Guide culture.pub

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Guide culture.pub
Les Documents de la Fnars Alsace
Nous agissons pour l’insertion
Des pratiques
d’accès à la culture:
Réflexion...
Expériences...
Outils...
Dans le travail social
Novembre 2006
Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale
Siège régional Fnars Alsace : 8 rue de l’Ange – 68000 Colmar
Tel : 03 89 23 26 77 - Fax: 03 89 23 31 37 – E-mail : [email protected]
SOMMAIRE
Introduction………………………………………………………………………………………p 3
Cadre législatif………………………………………………………………………………….p 4
Enquête de la commission culture…………………………………………. …..p 5
Sens de la démarche………………………….…………………………………………….p 7
Paroles de travailleurs sociaux…………….……………………………………….p 10
Des ateliers………………..……………..………………………………………………………..p 13
Des sorties………………………………………………………………………………………….p 18
Paroles de spectateurs…………………………………………………………………...p 20
Des pistes méthodologiques………………………………………………………….p 23
Des partenariats……………………………………………………………………………….p 28
Des pratiques d’accès à la culture
Novembre 2006
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Dessin réalisé à l’atelier d’arts plastiques de l’Accueil Printemps
Des pratiques d’accès à la culture
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Novembre 2006
Introduction
L
a notion d’insertion est encore le plus souvent assimilée à celle d’insertion économique. Or ses limites
dans une période de précarisation de l’emploi renforcent l’intérêt pour une définition plurielle de l’insertion.
Et l’on oublie trop souvent que la reconnaissance sociale n’est pas qu’affaire d’emploi : elle est aussi d’essence
culturelle.
La culture peut devenir une pièce maîtresse de l’insertion, à condition que l’on en soit convaincu…
Au-delà de l’outil d’insertion qu’elle peut constituer, la participation à un événement culturel, à une création
artistique contribue à restaurer ce que le chômage, la prison ou la rue ont parfois détruit : la capacité d’être
acteur.
Réintroduire l’art, les livres, le beau, dans les institutions, c’est aussi développer un regard plus large sur le
monde et les personnes accueillies.
La Fnars (Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale) fédère sur la région
Alsace 37 associations qui agissent au quotidien pour l’accompagnement des personnes en grandes difficultés
sociales.
Les associations adhérentes à la Fnars Alsace se réunissent régulièrement dans le cadre de commissions
thématiques, dont la commission culture, où travailleurs sociaux, salariés ou bénévoles échangent sur leurs
pratiques en matière d’accompagnement des personnes accueillies dans leurs structures.
La commission culture tente de favoriser l’accès à la culture des publics accueillis dans leurs structures. La culture se définit, dans ce cadre, au sens le plus large du terme : qu’ils s’agissent d’ateliers
art plastique, de pratiques sportives, de repas et soirées à thèmes, d’informatique, de séjours, de
sorties (musées, cinéma, …), mais aussi de la culture d’un pays dont est originaire une personne, bref
toutes les formes d’expression culturelles alimentent cette commission.
Après avoir organisé plusieurs journées d’études, les membres de la commission culture ont constaté que
malgré le succès rencontré, ces journées mobilisaient toujours les mêmes personnes: des personnes convaincues.
De même, dans les équipes, l’accès à la culture et aux loisirs n’est pas toujours travaillé, ni utilisé comme vecteur d’insertion, malgré le formidable levier que cela peut représenter dans l’accompagnement social des
personnes, pour leur mieux-être. Même si la loi inscrit l’accès à la culture comme étant un droit pour tous,
nous rencontrons encore des résistances sur le terrain du travail social.
C’est pourquoi, la commission s’est engagée dans la rédaction de ce document, afin de légitimer la démarche
de favorisation de l’accès à la culture pour nos publics, dans nos pratiques professionnelles.
Ce livret présente les différents textes de loi qui visent à favoriser l’égal accès à la culture pour tous, ainsi
que des réflexions sur la place de la culture dans un parcours d’insertion, illustrées par les nombreuses expériences des associations adhérentes à la Fnars Alsace, l’enquête menée auprès des adhérents, et des pistes
méthodologiques, des conseils et des perspectives de travail à développer.
Des pratiques d’accès à la culture
Novembre 2006
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L’accès à la culture: un droit fondamental
Extrait du Programme de préven- - La possibilité pour tous de particition et de lutte contre la pauvreté per, dès le plus jeune âge, aux pratiet l’exclusion sociale
ques artistiques est un enjeu majeur
Axe 2 – L’accès de tous aux droits (renforcement des politiques d’édufondamentaux
cation artistique dans les zones d’éducation prioritaires, prise en
Promouvoir l’accès à la culture
compte de cet objectif dans les
« Comme le démontrent les chiffres chartes d’objectif des établisseconnus relatifs aux pratiques cultu- ments culturels, les conservatoirelles, l’accès à la culture demeure res…). Pour les jeunes en difficulté,
très inégal dans notre pays. Or, dans l’accès aux centres de création et de
un contexte d’exclusion, la culture développement des techniques de
constitue un moyen essentiel et l’information et de la communication
efficace pour reconstruire une sera facilité.
personnalité et une sociabilité. Une
mobilisation des acteurs culturels - Les contrats de ville, d’agglomérasera confortée en ce sens, notam- tion, les plans départementaux d’inment par les Directions régionales sertion prendront davantage et
des affaires culturelles, sur les mieux en compte la dimension cultuperspectives suivantes :
relle de la lutte contre les exclusions et les discriminations.
- Compléter la politique tarifaire
engagée depuis 1997 par l’État pour - Pour faciliter la poursuite de ces
favoriser l’accès de tous en tant que objectifs, le développement de forspectateurs, aux lieux culturels. mes de “ chèques d’accompagnement
Pour cela un renforcement du parte- personnalisé ” sera recherché et
nariat national et local se fera en relancé de manière concertée, nolien avec les associations, grâce au tamment avec des fondations et des
Conseil des collectivités territoria- organismes publics ou associatifs de
les pour le développement culturel, proximité, qui peuvent le mieux susmis en place par le ministère de la citer les pratiques culturelles ainsi
que leur suivi.
culture et de la communication.
« Dans une première évaluation de la loi, en partenariat avec les personnes en situation de grande pauvreté, effectuée par ATD-Quart
Monde en 2000, le bilan était plutôt mitigé: les programmes d’action
concertée pour l’accès aux pratiques artistiques et culturelles, il est
vrai facultatifs, brillent par leur absence, et l’engagement en faveur de
la lutte contre les exclusions culturelles financées par l’État « semble ne
porter pour l’instant que sur une réduction des tarifs d’entrée: l’impact risque
d’être limité tant que ne seront pas mises en place des actions pour aller à la
rencontre des plus démunis ». Joignant une cruelle illustration: « que penser lorsqu’une jeune femme seule avec un enfant se voit reprocher par un bureau d’aide sociale le fait de consacrer une part de son budget à la participation de son fils à un atelier de peinture? »
Deux articles de la loi du 29
juillet 1998 d’orientation relative à la prévention et à la
lutte contre les exclusions
consacrent le droit à la
culture :
l’article 140 réaffirme, comme
objectif national, « l’égal accès à
tous, tout au long de la vie, à la
culture, à la pratique sportive, aux
vacances et aux loisirs ». Et incite
à la mise en œuvre de
« programmes d’action concertés
pour l’accès aux pratiques artistiques et culturelles
l’article 147 autorise la modulation des tarifs des services sociaux
et culturels facultatifs des collectivités locales (centres de loisirs,
bibliothèques, musées, conservatoires…) en fonction du revenu des
usagers et de la taille du foyer.
" Toute personne a le
droit de prendre part
librement à la vie
culturelle de la communauté, de jouir des
arts [...] et des bienfaits qui en résultent ".
Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme – Article 27.
Extrait de l’article de Joël Plantet, Ce que la culture peut pour l’insertion, Lien
Social, n°622, 23 mai 2001
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Des pratiques d’accès à la culture
».
Novembre 2006
État des lieux de l’accès à la culture dans les
structures adhérentes à la Fnars Alsace
Extrait:
Depuis le début de l’année 2005, la commission culture travaille à la réalisation progressive de cet
ouvrage.
Dans un premier temps, après réflexion, nous avons élaboré un questionnaire qui a été envoyé aux
différentes structures adhérentes de la Fnars dans le but de mener une enquête pour dresser un
« état des lieux », sur ce qui existe et se pratique déjà dans les institutions, en matière d’accès à la
culture.
29 structures ont répondu au questionnaire. Voici quelques résultats.
53% des structures
ont un partenariat
avec une
structure culturelle.
79% organisent des événements culturels
en interne (soirées, tournois, fêtes…).
Les deux tiers
des structures
mentionnent la
culture dans leur
livret d’accueil.
