de monodromie et sur l’inversibilité de la matrice R, pour des valeurs non-singulières des paramètres spectraux en jeu. En effet, (λ − µ)ma2 (µ)ma1 (λ)Ra1 ,a2 (λ − µ)} t(λ)t(µ) = TrVa1 ⊗Va2 {ma1 (λ)ma2 (µ)} = TrVa1 ⊗Va2 {Ra−1 1 ,a2 = T rVa1 ⊗Va2 {ma2 (µ)ma1 (λ)} = t(µ)t(λ), 17 (47) en raison de la trace et car les éléments de la matrice R dans une base quelconque de l’espace V a1 ⊗ Va2 sont de simples nombres et commutent donc avec les éléments de matrice (44) des deux opérateurs de monodromie. La conséquence immédiate de ce résultat est la complète commutativité des coefficients polynômiaux de l’opérateur de transfert [Qn , Qm ] = 0, n, m ∈ {2, ..., N }. Il suffit pour démontrer ce résultat de dériver la relation (47) (N − n) fois par rapport à λ et (N − m) fois par rapport à µ, puis de l’évaluer en µ = λ = 0. La famille d’opérateurs ainsi construite est incomplète, puisqu’elle compte au mieux N −1 éléments. Pour la compléter, souvenons-nous qu’il existe, par construction, PN des observables sur H, pertinentes pour notre problème, qui sont les observables de spin S = n=1 Sn de la chaı̂ne totale. Remarquons que chaque opérateur de Lax Ln,a (λ) commute avec l’algèbre {Sn,α + 12 σα }α 1 Ln,a (λ), Sn,α + σα = 0. 2 En conséquence, l’opérateur de monodomie commute avec l’algèbre Sα + 12 σα 1 [ma (λ), σα ] + [ma (λ), Sα ] = 0, 2 (48) Effectuons maintenant une trace auxiliaire sur la relation (48), le premier terme est nul par cyclicité de la trace, le second fournit l’invariance sous rotations de l’opérateur de transfert [t(λ), S] = 0. Il donc possible de compléter la famille précédente {Qn , n = 2, ..., N } par l’ajout de l’observable Pest N n=1 Sn,o par exemple, tout en conservant la commutativité. Voilà qui achève la construction d’une famille complète et abélienne d’opérateurs. 4.2 Diagonalisation de l’opérateur de transfert et ansatz de Bethe algébrique Notre intention est de diagonaliser l’opérateur de transfert pour presque toutes les valeurs du paramètre spectral. De la sorte, la famille d’observables Q sera diagonalisée simultanément. En fonction des composantes matricielles de l’opérateur de monodromie (44), le problème devient celui de la diagonalisation de t(λ) = A(λ) + D(λ). La méthode que nous allons suivre porte le nom d’ansatz de Bethe algébrique. Remarquons que nous ne sommes pas désarmés, puisque du fait de la relation de Yang-Baxter (45), les composantes de l’opérateur de transfert satisfont à des relations de commutation analogues à celles des opérateurs de création et d’annihilation de l’oscillateur harmonique. Pour les obtenir, il suffit de développer (45) matriciellement, à partir des expressions (41) et (44) et d’identifier ensuite composante par composante. Des seize identités ainsi obtenues, notons pour la suite que [C(λ), C(µ)] = 0, et surtout (49) A(λ)C(µ) = ı λ−µ+ı C(µ)A(λ) − C(λ)A(µ), λ−µ λ−µ (50) D(λ)C(µ) = ı λ−µ−ı C(µ)D(λ) + C(λ)D(µ). λ−µ λ−µ (51) et 18 Ces équations nous indique immédiatement la stabilité d’un produit d’opérateurs C(λ1 )...C(λl ) sous l’action des opérateurs A(λ) et D(λ). S’il nous est possible de trouver un vecteur propre de la somme A(λ) + D(λ), les relations de commutation nous laissent alors envisager la possibilité de construire, par l’action de l’opérateur C(µ), d’autres états propres de cette somme. L’invariance sous rotations de l’opérateur de transfert nous autorise PN à chercher ce vecteur dans l’un des sous-espaces invariants (par rapport à sl(2, R)) annihilés par n=1 Sn,− . Le plus simple d’entre eux étant le vide Ω, annihilé par toutes les variables Sn,− (n = 1, ..., N ) et donc produit tensoriel des vides locaux Ω = ω1 ⊗ ... ⊗ ωN . Montrons que Ω est état propre de la somme A(λ) + D(λ). L’opérateur de monodromie prend, sur l’état Ω, la forme triangulaire (λ + ıs)N Ω 0 ma (λ)Ω = . C(λ)Ω (λ − ıs)N Ω Ω est donc vecteur propre de l’opérateur de transfert t(λ)Ω = (λ + ıs)N + (λ − ıs)N Ω. Cherchons donc d’autres états propres par applications successives de l’opérateur C(λ), Φ({λ}) = C(λ1 ) . . . C(λl )Ω, qui