Nathalie DEGELDER Mandataire Judiciaire à la Protection des

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Nathalie DEGELDER Mandataire Judiciaire à la Protection des
Nathalie DEGELDER
Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs et
coordinatrice du Service Régional d’Information
et de Soutien aux Tuteurs Familiaux
vous présente le Thème
Protéger un membre de sa famille
Vous vous interrogez sur l’éventualité d’une ouverture d’une mesure de
protection judiciaire, pour un de vos proches vulnérables… avant de faire cette
démarche, il faut s’interroger sur un certains nombre de points. En effet la loi du
5 mars 2007 réformant la protection des majeurs a modifié les conditions
d’ouverture des mesures.
1. Rappel sur le principe de la capacité
. Tout majeur dispose en principe de ses droits
A 18 ans, toute personne est réputée capable de pourvoir à ses propres intérêts et
d’user de ses droits civils et politiques.
Cependant, diverses circonstances peuvent entraîner la nécessité de protéger des
personnes adultes ne pouvant accomplir seuls certains actes ou en négligeant
d’autres. La protection juridique a pour but d’éviter les éventuels abus dont un
individu peut être victime, ou les dommages qu’il peut causer à sa personne ou à
ses biens.
2. Avant une mesure de protection
2.1 Le devoir de l’entourage proche envers une personne vulnérable
En l’absence ou dans l’attente du prononcé d’une mesure de protection,
l’entourage est tenu de prendre en charge la personne vulnérable (soins
particuliers à prodiguer, accompagnement dans la vie quotidienne, hygiène,
entretien...). Les membres de la famille peuvent être mis en cause pour n’être
pas intervenus ou ne pas avoir déclaré aux services compétents l’existence de
mauvais traitements à l’encontre d’un proche en situation de faiblesse, alors
qu’ils en avaient connaissance.
2.2. La responsabilité
En cas de mauvaise gestion des biens du majeur vulnérable, des membres de la
famille peuvent se retourner contre la personne qui aura agi de sa propre
initiative, même en toute bonne foi. Une précaution consiste à faire au préalable
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approuver par écrit les dispositions et les mesures à prendre, par l’ensemble des
parents et personnes susceptibles de contester ces actes.
2.3. L’indispensable consentement
En matière d’assistance spontanée, rien n’est possible sans le consentement
libre et éclairé de la personne vulnérable. Ce consentement doit être
retranscrit par écrit, afin de disposer d’une preuve en cas de conflit et
d’éventuelle action en justice.
2.4. Les principes de nécessité, de subsidiarité, de proportionnalité et
de solidarité
Les possibilités de protection juridique d'un majeur ne doivent être utilisées
qu'en dernier recours.
En effet, bien qu'elles soient prononcées dans l'intérêt du majeur, elles
restreignent par définition son autonomie civile (ce que l'on appelle
généralement sa "capacité" d'où le terme utilisé avant la réforme de "majeur
incapable").
Une telle restriction doit être limitée au strict nécessaire et pour s'en assurer la
loi pose dans l'article 428 du Code Civil trois principes fondamentaux : la
nécessité, la subsidiarité et la proportionnalité.
La nécessité
En application de ce principe, le certificat médical circonstancié rédigé par un
médecin choisi sur la liste du Procureur de la République (disponible au
Tribunal d’Instance) est obligatoire sous peine d’irrecevabilité de la requête.
La subsidiarité
Il faut regarder si les dispositions existantes permettent la gestion courante des
biens de la personne concernée.
La Loi prévoit donc que les mesures de protection ne sont ordonnées que s'il
n'est pas possible pour la famille ou l’entourage de pourvoir aux intérêts du
majeur par le biais des procurations, des mandats ou des règles du régime
matrimonial.
En application de ce principe, il faut vérifier :
Si le majeur a fait des procurations
Par cet écrit, la personne (le mandant) a donné pouvoir à une autre personne (le
mandataire) d’agir à sa place auprès de la banque, de la poste ou d’autres
organismes. Cela permet à la personne qui a un entourage familial ou amical
présent et de confiance de voir ses affaires quotidiennes bien gérées.
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L’existence d’une procuration peut suffire, pour la gestion du quotidien, et
lorsqu’il n’y a pas d’acte important à faire (actes de disposition).
Si le majeur n’a pas fait de procurations
Il faut se demander si le majeur a ou conserve la lucidité suffisante pour
désigner le tiers de confiance de son choix et pour signer des procurations.
Si le majeur est marié :
Quel que soit le régime matrimonial (communauté légale, communauté
universelle, séparation de biens, etc...), chacun des époux a pouvoir pour passer
seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des
enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement. (Article
220 alinéa 1 du code civil).