Animation d'ateliers culturels par les structures
46%
53%
animent
71% des structures mettent des billets
ou tickets (cinéma, théâtre, piscine…) à
disposition des personnes.
n'animent pas
En quoi l’accès à la culture et
aux loisirs est bénéfique pour
nos publics?
Développement de la
personne, dignité humaine,
estime de soi.
Développement du lien social.
Lutte contre l’isolement, actes
citoyens.
Développement des savoirs, découverte
du pays d’accueil, repères
spatiotemporels,
apprentissage d’une technique
Des pratiques d’accès à la culture
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5
Réponses qualitatives
Pensez-vous que permettre l’accès aux loisirs, à la culture, au sport
fasse partie de vos missions?1
« Oui, pour rompre l’isolement, favoriser l’échange, proposer la découverte et le loisirs, faciliter l’intégration, occuper un temps d’attente et favoriser le moral des gens. »
« Oui, pour permettre aux personnes de s’ouvrir vers l’extérieur, d’accéder à une
culture différente, de se l’approprier, de voyager à travers la lecture. »
« Oui, même si c’est difficile et souvent oublié. »
« Oui, permettre l’accès à l’éducation, à la culture, aux loisirs. Proposer une éducation civique et citoyenne. Ouvrir à la culture
et aux cultures. Mission d’accès à la liberté et à l’autonomie. »
« Nous souhaitons participer au bien être des femmes hébergées, aussi nous multiplions les actions en ce sens:
création d’un atelier coiffure (une coiffeuse professionnelle se déplace à l’association une fois par mois pour
coiffer et maquiller les femmes); organisation de congés d’été... »
« Ma mission consiste essentiellement à tenter de répondre à une demande. S’il y a une telle demande (sport…), cela
tombe sous le sens. Là où c’est plus compliqué, c’est lorsque des personnes ont totalement évacué ces aspects de leur
vie. »
Des suggestions… des propositions...
« Proposition d’un système de billetterie sportive à prix préférentiels. Prestations sportives à
l’ensemble des chantiers d’insertion de Strasbourg ».
« Multiplier le partenariat permettant de rendre accessible financièrement certains spectacles aux usagers. »
« Obtenir des financements des pouvoirs publics pour ce type d’actions. »
« Développer les tarifications spéciales pour les groupes et les individus en situation
de précarité dans les lieux de diffusion culturelle et sportive. »
« Intégre
rd
T.S, l’org ans le fonctionne
m
anisation
d’activité ent officiel des s
tr
s, de sor
ties, d’ate uctures et dans le
liers. »
s mission
s
d es
« Favoriser des mesures permettant la prise en compte de l’importance de la culture dans les
pratiques du travail social, et faire évoluer les mœurs des travailleurs sociaux sur cette
question. »
cette culture
ence de la TV et toute
rés
nip
l’om
r
ite
lim
de
n
« Trouver un moye
culture. »
modernes d’éveiller à la
Chercher des moyens
1: 27 structures sur 29 ont répondu oui à cette question. Une structure a répondu non, et une n’a pas répondu.
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Des pratiques d’accès à la culture
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difficile à canaliser.
Sens de la démarche
La commission
culture affirme l’intérêt de l’accès à la culture dans un parcours d’insertion.
La culture est, en effet, au même titre que le travail et le logement, un préalable indispensable à l’insertion sociale. Elle permet aux personnes exclues ou en voie de marginalisation de se souvenir qu’elles appartiennent à une communauté et font partie de la société.
Si la culture peut participer à une revalorisation identitaire, une reprise de confiance en soi,
comme le constatent les différentes associations ayant mis en place des activités culturelles,
elle peut aussi, dans la durée, développer des atouts en vue d’une insertion professionnelle.
Peinture, danse, théâtre, musique, l’expression culturelle est un bon moyen d’éveiller chez des
personnes en grande difficulté une responsabilité face à leur existence, de les mobiliser pour
être actrices de leur vie.
Favoriser l’accès à la culture et aux loisirs peut permettre de recréer le lien entre les individus et leur environnement, de restaurer et sauvegarder les repères et liens familiaux, de se
faire plaisir, de faire renaître une parole.
Des pratiques d’accès à la culture
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Extrait de l’article de Joël Plantet, Ce que la culture peut pour l’insertion, Lien Social, n° 622, 23 mai 2002
« On peut aussi avoir faim de livres et de cinéma », avait pertinemment rappelé une campagne du Secours populaire
français à ceux — dont les pouvoirs publics — qui auraient tendance à l’oublier. Plusieurs associations humanitaires ou
caritatives (dont ATD-Quart Monde, qui en fit un de ses chevaux de bataille) ont tenté d’en lister les bénéfices, en termes
de socialisation, de valorisation, d’insertion.
La culture a plusieurs définitions : retenons celle de développement personnel, d’enrichissement, voire d’ornement de
l’esprit par la fréquentation des lettres, des sciences et des arts. Jacques Rigaud, ancien directeur de cabinet de… Jacques Duhamel, ministre des Affaires culturelles de… Georges Pompidou, parlait déjà de la culture comme de notre seul «
terrain de rencontre possible » et comme d’une « humanisation par la ferveur », expérience ultime qui seule donne son
sens à l’existence d’un individu. La définition est séduisante.
La culture d’un individu commence avec l’éducation, l’instruction et l’ensemble des connaissances apportées par le milieu
familial, social, scolaire ; avec une fonction de mémoire patrimoniale importante : « Ce qui, de la mort, vit encore », proposait joliment Malraux, il y a quelques dizaines d’années. Le regretté Bourdieu a, lui, animé pendant des années, à partir
de 1960, une équipe de recherche sur les problèmes de l’éducation et de la culture dans les sociétés européennes. Y
est, entre autres, analysée la façon dont l’institution pédagogique remplit sa fonction idéologique en transformant en différences de dons et d’aptitudes des différences sociales de fait ; il ne cesse, au fur et à mesure de son œuvre, de souligner
la tendance des modèles culturels et sociaux à se reproduire au bénéfice de groupes à peu près invariables…
Une culture des cités a pu sembler se développer contre l’exclusion. Devant la montée en puissance, ces dernières années, des « problèmes » dans les cités sensibles — et leur médiatisation —, l’art et la culture, entre autres outils, sont
davantage mobilisés. Des municipalités invitent des artistes à animer des ateliers au pied des HLM, rouvrent des cinémas de quartier ou aménagent des studios pour des rappeurs. Des artistes se tournent vers les périphéries des villes, à
la recherche des « énergies paradoxales » de ces « quartiers jeunes ». Toutes les politiques sociales comportent désormais un volet culturel dont l’importance grandit. « Et c’est là que, modestement, le mariage compliqué de la culture et du
social débouche sur l’emploi. Une raison de plus de s’aventurer sur ces chemins de traverse », relevait avec optimisme le
journaliste économique, Alain Lebaube, il y a quelques années. Fin 1998, Jérôme Savary mettra le prestigieux Théâtre
national de Chaillot à disposition de trente personnes sans domicile fixe qui viennent y interpréter (très brillamment) Les
Bas-fonds de Gorki . Après un atelier d’écriture, des chômeurs roubaisiens deviennent scénaristes d’un film. Au Théâtre
de la Manufacture de Nancy, l’écrivain François Bon initie des expériences d’écriture avec des marginaux ; sous le pseudonyme de Kelt, quatorze lorientais sans emploi signent un roman noir.
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Des pratiques d’accès à la culture
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Avec la fondation Agir contre l’exclusion (FACE), le comédien Guy Bedos fait interpréter aux jeunes de
Vaulx-en-Velin un Quartier libre à succès ; Pierre Bourdieu met en scène cent comédiens qui prêtent leur
voix aux ménagères, ouvriers, professeurs, chômeurs, juges ou chercheurs interrogés par son équipe pour
son ouvrage La misère du monde ; les témoignages des femmes d’une cité HLM de Stains (Seine-SaintDenis) nourrissent Féminin Plurielles, spectacle joué de nombreuses semaines à guichets fermés. À Agen,
la municipalité met à disposition des jeunes le Florida, cinéma transformé en centre culturel, où les stagiaires peuvent se former, jouer, écouter des concerts, répéter dans un lieu qui doit ainsi contribuer à leur insertion sociale. Dans le Nord, le chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus multiplie les concerts dans les
quartiers dits défavorisés pour « rendre Schubert ou Ravel aussi familiers que Patrick Bruel ». Etc.
Avant eux, le metteur en scène Armand Gatti avait proposé ses pièces de théâtre dans les cités ouvrières
de Saint-Étienne. En 1994, il s’était installé — avec sa compagnie La parole errante — dans un petit village
au nord de Strasbourg avec quatre-vingts stagiaires — ses « loulous »… — recrutés par différents organismes sociaux de l’État et de la ville dans les populations exclues du savoir comme du marché du travail.