peuvent être vus comme des excitations au dessus du vide Ω. Comme nous allons le voir, un tel état sera propre de l’opérateur de monodromie à condition que ses paramètres spectraux satisfassent un système d’équations algébriques. Dans ce cas, il est appelé états de Bethe. Déduisons ces équations algébriques à partir des relations (50) et (51). L’action de A(λ) sur Φ({λ}) est A(λ)Φ({λ}) = λ − λ1 + ı ı C(λ1 )A(λ)C(λ2 ) . . . C(λl )Ω − C(λ)A(λ1 )C(λ2 ) . . . C(λl )Ω λ − λ1 λ − λ1 = α({λ}, λ)Φ({λ}) + N X βj ({λ}, λ)C(λ1 ) . . . Ĉ(λj ) . . . C(λl )C(λ)Ω, (52) j=1 où le chapeau indique l’omission, et celle de D(λ) sur Φ({λ}) est D(λ)Φ({λ}) = γ({λ}, λ)Φ({λ}) + l X δj ({λ}, λ)C(λ1 ) . . . Ĉ(λj ) . . . C(λl )C(λ)Ω, (53) j=1 avec α({λ}, λ) = (λ + ıs) N l Y λ − λj + ı j=1 λ − λj l Y λ − λj − ı γ({λ}, λ) = (λ − ıs) , λ − λ j j=1 N , (54) et βj ({λ}, λ) = − Y (λj − λk ) + ı ı (λj + ıs)N , λ − λj λj − λ k k6=j δj ({λ}, λ) = Y λj − λ k − ı ı (λj − ıs)N . λ − λj λj − λ k k6=j (55) Notons qu’en l’absence du second membre dans (52) et (53), un état Φ({λ}) serait état propre quelque soit l’ensemble {λ}. Exiger que l’état Φ({λ}) soit état propre de la somme A(λ) + D(λ) revient à imposer que les termes inhomogènes (états pour lesquels un des paramètres spectraux initiaux a été remplacé par λ) issu de (52) et (53) se compensent. Ainsi les paramètres spectraux autorisés sont quantifiés par le système d’équations (λj − ıs)N Y λj − λ k − ı Y λj − λ k + ı = (λj + ıs)N , λ λ j − λk j − λk k6=j k6=j 19 (56) soit, si les paramètres spectraux sont tous distincts30 , λj + ıs λj − ıs N = Y λj − λ k − ı k6=j λj − λ k + ı . (57) Ce système d’équation est appelé équations de Bethe et les paramètres spectraux solutions de ces équations les racines de Bethe. Tâchons de préciser la situation des états de Bethe relativement à la décompositionPde l’espace de Hilbert H en sous-espaces invariants, par rapport à l’algèbre des observables S = N n=1 Sn . Décomposée matriciellement, l’équation (48) implique S− Φ({λ}) = 0, So Φ({λ}) = (N s + l)Φ({λ}), si les paramètres spectraux {λ} sont des racines de Bethe. Les états de Bethe Φ({λ}) de longueur l sont donc des vides, associés aux représentations [N s + l] de la décomposition de H en sous-espaces irréductibles par rapport à l’algèbre S. Nous admettrons qu’ils suffisent à recouvrir la multiplicité de chaque représentation dans cette décomposition. Regardons quelles sont les conséquences des équations de Bethe pour la diagonalisation de l’opérateur de transfert. Si l’ensemble {λ} satisfait les équations de Bethe, le vecteur Φ({λ}) est état propre de l’opérateur de transfert, de valeur propre # " l l Y Y λ − λ − ı λ − λ + ı j j Φ({λ}). (58) + (λ − ıs)N t(λ)Φ({λ}) = t(λ, {λ})Φ({λ}) = (λ + ıs)N λ − λ λ − λ j j j=1 j=1 Les pôles dans cette expression ne sont qu’apparents, puisque # " Y λj − λ k + ı Y λj − λ k − ı = 0, lim (λ − λj ) t(λ, {λ}) = ı (λj + ıs)N − (λj − ıs)N λ→λj λ − λ λ j k j − λk k6=j k6=j en vertu des équations de Bethe (56), et donc la valeur propre est bien polynômiale de degré N en λ comme attendue. Une base propre, commune à l’opérateur de transfert et à la composante S o , est donc fournie par {S+k Φ({λ}), k ∈ N}, avec tous les états de Bethe Φ({λ}) et en n’oubliant pas le vide Ω = Φ(∅). La diagonalisation de la famille complète et abélienne d’opérateurs est maintenant achevée. Pour conclure l’intégrabilité de notre dynamique, il nous reste à prouver que cette famille est conservée. L’Hamiltonien HN commutant avec l’algèbre S, reste donc à prouver que l’opérateur de transfert commute avec HN . 4.3 Opérateur R fondamental et Hamiltonien des chaı̂nes de spin intégrables Il existe une procédure pour établir des dynamiques de chaı̂nes de spin intégrables, qui conservent l’opérateur de transfert précédemment construit et qui sont invariantes sous l’algèbre S. Nous allons suivre cette procédure et identifier l’Hamiltonien que nous allons obtenir avec celui de notre dynamique. Elle consiste en la construction d’un opérateur Rn,m (dit opérateur R fondamental), défini sur hn ⊗hm , qui satisfait à une relation de Yang-Baxter, que nous allons introduire. Indiquons que l’existence d’un tel opérateur est basée sur une interprétation de Drinfeld de la relation de Yang-Baxter (40), qui forme la base algébrique de la théorie moderne des systèmes intégrables. 