Lorsque les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale (absence
de contrat de mariage) chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les
biens communs et d'en disposer (sauf les immeubles) sauf à répondre des fautes
qu'il aurait commises dans sa gestion. Les actes accomplis sans fraude par un
conjoint sont opposables à l'autre (art. 1421 à 1427 du code civil).
Si un acte requiert juridiquement le consentement du majeur, l’autre époux peut
demander au juge des tutelles de l’autoriser à passer seul cet acte (article 217
du code civil). Il peut également demander à être habilité à représenter le
majeur, d'une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans
l'exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, (article 219 du code
civil).
S’il existe un mandat de protection future
Ce dispositif permet à toute personne de prévoir à l’avance sa protection ainsi
que celle de ses biens, et de désigner le tiers qui sera chargé de le représenter le
jour où son état de santé ne lui permettra plus de le faire elle-même. Si ce
mandat de protection future existe, il faut le mettre en œuvre.
Le principe de proportionnalité : Ce principe permet au Juge d’énumérer
certains actes que la personne en tutelle ou en curatelle aura la capacité de faire
seule ou avec l’assistance de son tuteur ou curateur. (Art 471 et 473 CC)
L'article 428 du code civil dispose ainsi :
La mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de
nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la
personne par l'application des règles du droit commun de la représentation, de
celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des
régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217,
219,1426 et 1429, par une autre mesure de protection judiciaire moins
contraignante ou par le mandat de protection future conclu par l'intéressé.
La mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré
d'altération des facultés personnelles de l'intéressé.
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Le principe de solidarité
Art 415 - ….. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique
Ce sont les familles qui les premières sont confrontées à la vulnérabilité d’un de
leurs membres
La solidarité se traduit par la gratuité de la protection exercée par la famille,
l’exception demeure pour les tiers
3. LA DEMANDE DE MESURE DE PROTECTION
3.1. Qui peut saisir le juge ?
3.1.1. Peuvent saisir directement le juge des tutelles :
la personne vulnérable elle-même ;
son conjoint, son partenaire PACS, ou son concubin, lorsqu’il y a vie
commune ;
un parent (ascendant, descendant, collatéral) ou un allié ;
toute personne qui entretient des liens étroits et stables avec le majeur ;
la personne qui exerce la mesure de protection juridique, s’il y en a une.
Le juge des tutelles ne peut plus s’autosaisir.
3.1.2. Doivent passer par le procureur de la République :
Les autres personnes (un médecin, le notaire, les travailleurs sociaux de
secteurs) doivent s’adresser au procureur de la République qui appréciera
l’opportunité de saisir le juge des tutelles. Le procureur de la République peut se
saisir d’office.
3.2. LA REQUETE
Le juge des tutelles est saisi des demandes d’ouverture ou de révision d’une
mesure de protection juridique par une requête.
Celle-ci doit obligatoirement être accompagnée d’un certificat médical
circonstancié, sous peine d’irrecevabilité.
Pour avoir l’imprimé de requête, vous êtes invité à contacter le greffe du
Tribunal d’Instance auquel le majeur protégé sera rattaché. Ils vous l’enverront
ainsi que la liste des médecins inscrits auprès du Procureur de la République.
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Cette requête représente la demande d’ouverture d’une mesure de protection.
Elle doit contenir les renseignements suivants :
- identité de la personne vulnérable : il est nécessaire de présenter un acte
d’état civil à peine d’irrecevabilité
- son adresse et /ou son lieu de vie qui peuvent être différents si la personne
est hébergée dans un établissement par exemple
- les coordonnées des membres de sa famille
A noter : Si l’adresse de certains parents ou enfants du majeur vous est
inconnue, vous êtes invité à la rechercher par tous moyens (légaux) pour
la mentionner sur la requête.
-
son patrimoine mobilier et immobilier
-
ses dettes, factures impayées
- les prêts qu’elle a pu consentir à des tiers (y’a-t-il un écrit ?)
- les difficultés de la personne.
La notion de difficultés ne s’entend pas au sens large mais doit répondre à
un besoin de protection juridique. Par exemple, une personne âgée, vivant
seule à domicile, présentant une altération de ses facultés personnelles
donne une procuration à une personne qui abuse de sa confiance, fait des
achats disproportionnés au regard de ses besoins, répond toujours
favorablement à tout démarchage à domicile et ne sait plus gérer ses
affaires… cette situation correspond à un besoin de protection. La
personne est vulnérable, ses facultés personnelles sont atteintes, elle est
visiblement spoliée par un tiers et n’est plus en capacité de préserver et
défendre ses intérêts.
La loi du 5 mars 2007 permet d’avoir plusieurs « protecteurs ».