L’année d’avant, il avait recruté soixante-dix jeunes en galère ou bénéficiaires du RMI pour créer, à Marseille Adam quoi ?, spectacle de seize heures à la mémoire des huit cents juifs marseillais déportés. Encore
aujourd’hui, il cherche le contact avec les publics qui se trouvent en lisière de la culture : depuis 1984, l’artiste a choisi de s’exclure du circuit ordinaire du théâtre pour créer des spectacles inclassables, réalisés
dans le cadre légal de l’insertion professionnelle, avec ce que nos villes ont fabriqué de personnes déboussolées ou exclues. Dans le même esprit, il présidait l’association Banlieues d’Europe, réseau culturel international qui s’est fixé pour mission, depuis sa création en 1990, d’« articuler le langage artistique avec les
autres langages — langues orales, récits, mémoires — des banlieues-monde de notre continent ». Des rencontres avaient d’ailleurs eu lieu en 1995, avec pour thème L’art dans la lutte contre l’exclusion. Si on y
avait déploré un certain désintérêt des grandes institutions culturelles envers les nouveaux courants artistiques issus des banlieues, il avait en revanche été noté que les instances européennes les découvraient
peu à peu : l’Union européenne en apportant une aide au réseau et le Conseil de l’Europe en lançant un
programme sur « la culture et les quartiers ». C’est certainement de la même manière que le travail d’Augusto Boal — avec son Théâtre de l’Opprimé — et celui d’Oscar Castro (metteur en scène, entre autres
œuvres, du Journal perdu d’une assistante sociale, en 1990) entendent participer à la réduction de la fameuse fracture sociale. »
Des pratiques d’accès à la culture
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Paroles de travailleurs sociaux
L’accès à la culture en CADA...
Découvrir autre chose...
« Nous avons proposé à nos résidents d’assister au concert des Blaireaux.
Il s’agissait de leur proposer une sortie
culturelle car faute de moyen ou d’intérêt, les
sorties de ce type ne font souvent pas partie
de leurs habitudes. La télé et ses feuilletons,
ainsi que la musique commerciale ne sont
souvent que ce qu’ils connaissent en terme de
loisirs, de divertissement, de références
culturelles. Notre proposition visait donc à
leur permettre de découvrir une culture qui
s’enracine dans la langue française, dans sa
poésie et ses jeux de mots. »
Valorisation de soi...
«L’objectif poursuivi à travers l’organisation de
sorties tend vers un mieux être physique et moral
du résident. Les activités sportives proposées exigent souvent un engagement personnel, une prise
de risques face à l’inconnu. Le résident doit vaincre son appréhension, ses peurs. On peut parfois
parler de véritable dépassement de soi. Quand il
les a vaincues, le sentiment dominant est la fierté
et l’on peut penser qu’il y a une revalorisation de
l’image de soi qui s’opère. D’autres moments de la
sortie permettent la valorisation de compétences
individuelles. La préparation du repas permettra à
un ou deux résidents de montrer ses talents culinaires et faire découvrir des coutumes de son
pays. »
« A NOTRE INSU, NOTRE
REGARD SUR LES
PERSONNES DITES
EXCLUES SE PORTE
TOUJOURS SUR LEURS
MANQUES.
AVEC LA CRÉATION, IL
S’INVERSE: ON VOIT LEUR
RICHESSE. CHAQUE FOIS,
C’EST UNE RÉVÉLATION. »
ATD-Quart Monde
10
« La plupart des familles, lorsque nous les accueillons
ne connaissent ni la langue, ni la ville, ni personne…
Cette confrontation à l’inconnu peut renforcer l’anxiété.
Ainsi, les activités doivent porter sur la découverte de
l’entourage social , géographique, culturel conduisant
ainsi les personnes à se rencontrer, à se familiariser à
leur nouvel environnement, à trouver une « place ».
Celle-ci peut permettre de raviver le sentiment d’exister,
mis à l’épreuve par les bouleversements identitaires que
connaissent les populations migrantes. »
« La personne en demande d’asile est un individu qui a fui
des menaces graves dans son pays et qui trouve refuge
dans un autre pays, auquel il demande protection. Son
passé, cause de l ‘arrivée en France, est un ensemble d’événements dans certains cas pénibles, voire traumatisants,
plaçant la personne dans la fuite laissant derrière elle ses
repères, sa culture, sa famille… Les personnes se trouvent
dans un environnement inconnu qu’elles doivent parvenir à
comprendre et auquel elles devront s’adapter. L’animation
contribue à l’autonomie de la personne dans son nouvel
environnement. Elle répond à une inactivité forcée (pas le
droit de travailler) et doit s’attacher à restructurer la vie
familiale et personnelle. Elle fait partie intégrante du projet
d’établissement et au-delà de sa fonction divertissante, de
loisirs, elle représente avant tout une gestion de la vie quotidienne des demandeurs d’asile. »
Un moment de détente...
« L’idée de démarche culturelle n’excluant pas le divertissement, nous voulions également leur permettre
de sortir de leur quotidien et de leur tracas pour vivre
un moment d’évasion. Cela nous parait d’autant plus
important que notre public vit souvent des tensions
et des angoisses, dues à la précarité de sa situation
familiale et professionnelle. C’est le cas par exemple
des mères, qui sont souvent obligées d’assumer seules
leurs enfants. Nous voulions leur donner la possibilité
de vivre un moment de détente sans leurs enfants. »
Des résistances...
« La question est de savoir si on veut ou on peut se faire plaisir, et là le
grand débat est lancé. Mais..., entend-on, « la priorité c’est de trouver du
travail, trouver un logement, éduquer correctement ses enfants, gérer son
maigre budget! »
Mais...pour faire ça, il faut de l’énergie, du désir de vivre, se sentir intégré
dans une société souvent hostile, retrouver une place à laquelle on n’a plus
droit, faire partie d’un groupe, une association, une communauté, un
public…
Déjà, on voit se dresser les réticences, les « oui mais non ». Et là, nous, les
travailleurs sociaux avons un rôle à jouer, un travail à faire pour redonner
confiance et dignité à toutes ces personnes « blessées » que nous rencontrons. Les accompagner vers « le beau », « le drôle », « le magique », les
émotions… »
Des pratiques d’accès à la culture
Novembre 2006
La culture comme outil d’insertion dans
l’accompagnement d’une personne...
« L’animation d’activités ainsi que l’accompagnement
dans des sorties effectuées par les travailleurs sociaux
référents sont aussi des moyens de rencontrer autrement les personnes que l’on accueille, de se découvrir les
uns les autres dans un cadre extérieur, où une relation
différente peut s’amorcer. Le référent peut alors découvrir
certaines potentialités de la personne, ce moment de
détente permet l’émergence d’une autre parole qu’au sein
du bureau.
Le temps de culture ou de loisirs est un outil précieux
dans l’accompagnement global d’une personne car il est
parfois indicateur de certaines difficultés non repérées
dans la prise en charge éducative.
L’insertion de la personne hébergée passant avant tout
par une autonomie retrouvée, l’animation effectuée par
les travailleurs sociaux doit pouvoir lui donner des pistes
qui lui permettront par la suite de se créer elle-même ses
loisirs. »
Paroles de résident
« Je suis résident dans un CHRS. Cela n’a pas été
facile d’avoir une place en foyer : je suis hébergé avec
ma femme et mes enfants.
Quand j’ai eu la chance d’avoir une place au foyer,
au début, j’ai eu un premier entretien avec ma référente. Elle m’a expliqué le règlement : ce qu’il faut
faire, ce qu’il ne faut pas faire. J’ai trouvé cela assez
strict. Donc nous étions très prudents avec ma
femme (ne pas faire de bruit, etc.). Les entretiens
avec ma référente étaient au début assez rigides, je
n’osais pas trop déranger, ni demander quoi que ce
soit. Elle m’a renseigné à propos des sorties du foyer
et m’en a proposé mais je n’acceptais pas, cela ne
m’intéressait pas.
Les questions que l’on me posait au début m’avaient
peut-être un peu “ bloqué ” : d’où vous venez ? Pourquoi vous êtes ici ? Comment vous êtes arrivés ici ?
Et je me suis dit que ces questions continueraient
lors des sorties.
Nous avons été invités à participer à un tournoi de
volley organisé par le foyer avec tous les référents et
comme je suis dans le milieu du sport, je suis dans un
club de foot à Mulhouse, cela m’a intéressé. J’ai décidé d’y aller avec ma femme et mes enfants. Lors du
tournoi, dès le début l’ambiance était spéciale : c’é-
Des pratiques d’accès à la culture
tait pas “ t’es usager, tu viens, tu t’assois, tu mets
ton dossard, tu attends ” mais tout le monde à participer à l’organisation, résidents et référents mélangés.
C’était sympa.