30 Ceci est supposé pour établir (50) et (51). Nous admettrons que les solutions qui satisfont à cette condition suffisent à la diagonalisation complète. 20 Sur la base d’arguments généraux, il doit exister un opérateur Rn,m (µ), défini sur hn ⊗ hm , qui satisfasse à la relation de Yang-Baxter Rn,m (λ − µ)Ln,a (λ)Lm,a (µ) = Lm,a (µ)Ln,a (λ)Rn,m (λ − µ), (59) avec l’opérateur de Lax Ln,a (λ) précédemment défini (38). Etant donné l’opérateur de Lax (38), cette relation peut être vue comme une équation pour l’opérateur Rn,m (µ). Pour m = n + 1, cet opérateur est directement relié à l’Hamiltonien Hn,n+1 qui compose notre chaı̂ne de spin. Il est donc intéressant pour nous d’obtenir une solution de (59) qui commute avec l’algèbre (Sn + Sm ). Une telle solution est donc de la forme31 Rn,m (µ) = Pn,m r(Jn,m , µ), (60) avec Pn,m l’opérateur de permutation Pn,m u ⊗ v = v ⊗ u, (u, v) ∈ hn × hm , et Jn,m la racine algébrique positive du Casimir (Sn + Sm )2 , définie par l’équation Jn,m (Jn,m − 1) = (Sn + Sm )2 . La résolution de l’équation (59), avec la condition initiale Rn,m (µ = 0) = Pn,m , fournit alors l’expression Γ(Jn,m − ıµ) , r(Jn,m , µ) = Γ(Jn,m + ıµ) avec Γ la fonction d’Euler. Quelques précautions s’imposent sur les valeurs du paramètre spectral µ pour que l’expression précédente fasse sens. Le spectre de Jn,m étant donné par l’ensemble Sp = {2s + l, l ∈ N}, µ doit se situer, dans le plan complexe, en dehors de l’ensemble ±ıSp. Hors de cet ensemble, l’opérateur Rn,m (µ) est inversible −1 Rn,m (µ) = Rn,m (−µ). Introduisons maintenant l’opérateur de monodromie fondamental, défini sur H ⊗ hk par M (µ) = RN,k (µ)...R1,k (µ), ainsi que l’opérateur de transfert fondamental, défini sur H par T (µ) = Trhk {M (µ)}. (61) En conséquence de la relation (59), l’opérateur de monodromie fondamental et l’opérateur de monodromie (43) satisfont à l’équation de Yang-Baxter Lk,a (λ − µ)m(λ)M (µ) = M (µ)m(λ)Lk,a (λ − µ). La forme de l’opérateur de Lax (38) Lk,a (λ) = λ + ıSk,α ⊗ σα , et le fait que l’opérateur Sk,α ⊗ σα soit auto-adjoint, et donc de spectre purement réel, indique que l’opérateur de Lax est inversible sauf pour un ensemble de valeurs du paramètre spectral situé sur l’axe imaginaire pur. En dehors de cet 31 Etant données l’unitarité de l’opérateur r, que nous allons obtenir, et l’hermiticité de la permutation P n,m , cette décomposition de l’opérateur Rn,m (µ) n’est rien d’autres qu’une décomposition polaire. 21 ensemble, son inversibilité ainsi que la cyclicité de la trace nous autorise à conclure que les deux opérateurs de transfert (46) et (61) commutent [T (µ), t(λ)] = 0. (62) S’il nous est possible de montrer que notre Hamiltonien HN se déduit de l’opérateur de transfert fondamentale, nous aurons achevé la démonstration de laP complète intégrabilité de notre dynamique. Or, notre Hamiltonien admet la représentation HN = 2 N n=1 ψ(Jn,n+1 ) − 2N ψ(1) et la dérivée, par rapport au paramètre spectral, de l’opérateur r(Jn,m , µ) est tout indiquée pour fournir une fonction ψ(Jn,m ). Il est naturel, pour nous, d’isoler cette dérivée. Avec les identités N X dT (µ = 0) = Ṫ (µ = 0) = P ṙ(Jn,n+1 , µ = 0), dµ j=1 T (µ = 0) = P, où P est l’opérateur inversible de permutation cyclique 1 → 2 → . . . → N → 1, on obtient la relation souhaitée d ln T HN = ıṪ (µ = 0)T −1 (µ = 0) − 2N ψ(1) = ı (µ = 0) − 2N ψ(1). dµ En conclusion, comme l’opérateur de transfert t(λ) commute avec l’inverse de la permutation cyclique P −1 t(λ) = Tr{P −1 LN,a (λ)...L1,a (λ)} = Tr{LN −1,a (λ)...L1,a (λ)P −1 } = t(λ)P −1 , tout comme avec Ṫ (µ) en vertu de la relation (36), notre dynamique est intégrable, car l’opérateur de transfert t(λ) est conservé et l’Hamiltonien HN commute avec l’algèbre S. Il