Sciences au Sud n°80 - Formation ( PDF , 181 Ko)
Transcription
Sciences au Sud n°80 - Formation ( PDF , 181 Ko)
Epigénétique du maïs L 6 génomique, il s’agissait de comprendre pourquoi lorsque l’on croise deux maïs, l’un rouge et l’autre vert, la couleur rouge disparaît chez toutes les descendances2. « Celles-ci ne respectent pas les règles classiques de la génétique, souligne le chercheur. Selon les lois de Mendel, les deux couleurs devraient s’exprimer au cours des générations et l’on peut prédire leur fréquence. » Pour comprendre le processus à l’œuvre, au-delà de l’ADN, l’équipe a étudié la chromatine, c’està-dire l’environnement qui l’entoure au sein du noyau. Elle a ainsi trouvé que la régulation du gène dont l’expression est modifiée est due à l’association de petites molécules ARN3 avec une protéine, nommée Argonaute. « Celles-ci la guident vers la séquence ADN pour modifier la chromatine du gène impliqué dans l’expression des couleurs », explique-t-il. Ces résultats prometteurs sont le fruit d’une riche collaboration franco-mexicaine. « Nos homologues mexicains disposent de solides compétences en bio-informatique et en génomique, souligne Daniel Grimanelli. Elles leur ont notamment permis de révéler le rôle des ARN dans le processus de dénaturation du gène ». Fort de ces travaux, les protagonistes de l’équipe ont bénéficié d’une visibilité nationale et internationale. De Epis de maïs. ce fait, le programme JEAI, récemment terminé, se poursuit aujourd’hui dans le cadre d’une collaboration avec une équipe du Cold Spring Harbor Laboratory, aux Etats-Unis. O 1. La jeune équipe de recherche associée à l’IRD Epimaize (JEAI Epimaize) est un projet de recherche de 3 ans (2012-2015). Il réunit des chercheurs de l’université Veracruzana, située dans l’est du Mexique et de l’UMR Diade de l’IRD à Montpellier. 2. L’équipe utilise pour son projet un modèle d’étude simple, connu depuis près de 60 ans, dans lequel la paramutation affecte la couleur des plantes, rouges ou vertes, du fait de la production ou non de pigments, qui génèrent des plantes colorées. 3. Un acide ribonucléique (ARN) est une molécule présente dans toutes les cellules dont les fonctions sont multiples. Il peut être un messager ou transférer une information génétique. Contact [email protected] UMR Diade (IRD, Cirad, Université Montpellier, CNRS) M A S T E R Entomologie à distance © IRD / T. Baldet La formation des futurs spécialistes d’entomologie médicale, dans laquelle est impliqué l’IRD, se fera pour partie en télé-enseignement. La formule, mêlant cours à distance et présentiels, a de multiples avantages en terme de qualité des interventions et de cohésion de la promotion. Les enseignants et chercheurs associés ont été formés aux techniques et outils spécifiques à cette nouvelle forme de pédagogie. Satellites, radars et volcans tropicaux Les géophysiciens de l’IRD participent au renforcement des capacités de leurs partenaires du Sud dans le nouveau domaine de la surveillance des risques volcaniques par données radar satellitaires. A près la navigation, les télécommunications, la météorologie ou l’espionnage, pour ne citer que ces domaines emblématiques, les satellites sont en passe de révolutionner la volcanologie ! Ils permettent en effet de surveiller depuis le ciel un grand nombre de volcans, et notamment ceux situés dans les zones difficiles d’accès. Autant de techniques pour lesquelles la communauté scientifique française est en pointe et où l’IRD joue un rôle moteur pour le renforcement des capacités de ses partenaires du Sud. « La télédétection démultiplie nos moyens d’observation, jusqu’ici limités à quelques volcans bien instrumentés, au prix d’un travail de terrain coûteux en temps et en matériel, situés pour la plupart dans les pays développés1. Nous avons un rôle à jouer pour mettre ces techniques à portée de nos partenaires du Sud », estime la géophysicienne Virginie Pinel. Elle est la cotutrice du travail de thèse d’un doctorant indonésien2, justement consacré à l’utilisation de données radar satellitaires pour la cartographie des dépôts éruptifs du Mérapi, sur l’île de Java. Ce volcan est particulièrement actif. Il a connu pas moins de 49 éruptions explosives au cours des cinq derniers siècles et produit très régulièrement des nuées ardentes et des projections de cendre très redoutées dans cette région densément peuplée. L’imagerie satellite a déjà permis d’obtenir une vision globale, à l’échelle des arcs volcaniques, complémentaire des mesures in situ quand elles existent et essentielle pour les volcans difficiles d’accès en raison des conditions naturelles ou politiques. Les données optiques sont aussi utilisées pour cartographier les dépôts volcaniques, mais elles ne sont disponibles qu’en l’absence de nuages, situation rare en zone tropicale. « Nous sommes parvenus à obtenir une information similaire, sur les dépôts et leur extension géographique, en exploitant les données radar de différentes polarisations et donc sans être gênés par la couverture nuageuse », explique la spécialiste. Cette technique, expérimentée sur le Mérapi après l’éruption d’octobre-novembre 2010, s’avère précieuse pour délimiter rapidement