J’ai proposé un mini-tournoi en plus de ce qui était
prévu. Alors j’ai vu ma référente arriver en short,
sans ses lunettes, toute décoiffée. Nous avons joué
ensemble, j’ai même fait des smatchs sur elle ! Dans
cette journée, elle n’était pas ma référente, on a joué
ensemble, elle était comme les autres.
Et à partir de ce jour, il y a des choses qui ont changé.
En fait j’avais oublié de vous dire mais avant, quand
je demandé à ma référente pour acheter les tickets de
bus, elle me disait de penser à lui rendre la monnaie.
Et moi, je pensais qu’elle ne faisait pas confiance, je
le ressentais comme ça.
Et un autre exemple, ma fille avait des problèmes
aux yeux, il fallait que j’achète le sérum physiologique et j’ai demandé une fois pour acheter. Après 15
jours elle avait encore le même problème, et je n’ai
pas osé demandé une seconde fois. Et après le tournoi
de volley, il y a une sorte de confiance qui s’est installée : nous parlons plus librement, enfin moi. C’est
plus simple. J’ose plus demander. Je demande plus
de conseils. J’ai plus confiance. »
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La relation travailleur social / usager dans le cadre d’activités
culturelles
« La relation de confiance est primordiale. Elle aidera les personnes à parler de leurs
difficultés sans crainte et donnera du sens à la parole du travailleur social qui sera
prise comme une impulsion positive dans la réflexion. Si on prend l’exemple d’une première démarche de soin (alcool, psy ), les conseils du professionnel dans ce sens pourront être interprétés comme une aide plutôt que comme une critique.
Quel rapport ensuite, entre la relation de confiance et les activités culturelles ?
Mon constat est le suivant : même si la relation de confiance arrive à se mettre en
place de manière traditionnelle dans un bureau, on peut parfois gagner du temps en
passant par des actions culturelles.
L’activité peut permettre au professionnel de montrer son côté humain, de se livrer
sans pour autant parler de sa vie personnelle mais plutôt par le jeu, le loisir, le rire,
l’échange, l’action… et ainsi casser cette barrière qui freine souvent la relation, ou du
moins casser le mythe du travailleur social pour passer d’une relation de personne à
personne tout en restant dans un contexte professionnel bien entendu.
Mais parfois les professionnels ont un peu peur de réduire cette distance entre eux et
les usagers. Peut-être se sent-on plus protégé derrière son bureau. Peut-être a-t-on
peur d’aller trop loin dans cette relation, de se mettre en danger. Je me dis que si on
est clair avec les limites qu’on se donne et les objectifs qu’on met pendant ces temps
de loisirs, finalement le risque n’est pas beaucoup plus important que celui qu’on prend
derrière son bureau. Et puis on peut essayer de gérer cette limite en s’adaptant en
fonction de la personne en face.
Finalement, les actions culturelles constituent un des moyens pour mettre en place la
relation de confiance et avancer plus vite avec les personnes. La convivialité à un moment donné, c’est : mieux se connaître, entrer en contact différemment sans empêcher de continuer un travail plus technique par la suite. »
« Les activités culturelles permettent aux travailleurs sociaux
d’instaurer avec les familles des temps d’échange et de partage,
dans un contexte moins formel, participant ainsi à la relation et
au travail d’accompagnement. »
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Des pratiques d’accès à la culture
Novembre 2006
Des pratiques...
Des ateliers...
INFORMATIQUE
OS
T
O
PH
ÉO
D
I
V
Arts Plastiques
Cuisine
Contes
JOURNAL
M
U
S
I
Q
U
E
Théâtre
Bricolage
Jardinage
Le jardin au CADA du Ried
« L’espace situé derrière le bâtiment du CADA est grand, mais il tendait à être un dépotoir d’ordures diverses, lancées directement par les fenêtres des étages.
Une réunion a été organisée et nous nous sommes concertés sur la forme du jardin avec les futurs
jardiniers.
Le jardinage est une activité qui permet d’offrir aux résidents une occupation, d’être plus autonome
et créatif, d’avoir une activité physique, il favorise une sociabilité élargie c’est un lieu de communication, de production, de valorisation, de partage, il est source de plaisir, de contact avec la nature.
Il permet de renouer avec une tradition, de retrouver les gestes accomplis pendant l’enfance ou
avant l’arrivée en France.
Au cours du labourage de la terre, beaucoup de personnes étaient sceptiques, n’y croyaient pas mais
aujourd’hui le résultat est visible, malgré les écueils, on cueille de belles récoltes de fruits et de
légumes variés ; tomates, concombres, melons, carottes, chou, potirons, potimarrons, pastèques et
même des cacahouètes. »
"C'est mon
médicament. »
Des pratiques d’accès à la culture
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Réalisations des bénéficiaires de Tôt ou t'art dans la cadre
d'ateliers animés par Katia Graeff.
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Des pratiques d’accès à la culture
Novembre 2006
Atelier d’arts plastiques, Accueil Printemps
« Le principe de fonctionnement repose sur deux idées.
Premièrement, il permet au public qui le désire l’accès à la pratique artistique (dessin, peinture, sculpture…)
de manière totalement gratuite ; aucune participation financière n’est exigée, et nous mettons à disposition
le matériel et les compétences d’un artiste plasticien. D’autre part cette gratuité, entendue ici au sens figuré
n’entre pas dans un processus de « réinsertion » communément admis. Nous sommes ici hors de toute démarche telle l’arthérapie, la professionnalisation d’un parcours etc. cet usage des arts plastiques n’étant pas immédiatement « vendable » dans le monde du travail.
Deuxièmement, l’atelier est bien sûr entendu comme un outil de resocialisation des personnes qui y viennent. Le contact s’opère à la fois entre l’animateur et le ou les participants, les participants entre eux, mais
aussi entre nos « artistes » et d’autres usagers qui par simple curiosité viennent y jeter un œil.
Sur ce trépied repose donc la création du lien social nécessaire à des personnes parmi lesquelles certaines
sont bien en amont de toute approche de réinsertion, du fait de parcours plus ou moins long dans la grande
précarité, et ayant vécu des fortunes diverses.
Cette éthique de la pratique artistique répond à la vocation d’un accueil de jour tel l’Accueil Printemps. »
Des pratiques d’accès à la culture
Novembre 2006
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L’insertion par l’expression artistique
Atelier d’arts plastiques au bénéfice des familles, Association Espoir Mulhouse
Dans le cadre de nos actions, nous constatons que les familles que nous accueillons ont souvent des représentations négatives d’elles-mêmes. Beaucoup souffrent d’isolement et elles ont
des préoccupations qui excluent la notion de loisirs et de plaisir. La question de la gestion du
temps libre est peu abordée.
L’Association Espoir offre une richesse d’approches et de compétences en structures
« éclatées » qui justifie la création d’un lieu de rencontre et d’échange autour d’une activité
commune.
Pour dépasser ces difficultés, notre association a souhaité créer une activité artistique accessible à tous (tout âge et toutes origines confondues) afin de :
▪ créer du lien entre les personnes, les familles, les groupes d’appartenance et les générations
▪ permettre l’expression libre à partir de matériaux simples (terre, plâtre, bois, récupération)
▪ susciter l’expression grâce à l’encadrement d’uen art trhérapeute, sculpteur, ayant une
expérience auprès de personnes en grande difficulté
▪ reprendre confiance en soi: car la réappropriation de soi, de son corps, de sa culture propre
est un préalable indispensable au réinvestissement extérieur (relationnel, social…)
▪ sortir de l’isolement, en quittant son quartier, sa structure, pour se rendre dans un lieu
d’expression artistique
▪ permettre la rencontre usager-travailleur dans un autre environnement, favorisant une
relation de confiance.
Nous proposons de mettre à disposition des usagers et des familles, des salariés et des
administrateurs de l’association espoir, un atelier d’art plastique, lieu de rencontre et
d’expression artistique en présence d’artistes encadrants.
Bilan de l’action
L'atelier suscite des échanges : usager-travailleur social,
usager entre eux, parent-enfant. Il crée des liens et il
redynamise les liens familiaux. Dans le discours des
usagers on relève qu'ils ont découvert quelque chose de
nouveau :
Des rencontres, un regard différent sur l'autre, une
première expérience de l'art plastique, de nouvelles techniques, de nouvelles sensations, le plaisir de créer. Pour
certains, pour la première fois, en présence de son enfant,
ou d'un parent.
Pour la rencontre qu'il permet avec soi et les autres, la
pratique d'un art plastique est un facteur d'épanouissement et d'ouverture. L'essentiel n'est pas la création,
mais un moment de partage et d'émotion.
"La créativité est tout simplement une source de plaisir et
d'expression du désir un moteur essentiel qui nous permet
à tous d'exister" Jean Luc SUDRES, maître de conférence en psychologie à l'université de TOULOUSE LE MIRAIL.