est maintenant possible de calculer le spectre de HN en l’appliquant sur les différents états de Bethe. A l’aide de la formule ! l X s HN Φ({λ}) = 2 N ψ(2s) − N ψ(1) + Φ({λ}), 2 2 λ + s k k=1 la résolution du problème spectral HN χ = Eχ est réduite à celle des équations de Bethe N Y λj + ıs λj − λ k − ı = . λj − ıs λj − λ k + ı k6=j 5 Conclusion et perspective Motivés par l’étude de la chromodynamique quantique, nous nous sommes intéressés aux théories de Yang-Mills, dont la phénoménologie est très proche de celle de la QCD. Après avoir discuté l’invariance de jauge, chère aux théories de Yang-Mills, nous nous sommes accordés sur sa quantification dans la jauge de ’t Hooft, qui s’avère idéale pour mener à bien l’étude des observables que nous avons introduites. Nous avons ensuite procédé à la renormalisation de nos observables et déduit les équations d’évolution que ces dernières doivent satisfaire, une fois renormalisées. Le problème de la résolution de ces équations nous a conduit, dans la limite de grand nombre de couleurs Nc → +∞, à la considération de la dynamique d’un modèle de chaı̂ne de spin, dont nous avons prouvée la complète intégrabilité. L’origine de cette intégrabilité reste mystérieuse. Est-elle la manifestation d’une symétrie quantique des théories de Yang-Mills ? Il nous est impossible de répondre à cette question en l’état. Il nous est seulement permis de constater que l’intégrabilité que nous avons exhibée n’est pas isolée et se retrouve dans d’autres contextes. Des exemples de comportement intégrables ont été découverts en QCD, dans la limite de Regge des amplitudes hadroniques, ainsi que dans les mêmes circonstances que les nôtres pour des extensions supersymétriques des théories de Yang-Mills (théories dites Super-Yang-Mills). 22 Cette intégrabilité admet un intérêt nouveau dans le cadre de la présumée dualité entre les théories de Yang-Mills et des théories de cordes, dans la limite g 2 Nc → ∞. Jusqu’à présent cette dualité a été bien vérifiée seulement pour la théorie SYM maximale (N = 4) et une théorie de cordes de type IIB sur fond AdS5 × S 5 . Des deux côtés de cette dualité, ont été observées des structures intégrables. Pour les théories avec moins de supersymétrie, une fois établie cette dualité représentera un outil pour comprendre et décrire le mécanisme du confinement dans les théories de Yang-Mills. L’étude de l’intégrabilité dans les théories de Yang-Mills peut ainsi servir à contraindre la théorie de cordes duale. L’appronfondissement de ce sujet d’étude fera l’objet de mon travail de thèse. 23 A Conventions et règles de Feynman A.1 Conventions Représentation de l’algèbre su(Nc ) Les générateurs de l’algèbre su(Nc ) sont représentés par (Nc2 − 1) matrices hermitiennes Nc × Nc , notées ta . Ces matrices engendrent la représentation fondamentale de su(Nc ). Elles sont choisies de sorte à satisfaire les relations de commutation de l’algèbre [ta , tb ] = ıfabc tc , avec les coefficients de structure fabc complètement antisymétriques. Elles sont normalisées selon δab , 2 est le symbole de Kronecker. Ceci étant fixé, les coefficients de structure satisfont les relations Tr{ta tb } = où δab fabc fabd = Nc δcd , fabc fabc = Nc (Nc2 − 1). Coordonnées du cône de lumière Les vecteurs du genre lumière n et n∗ sont définis, en composantes de Minkowski, par √ √ √ √ nµ = 1/ 2 0 0 1/ 2 , n∗µ = 1/ 2 0 0 −1/ 2 . Ils satisfont n2 = n∗2 = 0 et n.n∗ = 1. Les coordonnées du cône de lumière sont définies par x− = n∗ .x, x+ = n.x, soit x± = x0 ± x 3 √ . 2 Les composantes de Minkowski restantes sont appelées coordonnées transverses. On définit les composantes x et x̄ à partir des composantes transverses par x= x1 + ıx2 √ , 2 Dans le système de coordonnées (x+ , x− , x, x̄) la 0 1 η µν = 0 0 On introduit les opérateurs différentiels ∂+ = n.∂, A.2 ∂− = n∗ .∂, x̄ = x1 − ıx2 √ . 2 métrique de Minkowski s’exprime par 1 0 0 0 0 0 . 0 0 −1 0 −1 0 1 ∂¯ = − √ (∂1 − ı∂2 ) . 