Que trouve-t`on dans les archives notariales
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Que trouve-t`on dans les archives notariales
Les archives notariales : un gisement d'informations d'une extrême diversité Fruit d'une fréquentation des archives notariales, certes longue d'une quarantaine d'années, mais purement pratique, à la recherche, souvent aléatoire, de documents pour exercices paléographiques, cette présentation n'est en rien l'œuvre d'un spécialiste de cette catégorie de sources. Elle vise simplement à illustrer la variété des informations que peuvent délivrer les actes instrumentés, de la fin du Moyen Age jusqu'à l'époque contemporaine, par ces professionnels de l'écrit revêtu d'un caractère d'authenticité que constituent les notaires. Mais, avant de présenter des exemples de la grande diversité des documents recelés par leurs archives, telle qu'elle peut ressortir d'une typologie sommairement établie, il convient de rappeler en quelques mots l'évolution même de l'institution notariale, ce qui permettra de comprendre cette diversité de la production écrite qui en découle. Telle qu'on peut l'observer dans la France du Nord aux XIVe-XVe siècles, telle, dans les grandes lignes, se maintint jusqu'à la fin de l'Ancien Régime la pratique notariale. Elle résultait d'un processus d'authentification des actes « privés » qui, sans remonter vraiment, sinon sémantiquement et étymologiquement, à l'époque romaine (concouraient alors à la mise en forme des actes notarius, tabellio et tabularius), se diffusa depuis l'Italie (XIe siècle) en France du Sud (XIIe siècle) et, dès le XIIIe siècle, au Nord, remplaçant peu à peu la pratique de la juridiction gracieuse, qui consistait à faire authentifier un acte par scellement des autorités locales (royale, princière, seigneuriale ou ecclésiastique), lesdites autorités instituant ensuite à cet effet des notaires(-jurés) œuvrant dans le ressort juridictionnel concerné, non sans concurrence parfois. Apparut aussi vers la fin du XIIIe siècle, un phénomène de dédoublement des compétences, entre le notaire(-juré) proprement dit, qui dresse la teneur de l'acte ou en prépare la minute, et le tabellion qui, ensuite, a le monopole de l'expédition des grosses et tient un protocole conservant la teneur des actes. Mais la distinction entre les deux praticiens n'était pas toujours clairement établie et le flou persista longtemps, permettant à certains tabellions de se maintenir, parallèlement aux notaires, jusqu'au XVIIIe siècle, en dépit d'une suppression officielle des premiers en 1597. Ainsi, pour la Bourgogne, de précieux protocoles du tabellionage ducal sont-ils conservés, dans le fonds de la chambre des comptes de Dijon, pour les XIVe -XVe siècles. Avec la réunion du duché au royaume à la fin du XVe siècle, c'est évidemment le notariat royal qui s'imposa en Bourgogne et fut, comme ailleurs en France, réglementé par quelques grandes ordonnances : celle de Villers-Cotterêts, en 1539, est fondamentale, en ce que, pour ce qui concerne le notariat, elle demande de prononcer et expédier les actes en français, de tenir registre des testaments et contrats, d'enregistrer (insinuer) dans les juridictions les donations et testaments et de recueillir la signature de 2 notaires (puis, 1560, des parties et des témoins). Il fallut, bien sûr, bien d'autres textes ultérieurs pour faire entrer partout dans la pratique toutes ces mesures (et quelques autres). À la fin du XVIe siècle fut reconnue l'hérédité des charges de notaires, qui étaient détenues à titre d'office, étant précisé que, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, le ressort d'une étude était, normalement, limité à celui de la juridiction dont elle dépendait (sauf pour les notaires du Châtelet, à Paris, dont le champ pouvait s'étendre à l'ensemble du royaume). Détenue à titre d'office, la charge de notaire pouvait se cumuler avec d'autres offices ou fonctions, généralement dans la sphère judiciaire : châtelain, fermier seigneurial, greffier ou procureur d'une justice seigneuriale et, au-delà de cette sphère même, commissaire à terrier ou encore secrétaire d'une communauté villageoise ou paroissiale. De ces multiples fonctions peut résulter la présence, dans les archives notariales d'avant 1790, de documents qui, pour se trouver normalement dans les archives mêmes des institutions où s'exerçaient ces fonctions extra-notariales, n'en ont