16
Des pratiques d’accès à la culture
Bien que la fréquentation soit satisfaisante, les
animateurs ont le sentiment qu'il est difficile de
mobiliser les participants
Nous pensons qu'il est peut-être nécessaire d'aller
les chercher à domicile et pour certains de leur
fournir des tickets de bus.
D'autre part ils ont besoin d'être rassurés sur
leurs capacités, notamment par la présence des
travailleurs sociaux qui les accompagnent et en leur
rappelant que la participation à l'atelier ne nécessite pas de compétences particulières.
Nous avons pensé à proposer des rendez-vous
personnalisés car chacun a besoin"qu'on le désire" .
La mobilisation des salariés passe par la mobilisation des salariés accompagnants.
L'atelier d'art plastique est un outil d'insertion
à part entière puisqu'il créé du lien, une ouverture sur l'extérieur et du plaisir à partager …
Novembre 2006
Les journaux internes : un
support valorisant
Le journal interne d’un établissement est un
« outil » permettant à la fois la diffusion des productions (écrits, poèmes, paroles de chansons, dessins,…) des personnes accueillies, mais aussi la constitution d’un groupe qui travaille à la mise en page,
à la création d’un numéro, etc...
« Les règles de base »
- Le journal n’est pas un lieu pour dire du mal d’autres personnes ni pour régler ses comptes.
- Il faut veiller à ne pas choquer les lecteurs, que ce
soit concernant la religion, la politique, etc…
- Le journal n’est pas fait pour raconter son histoire
personnelle. »
Extrait du Journal de la Cité Relais – Déc.2001 –
« Echo de la Cité »
« Le DNZ est pour vous un droit à la parole ; votre parole. Vos articles, réflexions, dessins et poèmes sont les
bienvenus. N’oubliez pas qu’écrire, c’est aussi un signe
de pouvoir : pouvoir de communiquer, de consigner, de
garder en mémoire une trace. Et cette trace, c’est valorisant. C’est la preuve d’une existence particulière, unique, en tout cas.
L’écriture aide à penser le réel, à le construire, à agir
sur ce qui nous entoure. Par l’écriture, j’invente un regard sur le monde et je peux confronter ma vision à celle
d’autrui. Vous avez la chance d’avoir un journal, ne la
laissez pas tomber. »
Extrait du DNZ (Dernières nouvelles de la zone) N°6
(Accueil Printemps, Horizon Amitié).
La phrase du jour : « la seule liberté que tu ne
perdras jamais est celle de ton esprit »,
signé $.
La réflexion du jour : « Les miroirs feraient bien
de réfléchir avant de nous renvoyer notre
image », Jean Cocteau.
Extraits du DNZ N°6
Poésie
Je chemine solitaire sur cette terre,
Depuis longtemps détaché du plaisir de la
vie ;
Nul compagnon ne partage
Le secret de mon cœur,
Jamais aucune âme n’a su me comprendre.
Je fuis le monde et toutes ses joies;
Je suis bien loin aujourd’hui des humains ;
Leur bonheur et leurs peines me restent
étrangers,
Je chemine solitaire, comme sur une autre
planète !
Et mon âme est pleine à éclater,
Les songes muets ne lui suffisent plus ;
Ce qui l’émeut, elle doit la mettre en chants.
Et ce sont eux que je couche dans ce cercueil !
Lui, il les gardera fidèlement et à jamais,
Des âmes qui aujourd’hui ne le comprennent
pas,
Jusqu’à ce qu’un jour, après de longues années,
Ces chants renaissent et fleurissent !
Ô vous, chères âmes de ces temps lointains,
Auxquelles s’adresse aujourd’hui mon âme,
Bien souvent elle vous accompagnera,
Et vous la ferez vivre grâce à mes songes !
«LF»
Extrait du Quai de l’Espoir N°1 (Janvier-Février 2002)
(Journal du CHRS Espoir Hommes Mulhouse)
Battants
Contre
Perdants
Le battant apporte toujours une solution
Le perdant pose toujours un problème
Le battant a toujours un plan
Le perdant a toujours des excuses
Le battant dit « Je le fais »
Le perdant dit « C’est pas mon affaire »
Le battant voit une solution à chaque problème
Le perdant voit un problème pour chaque solution
Le battant pense que c’est sans doute
difficile mais réalisable
Le perdant pense que c’est sans doute
réalisable mais trop difficile
SOYEZ UN BATTANT
Extrait du Quai de l’Espoir N°1 (Janvier-Février 2002) (Journal
du CHRS Espoir Hommes Mulhouse)
Des pratiques d’accès à la culture
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Des sorties...
Activités en plein air, visites
Plan d’eau
ZOO
Volerie des aigles
Bateau mouche
randonnée
Barbecue
Europa Park
Marché de Noël
Activités culturelles
cinéma
spectacles
Théâtre - théâtre forum
ue de Gérardmer
Festival du film fantastiq
C
O
N
C
E
R
T
Exposition artistique
Musée
Activités festives
Soirées à thèmes
Repas, goûter
Fêtes de Noël, Saint-Nicolas, Pâques, anniversaires...
Des pratiques d’accès à la culture
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Novembre 2006
Séjours
Vacances en Provence
Week-end dans les Vosges
Vacances au
er
bord de la m
Activités sportives
BOWLING
Matchs
patinoire
Tournoi de foot
Des pratiques d’accès à la culture
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Paroles de spectateurs
e
question d
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ties,
« Les sor
moral. »
« Moi ce que j’aimerais, c’est aller voir un opéra,
parce que j’ai jamais vu d’opéra en vrai. »
« C’était très bien. On était tous ensemble. La musique était bonne, on a bien mangé, dansé. Tous les jours,
rester ici au CADA, c’est pas normal. C’était très bien de faire une excursion dans une autre ville. »
« C’est pas que j’ai pas envie, j’ai pas l’énergie. »
« Je pense que c’était vraiment bien. J’étais heureux. Ici nous sommes seuls. Personne ne s’occupe de
nous, ne nous donne des activités, nous sommes abandonnés. Je suis sérieux quand je dis merci pour
toute l’organisation. Parce que cela m’a beaucoup aidé. J’étais vraiment très heureux, pour les danses,
de rencontrer des nouvelles personnes. »
« C’est une découver
te, une surprise qui
me permet de sortir
de
mes soucis. »
« Merci pour les places. J’ai pu emmener mon fils au cinéma. »
« Qu’est-ce que je vais aller m’enfermer dans une salle… il faut être fou pour s’enfermer
dans une salle! »
« C’était très bien. La musique, l’animation, tout le monde était content, il y avait
une bonne ambiance. Ça nous a fait effacer d’autres problèmes dans nos esprits. C’était
la première fois depuis que je suis en France que je participais à une organisation pareille. On peut organiser la même chose 2 ou 3 fois par mois pour faire la distraction.
J’ai fait connaissance avec trois personnes et on est resté en contact. Quand nous sommes repartis, Joao a commencé à chanter et danser dans le bus. S’il y avait eu des caméras on aurait pu garder un souvenir. »
… et
je suis chez moi, j’ai mon café, mon gâteau
ins
mo
au
là
et
b…
clu
o
vidé
au
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me
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« Moi j’ai un abo
pas mettre retour en arrière. »
mes clopes… parce qu’au cinéma, tu peux
20
Des pratiques d’accès à la culture
Novembre 2006
Des exemples de sorties...
« Tout au long de l’année, nous avons proposé aux familles des sorties à Strasbourg, au saut
du Doubs, au lac du Malsaucy, au château du Haut-Koenigsbourg, au Labyrinthus de Ribeauvillé, une sortie luge au col Amic avec repas en ferme auberge, la visite d’une ferme pédagogique, d’une cave Viticole…
D’autres activités destinées à un effectif plus réduit ont été menées: randonnées en montagne,
sortie en VTT, marché de Noël d’Altkirch, luge au Markstein, Vivarium de Lautenbach...
Au-delà de la dimension culturelle, pédagogique et socialisante de ces activités, celles-ci ont
permis aux personnes, le temps d’une journée de se détourner de leurs préoccupations, en partageant un moment de convivialité. Elles peuvent également contribuer à resituer les places au
sein de la cellule familiale, parfois bouleversées dans l’expérience de la migration. »
Souvenirs d’un week-end dans les Vosges
Des pratiques d’accès à la culture
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Week-end dans les Vosges
« Chaque été, nous organisons un séjour (week-end
de 3 jours) dans un chalet loué par le foyer, situé à
La Bresse, dans les Vosges.
Les hébergés sont acteurs dans l’organisation : programme et menus décidés ensemble, participation à
l’élaboration du budget ainsi qu’aux courses.
Pour ce moment particulier, un règlement de fonctionnement spécifique a été mis en place.
Nous arrivons à réunir en général un petit groupe
de 9 à 12 personnes dont 2 membres de l’équipe
éducative pour l’encadrement.