2 1 ∂ = − √ (∂1 + ı∂2 ) , 2 Règles de Feynman La solution de la dynamique libre est Z d3 k −ık.x + ik.x Ac (x) = a (k)e + b (k)e , c c 3 R3 (2π) 2|k| Āc (x) = Z R3 d3 k −ık.x + ik.x b (k)e + a (k)e . c c (2π)3 2|k| Les opérateurs de création et d’annihilation satisfont les relations de commutation 0 3 (3) 0 0 3 (3) 0 bc (k), b+ ac (k), a+ d (k ) = δcd (2π) 2|k|δ (k − k ), d (k ) = δcd (2π) 2|k|δ (k − k ), + 0 (k ) = 0. [ac (k), bd (k 0 )] = 0, ac (k), b+ d 24 Règles de Feynman en représentation impulsion b b p2 p2 a p b p3 c p3 p1 p1 A a a B Propagateur libre Diagramme A δab p2 C c d p3 p4 p1 p2 c a D b ı . + ı La théorie de Yang-Mills, quantifiée sur le cône de lumière, compte deux vertex à trois pattes et un vertex à quatre pattes. Vertex à trois pattes Diagramme B p3+ (p1 , p2 )∗ , −2gfabc p1+ p2+ avec (p1 , p2 )∗ = p̄1 p2+ − p1+ p̄2 et la conservation de l’impulsion totale p1 + p2 = p3 . Diagramme C p3+ (p1 , p2 ), 2gfabc p1+ p2+ avec (p1 , p2 ) = p1 p2+ − p1+ p2 et la conservation de l’impulsion totale p1 + p2 = p3 . Vertex à quatre pattes Diagramme D h p3+ p2+ p1+ p4+ 2 2ıg feac fedb + (p3+ − p1+ ) (p4+ − p2+ ) (p4+ − p2+ ) (p3+ − p1+ ) i p2+ p1+ p4+ p3+ +fead fecb + , (p4+ − p1+ ) (p3+ − p2+ ) (p3+ − p2+ ) (p4+ − p1+ ) avec la conservation de l’impulsion totale p1 + p2 = p3 + p4 . Dans le cas des contractions (a, b) et (c, d), divisées par quatre, on obtient la règle Nc2 − 1 p3+ p2+ p4+ p1+ 2 −2ıg Nc + permutation (p1 , p2 ). + 4 (p3+ − p1+ ) (p4+ − p2+ ) (p4+ − p2+ ) (p3+ − p1+ ) Pour calculer la contribution du diagramme C du chapitre 3.1, on a utilisé seulement le première partie de la règle précédente, la permutation des impulsions p1 et p2 étant prise à la fin, une fois sommées toutes les contibutions. 25 B Terme de Wilson et propriété génératrice des chaı̂nes d’opérate B.1 Terme de Wilson Le rôle du terme de Wilson [z, z0 ] est de transporter, parallèlement au champ de jauge A, un champ de matière ψ (dans la représentation adjointe), du point nz0 au point nz, le long de la direction du cône de lumière n. Soit ψ(nz0 ) la valeur du champ ψ au point nz0 et [z, z0 ]ψ(nz0 ) cette valeur transportée parallèlement jusqu’au point nz. L’équation suivante est alors satisfaite n.D [z, z0 ] ψ(nz 0 ) = d [z, z0 ] ψ(nz0 ) − ıgn.A(nz) [z, z0 ] ψ(nz0 ) = 0, dz ∀ψ(nz0 ), avec la condition initiale [z = z0 , z0 ] = 1. On en déduit l’équation différentielle d [z, z0 ] = ıgn.A(nz)[z, z0 ], dz [z = z0 , z0 ] = 1. (63) Propriétés de groupe Il est facile de vérifier la relation [z, z1 ][z1 , z0 ] = [z, z0 ]. En effet, l’équation différentielle (63) étant du premier ordre, à une condition initiale correspond une seule et unique solution. De cette dernière on déduit l’inversibilité de tout élément [z, z0 ][z0 , z] = 1, à partir de quoi on dérive l’équation d [z0 , z] = −ıg[z0 , z]n.A(nz). dz Propriété sous changement de jauge du terme de Wilson Q Sous une transformation de jauge U ∈ x SU (Nc ), le champ de jauge se transforme selon ı Aµ (x) → A0µ (x) = U (x)Aµ (x)U + (x) + U (x)∂µ U + (x). g Définissons [z, z0 ]0 comme solution de l’équation d [z, z0 ]0 = ıgn.A0 (nz)[z, z0 ]0 , dz Alors soit [z = z0 , z0 ]0 = 1. d [z, z0 ]0 = U (nz) ıgn.A(nz)U + (nz) − n.∂U + (nz) [z, z0 ]0 , dz d U + (nz)[z, z0 ]0 = ıgn.A(nz) U + (nz)[z, z0 ]0 . dz En conséquence de l’unicité de la solution U + (nz)[z, z0 ]0 = [z, z0 ]U + (nz0 ), soit [z, z0 ]0 = U (nz)[z, z0 ]U + (nz0 ). 26 (64) B.2 Propriété génératrice des chaı̂nes d’opérateurs Considérons une composante quelconque du tenseur de Faraday, notée F . Notons F̃ (nz, nz0 ) le transporté parallèle de la composante F , au point nz depuis le point nz0 , défini par F̃ (nz, nz0 ) = [z, z0 ]F (nz0 )[z0 , z]. Il satisfait à l’équation ∂ F̃ (nz, nz0 ) = [z, z0 ]n.DF (nz0 )[z0 , z], ∂z0 n.DF (x) = n.