pas moins été recueillis parfois par leurs titulaires dans les fonds de leurs études : comptes et délibérations de communautés, actes de justices seigneuriales, terriers seigneuriaux. À quoi, venant diversifier davantage encore la typologie de ces archives durant l'Ancien Régime, s'ajoute le recours aux notaires pour l'établissement d'actes qui, plus tard, relevèrent d'autres instances pour revêtir forme authentique : marchés (entre particuliers ou entre une communauté et un particulier) pour la réalisation de travaux ou la fourniture de services, contrats de travail, délibérations particulières de communautés (que le notaire intervienne ici à titre de secrétaire de celles-ci ou non), par exemple, à la veille de la Révolution, des procès-verbaux d'élection des députés des communautés à l'assemblée générale des bailliages pour les États généraux de 1789, parfois même un double du cahier de doléance local. En 1791, la Révolution, fondant en un corps unique de notaires publics les diverses catégories antérieures, mit un terme à la fois à la qualité d'office des charges et aux fonctions connexes que les notaires pouvaient exercer auparavant et élargit leur ressort au département. La loi fondamentale du notariat de 1803 modifia ce ressort au profit du ressort judiciaire du tribunal siégeant dans la ville où étaient établies les études, le ressort minimal étant celui des justices de paix pour les études hors ville de cour d'appel ou de tribunal de première instance. La Restauration rétablit ensuite une manière de maîtrise de la dévolution des charges par leurs détenteurs, en reconnaissant aux notaires le droit de présentation de leurs successeurs à l'agrément de l'État. Pour ce qui nous intéresse ici, l'institution notariale ne subit plus ensuite de modification notable (le ressort fut toutefois étendu à l'ensemble du territoire national), la définition officielle du notaire actuel étant posée par une ordonnance de 1945 : « officier public titulaire d'une délégation de la puissance publique pour recevoir et rédiger les actes et contrats, leur donner un caractère d'authenticité, en conserver le dépôt et en délivrer des grosses et expéditions ». Ce très schématique survol de l'histoire du notariat français permet de comprendre que, du point de vue typologique, les archives notariales présentent pour l'Ancien Régime un éventail d'actes autrement plus large et riche que pour ceux des XIXe et XXe siècles (accessibles désormais, comme on le sait, après un délai de 75 ans seulement) : à côté des actes habituels formalisant la dévolution des biens, meubles ou immeubles, entre particuliers (y compris à l'occasion des mariages ou des décès), et qui se retrouvent après comme avant la Révolution, les fonds notariaux d'avant 1790 conservent, on l'a dit déjà, les minutes de documents d'ordre social, commercial, seigneurial ou communal, que l'on chercherait en vain dans les études après 1790. Aussi peut-on dire, en caricaturant à peine, que, dans les archives des notaires, on trouve de tout. Et cet état de fait se confirme davantage encore si l'on évoque les dossiers de clients qui, pour les plus importants, peuvent contenir de véritables éléments d'archives familiales, recueillis par le notaire à titre de pièces à l'appui de ses actes. Il s'agit là, toutefois, d'archives purement privées de l'étude et que le notaire, contrairement aux minutes (et à leurs répertoires chronologiques), qui ne sont pas sa propriété, n'est pas tenu de conserver ni de verser aux Archives départementales. Ainsi les archives notariales constituent-elles, dans un service départemental d'archives (pour Paris, les minutiers sont aux Archives nationales), une masse véritablement gigantesque, en série E pour l'essentiel (près de 3,4 kml aux Archives départementales de la Côte-d'Or), mais l'insinuation judiciaire d'Ancien Régime évoquée plus haut amène aussi à s'intéresser, pour les donations entre vifs et les testaments, aux archives des juridictions correspondantes, en série B. Pour accéder à cette masse, on dispose de plusieurs sortes d'instruments de recherche. Les inventaires et répertoires dressés par les services permettent de se repérer à travers les multiples études qui ont pu se succéder dans le département et d'identifier au sein de chacune les séquences chronologiques annuelles, voire mensuelles, des minutes, sans aller évidemment jusqu'à l'analyse de chaque pièce. Mais