Ces 3 jours de vacances et de coupure avec l’environnement et le quotidien strasbourgeois, permettent aux hébergés de découvrir la montagne, occasion pour certains de sortir de la capitale alsacienne
pour la première fois.
Baignades dans les lacs, promenades, cinéma, jeux
collectifs de société et de plein air, barbecues et spécialités culinaires préparées par des hébergés pour
partager leur culture d’origine, rythment ce séjour.
A la demande générale chaque année, nous faisons
une sortie en discothèque au cours du week-end.
Nous observons chaque été que des amitiés se
nouent entre les hébergés lors de ce séjour qui se
déroule toujours dans une très bonne ambiance et
dans un climat de respect mutuel, chacun prenant
part spontanément aux tâches collectives.
Ce contexte renforce la relation de confiance avec
l’ensemble de l’équipe éducative qui rend possible
ce séjour de façon collective : Les accompagnants
ont l’occasion de partager des moments agréables
hors les murs avec le public, et de se montrer sous
un angle plus accessible, plus chaleureux, les autres
membres de l’équipe s’investissent également par le
biais de la préparation du week-end et des courses.
Cette pause dans le parcours d’insertion des personnes leur permet de se ressourcer, de voir autre chose
et de susciter du désir : plusieurs d’entre-elles se di-
22
Des pratiques d’accès à la culture
sent re-motivées pour trouver un emploi au terme
d’un tel séjour, ne serait-ce pour pouvoir s’offrir soimême de telles virées en montagne.
Suite à ces week-ends, nous observons une dynamique nouvelle au sein du foyer, dont on ressent les
bénéfices durant le temps d’accueil des participants, qui s’investissent alors davantage dans la vie
du foyer, par le biais du Conseil de Vie Sociale.
Nous pensons que cela a pu influer sur les évolutions nettes et positives que nous avons constaté
dans certains parcours peu de temps après : plusieurs personnes parviennent à trouver un stage ou
un emploi dans les deux mois qui suivent, étant
« requinquées » pour attaquer la rentrée en septembre.
Même si l’ensemble des hébergés ne participe pas à
ce séjour par choix ou par indisponibilité, et qu’il
est difficile de créer un sentiment de cohésion au
sein d’une structure fonctionnant « en éclaté »,
nous pensons que la dynamique de groupe suite à ce
type d’actions peut s’étendre à l’ensemble du public
accueilli, par les récits et les photos rapportés et les
échanges que cela suscite.
Nous disposons pour l’organisation de ce séjour
d’un budget total moyen de 500€ à 600€ (sans
compter l’essence) par année, selon le nombre de
participants.
Mais la participation d’un plus grand nombre de
personnes nous obligerait à repenser ce séjour pour
en diminuer le coût déjà peu élevé.
Chaque participant verse une somme symbolique
pour contribuer aux frais du séjour, allant de 5 à 10
€ selon la situation financière.
L’absence d’un budget spécifique ne nous garantit
pas malheureusement de pouvoir reconduire cette
action d’une année sur l’autre, malgré tous ses bienfaits. »
Novembre 2006
Des pistes méthodologiques...
« La fonction d’animation est essentielle en centre d’hébergement, véritable complément des autres outils de travail des référents.
Il s’agit donc pour une structure de proposer des activités au sein de la structure pour animer le
quotidien, susciter des intérêts pour la vie culturelle, sportive ou les loisirs, favoriser les relations
entre l’équipe et les hébergés ainsi qu’entre les hébergés eux-mêmes, mais aussi d’apprendre au
public à s’ouvrir sur l’extérieur et à s’approprier son quartier, sa ville, par des sorties ou des
inscriptions dans des centres de loisirs ou culturels. »
r les personnes?
Comment informer et mobilise
« Désigner un/une référent(e) culturel(le) au sein de l’équipe, clairement identifié(e)
par le public et les partenaires culturels et sportifs. »
« Sonder les envies ou besoins du public de façon individuelle (en entretien, par enquête), et collective
(en réunion des hébergés). Prendre des renseignements sur la faisabilité de l’activité demandée par le
groupe par un travailleur social, et organiser pour une date précise. »
« Affichée la sortie sur un panneau prévu à cet effet, dans la salle d’attente par exemple. Envoyer une invitation courrier à
chaque hébergé. »
« L’information concernant l’activité est ensuite relayée par les travailleurs sociaux lorsque les hébergés viennent en rendez-vous. »
« Plus l’activité organisée aura été anticipée et programmée à l’avance, plus
le travail de mobilisation aura des chances de porter ses fruits pour une participation plus importante du public. »
« Il apparaît important
d’effectuer des rappels
concernant les activités organisées auprès
de notre public, qui
n’arrive pas toujours à
se repérer dans le
temps, et pour parvenir
à l’intéresser et le mobiliser. »
« Une autre difficulté est de garder
à l’esprit une démarche méthodologique de projet lorsque l’on organise
des activités. Même s’il ne s’agit que
d’une petite activité, il faut prendre
le temps de réfléchir au sens de l’action proposée avant de la lancer, afin
d’adapter au mieux les actions, analyser, faire un bilan rapide pour ne
pas reproduire les erreurs liées à un
mauvais diagnostic de la situation et
des besoins au préalable. Prendre en
considération la culture d’origine, les
envies des participants... »
tion des usagers. Pour cer« Une des premières difficultés est la mobilisa
présentation des activités de
tains, il faut effectuer un travail de rencontre, de
prend du temps. Expliquer de
manière individuelle, c’est une démarche qui
pas bien le français, motiver
manière simple à des personnes qui ne parlent
ne doit pas forcément moavec peu de mots. Une activité, une sortie
s, le but est de satisfaire
biliser le plus grand nombre de personne
»
les participants, peu importe le nombre.
Des pratiques d’accès à la culture
« Malgré l’investissement progressif de l’équipe dans ces actions
et l’amélioration de notre organisation en matière d’activités ou
d’ateliers, nous sommes régulièrement confrontés à une faible
participation du public. Cette réalité nous a d’ailleurs poussé à
interrompre momentanément les sorties pour mener une réflexion d’équipe et sonder notre public sur cette question afin
de mieux pouvoir répondre à leurs attentes et besoins.
Nous attribuons cette faible participation (variable en fonction
du programme et du travailleur social encadrant) à plusieurs
causes :
Le fonctionnement « en éclaté » ne permet pas de mobiliser au
quotidien, ni d’obtenir la même dynamique de groupe qu’au
sein d’un foyer collectif, les personnes vivant isolément et ne se
croisant que lors des rendez-vous ou réunions (mensuelles) au
bureau.
Le turn-over existant en CHRS, il est fréquent que ce soit sur la
fin du séjour que les personnes commencent à se sentir suffisamment à l’aise pour participer aux sorties, ayant noué des
contacts avec d’autres hébergés.
Certaines personnes accueillies ne souhaitent pas côtoyer d’autres hébergés, par crainte d’une assimilation, d’une certaine
stigmatisation, et sont demandeuses d’activités à exercer seules
ou avec leur conjoint. »
Novembre 2006
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Des idées d’activités pouvant être mises en place par l’équipe éducative...
Organiser des sorties avec les personnes accueillies ou hébergées et faciliter leur accessibilité à
diverses manifestations culturelles ou artistiques: cinéma, théâtre, concerts, spectacles, cirque,
conférences, débats, expos, musée, découverte du patrimoine, activités sportives.
Créer et mettre à disposition du public une bibliothèque au sein de la structure avec possibilité
de prêts: revues, journaux d’informations, programmes culturels, livres divers, BD…
Possibilité de s’équiper pour un moindre coût dans des librairies d’occasion.
rir et de
cture pour permettre au public de découv
stru
la
de
sein
au
ues
stiq
arti
liers
ate
Monter des
de faire intervenir
tographie, poésie, musique… Possibilité
créer: arts plastiques, initiation à la pho
art ou musique.
des artistes bénévoles, des étudiants en
Mettre en place un journal « interne » libre, tenu par les hébergés volontaires, avec diffusion possible de
leurs productions littéraires ou artistiques, le travail de mise en page étant effectué par eux-mêmes avec le
soutien de l’équipe éducative si besoin.
Animation multimédia pour initier les personnes à l’informatique et à Internet.
Animation vidéo en soirée ou week-end: projection d’un film choisi par les hébergés par
vote au préalable. Possibilité de discussion et d’échange autour du film après sa diffusion.
Organisation de soirées-d
ébats sur des thèmes cho
isis, sur des sujets d’actu
à chacun de s’affirmer en
alité par exemple, perm
public, d’exprimer son po
ettant
int de vue et de s’enrich
buer par ce biais à éveille
ir de celui des autres. Co
r un intérêt pour la politi
ntrique, les faits de société,
réflexion.
la vie civique, en favori
sant la
ENCOURAGER ET FACILITER L’INSCRIPTION DES PERSONNES DANS DES ACTIVITÉS
SPORTIVES OU ASSOCIATIONS DE QUARTIER, AFIN DE LEUR PERMETTRE DE
S’OUVRIR SUR L’EXTÉRIEUR ET D’APPRENDRE À UTILISER LES SERVICES ET
STRUCTURES DE LEUR ENVIRONNEMENT.