∂F (x) − ıg [n.A(x), F (x)] . En utilisant le développement de Taylor, on obtient alors F̃ (nz, nz0 ) = ∞ X (z0 − z)j ∂ j F̃ j=0 j! ∂z0j (nz, nz) = ∞ X (z0 − z)j j=0 j! [n.D]j F (nz). (65) Introduisons la chaı̂ne d’opérateurs, disposés le long de la direction du cône de lumière n, O(z1 , ..., zk ) = Tr{F (nz1 )[z1 , z2 ]F (nz2 )[z2 , z3 ] . . . F (nzk )[zk , z1 ]}, avec la trace effectuée sur les indices de couleur. Ecrivons-la sous la forme O(z1 , ...., zk ) = Tr{[0, z1 ]F (nz1 )[z1 , 0][0, z2 ]F (nz2 )[z2 , 0] . . . [0, zk ]F (nzk )[zk , 0]}. En utilisant (65), on a alors O(z1 , ..., zk ) = ∞ X i1 ,...ik z1i1 . . . zkik T r{[n.D]i1 F (0) . . . [n.D]ik F (0)}, i ! . . . i ! k =0 1 ce qui démontre sa propriété génératrice. Q Vérifions que cette chaı̂ne est bien invariante de jauge. Sous une transformation de jauge U ∈ x SU (Nc ), chaque composante du tenseur de Faraday se transforme selon F (x) → F 0 (x) = U (x)F (x)U + (x). En utilisant la transformation de jauge (64) des termes de Wilson, et du fait de la cyclicité de la trace, on vérifie immédiatement que la chaı̂ne est invariante de jauge. C C.1 Régularisation dimensionnelle des intégrales de Feynman Une formule bien utile Notre intention dans cette annexe est de démontrer la formule " # Z 1 Z n−1 k X e−ık+ z pn+ dx (−ıxp z) d4−2η k ı + e−ıxp+ z − = + O(η 0 ), In (z) = n (2π)4−2η k 2 (k − p)2 k+ 16π 2 η 0 xn k! k=0 n ∈ N, (66) où η est un paramètre complexe de module très inférieur à l’unité et p une impulsion sans composantes transverses, hors couche de masse p2 6= 0. Cette formule nous permettra ensuite d’obtenir aisèment l’expression régularisée de la contribution connectée (19). D’abord, nous allons calculer le premier terme de Laurent de cette intégrale pour n = 0. Ensuite nous démontrerons que le terme en η −1 est absent des intégrales pour n > 0 et z = 0. On obtiendra 27 alors le premier terme de Laurent pour les intégrales n 6= 0 par intégrations successives de celui apparaissant dans l’intégrale n = 0. Nous profitons aussi de cette annexe pour illustrer la méthode utilisée pour calculer les intégrales de Feynman en régularisation dimensionnelle et dans la jauge de ’t Hooft, avec la prescription de Mandelstam-Leibbrandt. Calcul de I0 (z) Introduisons la représentation intégrale Z +∞ 1 2 = −ı dα eıα(k +ı) , 2 k + ı 0 la prescription de Feynman joue alors le rôle de régulateur de la convergence de l’intégrale. Comme cette dernière est laissée indemne par toutes les manipulations que nous allons faire, nous l’omettrons par la suite. Soit donc à calculer Z Z +∞ Z +∞ dD k −ık+ z+ık2 α1 +ı(k−p)2 α2 e , dα1 dα2 I0 (z) = − (2π)D 0 0 avec D = 4 − 2η la dimension complexe. Utilisons la formule de l’intégrale gaussienne, prolongée pour des valeurs complexes de la dimension, Z D−2 2−D 2−D 2−D d k⊥ −ık⊥2 (α1 +α2 ) 2 ı 2 (α + α ) 2 , e = (4π) 1 2 (2π)D−2 cette expression implique l’utilisation d’une détermination donnée de la fonction puissance dans le plan complexe. Nous ne spécifierons pas cette détermination car l’arbitraire inhérent à cette détermination n’affecte pas le terme en η −1 , qui seul nous intéresse. D’où Z +∞ Z +∞ Z 2−D 2−D 2−D dk+ dk− ık+ [2k− (α1 +α2 )−2p− α2 −z] −2ıα2 p+ (k−p)− 2 2 2 , I0 (z) = −(4π) ı e e dα1 dα2 (α1 +α2 ) (2π)2 0 0 L’intégration sur k+ se solde en un distribution de Dirac qui réduit l’intégration sur k− . On obtient alors Z +∞ Z +∞ 2−D D −1 2 −1 −D 2 2 I0 (z) = −(4π) ı dα1 dα2 (α1 + α2 )− 2 e−ıp+ zα2 (α1 +α2 ) +ıp α2 α1 (α1 +α2 ) . 0 0 La divergence de cette intégrale pour D = 4 se situe à l’origine du système de coordonnées (α 1 , α2 ). Pour mieux la caractériser, introduisons les nouvelles variables λ = α1 + α2 , λ ∈ (0, ∞), & x= −ıp+ zx Z α2 , α1 + α 2 x ∈ (0, 1). L’intégrale s’exprime alors par I0 (z) = −(4π) −D 2 ı 2−D 2 Z 1 dx e 0 +∞ D 2 dλ λ1− 2 eıλx(1−x)p , 0 ce qui, en utilisant Z +∞ 0 D 2 D dλ λ1− 2 eıλx(1−x)p = ı2− 2 Γ(2 − avec Γ la fonction d’Euler, et Γ(η) = D −2 D ) x(1 − x)p2 2 2 1 + O(η 0 ), η 28 donne ı I0 (z) = 16π 2 η Z 1 dx e−ıxp+ z + O(η 0 ), 0 pour D = 4 − 2η. Calcul de la partie divegente de In (0) pour n 6= 0 Introduisons une représentation intégrale pour le terme de Mandelstam-Leibbrandt Z +∞ k− 1 = = −2ık− dα e2ıαk+ k− . k+ k+ k− + ı 0 Soit à calculer In (z = 0) = = (−ı)n+2 pn+ Z +∞ dα1 . . . 0 Z +∞ dαn+2 0 Z Z pn+ dD k n (2π)D k 2 (k − p)2 k+ dD k n n ı[(k−p)2 α1 +k2 α2 +2k+ k− (α3 +...