les zones de dépôt et anticiper la formation de lahars dévastateurs. Car les matériaux expulsés par le volcan, remobilisés par les pluies, sont souvent à l’origine de coulées de boue destructrices et meurtrières. Cette approche opérationnelle de la télédétection est appelée à se développer grâce au lancement d’une constellation de satellites européens - Sentinel-1, le premier, tourne depuis avril 2014 -, destinés à fournir des données radar en libre accès. Dans le sillage du doctorant indonésien, d’autres scientifiques viennent se former auprès des spécialistes de l’IRD à l’utilisation des données radar et à leur intégration dans les systèmes de surveillance des risques naturels. Ils intègrent ce faisant une communauté de spécialistes dynamique, partageant avec ses partenaires toutes les avancées obtenues, à la faveur d’ateliers réguliers. O 1. Notamment en Sicile et à Hawaï. 2. Center of Volcanological and Geological Hazards Mit. Contact [email protected] UMR ISTerre (IRD, CNRS, IFSTTAR, Université Joseph-Fourier Grenoble 1 et Université Savoie Mont Blanc). Prospection de gites larvaires par les étudiants du master international d’entomologie, vallée du Kou, Burkina Faso. L es enseignants du master International d’entomologie1 auront le don d’ubiquité ... A l’heure où tout le monde parle de MOOC, cette formation unique dans la sphère francophone va faire l’inverse. Elle rassemble ses étudiants en un lieu, en l’occurrence Bouaké en Côte d’Ivoire, où ils vont recevoir une partie de leurs cours dispensés à distance. « Nous pourrons ainsi proposer les compétences des meilleurs spécialistes et l’apport de l’ingénierie pédagogique à distance, sans monter de coûteuses et complexes missions d’enseignement », explique l’entomologiste Florence Fournet, coordonatrice de ce diplôme. Associant l’université Alassane Ouattara de Bouaké, l’université de Montpellier et l’IRD, le master a pour vocation de former les professionnels de la lutte antivectorielle et les chercheurs de demain. Les besoins en la matière sont à la hauteur des enjeux sanitaires et scientifiques liés à l’émergence des maladies à vecteurs au Sud comme au Nord. Après une première existence au Bénin2, le master prend aujourd’hui ses quartiers dans la principale ville du centre ivoirien, site historique de la discipline. Bouaké est en effet le siège du Centre d’entomologie médicale et vétérinaire, aujourd’hui intégré à l’université, fondé à l’époque par de grandes figures de l’ORSTOM, pionniers en la matière3. En amont de cette première rentrée ivoirienne - fixée au 14 septembre 2015 - l’équipe pédagogique du master a reçu une formation spécifique aux outils numériques et au management d’un projet d’enseignement à distance. Organisée par le service de formation continue de l’IRD, et s’appuyant sur les compétences d’un consultant, elle a permis aux participants de définir leurs besoins, de découvrir les instruments adaptés et d’apprendre à les maîtriser. Dès cette année, deux modules théoriques seront assurés par des spécialistes montpelliérains. « A terme, bien d’autres cours pourraient être délivrés ainsi, laissant une grande liberté aux enseignants », conclut la chercheuse. Elle insiste néanmoins sur l’importance de réunir physiquement les étudiants car chaque promotion trace le sillon d’un solide réseau professionnel. O 1. Master International d’Entomologie vectorielle : écologie et contrôle. 2. De 2006 à 2011. 3. Autour de Jacques Brengues. © IRD / J.C. Thouret Formation e maïs est la céréale numéro un au Mexique. Sa culture représente 63 % des récoltes du pays. De nombreux travaux scientifiques s’attellent en conséquence à comprendre sa capacité d’adaptation à l’environnement. Un défi scientifique que la jeune équipe Epimaize1 contribue à relever. Elle vient de faire sauter un important verrou dans la compréhension des mécanismes épigénétiques régulant la réponse du maïs aux conditions environnementales. Mario Arteaga, coordinateur de la JEAI au Mexique, et son équipe sont parvenus à expliquer comment l’expression d’un gène peut être transformée et conservée dans sa version modifiée de génération en génération, sans que la séquence ADN ne soit modifiée. « Ce mécanisme, dit de paramutation, est l’une des meilleures illustrations de la possibilité qu’un organisme ne soit pas uniquement déterminé par ses gènes. L’environnement - au sens large - compte aussi », indique Daniel Grimanelli, responsable IRD de la JEAI. Concrètement, l’équipe a réuni chercheurs mexicains et français de façon permanente durant trois années. Près d’une dizaine de personnes, dont des étudiants de master et doctorat, français et mexicains, ont aussi participé au projet. A partir d’outils de génétique et de © DP Les scientifiques de la jeune équipe mexicaine Epimaize1 enquêtent sur les mécanismes épigénétiques chez le maïs. Entre formation et excellence scientifique, ce dispositif a contribué à valoriser leurs résultats sur la scène internationale. Contact fl[email protected] UMR MIVEGEC (IRD, CNRS et Université de Montpellier). Coulée de boue d’origine volcanique sur l’île de Java. Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 80 - août / septembre / octobre 2015