celles-ci, pour partie, peuvent être identifiées avec précision grâce aux registres tenus, à partir de 1693-1703, par les bureaux du contrôle des actes et de l'insinuation (suivant le tarif ou au centième denier) et dans lesquels, pour des raisons de publicité et de fiscalité, les actes des notaires intéressant la propriété étaient « enregistrés », sous la forme d'analyses plus ou moins détaillées, dans l'ordre où les notaires relevant du bureau les lui soumettaient périodiquement. Et cette formalité, moyennant des adaptations, se perpétua sous le nom d'enregistrement après la Révolution et jusqu'à une date assez récente, renforcée, pour les mutations de propriété, par leur transcription auprès de l'administration des hypothèques (évitant ainsi de recourir aux minutes mêmes). Un système (plus ou moins complexe) de tables alphabétiques par nom de parties intéressées permet au chercheur intéressé par un acte particulier dont il connaît approximativement la date d'en retrouver l'analyse (contrôle, insinuation, enregistrement), voire la transcription intégrale (hypothèques), avec le nom du notaire, dans les registres des bureaux concernés. Exemples de documents remarquables conservés dans les archives notariales (Archives départementales de la Côte-d'Or sauf mention d'un autre dépôt) Forme des actes Référence et liens vers images Huet de Saulon la Chapelle, 1345-1347 B 11244 Guy de Corsaint (à Dijon), 1381-1382 B 11306 Jean de Champlucy (à Mirebeau), 1423-1440 B 11376 Jean Durand, E 2196/Cart.73 Minute et grosse 1643 (Martrois,vente d'un pré) 4 E 76/97, 9 mars Insinuation bailliagère (Montagne) 1615 (donation entre vifs) BII 186/28, fol. 108v°-109 Signatures écrites et figurées 1591 (Molesme, vente de vigne) E 2572, 14 octobre Protocoles (incipit remarquables) Tabellionage ducal Sainte-Chapelle (amodiations) Biens Particuliers 1626 (Selongey, Leffond et Ancey ) A.D. Haute-Saône, Vente bien fond 2 E 6647, 11 février Reconnaissance de dette 1531(Anthony/Paris) A.N., Minutier, Etude III, 5, 4 juin Inventaire après décès 1889 (Gevrey-Chambertin) 4 E 27/263, 5 août Aveu et dénombrement 1345 (La Loye, notaire impérial) A.D. Doubs, B 363 Refus de mise en possession de château 1489 (Vuillafans-le-Vieux) A.D. Haute-Saône, 48 J 56 Terrier 1735-1737 (Gevrey-Chambertin) 4 E 2/974 Féodalité/seigneurie Personnes Contrat d'un triple mariage 1635 (St-Just, Fain-lès-Moutiers) 4 E 111/124, 20 mai Testament verbal humoristique d'un clerc de notaire après repas 1414 (Dijon) B 11354, fol. 39 Testament d'un notaire, lieutenant bailliage 1611 (Dijon) de Chagny 4 E 2/1297/2, 28 janvier Testament d'un prêtre imprimeur 1637 (Pin-l'Émagny) A.D. Doubs, 3 E 520, 2 mai Testament solennel (cacheté) 1730 (Thenissey) 4 E 115/13, 11 avril Testament nuncupatif 1853 (Tart-le-Bas) 4 E 25/35, 31 mai Legs (accusé de réception) 1686 (Chailly-sur-Armançon) 4 E 76/117, 2 juillet Société Contrats Contrat d'apprentissage (fabricant de bas de soie) 1672 (Trévoux) A.D. Ain, 3 E 10880, 16 novembre Bail à cheptel 1610 (Hôtonne, Ain) A.D. Ain, 3 E 6618, fol. 26 Marché de réfection d'orgue 1624 (Dijon, Sainte-Chapelle ) E 2221/Cart. 91, fol. 166-167 Marché de menuisier (Claude Sambin) 1649 (Dijon, Godrans) 4 E 2/2042, 31 décembre PV de déménagement de curé 1422 (Trouhans) B 11369, fol. 49 PV d' injures entre deux particuliers 1423 (Saint-Jean-de-Losne) B 11369, fol. 75 Formalités de police ou de justice PV d'accident de chasse en vue d'une grâce 1541 (Saint-Seine-sur-Vingeanne) (1) J 614 PV de ravages pour faits de guerre 1637 (Saint-Léger-Triey) 4 E 42/18, 2 janvier et p.j. : ordonnance du parlement de Dijon en placard imprimé Enterrer les cadavres humains abandonnés après le passage des troupes (12 novembre 1636) Actes de justice seigneuriale 1678-1686 (Crugey) 4 E 2/2968 Compte d'un exercice 1607-1608 (Plombières-lès-Dijon) 4 E 2/2975 Marché de reliure de livres liturgiques 1603 (Nantilly) A.D. Haute-Saône, 376 E dépôt Marché d'infirmière face à une épidémie 1637 (Gray) A.D. Haute-Saône, 2 E 6646, 27 mars Partage d'un pré communal 1789 (Tart-l'Abbaye) 4 E 25/1, 20 décembre Administration « communale » et p.j. : avis sur requête intendant et plan Dossier de client Plan des bois communaux de Bessey-lèsCîteaux en 1740 Copie collationnée de l'original 119 J 80/5 (conservé en série C) en 1865 par Joseph Garnier, « archiviste conservateur » des « Archives générales de la préfecture de Côted'Or »