+αn+2 )] 2 k− e . (2π)D Tout comme précédemment, on commence par intégrer sur les moments transverses puis sur les moments du cône de lumière. Ces intégrations étant faites, Z +∞ Z +∞ 3 +... 2n α1n pn− ip2 α1 α2α+α+... 2−D −D n n+2 2−D 2 2 1 dαn+2 (α1 +α2 ) 2 (α1 +. . .)−1 dα1 . . . (4π) p+ . e In (z = 0) = (−ı) ı (α1 + . . .)n 0 0 Le changement de variables λ = α1 + . . . , xi = αi avec i = 1, . . . n + 1, α1 + . . . − transforme l’intégrale de mesure dα1 . . . dαn+2 sur le domaine → α ∈ (0, +∞)n+2 en l’intégrale de mesure − − λn+1 dλdx1 . . . dxn+1 sur le domaine (λ, → x ) ∈ (0, +∞) × D, avec D = {→ x ∈ [0, 1]n+1 , x1 + . . . + xn+1 6 1}, du fait du déterminant fonctionnel (−)n+1 D(λ, x1 , . . . , xn+1 ) = n+1 . D(α1 , . . . , αn+2 ) λ Ceci nous amène à l’expression In (z = 0) = (−ı) n+2 ı 2−D 2 (4π) −D 2 p 2 n Z ∞ n dλ λ λ 0 2−D 2 Z D dx1 . . . dxn+1 xn1 (x1 + x2 ) 2−D 2 2 eıλx1 (1−x1 )p . L’intégration en λ à l’origine ne pose alors plus problème pour D = 4, puisque n > 0. Montrons donc que In (z = 0) est finie pour D = 4. En utilisant Z +∞ Z (−ı)−n −n (1 − x1 − x2 )n−1 2 , dλ λn−1 eıλx1 (1−x1 )p = dx3 . . . dxn+1 = x1 (1 − x1 )−n Γ(n), 2 )n (n − 1)! (p 0 D on aboutit à In (z = 0) = −ı(4π) −2 Z Z x1 +x2 61 dx1 dx2 (x1 + x2 )−1 (1 − x1 )−n (1 − x1 − x2 )n−1 . La singularité à l’origine est sommable sur x1 + x2 6 1, tout comme celle en (x1 = 1, x2 = 0), car au voisinage de se point la singularité est de la forme (1 − x1 )−1 qui est sommable sur x1 + x2 6 1. L’intégrale est donc localement sommable sur un domaine de mesure fini, donc finie. 29 Conclusion En conséquence du résultat précédent, on obtient la représentation suivante pour le premier terme de Laurent de l’intégrale In (z) Z u1 Z z Z un−1 n du1 du2 . . . In (z) = (−ıp+ ) dun I0 (un ) + O(η 0 ) 0 0 0 qui s’intègre facilement, si on y insère la valeur trouvée pour I0 (z), Z u1 Z un−1 Z 1 Z z ı n du1 du2 . . . dun e−ıxp+ un + O(η 0 ) dx In (z) = (−ıp+ ) 16π 2 0 0 0 0 ! Z 1 n−1 k X ı (−ıxp z) dx + = e−ıxp+ z − + O(η 0 ). 16π 2 0 xn k! k=0 Ceci achève donc notre démonstration. C.2 Régularisation dimensionnelle des contributions connectées et déconnecté Armés de la formule de l’annexe précédente, nous sommes en mesure de régulariser les intégrales des diagrammes connectés (19). Elles s’obtiennent à partir de Z p+ k+ d4−2η k e−ık+ z 2 −2+ . I4−2η = −2ıg Nc (2π)4−2η k 2 (p2 − k)2 k+ p+ En utilisant la formule (66) ainsi que celle, suivante, qui s’en déduit Z Z Z 1 e−ık+ z k+ e−ık+ z ı d ı d4−2η k d4−2η k = = dx xe−ıxp+ z + O(η 0 ), 4−2η 2 2 4−2η 2 2 2 (2π) k (k − p) p+ p+ dz (2π) k (k − p) 16π η 0 on obtient I4−2η g 2 Nc = 2 8π η soit I4−2η Z 1 0 e−ıxp+ z − 1 dx − 2e−ıxp+ z + x e−ıx x g 2 Nc = 2 8π η Z 1 0 p+ z + O(η 0 ), dx (1 − x)2 e−ıxp+ z − 1 + O(η 0 ). x (67) La régularisation des contributions déconnectées est un peu plus exigeante. Elle nécessite de manipuler algébriquement l’intégrale de manière à en réduire la complexité jusqu’à des intégrales connues ou du moins plus facile à calculer. En procédant de la sorte, et quelque soit le chemin suivi, on obtient finalement 11 ıp2 g 2 Nc Σ(p) = − + O(η 0 ). (68) 3 η 16π 2 avec Σ défini par (20). D Invariance conforme et symétrie sl(2, R) La symétrie conforme est une symétrie classique de la théorie de Yang-Mills. Elle reflète l’absence d’échelle de masse dans la théorie. La pertinence de la symétrie conforme au niveau quantique, tient à ce que la partie divergente à l’ordre g 2 (une boucle) des intégrales de Feynman, qui seule nous intéresse dans l’étude des équations d’évolution, dispose des symétries classiques de la théorie. Ainsi, même si la symétrie conforme est brisée au niveau quantique par la procédure de renormalisation, qui introduit une échelle de masse dans la théorie, celle-ci reste une symétrie des équations d’évolutions à l’ordre une boucle. 