24
Des pratiques d’accès à la culture
Novembre 2006
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Du côté de
Tout au long de ce dossier, nous avons pu faire la démonstration des apports de la culture utilisée comme
outil dans la pratique du travail social :
- apports pour la personne accompagnée, sur le plan strictement personnel, identitaire, touchant à la notion
de plaisir et de mieux-être psychologique, de mise en lien avec la société, de réinsertion sociale et de reconstruction personnelle.
- apports pour les accompagnants qui « rencontrent » différemment l’usager lors d’une activité, d’un atelier, d’une sortie, et ceci réciproquement, favorisant la relation de confiance et ainsi, le travail d’accompagnement. Travailler l’axe de l’insertion sociale avec une personne dès les premiers temps de son accueil et
tout au long de sa prise en charge, peut permettre de préparer et de faciliter l’insertion professionnelle
et/ou par le logement.
Malgré cela, et malgré ce qu’impose la législation, les travailleurs sociaux rencontrent toujours sur le terrain un certain nombre de difficultés pour promouvoir et développer l’accès à la culture à destination des
publics accueillis et pour en faire un outil d’insertion.
Les freins se situent à différents niveaux :
- Au niveau des politiques, les commandes et les financements ne prennent pas l’accès à la culture suffisamment en compte.
Paroles de travailleur social
« Même si l’insertion sociale peut faire partie de nos missions, nous ne disposons pas de budget spécifique pour mener des actions en direction de la culture, du sport ou des loisirs, permettant de travailler
le lien social avec le public accueilli. Cela traduit l’absence d’une réelle volonté politique d’accès à la
culture malgré la reconnaissance de ce droit comme un droit fondamental (Loi de Lutte contre les Exclusions du 29 juillet 1998, articles140 et 147, Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, article
27).
Dans un contexte politique où le sens du travail social semble remis en question par la baisse, le gel ou
la diminution des budgets pour notre secteur, provoquant la disparition d’associations et de services, et
où la mise en oeuvre de la loi du 02 janvier 2002 concernant l’évaluation des structures sociales et médicaux-sociales (rapport entre coût de fonctionnement et résultats) va progressivement placer en
concurrence les différents services qui devront, à court terme, - s’il veulent survivre- privilégier le
quantitatif sur le qualitatif, la lutte pour convaincre des bienfaits d’une action sociale qui prendrait en
compte l’importance de l’accès à la culture et du travail sur l’insertion sociale semble bien vaine !
A l’heure où les crises de l’emploi et du logement battent leur comble, où même pour le citoyen moyen
lambda parvenir à maintenir sa situation stable commence à relever du défi, où tout simplement les
droits de la personne les plus fondamentaux sont remis en cause par la situation économique du pays,
tenter de sensibiliser les politiques à l’intérêt de financer des actions menées pour l’accès à la culture de
nos publics en difficulté passerait presque pour un pari perdu d’avance.
Et pourtant ! Et si en l’impossibilité de trouver un emploi durable et rémunéré à hauteur d’un SMIC à
temps plein, un logement qui ne serait pas précaire, il fallait justement favoriser des actions qui redonnent un peu goût, dignité, espoir et sentiment d’appartenance à la société, aux plus démunis ? »
Des pratiques d’accès à la culture
Novembre 2006
25
- Au niveau institutionnel, certaines associations ou services, considèrent encore que la culture, le loisir,
la pratique d’un sport ou d’une activité artistique, relèvent du luxe et du superflu pour une personne en
parcours de réinsertion, dont on attend qu’elle se concentre exclusivement sur la résolution de ses problèmes en matière de recherche d’emploi, de logement, de santé…
Aussi, étant donné que ce dossier repose essentiellement sur les témoignages de travailleurs sociaux composant la commission culture de la Fnars (dont on peut imaginer qu’ils bénéficient d’un soutien de leur institution pour être autorisé à participer à cette commission thématique, et que donc, le sens accordé à la
culture est partagé), et de ceux qui auront bien voulu répondre à notre travail d’enquête sur les pratiques
professionnelles en la matière (dont on peut présumer qu’ils étaient déjà dans une démarche), nous ne disposons malheureusement pas de témoignages concernant des institutions excluant totalement la culture de
leurs pratiques.
Néanmoins, la commission culture peut affirmer après quelques années d’existence, d’observation, d’échanges, et de recueil de témoignages, qu’il existe encore moult associations ou services, en Alsace, se
désintéressant totalement de la question de l’accès à la culture ou mettant en œuvre juste un strict
minimum d’efforts (survalorisés ensuite dans un rapport d’activité par exemple), sans que des moyens
soient réellement alloués aux travailleurs sociaux pour l’intégrer dans leurs pratiques.
A l’inverse, lorsqu’une institution partage le sens d’une démarche d’accès à la culture pour les publics accueillis, d’une mise en pratique de ce droit fondamental pour tous dans les missions des travailleurs sociaux et qu’elle favorise le travail autour de cela en attribuant une ligne budgétaire qu’elle défendra auprès de ses financeurs, les freins sont moindres, mais il peut encore en résider, à d’autres niveaux…
Des témoignages...
« Les employeurs étant tributaires des politiques en rigueur, il paraît logique qu’ils ne fassent
pas de l’accès à la culture une des priorités dans les missions des travailleurs sociaux.
Néanmoins, au sein de l’association qui m’emploie, nous bénéficions d’une direction qui octroie une certaine marge de manoeuvre et soutient les actions culturelles et de lien social
dans la mesure où elles sont étudiées au moindre coût.
La fonction d’animation est intégrée à part entière dans les missions des travailleurs sociaux
mais doit rester mesurée par rapport aux autres axes de travail d’insertion. »
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26
Des pratiques d’accès à la culture
Novembre 2006
- Au niveau des équipes, pour des raisons de différences de conception des missions, de culture de métiers, de désir d’investissement auprès des usagers, il peut apparaître une certaine disparité dans les pratiques. Il y a ceux qui sont convaincus des bienfaits de la pratique de la culture, des activités, des ateliers, à destination des usagers et/ou pour leur propre professionnalisme, par engagement, conviction ou
pour se permettre de se réenchanter dans son métier par ce biais, et il y a ceux qui -pour diverses raisons sans doute justifiées- placent leurs préoccupations et leurs priorités de travail ailleurs, avec des
objectifs privilégiant peut-être davantage les résultats quantitatifs aux résultats qualitatifs, tellement
plus difficiles à évaluer et à valoriser.
Les travailleurs sociaux sont en prise avec de plus en plus d’injonctions paradoxales que nous pourrions
résumer ainsi : Il faut faire plus vite et mieux, de plus en plus de choses, avec de moins en moins de
moyens, et de moins en moins de reconnaissance de la profession, comme nous y contraignent progressivement les financeurs. Il est possible que certains accompagnants n’aient plus l’énergie pour s’investir
dans l’axe d’un travail par la culture, lorsque l’axe d’insertion professionnelle ou par le logement mobilise
déjà tant, avec si peu d’offres pour répondre aux besoins des usagers…
« Il n’a pas été évident au début de parvenir à l’investissement de tous les membres de l’équipe dans
l’action culturelle qui démarrait : par habitude, manque d’intérêt ou différence de positionnement
sur la question…
Aussi, les activités organisées étaient principalement à l’initiative des mêmes travailleurs sociaux.
Cela a pu changer, et l’implication devenir davantage équilibrée, lorsque la direction s’est positionnée pour que nous proposions une sortie hebdomadaire à notre public, organisée et encadrée tour à
tour par chaque travailleur social.
Il n’empêche que l’investissement, l’importance accordée à la diffusion des informations liées aux activités, le travail de mobilisation du public, ne sont pas égaux au sein de l’équipe, le réflexe n’étant
pas encore acquis au même niveau que pour les démarches de recherche d’emploi ou administratives
à effectuer. »
Des pratiques d’accès à la culture
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Des partenariats...
Écouter, s’imprégner, regarder, imaginer, rêver, commenter, discuter, interroger,
échanger, critiquer, s’exprimer, partager, explorer les terres inconnues ou oubliées.
Véritable passerelle entre la social et le culturel, l’association bas-rhinoise Tôt ou T’Art se propose
de créer des chemins de traverse vers les spectacles vivants, les expositions, le cinéma, le patrimoine, la littérature… mais aussi tout ce qui fait la culture, ce qui transmet, ce qui est de l’ordre du
savoir-faire.