En effet un couple peut être co-tuteurs pour son jeune majeur en situation de
handicap, une famille peut demander à se répartir la mesure l’un pour les biens,
l’autre dans le cadre de la protection de la personne, ceci en fonction en premier
lieu des souhaits du majeur mais aussi en fonction de la disponibilité, de la
proximité, des compétences au sein de la famille.
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3.3. LE CERTIFICAT MEDICAL
Une mesure de protection juridique est dorénavant toujours justifiée par des
raisons médicales.
La demande d’ouverture d’une mesure de protection juridique doit être
accompagnée sous peine d’irrecevabilité d’un certificat médical établi par un
médecin inscrit sur la liste du Procureur de la République.
Le coût de ce certificat est prévu par décret fixé à 160 € actuellement. Il est à la
charge du majeur protégé ou de la personne qui fait la demande de mesure de
protection (au besoin, et si les conditions de ressources sont remplies, l’aide
juridictionnelle peut être demandée).
Le certificat médical circonstancié doit contenir les éléments suivants :
décrire l’altération des facultés du majeur et l’évolution prévisible de son état
de santé ;
préciser les conséquences de cette altération sur la nécessité d’être assisté ou
représenté, tant sur les aspects patrimoniaux que d’un point de vue personnel ;
en cas de tutelle envisagée, se prononcer sur son droit de vote ;
préciser s’il est préférable que l’audition n’ait pas lieu, lorsqu’elle peut porter
atteinte à la santé de la personne, ou lorsque que cette dernière ne peut exprimer
sa volonté.
Ce certificat est remis par le médecin, sous pli cacheté au demandeur, à
l’attention exclusive du procureur de la République ou du juge des tutelles.
3.4. LA PROTECTION PEUT PORTER SUR LA PERSONNE
ET SUR SES BIENS
Les différentes mesures de protection juridique peuvent porter autant sur la
personne que sur ses biens, ou être limitées à l’un ou l’autre de ces aspects. A
défaut de précision dans le jugement, la protection portera sur les deux.
La protection juridique n’a pas pour effet de supprimer les droits de la personne
vulnérable, mais de restreindre ceux qu’elle peut exercer seule. Même quand la
représentation ou l’assistance juridique est générale, le majeur conserve une
marge de liberté et continue de pouvoir passer seul certains actes, notamment
personnels.
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Il existe trois grands types de mesures de protection juridique :
La sauvegarde de justice :
C’est un dispositif souple et de courte durée (2 ans maximum). Le majeur placé
sous ce régime conserve l’exercice de ses droits (à l’exception de ceux confiés à
un mandataire).
Un mandataire spécial peut être désigné et autorisé à effectuer certains actes
déterminés, par exemple les actes de disposition.
Une fois que ces actes sont réalisés, la mesure prend fin.
Un mandataire peut être aussi désigné pendant la durée de l’instance (avant le
prononcé d’une mesure de tutelle ou curatelle)
La curatelle :
Une personne est désignée (le curateur) pour assister le majeur dans tous les
actes concernant la gestion de son patrimoine, et peut l’assister dans certains
actes concernant la protection de sa personne. Dans certains cas le curateur peut
recevoir la mission de gérer seul les revenus courants du majeur et de les
affecter aux dépenses.
La tutelle :
Une personne est désignée (le tuteur), pour faire à la place du majeur, tous les
actes le concernant, avec l’autorisation préalable du juge des tutelles pour les
actes les plus graves.
Les mesures de curatelle ou de tutelle sont prises pour une durée maximale de 5
ans, renouvelable.
Les personnes qui adoptent des comportements dits “d’intempérance ou de
prodigalité”(par exemple : dépenses inconsidérées ou excessives, difficultés
pour gérer son budget...) ne relèvent pas d’une mesure de protection, même en
cas de surendettement, si la situation n’a pas pour origine une altération des
facultés médicalement constatée.
Elles peuvent éventuellement bénéficier d’une mesure administrative appelée
“mesure d’accompagnement social personnalisé” (MASP), cette mesure ne
concerne que des prestations sociales. La MASP relève du conseil général
(département).
Conclusion :
Présentation du Service Régional d’Information et de Soutien aux Tuteurs
Familiaux et de l’espace documentaire sur la Protection Juridique des Majeurs
du CREAI avec remise de plaquettes.
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Renseignements divers :
Vous pouvez obtenir des renseignements sur le fonctionnement des mesures de
protection aux adresses suivantes :
www.creainpdc.fr/protection-juridique
Espace régional ressources documentaires sur la protection
juridique des majeurs du CREAI
http://vosdroits.service-public.fr
(rubrique protection juridique des majeurs)
http://www.point-infofamille59.fr
rubriques « handicap » ou « personnes âgées »
Je souhaite protéger un membre de ma famille
Source : http://www.justice.gouv.fr/justice-civile-11861/tutelles-12182/
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