30 D.1 Transformations conformes Par définition, le groupe conforme est constitué de l’ensemble des transformations de l’espacetemps qui laissent invariante sa structure causale, c’est à dire, telles que la métrique se transforme selon 0 ηµν (x) → ηµν (x0 ) = ω(x)ηµν (x). Ce groupe forme une extension du groupe de Poincaré et son algèbre comprend 14 générateurs, que sont les opérateurs impulsions Pµ , les transformations de Lorentz infinitésimales Mµν , l’opérateur de dilation D et les générateurs des transformations conformes spéciales Kµ . Définissons, sur l’espace des configurations du champ de Yang-Mills, une représentation linéaire de l’algèbre conforme donnée par δP µ Aρ (x) = ∂ µ Aρ (x), δM µν Aρ (x) = (xµ ∂ ν − xν ∂ µ − Σµν ) Aρ (x), δK µ Aρ (x) = 2xµ x · ∂ − x2 ∂ µ + 2`xµ − 2xν Σµν Aρ (x), δD Aρ (x) = (x · ∂ + `) Aρ (x), avec l’action de la représentation vectorielle du groupe de Lorentz Σµν Aρ = η νρ Aµ − η µρ Aν , et ` = 1 la dimension canonique du champ de Yang-Mills. En conséquence, le tenseur de Faraday transforme selon δP µ F ρσ (x) = ∂ µ F ρσ (x), δM µν F ρσ (x) = xµ ∂ ν − xν ∂ µ − Σ̃µν F ρσ (x), δD F ρσ (x) = (x · ∂ + ` + 1) F ρσ (x), avec δK µ F ρσ (x) = 2xµ x · ∂ − x2 ∂ µ + 2(` + 1)xµ − 2xν Σ̃µν F ρσ (x), Σ̃µν F ρσ = η νρ F µσ − η µρ F νσ + η νσ F ρµ − η µσ F ρν . Notons que ` = 1 est fondamentale pour que le tenseur de Faraday transforme de la sorte. D.2 Sous-goupe collinéaire et symétrie sl(2, R) Parmi les transformations conformes, certaines laissent invariante une direction du cône de lumière. Ces dernières forment un sous-groupe appelé sous-groupe collinéaire. La sous-algèbre collinéaire est de dimension 4, elle est engendrée par P+ , D, M−+ et K− (avec le choix n comme vecteur directeur de la droite du cône de lumière). Calculons l’action de ses transformations sur l’élément de base de notre chaı̂ne F+⊥ (nz) d d δP+ F+⊥ (nz) = F+⊥ (nz), δD F+⊥ (nz) = z + ` + 1 F+⊥ (nz), dz dz d 2 d δK− F+⊥ (nz) = 2 z + (` + 2)z F+⊥ (nz). δM−+ F+⊥ (nz) = − z + 1 F+⊥ (nz), dz dz Introduisons les générateurs S− = −P+ , S+ = K− /2, So = (D − M−+ ) /2 et E = (D + M−+ ) /2. Les actions associées (sous-entendue sur F+⊥ (nz)) sont δ S− = − d , dz δ S+ = z 2 d + ` + 2, dz δ So = z d `+2 + , dz 2 δE = `. En posant s = `+2 = 32 , on reconnaı̂t alors l’algèbre sl(2, R) d’un spin s, introduite dans la diagonali2 sation de l’Hamiltonien Hs (34). Il est facile, en utilisant n2 = 0 et n.A = A+ = 0, de vérifier les identités suivantes δP+ A+ (nz) = δD A+ (nz) = δM−+ A+ (nz) = δK− A+ (nz) = 0. 31 En conséquence, quelque soit la transformation collinéaire considérée d δ[z, z 0 ] = ıgδA+ (nz)[z, z 0 ] + ıgA+ (nz)δ[z, z 0 ] = ıgA+ (nz)δ[z, z 0 ], dz ce qui, avec la condition initiale δ[z = z 0 , z 0 ] = 0, implique δ[z, z 0 ] = 0. Ceci étant, la chaı̂ne O(nz1 , nz2 ) = Tr{F+⊥ (nz1 )[z1 , z2 ]F+⊥ (nz2 )[z2 , z1 ]} transforme selon δS− O(nz1 , nz2 ) = − (∂z1 + ∂z2 ) O(nz1 , nz2 ), δSo O(nz1 , nz2 ) = (z1 ∂z1 + z2 ∂z2 + 2s) O(nz1 , nz2 ), δS+ O(nz1 , nz2 ) = z12 ∂z1 + z22 ∂z2 + 2sz1 + 2sz2 O(nz1 , nz2 ). La symétrie conforme de la partie divergente des intégrales de Feynman (à l’ordre g 2 ) se traduit par δSo,± µ d d O(nz1 , nz2 )µ = µ δSo,± O(nz1 , nz2 )µ , dµ dµ d soit la symétrie sl(2, R) pour l’Hamiltonien d’évolution Hs = µ dµ . Pour de plus amples détails sur l’utilisation de la symétrie conforme dans les théories de YangMills, consulter [5]. 32 Références [1] L. D. Faddeev, A. A. Slavnov, Gauge Fields, Introduction to Quantum Theory, The Benjamin Cummings Publishing Company, (1980). [2] A. Bassetto, G. Nardelli, R. Soldati, Yang-Mills Theories in Algebraic Non-Covariant Gauges, World Scientific, (1991). [3] A. V. Belitsky, S. E. Derkachov, G. P. Korchemsky and A. N. Manashov, Nucl. Phys. B 708 (2005) 115 [arXiv :hep-th/0409120]. [4] J. Collins, Renormalization, Cambridge Monographs On Mathematical Physics, (1984). [5] V. M. Braun, G. P. Korchemsky and D. Mueller, Prog. Part. Nucl. Phys. 51 (2003) 311 [arXiv :hep-ph/0306057]. [6] A. V. Belitsky, V. M. Braun, A. S. Gorsky and G. P. Korchemsky, Int. J. Mod. Phys. A 19, 4715 (2004) [arXiv :hep-th/0407232]. [7] L. D. Faddeev, arXiv :hep-th/9605187. [8] D. J. Gross and F. Wilczek, Phys. Rev. D 8, 3633 (1973). 33