Avant-propos
La loi de lutte contre les exclusions entend garantir à chacun l’accès aux droits fondamentaux du
citoyen que sont l’emploi, le logement, la protection de la santé, la justice, l’éducation, la formation,
la CULTURE, la protection de la famille et de l’enfance.
Constatant que malgré les différents dispositifs mis en place, l’accès à la culture reste aujourd’hui
réservé à une minorité de la population, divers organismes spécialisés dans l’insertion sociale
et professionnelle ont décidé de se regrouper en créant en juillet 2001 l’association « Tôt ou
t’Art » dont l’objectif est de favoriser l’accès à la culture des personnes en parcours d’insertion.
Notre démarche
La découverte des Arts vivants peut être un plaisir qui se justifie par lui-même. Il peut aussi être
considéré comme un vecteur de socialisation dès lors que l’on participe à une activité dont on se
croyait exclu. L’action que se propose de mener l’association est donc complémentaire de celle
que mènent au quotidien les différents organismes qui ont déjà adhéré (plus d’une centaine en
2006).
L’association Tôt ou t’Art veille à permettre aux personnes en insertion :
• de participer à la vie de la cité et d’exercer effectivement leur citoyenneté,
• de restaurer leur dignité,
• de faire l’apprentissage de repères au quotidien,
• de recréer le lien avec un environnement social, familial et culturel,
• de retrouver une dynamique de vie,
• d’accéder au plaisir et à la découverte.
Pour nous accompagner dans cette démarche se désignent dans les organismes adhérents (qui
peuvent être des entreprises d’insertion, des chantiers d’insertion, des organismes de formation,
des centres d’aide par le travail,…) ce que nous appelons des « référents culturels ». Ces derniers
relaient nos propositions de sorties culturelles, transmettent les informations, favorisent la sensibilisation des publics.
Actions
Notre action s’articule autour de plusieurs axes :
• Coordination d ’ une offre culturelle diversifiée : places pour des spectacles et sorties culturelles au tarif unique de 3 euros,
• Actions pour faciliter l ’ accès aux livres et à lecture,
• Animation du réseau des partenaires culturels et d ’ insertion,
• Rapprochement de l ’ offre culturelle dans les structures
Concrètement, en 2005:
• Plus de 1800 places ont été utilisées par des personnes en difficulté et leur famille,
• L’association a proposé plus de 100 propositions culturelles différentes,
• Plus de 2700 livres neufs et d’occasion ont été distribués à des familles.
Pour tous renseignements, s’adresser à
Association Tôt ou t’Art, 23 rue Wodli 67000 Strasbourg. Tél/fax : 03 88 26 26 14
Site Web: http: //www.totoutart.org
E-mail : [email protected]
Contact : MarieMarie-Hélène Fritz et Julie Mougel
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Des pratiques d’accès à la culture
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Objectif de notre association :
« Sport Solidarité Insertion » est une association reconnue d’utilité sociale, à but non lucratif et
agréée chantier d’insertion depuis 2001. Nous y avons comme objectif de permettre à des personnes en
difficulté (bénéficiaires du RMI, chômeurs de longue durée, réfugiés politiques, travailleurs handicapés)
de retrouver le chemin de l’emploi dans le milieu professionnel dit « classique ».
En travaillant dans notre structure, ces salariés se re-familiarisent avec le monde de l’entreprise
en acquérant les gestes et comportements (précision des tâches effectuées, ponctualité, respect des
règles de l’entreprise, …) nécessaires afin de retrouver un travail. Notre atelier accueil régulièrement
une vingtaine de salariés en contrat aidé, suivie régulièrement dans leur projet professionnel pour qu’au
plus vite, ils accèdent à un emploi stable et durable.
Notre objet social est la promotion du sport à destination des personnes en situation d’exclusion.
Nous exerçons pour cela plusieurs activités toujours liées au sport.
Les activités dans notre chantier d’insertion :
Nous avons tout d’abord un atelier de fabrication de boomerang qui mobilise quotidiennement la
majeure partie de nos salariés. Nous réalisons plus de 10 modèles différents de boomerangs. En ayant
chacun une décoration particulière, tous nos boomerangs sont des modèles uniques et sont proposés à la
vente.
Nous réhabilitons également du matériel sportif récupéré auprès de particuliers ou de clubs de
sports (vélos, matériel de musculation, raquettes, tatamis,…). Après une remise en état, le matériel est
soit loué soit vendu.
Les activités destinées à toutes les personnes en insertion dans la région Alsace :
Pour faciliter l’accès à la pratique sportive en tant que spectateur à l’ensemble des salariés en
insertion de la région Alsace, nous proposons une billetterie avec des tarifs préférentiels pour les rencontres sportives de haut niveau (Racing Club de Strasbourg, Etoile Noire, SIG, Handball).
Enfin, pour permettre à ces mêmes salariés de se retrouver physiquement, psychologiquement et
pour développer les valeurs humaines de respect, d’esprit d’équipe, de dépassement de soi, que véhicule
la pratique du sport, nous proposons également des animations sportives. Ces dernières sont dispensées
par des animateurs diplômés et sont réalisées dans des chantiers d’insertion et des centres de redynamisation, en prenant soin d’adapter le niveau aux possibilités et aux souhaits des salariés. Elles
concernent différents types de sports, soit individuel comme le renforcement musculaire, l’aérobic, le
stretching, le fitness, le lancer de boomerang, la relaxation et d’autres encore, soit collectif avec la
pratique du football, du basket, de l’ultimate, etc…
Sport Solidarité Insertion
13C, rue de l’Atome
67800 BISCHHEIM
Tél. : 03 88 79 42 50 - Fax. : 03 88 40 29 44
Courriel : [email protected]
Siret 44162787400049 - Code APE 527H
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En plus des tarifs préférentiels proposés aux
groupes, La Filature, Scène nationale porte
également une attention particulière à l’accompagnement et au suivi des structures souhaitant développer des passerelles par le biais
d’activités venant compléter la programmation
en proposant des :
Visites du bâtiment
Tout au long de la saison, des visites commentées
sont organisées, gratuitement et sur rendezvous : visite de la salle de répétition de l’OSM, présentation des espaces publics (Galerie, Kiosque,
Médiathèque), visite des salles de spectacles,
questions / réponses selon les centres d’intérêt
des membres du groupe.
Visites commentées des expositions photographiques
Toute l’année, le service des relations publiques se
tient à votre disposition pour organiser gratuitement et sur rendez-vous des visites commentées
des différentes expositions photos présentées à la
Galerie de la Filature.
Contacter Isabelle Roos au 03 89 36 28 34 ou par
mail [email protected]
Présentations de saison (générales ou thématiques)
Elles peuvent avoir lieu, gratuitement et sur demande, à la Filature mais aussi au sein de votre
structure ou association.
Ateliers autour de l'image
L'Espace Image de La Filature propose chaque
saison un programme d'ateliers de sensibilisation
et de pratique artistique dans les domaines de la
photographie, du cinéma et du multimédia.
Un programme de ces ateliers est à votre disposition sur demande.
Contacter Emmanuelle Walter, chargée de projet
pour l'Espace Image au 03 89 36 27 94 ou par
mail [email protected]
Projets « à la carte »
Nous sommes à votre écoute pour imaginer ensemble votre venue à la Filature ou vous aider à
intégrer l’une ou l’autre de nos propositions aux
projets au sein de votre structure ou association.
Pour tout renseignement, vous pouvez contacter le service des relations avec le public
Laurence Rollet 03 89 36 28 14
[email protected]
La Filature 20, allée Nathan Katz 68090 Mulhouse
03 89 36 28 28
www.lafilature.org
En juin 2005, la Fnars Alsace et 10 associations adhérentes (sur 11) du Haut-Rhin ont signé une
convention avec la Filature, Scène Nationale de Mulhouse. Ce partenariat permet aux usagers
des structures signataires de bénéficier de places à 4 euros pour tous les spectacles proposés
par la Filature (théâtre, danse, musique, opéra, ballet, cirque).
Pour la première année de convention, 200 places de spectacles ont été vendues.
Cette convention est un premier pas vers le développement de l’accès à la culture dans le HautRhin ; l’objectif étant de mettre en place d’autres partenariats culturels.
Pour la saison 2005/2006, 207 places ont été vendues.
Pour la saison 2006/2007, 550 billets sont réservés.
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Ce travail est le fruit de l’investissement de
tous les membres de la commission culture et
de sa responsable, Marie Nachbauer.
Nous tenons ici à les remercier.
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Dessin réalisé à l’atelier d’arts plastiques de l’Accueil Printemps
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Région Alsace
Un réseau associatif au service
des plus démunis
37 associations,
68 établissements et services, dont 17 CHRS,
16 accueils d’urgence, 18 chantiers d’insertions,
etc.
400 salariés, des dizaines d’administrateurs
et de bénévoles,
20 000 personnes en difficulté
accueillies par an.